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26/04/2007 | CEDH | N°25389/05

CEDH | AFFAIRE GEBREMEDHIN [GABERAMADHIEN] c. FRANCE


ANCIENNE DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE GEBREMEDHIN [GABERAMADHIEN] c. FRANCE
(Requête no 25389/05)
ARRÊT
STRASBOURG
26 avril 2007
DÉFINITIF
26/07/2007
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Gebremedhin [Gaberamadhien] c. France,
La Cour européenne des Droits de l'Homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :
MM. A.B. Baka, président,    J.-P. Costa,    I. Cabral Barreto,   Mmes A

. Mularoni,    E. Fura-Sandström,    D. Jočienė,   M. D. Popović, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière...

ANCIENNE DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE GEBREMEDHIN [GABERAMADHIEN] c. FRANCE
(Requête no 25389/05)
ARRÊT
STRASBOURG
26 avril 2007
DÉFINITIF
26/07/2007
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Gebremedhin [Gaberamadhien] c. France,
La Cour européenne des Droits de l'Homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :
MM. A.B. Baka, président,    J.-P. Costa,    I. Cabral Barreto,   Mmes A. Mularoni,    E. Fura-Sandström,    D. Jočienė,   M. D. Popović, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section.
Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 16 janvier 2007 et 27 mars 2007,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette dernière date :
PROCÉDURE
1.  A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 25389/05) dirigée contre la République française et dont un ressortissant érythréen, M. Asebeha Gebremedhin [Gaberamadhien] (« le requérant »), a saisi la Cour le 14 juillet 2005 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »). Le requérant indique que, tel qu'orthographié dans certains documents internes – « Gaberamadhien » – son nom correspond à la transcription phonétique qu'en a fait la police de l'air et des frontières françaises ; il précise que les déclarations et documents érythréens établis dans l'alphabet latin retiennent eux l'orthographe « Gebremedhin » ; il ajoute qu'à l'instar de nombreux journalistes érythréens, il usait d'un « pseudonyme de travail », « Yayneabeba » (« fleur de l'œil »).
2.  Le requérant, qui a été admis au bénéfice de l'assistance judiciaire, est représenté par Me  Jean-Eric Malabre, avocat à Limoges. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») est représenté par son agente, Mme Edwige Belliard, directrice des affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères.
3.  Le président de la chambre à laquelle l'affaire avait initialement été attribuée, puis la chambre ont décidé d'appliquer l'article 39 du règlement, indiquant au Gouvernement qu'il était souhaitable dans l'intérêt des parties et du bon déroulement de la procédure devant la Cour de ne pas renvoyer le requérant vers l'Erythrée.
4.  Par une décision du 10 octobre 2006, la chambre a déclaré la requête partiellement recevable.
5.  Tant le requérant que le Gouvernement ont déposé des observations écrites complémentaires (article 59 § 1 du règlement). Des observations avaient également été reçues de l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers, que le Président avait autorisée à intervenir dans la procédure écrite (articles 36 § 2 de la Convention et 44 § 2 du règlement) ; les parties avaient répondu à ces commentaires (article 44 § 5 du règlement).
6.  Une audience s'est déroulée en public au Palais des Droits de l'Homme, à Strasbourg, le 16 janvier 2007 (article 59 § 3 du règlement).
Ont comparu :
– pour le Gouvernement
Mmes Edwige Belliard, directrice des affaires juridiques du  
ministère des affaires étrangères, agent,
Anne-Françoise Tissier, sous-directrice des droits de l'homme à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères,
Marianne Ziss, rédactrice à la sous-direction des droits de l'homme à la direction des affaires juridique du ministère des Affaires étrangères,
M.  Mouton, sous-chef de la division des affaires juridiques et internationales de l'OFPRA,
Mme Frédérique Doublet, chef du bureau du droit européen, international et constitutionnel à la sous-direction du conseil juridique et du contentieux à la direction des libertés publiques et des Affaires juridiques du ministère de l'intérieur, 
M.  Jean-Marie Ribes, direction centrale de la police de l'air et des frontières du ministère de l'Intérieur,
M.  Michaël Caussard, section du contentieux du
Conseil d'Etat,  conseils,
– pour le requérant
Me Jean-Eric Malabre, avocat, conseil,
Le requérant était également présent.
La Cour a entendu Me Malabre et Mme Belliard en leurs déclarations ainsi qu'en leurs réponses à des questions posées par des juges.
EN FAIT
I.  LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE
7.  Le requérant est né en 1979 ; il est actuellement hébergé à Paris par une organisation non gouvernementale.
8.  En 1998, comme de nombreuses autres personnes, le requérant et sa famille furent déplacés d'Ethiopie en Erythrée. Il y travailla comme reporter-photographe, principalement pour le journal indépendant Keste Debena, dont le rédacteur en chef était Milkias Mihretab. Le requérant indique que ce dernier est connu comme un défenseur de la presse libre en Erythrée et que le rapport d'Amnesty International de 2002 expose son cas, soulignant en particulier les arrestations et détentions arbitraires qu'il a subies dans ce pays à raison de ses activités journalistiques. Le requérant ajoute que, le 27 juin 2002, la section britannique d'Amnesty International a attribué à M. Milkias Mihretab son « prix spécial pour la pratique du journalisme des droits de la personne sous la menace ».
Le requérant et M. Milkias Mihretab furent arrêtés en 2000 en raison semble-t-il de leur activité journalistique, et incarcérés dans la prison de Zara durant huit et six mois respectivement.
Le requérant indique à cet égard qu'il est cité – sous le prénom « Yebio », diminutif de son pseudonyme « Yayneabeba » – sur un site Internet consacré à la réforme en Erythrée (www.awate.com), comme étant l'un des six journalistes arrêtés le 14 octobre 2000 en même temps que Milkias Mihretab.
9.  Contrairement à M. Milkias Mihretab qui a fui au Soudan en septembre 2001, le requérant resta en Erythrée, à Asmara, pour s'occuper de sa mère, veuve, ainsi que de ses quatre frères et sœurs. Quelques temps après le départ de M. Milkias Mihretab – à une date qu'il ne précise pas – la police l'interrogea sur ce dernier ; elle fouilla son domicile et y trouva des photos qu'elle jugea compromettantes. Il fut arrêté et subit des mauvais traitements dont il garderait des traces : des brûlures de cigarettes et des séquelles au dos dues à la position dans laquelle il fut maintenu durant une vingtaine de jours, ventre au sol et pieds et poings liés au-dessus du dos. Il fut ensuite emprisonné durant six mois puis, malade, transféré dans un hôpital dont il s'enfuit en payant des gardes, avec l'assistance de proches de sa grand-mère maternelle qui y travaillaient. Il se cacha alors chez cette dernière, à Areza, où un médecin lui prodigua des soins. Une fois remis sur pieds, il fuit au Soudan où vivait un oncle. Il décida de quitter ce pays au moment où un Erythréen y fut tué par balle, la communauté érythréenne au Soudan estimant que cet acte était le fait d'agents du gouvernement érythréen à la poursuite d'opposants.
10.  Le requérant expose qu'il se rendit en Afrique du Sud et qu'avec l'aide d'un « passeur », muni d'un passeport soudanais qui n'était pas à son nom (mais au nom de « Mohammed Eider » ou quelque chose d'approchant) que ce dernier aurait conservé, il arriva le 29 juin 2005 vers 5 h 30 à l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle à Roissy par un vol en provenance de Johannesburg. Il soutient qu'il y fut maintenu en zone internationale jusqu'au 1er juillet 2005, ce qui l'aurait empêché de déposer une demande d'admission au séjour. Huit heures après son arrivée, il se serait présenté au poste de police, indiquant qu'il était érythréen et sollicitait l'asile ; le policier lui aurait demandé « d'avouer sa provenance, soutenant qu'il n'était pas érythréen mais pakistanais [et lui aurait] donc une première fois refusé de sortir de la zone internationale ». Pendant deux jours (du 29 juin au 1er juillet), il se serait vainement rendu régulièrement au poste, à chaque changement de garde, soit environ huit fois, dans l'espoir de trouver un policier acceptant de prendre en compte cette demande. Il précise que « ce n'est que le 1er juillet qu'un nouveau fonctionnaire de police qu'il n'avait pas rencontré auparavant enregistrera enfin sa demande ».
Le Gouvernement dément cette version des faits. Il indique qu'il a vérifié la liste des passagers des vols en provenance d'Afrique du Sud ayant atterri à l'aéroport de Roissy les 29 et 30 juin et le 1er juillet 2005 et qu'il n'y a aucune trace d'un dénommé Gebremedhin, Gaberamadhien ou Eider. Il s'en remet au procès-verbal de la police de l'air et des frontières de l'aéroport du 1er juillet 2005 indiquant que l'intéressé fut interrogé à 11 heures ce jour-là.
11.  Le 1er juillet 2005, le requérant demanda à être autorisé à entrer en France au titre de l'asile ; il fut interrogé à 11 heures par un officier de police judiciaire assisté d'un interprète anglophone ; le procès-verbal se borne à indiquer que « l'intéressé(e) n'apporte aucune preuve à l'appui de ses déclarations ». Le maintien de l'intéressé en zone d'attente fut décidé par l'autorité administrative ces jour et heure-là, pour une durée de 48 heures ; il sera prolongé par la suite (paragraphe 18 ci-dessous).
12.  Le requérant expose qu'il fut entendu une première fois le 3 juillet 2005 par un agent de l'Office français des réfugiés et apatrides (« OFPRA »), lequel aurait rendu un avis favorable à son admission sur le territoire au titre de l'asile. Le Gouvernement soutient quant à lui qu'aucun avis n'a été pris le 3 juillet : le compte-rendu de cet entretien et la proposition d'avis préparés par cet agent n'auraient pas été jugés satisfaisants par le supérieur hiérarchique chargé de les valider, ce qui expliquerait que le requérant ait été entendu une seconde fois, par ledit supérieur (assisté d'un interprète), le 5 juillet 2005 ; c'est ce dernier qui aurait formulé l'avis de non-admission ainsi libellé :
« Déclarations recueillies en amharique avec l'aide d'interprète d'ISM
Motifs de la demande ? Mes parents sont d'origine érythréenne, nous avions la nationalité éthiopienne et vivions à Addis Abeba, en 1998, les autorités éthiopiennes ont dit qu'on n'était pas des Ethiopiens, nous avons été expulsés d'Ethiopie vers l'Erythrée, je devais passer mon baccalauréat cette année là, en Erythrée, je n'ai pas pu le faire, j'ai commencé à travailler dans un garage pendant 6 mois, après j'ai fait mon service national, pendant mon service j'ai fait la connaissance d'un type qui était journaliste, après mon service, j'ai travaillé avec cet ami journaliste en tant que caméraman et photographe, nous partions en reportage, mon ami a eu des démêlés avec les autorités et a voulu quitter le pays, dès mon retour, les autorités m'ont interrogé sur mon ami et m'ont emprisonné, pendant ma détention, les policiers ont fouillé ma maison et ont trouvé deux photos qu'ils considéraient comme compromettantes, à partir de là, ils m'ont torturé avec des cigarettes, je suis resté en prison pendant 6 mois jusqu'à ce que je tombe malade, j'ai attrapé la tuberculose, ils m'ont emmené à l'hôpital, par chance, à l'hôpital où des proches de ma grand-mère maternelle travaillaient, ils ont soudoyé les gardes, ont apporté des vêtements, et m'ont aidé à m'évader, je suis allé chez ma grand-mère à Areza, j'y suis resté 4 mois pour me faire soigner, après j'ai quitté le pays clandestinement pour aller au Soudan, à Khartoum, j'y ai travaillé tout de suite comme garagiste, mais il y avait des agents érythréens et un érythréen qui travaillait pas loin a été tué, j'ai eu peur et suis allé à Port Soudan où je travaillais comme porteur sur les quais, je suis resté en tout environ deux ans (8 mois à Khartoum, un an à Port Soudan et deux mois de nouveau à Khartoum) au Soudan, mon oncle a vendu sa voiture pour me payer le voyage, je suis allé en Afrique du sud avant de venir en France, c'est mon oncle qui avait trouvé le réseau de passeur, je ne sais pas comment ils se sont organisés.
Comment se nomme votre ami et dans quelles circonstances avez-vous fait sa connaissance ? Il s'appelle Milkias Mehretab, il est un ami de la famille, il connaissait mes parents à Addis Abeba, quand nous sommes revenus à Asmara, j'ai fait mon service pendant 18 mois et après j'étais réserviste et travaillais dans un garage militaire mais je ne portais plus d'uniforme, c'est à ce moment là que mon ami s'est débrouillé, en se portant garant, pour que j'aille travailler avec lui.
Pouvez-vous citer des exemples d'événements que vous avez couverts ? Nous avons couvert les grèves estudiantines à Asmara en 2002 (sans plus de détails).
Quel était le sujet des deux photos « compromettantes » trouvées à votre domicile ? Je ne sais pas, je ne me souviens plus.
Pour quel journal votre ami, Milkias Mehretab, travaillait-il ? Keste Debena (Arc en Ciel). Quelle était sa fonction ? Rédacteur en chef.
Connaissez-vous la nature des démêlés de votre ami avec les autorités ? Il y a deux raisons essentiellement, d'une part ce que mon ami était en faveur d'une constitution et d'autre part, il y a eu 13 ministres qui ont été emprisonnés et mon ami avait publié leurs biographies, ils ont été emprisonnés juste après la grève des étudiants en 2002.
A quelle date votre ami a-t-il quitté le pays ? C'était en avril 2002, quand tous les journalistes ont été arrêtés.
Y a-t-il d'autres journalistes d'arrêtés ? Tous les journalistes érythréens sont en prison. Connaissez-vous d'autres journalistes de Keste Debena ayant fait l'objet d'arrestations ? ... (Ne répond pas). D'autres photographes ? ... (Ne répond pas).
Pouvez-vous apporter des précisions concernant votre arrestation (date, circonstances, lieu de détention) ? J'ai été arrêté en octobre ou novembre 2002, ils m'ont emmené à la prison de Maytamanay où je suis resté 6 mois.
N'avez-vous pas été arrêté « dès votre retour » à Asmara ? Non, j'ai continué à travailler pendant 6 mois à droite et à gauche.
Quid de votre famille ? Mon père est décédé de maladie avant l'expulsion de la famille, ma mère et mes deux frères et deux sœurs vivent à Asmara, mes frères et sœurs font des études.
Quelles sont vos craintes en cas de retour ? Quand j'ai été arrêté, ils voulaient surtout savoir par quel réseau mon ami avait quitté le pays et je pense qu'ils sont toujours à la recherche de cette information.
S'agit-il de votre véritable identité ? Oui, je n'en ai pas d'autre, je n'en ai jamais eu.
Avez-vous quelque chose à ajouter ? Non.
Avis motivé
De nationalité érythréenne, M. Gaberamadhien Asebeha déclare avoir travaillé, en tant que photographe, avec un ami de la famille, journaliste de profession. En avril 2002, alors qu'ils étaient en reportage à la frontière soudanaise, ledit journaliste aurait profité de l'occasion pour quitter l'Erythrée. De retour à Asmara, l'intéressé aurait continué à travailler, 6 mois durant, avant d'être interpellé par les autorités de son pays. Il aurait été placé en détention pendant 6 mois et régulièrement interrogé sur les conditions de départ de son ami et collègue journaliste. Ayant contracté une pathologie grave, il aurait été transféré dans un établissement hospitalier d'où il aurait réussi à s'évader, avec l'aide de membres de sa famille employés dans ce même établissement, et aurait séjourné, 4 mois durant, chez sa grand-mère avant de quitter l'Erythrée pour le Soudan où il aurait vécu et travaillé pendant environ deux ans.
Considérant, toutefois, que les déclarations de l'intéressé comportent de nombreuses inexactitudes et de mentions erronées ne permettant pas de conclure à la réalité de ses affirmations ; qu'en effet, si l'épisode de l'arrestation de plusieurs journalistes à Asmara est un événement très connu et largement médiatisé, les déclarations de l'intéressé ne correspondent nullement au déroulement de cette affaire ; que les journalistes érythréens ont fait l'objet d'arrestation en septembre 2001 et non en avril 2002 ; que l'intéressé ignore tout des motifs ayant entraîné la fermeture des journaux et l'arrestation des journalistes ; que le rédacteur en chef du journal Keste Debena a également quitté l'Erythrée en septembre 2001 (qu'il semble dès lors impossible qu'il ait couvert des grèves estudiantines en 2002) ; que les circonstances de son départ, en compagnie d'un autre reporter de ce même journal, ne concordent pas non plus avec les dires de l'intéressé ; qu'il paraît pour le moins surprenant qu'exception faite du nom du rédacteur en chef du journal Keste Debena, l'intéressé ne soit en mesure de nommer aucun autre journal, frappé d'interdiction, ou aucun autre journaliste ou photographe, appréhendé par le gouvernement érythréen à l'époque ; de même qu'il est singulièrement étonnant que l'intéressé ne puisse citer, de façon extrêmement sommaire et imprécise, qu'un seul événement qu'il aurait couvert en tant que photographe ; que ces méconnaissances sont de nature de douter fortement de la réalité de ses activités professionnelles ; que ces événements ayant été largement médiatisés à l'époque, il semble étrange que l'identité de l'intéressé ne figure nulle part, ni parmi les collaborateurs du journal Keste Debena, ni parmi les personnes arrêtées ; que l'ensemble de ces éléments incite à penser que l'intéressé tente de s'approprier un vécu qui n'est pas le sien ;
L'Office français de Protection des Réfugiés et Apatrides estime que la demande d'accès au territoire français présentée au titre de l'asile par M. Gaberamadhien Asebeha peut être considéré comme manifestement infondée, et est conduit à formuler un
AVIS DE NON ADMISSION »
13.  Le 6 juillet 2005, le ministère de l'Intérieur jugea la demande d'accès au territoire français formulée au titre de l'asile par le requérant « manifestement infondée » et, en conséquence, la rejeta, et décida de réacheminer celui-ci « vers le territoire de l'Erythrée ou, le cas échant, vers tout pays où il sera légalement admissible » (le requérant précise que 93 % des demandes d'admission présentées à l'aéroport sont ainsi rejetées). Cette décision est rédigée comme il suit :
Vu la Convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment ses articles L.221-1, L.213-4 ;
Vu le décret no 82-442 du 27 mai 1982 modifié pris pour l'application de l'article 5 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée en ce qui concerne l'admission sur le territoire français, et notamment son article 12 ;
Vu la demande d'entrée en France au titre de l'asile présentée à l'aéroport de Roissy le 01/07/2005 par X... se disant M. GABERAMADHIEN ASEBAHA ou ASEBEHA, né le 15/03/1979, se disant de nationalité érythréenne ;
Vu le procès-verbal établi par les services de la police aux frontières le 01/07/2005 ;
L'Office français de protection des réfugiés et des apatrides consulté le 05/07/2005 ;
Considérant que X... se disant M. GABERAMADHIEN ASEBAHA ou ASEBEHA de nationalité érythréenne déclare que pendant son service national, il aurait fait la connaissance d'un journaliste, rédacteur en chef du journal Keste Debena (Arc en ciel), pour lequel il aurait travaillé après son service en tant que cameraman et photographe ; que ce dernier aurait eu des démêlés avec les autorités, parce qu'il était en faveur de la constitution et pour avoir publié les biographies de treize ministres emprisonnés après les grèves des étudiants en 2002 ; que son ami journaliste aurait quitté le pays en avril 2002 après qu'ils aient fait un reportage à la frontière soudanaise ; que lui-même serait revenu à Asmara où il aurait continué à travailler ; qu'au bout de six mois, en octobre ou novembre 2002, les autorités l'auraient interrogé sur les conditions de départ de son ami et collègue journaliste ; que les policiers auraient trouvé à son domicile deux photos compromettantes ; qu'il aurait subi des sévices ; qu'il aurait été emprisonné pendant six mois puis serait tombé malade et aurait été hospitalisé dans l'hôpital où exerçaient des proches de sa grand-mère ; qu'il se serait évadé en soudoyant les gardes ; qu'il serait parti à Areza, où il serait resté quatre mois avant de se rendre au Soudan où il aurait vécu et travaillé pendant deux ans ;
Considérant toutefois que les déclarations de l'intéressé comportent de nombreuses incohérences de nature à discréditer ses affirmations : en effet son récit ne concorde pas avec le déroulement de l'affaire qu'il évoque, à savoir l'épisode de l'arrestation de plusieurs journalistes à Asmara, événement très connu et largement médiatisé ; qu'ainsi les journalistes érythréens ont fait l'objet d'arrestation en septembre 2001 et non en avril 2002 ; qu'en outre il ignore tout des motifs ayant entraîné la fermeture des journaux et l'arrestation des journalistes ; que de plus, le rédacteur en chef du journal Keste Debena a quitté l'Erythrée en septembre 2001 et n'a pu donc couvrir des grèves estudiantines en 2002 comme il l'affirme ; que les circonstances du départ de celui-ci en compagnie d'un autre reporter de ce même journal ne concordent pas non plus avec ses dires ; que par ailleurs, ses activités professionnelles ne sauraient être établies : en effet, il est très surprenant qu'il ne puisse nommer aucun autre journal, frappé d'interdiction, ou aucun autre journaliste ou photographe, appréhendé par le gouvernement érythréen de l'époque ; de même il est très étonnant qu'il ne puisse citer que, de manière sommaire et imprécise, un seul événement qu'il aurait couvert en tant que photographe ; qu'enfin, son identité ne figure nulle part, ni parmi les collaborateurs du journal Keste Debena ni parmi les personnes arrêtées, alors que ces événements ont été largement médiatisées à l'époque ; que l'ensemble de ces éléments est de nature à jeter le discrédit sur la sincérité et le bien-fondé de sa demande ;
Qu'en conséquence la demande d'accès au territoire français formulée au titre de l'asile par X... se disant M. GABERAMADHIEN ASEBAHA ou ASEBEHA doit être regardée comme manifestement infondée ;
Considérant qu'il y a lieu en application de l'article L.213-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de prescrire son réacheminement vers le territoire de l'Erythrée ou, le cas échéant, vers tout pays où il sera légalement admissible (...) »
14.  Le 7 juillet 2005, le requérant saisit en référé le tribunal administratif de Cergy-Pontoise sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une demande tendant à ce qu'il soit fait injonction au ministre de l'Intérieur de l'admettre sur le territoire en vue de la présentation d'une demande d'asile. Il exposait que ce refus d'entrée portait une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile – lequel a le caractère d'une liberté fondamentale et a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié, ce qui implique un droit au séjour provisoire sur le territoire – ainsi qu'au droit à la vie et à celui de ne pas subir des traitements inhumains ou dégradants au sens de l'article 3 de la Convention ; il soutenait à cet égard, notamment, que le ministère avait non seulement méconnu la portée de sa compétence en examinant sur le fond sa demande d'asile, mais aussi commis une erreur d'appréciation en jugeant cette demande manifestement infondée, soulignant en particulier qu'en tant que cameraman et photographe et travaillant pour un journaliste, il avait subi des persécutions dans son pays d'origine où il avait été emprisonné à deux reprises et soumis à de mauvais traitements, et s'était réfugié au Soudan mais avait fui ce pays où sa vie était menacée.
Le requérant produisit devant le juge des référés l'attestation suivante, établie le même jour par l'organisation non gouvernementale Reporters sans frontières :
« (...) Reporters sans frontières, organisation internationale de défense de liberté de la presse, souhaite attirer votre attention sur le cas de Gaberamadhien Asebaha, journaliste de nationalité érythréenne.
Grâce au travail de nos correspondants permanents, nous sommes en mesure de confirmer les activités de journaliste photographe de M. Gaberamadhien. Nous avons contacté le journaliste érythréen, aujourd'hui exilé aux Etats-Unis, Mihretab Yohannes Milkias, qui nous a confirmé sa collaboration avec M. Gaberamadhien. M. Mihretab nous a confirmé qu'ils avaient été détenus au même moment dans la prison de Zara, l'une des plus dures du pays dans des conditions très pénibles.
Consciente des délais requis pour instruire ce dossier et effectuer les vérifications nécessaires, je tiens néanmoins à souligner que Reporters sans frontières soutient la demande d'asile politique de M. Gaberamadhien. Nous aimerions pouvoir le rencontrer afin de mieux étudier son dossier et apporter toutes les preuves nécessaires pour cette demande. Nous vous serions extrêmement reconnaissants de bien vouloir l'admettre sur notre territoire (...) »
Il produisit en outre deux messages électroniques de M. Mihretab Milkias rédigés en anglais, également datés du 7 juillet 2005, et adressés à Reporters sans frontières (M. Mihretab Milkias adressa un troisième message électronique au conseil du requérant, similaire au précédents, le 11 juillet 2005), dans lesquels ce dernier confirme qu'il connaît Asebeha Gebremedhin depuis longtemps et (au vu d'une photographie) déclare le reconnaître en la personne du requérant, qu'il s'agit d'un journaliste et d'un activiste dissident (dissident activist), qu'il a travaillé comme photographe freelance pour le journal Keste Deban, et qu'ils ont été incarcérés ensemble plusieurs mois dans la prison de Zara. M. Mihretab Milkias expose en outre que le requérant a beaucoup souffert et enduré de nombreuses épreuves en raison de son activisme en faveur de changements démocratiques et de sa collaboration avec la presse indépendante et que, vu la situation actuelle en Erythrée et le fait que le requérant, ancien détenu à la prison de Zara, est connu des autorités, il y serait sans aucun doute arrêté, que sa vie serait en danger, et qu'il risquerait pour le moins d'être torturé et de « disparaître » comme de très nombreux journalistes, dissidents et autres activistes.
15.  Le 8 juillet 2005, sans audience ni débats, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise rejeta la demande du requérant par une ordonnance ainsi libellée :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures » ; qu'aux termes de l'article L. 522-1 du même code : « Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et l'heure de l'audience publique (...) » ; qu'enfin, aux termes de l'article L.522-3 dudit code : « Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-I » ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'étranger qui arrive en France par la voie (...) aérienne et qui, soit n'est pas autorisé à entrer sur le territoire français, soit demande son admission au titre de l'asile, peut être maintenu dans une zone d'attente située dans (...) un aéroport pendant le temps strictement nécessaire à son départ et, s'il est demandeur d'asile, à un examen tendant à déterminer si sa demande n'est pas manifestement infondée (...) » ; qu'aux termes de l'article 12 du décret du 27 mai 1982 modifié : « Lorsque l'étranger qui se présente à la frontière demande à bénéficier du droit d'asile, la décision de refus d'entrée en France ne peut être prise que par le ministre de l'intérieur, après consultation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. GABERAMADHIEN ASEBEHA, de nationalité érythréenne, est arrivé en France par la voie aérienne et a présenté une demande d'entrée en France le 1er juillet 2005 au titre de l'asile ; qu'en application des dispositions précitées de l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'intéressé a été maintenu en zone d'attente en vue de l'examen de sa demande d'asile ; qu'après consultation, le 5 juillet 2005, de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire a, par la décision contestée en date du 6 juillet 2005, refusé à M. GABERAMADHIEN ASEBEHA l'autorisation d'entrée en France en estimant que sa demande d'asile était manifestement infondée ;
Considérant, il est vrai, que le droit d'asile et son corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié et, par suite, de demeurer en France le temps nécessaire à l'examen de la demande d'asile constituent pour les étrangers une liberté fondamentale pour la sauvegarde de laquelle le juge des référés peut, en cas d'urgence, ordonner, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, toutes mesures nécessaires lorsque, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, l'administration y a porté une atteinte grave et manifestement illégale : que, toutefois, une telle atteinte ne saurait résulter de la seule circonstance qu'en application de l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le ministre de l'intérieur a lui-même statué, en l'espèce par la décision du 6 juillet 2005, sur la demande d'asile, l'office français de protection des réfugiés et apatrides ne pouvant être saisi, en vertu des articles L. 711-1 du même code, que d'une demande d'admission au statut de réfugié émanant d'étrangers admis à pénétrer sur le territoire ; qu'en outre, il ne ressort d'aucune des pièces versées au dossier que le refus d'entrée sur le territoire – en raison du caractère manifestement infondé de sa demande d'asile – qui a été opposé à M. GABERAMADHIEN ASEBEHA soit entaché d'illégalité manifeste ; qu'en particulier, le requérant n'apporte à l'appui de sa requête aucune précision suffisante ou circonstanciée concernant son identité, la profession de cameraman et de photographe qu'il aurait exercée dans son pays d'origine, les faits de persécution qu'il allègue et leurs motifs ainsi que les risques qu'il courrait effectivement dans le cas d'un retour dans son pays d'origine ou au Soudan où il a séjourné en dernier lieu, ni aucun commencement de preuve ou élément de nature à démontrer la réalité de ces risques ou à infirmer l'appréciation portée par le ministre de l'intérieur sur sa demande d'asile ; que les seuls documents produits par l'intéressé, notamment le témoignage – très peu circonstancié – d'un journaliste réfugié aux Etats-Unis d'Amérique et une lettre émanent de « Reporters sans frontières », ne suffisent à établir qu'il courrait personnellement des risques en cas de retour dans son pays ou au Soudan ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la décision du 6 juillet 2005 du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire refusant d'admettre M. GABERAMADHIEN ASEBEHA sur le territoire au titre de l'asile ne saurait être regardée comme ayant porté à son droit de solliciter le statut de réfugié une atteinte grave et manifestement illégale justifiant le prononcé de mesures sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : que, dès lors et en application des dispositions précitées de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, la requête de l'intéressé, qui est manifestement mal fondée, ne peut qu'être rejetée (...) »
16.  Le 7 juillet 2005, le requérant avait été conduit à l'ambassade d'Erythrée par la police. Les autorités auraient remis son récit de demandeur d'asile – lequel précisait les circonstances de sa fuite et le nom des personnes l'ayant aidé – à l'ambassadrice d'Erythrée, laquelle l'aurait violemment pris à parti en érythréen et aurait refusé de le reconnaître comme un national de ce pays et de délivrer un laissez-passer.
Le Gouvernement dément que le récit du requérant ait été remis à l'ambassadrice et que cette dernière aurait exprimé ce jour-là une position définitive quant à la délivrance d'un laissez-passer (elle n'aurait informé les autorités françaises de sa position à cet égard que le 15 juillet 2005).
17.  Par une décision du 20 juillet 2005, « vu [notamment] la demande de suspension du réacheminement jusqu'au 30 août 2005 accordée par la Cour européenne des Droits de l'Homme, en application de l'article 39 de son règlement intérieur », le ministère de l'Intérieur autorisa le requérant à pénétrer sur le territoire français. Simultanément, un sauf-conduit valable huit jours – visant également la mesure provisoire indiquée au gouvernement défendeur en vertu de l'article 39 du règlement de la Cour – lui fut délivré en vue de se présenter auprès d'une préfecture pour y formuler une demande d'autorisation provisoire de séjour en tant que demandeur d'asile. Assisté par l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers (l'« ANAFE », une organisation non gouvernementale regroupant vingt associations et syndicats) et Reporters sans frontières, il obtint de la préfecture de Paris, le 26 juillet 2005, une autorisation de séjour provisoire valable un mois, en vue de déposer une demande d'asile devant l'OFPRA (ce qu'il fit).
18.  Comme indiqué précédemment, le maintien de l'intéressé en zone d'attente avait été décidé par l'autorité administrative le 1er juillet 2005 à 11 heures, pour une durée de quarante-huit heures (paragraphe 11 ci-dessus), renouvelée le 3 juillet pour quarante-huit heures supplémentaires.
Le 5 juillet 2005, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Bobigny – devant lequel avait comparu le requérant, assisté d'un conseil et d'un interprète – avait autorisé la prolongation du maintien en rétention pour une période de huit jours, par une ordonnance ainsi motivée :
« Attendu que la demande d'asile politique de l'intéressé est en cours d'instruction ; qu'il y a lieu de le maintenir en zone d'attente. »
Le 13 juillet 2005, le même juge – devant lequel le requérant avait comparu une nouvelle fois, pareillement assisté – avait autorisé le maintien en zone d'attente pour une durée de huit jours par une ordonnance motivée comme suit :
« Attendu que la demande d'asile a été rejetée le 6 juillet 2005 ; que l'intéressé est démuni de passeport ; qu'il a été présenté à l'ambassade d'Erythrée le 7 juillet 2005 ; que l'administration est dans l'attente de la délivrance d'un laissez-passer ; que le maintien en zone d'attente est nécessaire. »
19.  Saisi par le requérant – le 18 juillet 2005 – d'une demande d'annulation de l'ordonnance du 8 juillet 2005, le Conseil d'Etat, par une décision du 11 août 2005, conclut au non lieu à statuer en ces termes :
Considérant (...) que M. Gaberamadhien Asebeha avait (...) saisi la Cour européenne des Droits de l'Homme ; que cette Cour, par une décision du 15 juillet 2005, a indiqué au gouvernement français, en application de l'article 39 de son règlement intérieur, « qu'il est souhaitable, dans l'intérêt des parties et du bon déroulement de la procédure devant la Cour, de ne pas renvoyer le requérant vers l'Erythrée jusqu'au 30 août 2005, minuit » ; que, faisant suite à cette demande, le ministre, par une décision du 20 juillet 2005, postérieure à l'introduction du pourvoi, a autorisé l'intéressé à pénétrer sur le territoire français, lui permettant par là même de présenter une demande d'asile, ce qu'il a d'ailleurs pu faire après avoir reçu le 26 juillet 2005 une autorisation provisoire de séjour ; que la mesure ainsi prise a le même effet que celle qui faisait l'objet de la demande d'injonction présentée au juge des référés et qui ne pouvait avoir qu'un caractère provisoire ; que, dans ces conditions, les conclusions de la requête de M. Gaberamadhien Asebeha dirigées contre l'ordonnance par laquelle cette demande a été rejetée sont devenues sans objet ;
20.  Par une décision du 7 novembre 2005, notifiée le 9 novembre 2005, l'OFPRA reconnut au requérant la qualité de réfugié ; l'article 33 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés fait désormais obstacle à toute mesure d'expulsion vers son pays d'origine. Le Gouvernement produit une note de l'adjoint au chef de la division des affaires juridiques et internationales de l'OFPRA certifiant ceci ; il précise que « par là même, l'Office estimait, compte tenu, entre autres, des conditions inhumaines de l'incarcération déjà subie dans le pays d'origine, qu'un retour en Erythrée l'exposerait à des persécutions au sens de ladite Convention ».
21.  Le requérant indique que, durant son séjour dans la zone d'attente de l'aéroport de Roissy, les autorités ont omis de le soumettre à un examen médical susceptible d'établir si ses cicatrices et séquelles sont des conséquences de mauvais traitements. Il a cependant eu la possibilité de rencontrer à plusieurs reprises (les 6, 7, 11 et 12 juillet 2005) une salariée de l'ANAFE dans les locaux dont dispose cette organisation non gouvernementale dans la zone d'attente de l'aéroport. L'ANAFE a établi, le 15 juillet 2005, une attestation (produite par le requérant) certifiant qu'à l'occasion de ses entretiens avec lui, la salariée susmentionnée a observé qu'il avait des traces de brûlures sur au moins un bras ; l'attestation ajoute que la salariée de l'ANAFE a constaté « un creux dans le bas [du] dos [du requérant, lequel] lui a expliqué que cela était dû à la torture subie au camp de Zara et a mimé la position dans laquelle il avait été contraint de rester au cours de sa détention : ventre au sol et pieds et poings liés au-dessus du dos » ; le requérant produit également une attestation établie le même jour par ladite salariée elle-même. Par ailleurs, guidé semble-t-il par l'ANAFE, le requérant a été examiné le 17 juillet 2005 par le Dr Lam (unité médicale de Roissy du centre hospitalier Robert Ballanger), lequel a délivré un certificat médical précisant que l'état de santé de l'intéressé ne nécessitait pas de soins particuliers mais notant « des cicatrices séquellaires sur le bras gauche, sur les genoux droit et gauche ».
II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE PERTINENTS
A.  Droit d'asile
22.  Le quatrième alinéa du préambule de la Constitution est ainsi rédigé :
« Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République. »
Le Conseil d'Etat a jugé que le droit constitutionnel d'asile a le caractère d'une liberté fondamentale et a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié, lequel implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande ; il a en outre précisé que c'est seulement dans le cas où celle-ci est « manifestement infondée » (paragraphe 23 ci-dessous) que le ministre de l'Intérieur peut, après avis de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ("OFPRA"), lui refuser l'accès au territoire (voir, par exemple, Ministère de l'intérieur c. Mbizi Mpassi Gallis, ordonnance du 24 octobre 2005).
23.  Aux termes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
Article L. 711-1
« La qualité de réfugié est reconnue à toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté ainsi qu'à toute personne sur laquelle le haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés exerce son mandat aux termes des articles 6 et 7 de son statut tel qu'adopté par l'Assemblée générale des Nations unies le 14 décembre 1950 ou qui répond aux définitions de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés. Ces personnes sont régies par les dispositions applicables aux réfugiés en vertu de la convention de Genève susmentionnée. »
Article L. 712-1
« Sous réserve des dispositions de l'article L. 712-2, le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié mentionnées à l'article L. 711-1 et qui établit qu'elle est exposée dans son pays à l'une des menaces graves suivantes :
a) La peine de mort ;
b) La torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;
c) S'agissant d'un civil, une menace grave, directe et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence généralisée résultant d'une situation de conflit armé interne ou international. »
Article L. 713-2
« Les persécutions prises en compte dans l'octroi de la qualité de réfugié et les menaces graves pouvant donner lieu au bénéfice de la protection subsidiaire peuvent être le fait des autorités de l'Etat, de partis ou d'organisations qui contrôlent l'Etat ou une partie substantielle du territoire de l'Etat, ou d'acteurs non étatiques dans les cas où les autorités définies à l'alinéa suivant refusent ou ne sont pas en mesure d'offrir une protection.
Les autorités susceptibles d'offrir une protection peuvent être les autorités de l'Etat et des organisations internationales et régionales. »
Article L. 713-3
« Peut être rejetée la demande d'asile d'une personne qui aurait accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d'origine si cette personne n'a aucune raison de craindre d'y être persécutée ou d'y être exposée à une atteinte grave et s'il est raisonnable d'estimer qu'elle peut rester dans cette partie du pays. Il est tenu compte des conditions générales prévalant dans cette partie du territoire, de la situation personnelle du demandeur ainsi que de l'auteur de la persécution au moment où il est statué sur la demande d'asile. »
24.  Aux termes de l'article 1 A 2) de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 (ratifiée par la France le 23 juin 1954) et de l'article 1er du Protocole de New York du 31 janvier 1967 (auquel la France a adhéré le 3 février 1971) relatifs au statut des réfugiés, est « réfugié » toute personne qui, « craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut, ou en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ». L'article 33 de cette même convention est ainsi libellé :
Article 33 - Défense d'expulsion et de refoulement
« 1. Aucun des Etats contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. (...) »
B.  La procédure de l'asile à la frontière et le maintien en zone d'attente
1.  La procédure de l'asile à la frontière
25.  La procédure de l'asile à la frontière a pour objet d'autoriser ou non à pénétrer sur le territoire français les étrangers qui se présentent aux frontières aéroportuaires démunis des documents requis et demandent d'y être admis au titre de l'asile. Elle relève de la compétence du ministère de l'Intérieur, qui prend la décision d'admettre ou non les intéressés après avis de l'OFPRA (décret du 21 juillet 2004 modifiant l'article 12 du décret du 27 mai 1982).
26.  L'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise que « l'étranger qui arrive en France par la voie ferroviaire, maritime ou aérienne et qui, soit n'est pas autorisé à entrer sur le territoire français, soit demande son admission au titre de l'asile, peut être maintenu dans une zone d'attente (...) pendant le temps strictement nécessaire à son départ et, s'il est demandeur d'asile, à un examen tendant à déterminer si sa demande n'est pas manifestement infondée ».
Le Gouvernement indique que les critères appliqués pour juger du caractère « manifestement infondé » ou non des demandes d'asile présentées à la frontière s'inspirent de ceux dégagés par les résolutions adoptées à Londres les 30 novembre et 1er décembre 1992 par les ministres chargés de l'immigration des Etats membres de la Communauté européenne, et sont tirés de l'expérience et des pratiques de l'OFPRA. Il s'agirait des critères suivants : « les motifs invoqués se situent en dehors de la problématique de l'asile (motifs économiques, raisons de pure convenance personnelle ...) ; la demande repose sur une fraude délibérée (l'intéressé se prévaut d'une nationalité qui n'est manifestement pas la sienne, fait de fausses déclarations ...) ; les déclarations sont dénuées de toute substance, non personnalisées, non circonstanciées ; l'intéressé se réfère à une situation générale troublée ou d'insécurité, sans rapporter d'éléments personnalisés ; les déclarations sont entachées d'incohérences rédhibitoires, d'invraisemblances ou de contradictions majeures qui ôtent toute crédibilité au récit ». Dans un arrêt d'Assemblée du 18 décembre 1996 (Rogers), le Conseil d'Etat a précisé que ces résolutions sont dépourvues de valeur normative et qu'elles ne peuvent donc être invoquées pour déterminer le caractère « manifestement infondé » d'une demande d'asile.
27.  L'étranger qui sollicite l'asile à la frontière peut le faire dès son arrivée ou à tout moment durant son maintien en zone d'attente, auprès de la police aux frontières, laquelle dresse un procès-verbal de demande d'admission au titre de l'asile et transmet le dossier au Ministère de l'Intérieur. Chaque demandeur est entendu par un agent du Bureau de l'asile à la frontière de l'OFPRA (l'objet de l'entretien étant de connaître les motifs de la demande), lequel transmet au ministère de l'Intérieur un avis écrit sur le caractère manifestement infondé ou non de sa démarche. Le ministère prend ensuite la décision d'admettre ou non l'intéressé sur le territoire national.
En cas d'admission, la police aux frontières délivre un sauf conduit, qui donne huit jours à son bénéficiaire pour formuler une demande d'asile dans le cadre des procédures d'asile de droit commun.
Une décision de non admission se traduit par le refoulement immédiat de l'intéressé vers son pays d'origine ou le pays d'où il provient.
28.  Comme toutes décisions administratives, les décisions de non admission sont susceptibles d'un recours en annulation devant la juridiction administrative, lequel n'est pas suspensif.
Elles peuvent également faire l'objet du « référé suspension » ou du « référé injonction » (ou « référé liberté ») – non suspensifs – prévus par les articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative :
Article L. 521-1
« Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision.
Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu'il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision. »
Article L. 521-2
« Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. »
L'article L. 522-1 du même code précise que le juge des référés statue en principe au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale et que, lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique. L'article L. 522-3 prévoit cependant une procédure de « tri » qui autorise le juge des référés à rejeter, par simple ordonnance motivée, sans convoquer les parties ni tenir d'audience contradictoire, une requête qui ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il « apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée ».
L'appel est possible devant le conseil d'Etat dans les quinze jours suivant la notification ; il se prononce dans un délai de quarante-huit heures.
Le Conseil d'Etat a précisé que la notion de « liberté fondamentale » au sens de l'article L. 521-2 du code de la justice administrative « englobe, s'agissant des ressortissants étrangers qui sont soumis à des mesures spécifiques réglementant leur entrée et leur séjour en France, et qui ne bénéficient donc pas, à la différence des nationaux, de la liberté d'entrée sur le territoire, le droit constitutionnel d'asile qui a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié, dont l'obtention est déterminante pour l'exercice par les personnes concernées des libertés reconnues de façon générale aux ressortissants étrangers » (ordonnance du juge des référés du 12 janvier 2001, Hyacinthe ; voir aussi l'ordonnance du 24 octobre 2005, Mbizi Mpassi Gallis).
En application des principes du droit administratif français, l'exercice d'un référé comme de tout recours juridictionnel ne suspend pas l'exécution d'une décision administrative. Le Gouvernement expose cependant que, « de manière très générale, lorsque l'autorité administrative a connaissance qu'un référé a été demandé au juge administratif, elle suspend l'exécution de la mesure de refus d'asile jusqu'à ce que le juge se soit prononcé ».
2.  Le maintien en zone d'attente
29.  La décision initiale de maintien en zone d'attente est prise par l'autorité administrative sous forme écrite et motivée, pour une durée qui ne peut excéder quarante-huit heures. Le placement peut être renouvelé une fois dans les mêmes conditions et pour une même durée (article L. 221-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile). Le juge des libertés et de la détention intervient une première fois au bout de quatre jours, pour décider d'une prolongation d'un maximum de huit jours supplémentaires et une deuxième fois au terme de cette période, en vue d'une prolongation exceptionnelle d'encore huit jours maximum (articles L. 222-1 et L. 222-2).
La durée maximale du maintien en zone d'attente est donc en principe de vingt jours ; cependant, exceptionnellement, si une demande d'asile est formulée entre le seizième et le vingtième jour du maintien, celui-ci peut être prolongé de quatre jours par le juge des libertés et de la détention, à compter de la demande (article L. 222-2).
Le juge des libertés et de la détention statue par ordonnances, après audition de l'intéressé, en présence de son conseil s'il en a un, ou celui-ci dûment averti ; il peut accorder la prolongation ou la refuser en remettant l'étranger en liberté ou en le plaçant sous le régime de l'assignation à résidence. Il statue librement sur la demande de prolongation formulée par l'administration et peut écarter les motifs avancés par elle pour justifier cette demande et la rejeter en conséquence (la Cour de cassation a précisé que le maintien en zone d'attente « n'est qu'une faculté pour le juge » ; Cass. Civ. 2ème, 8 juillet 2004). En principe, il statue publiquement (article L. 222-4). Ses ordonnances sont susceptibles d'appel devant le premier président de la cour d'appel ou son délégué, lequel doit statuer dans les quarante-huit heures de sa saisine (article L. 222-6).
30.  L'étranger maintenu en zone d'attente est informé, dans les meilleurs délais, qu'il peut demander l'assistance d'un interprète et d'un médecin, communiquer avec un conseil ou toute personne de son choix et quitter à tout moment la zone d'attente pour toute destination située hors de France. Ces informations lui sont communiquées dans une langue qu'il comprend (article L. 221-3).
L'étranger peut demander au juge qu'il lui soit désigné un conseil d'office (article L. 222-4), dont l'Etat prend en charge les honoraires en sus des indemnités des interprètes désignés pour assister l'étranger au cours de la procédure juridictionnelle de maintien en zone d'attente (article L. 222-7).
Le procureur de la République ainsi que, à l'issue des quatre premiers jours, le juge des libertés et de la détention peuvent se rendre sur place pour vérifier les conditions du maintien en zone d'attente ; le procureur de la République visite les zones d'attente chaque fois qu'il l'estime nécessaire et au moins une fois par an. La délégation française du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiées (HCR) et des associations humanitaires ont accès à la zone d'attente, dans les conditions fixées par le décret no 95-507 du 2 mai 1995 modifié ; elles peuvent en particulier s'entretenir confidentiellement avec les demandeurs d'asiles qui y sont retenus (articles L. 221-1 et suivants du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile). Le Gouvernement précise qu'en application d'une convention signée entre l'Etat et l'ANAFE, cette dernière peut y être présente 24 heures sur 24 et y assurer l'assistance juridique des étrangers, et que la Croix Rouge y assure une assistance humanitaire (également en application d'une convention).
C.  Dépôt et instruction de la demande, et voies de recours
31.  L'OFPRA, un établissement public doté de la personnalité civile et de l'autonomie financière et administrative, placé auprès du ministre des Affaires étrangères (article L. 721-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile), est l'autorité compétente pour reconnaître la qualité de réfugié et accorder la protection subsidiaire (articles L. 713-1 et L. 721-2).
Le demandeur doit se rendre dans une préfecture pour y obtenir une autorisation provisoire de séjour (« APS ») – valable un mois – et remplir le formulaire de demande d'asile. A la réception du dossier, l'OFPRA adresse au demandeur une « lettre d'enregistrement » qui lui permet notamment de bénéficier d'un récépissé constatant le dépôt d'une demande d'asile, valable 3 mois et renouvelable jusqu'à la décision de l'OFPRA et, le cas échéant, de la commission des recours des réfugiés.
L'OFPRA se prononce au terme d'une instruction unique au cours de laquelle le demandeur d'asile est mis en mesure de présenter les éléments à l'appui de sa demande et, en principe, après avoir entendu celui-ci (articles L. 723-2 et L. 723-3).
32.  Les décisions de rejet prises par l'OFPRA en application —notamment des articles L. 711-1 et L. 712-1 sont susceptibles de recours dans un délai d'un mois devant la commission des recours des réfugiés (article L. 731-2), une juridiction administrative placée sous l'autorité d'un président, membre du Conseil d'Etat, désigné par le vice-président du Conseil d'Etat (article L. 731-2) ; les intéressés peuvent présenter leurs explications à la commission des recours et s'y faire assister d'un conseil et d'un interprète (article L. 733-1).
En principe, ce recours est suspensif et l'autorisation provisoire de séjour est renouvelée jusqu'à l'intervention de la décision de la commission (article 9 de la loi du 25 juillet 1952). A cet égard, l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise ce qui suit :
« L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'OFPRA ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la commission des recours. Il dispose d'un délai d'un mois à compter de la notification du refus de renouvellement ou du retrait de son autorisation de séjour pour quitter volontairement le territoire français. »
Par ailleurs, le Conseil d'Etat a posé le principe du droit pour l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié de demeurer provisoirement sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, sous réserve des demandes abusives ou dilatoires (CE, ass. 13 décembre 1991, M.N.).
33.  Les décisions de la commission des recours des réfugiés sont susceptibles – dans un délai de deux mois – de faire l'objet d'un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat. Ce pourvoi n'a cependant pas de caractère suspensif (CE, 6 mars 1991, M.D.).
34.  L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre, doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière (article L. 742-7 du code). L'étranger qui fait alors l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification, lorsque l'arrêté est notifié par voie administrative, ou dans les sept jours, lorsqu'il est notifié par voie postale, demander l'annulation de cet arrêté au président du tribunal administratif ; le président ou son délégué statue dans un délai de soixante-douze heures à compter de sa saisine (article L. 512-2 du code). L'arrêté ne peut être exécuté avant l'expiration de ces mêmes délais ou, si le président du tribunal administratif ou son délégué est saisi, avant qu'il ait statué (article L. 512-3). Le jugement du président du tribunal administratif ou de son délégué est susceptible d'appel dans un délai d'un mois devant le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat ou un conseiller d'Etat délégué par lui ; cet appel n'est pas suspensif (article L. 512-5 du code).
35.  Aux termes de l'article L. 742-6 du code, en cas de reconnaissance de la qualité de réfugié ou d'octroi de la protection subsidiaire, l'autorité administrative abroge l'arrêté de reconduite à la frontière qui a, le cas échéant, été pris. Elle délivre sans délai au réfugié la carte de résident prévue au 8º de l'article L. 314-11 (valable 10 ans et renouvelable de plein droit) et au bénéficiaire de la protection subsidiaire, la carte de séjour temporaire prévue à l'article L. 313-13 (valable un an, renouvelable).
III.  APERCU DES TRAVAUX EFFECTUẾS DANS LE CADRE DU CONSEIL DE L'EUROPE
A.  Le Comité des Ministres
36.  Le 18 septembre 1998, le Comité des Ministres a adopté une Recommandation (no R (98) 13) « sur le droit de recours effectif des demandeurs d'asile déboutés à l'encontre des décisions d'expulsion dans le contexte de l'article 3 de la Convention européenne des Droits de l'Homme », invitant les Etats membres à veiller à respecter les garanties ci-dessous dans leur législation ou leur pratique :
«1.  Tout demandeur d'asile s'étant vu refuser le statut de réfugié et faisant l'objet d'une expulsion vers un pays concernant lequel il fait valoir un grief défendable prétendant qu'il serait soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants doit pouvoir exercer un recours effectif devant une instance nationale.
2. Dans le cadre de l'application du paragraphe 1 de la présente recommandation, tout recours devant une instance nationale est considéré effectif lorsque :
2.1. l'instance est juridictionnelle ; ou, si elle est quasi juridictionnelle ou administrative, lorsqu'elle est clairement identifiée et composée de membres impartiaux jouissant de garanties d'indépendance ;
2.2. l'instance est compétente tant pour décider de l'existence des conditions prévues par l'article 3 de la Convention que pour accorder un redressement approprié ;
2.3. le recours est accessible au demandeur d'asile débouté ; et
2.4. l'exécution de l'ordre d'expulsion est suspendue jusqu'à ce qu'une décision soit rendue en vertu du paragraphe 2.2. »
Le 4 mai 2005, le Comité des Ministres a adopté « vingt principes directeurs sur le retour forcé ». Le principe no 5 est ainsi libellé :
« Principe 5. Recours contre une décision d'éloignement
1. Dans la décision d'éloignement ou lors du processus aboutissant à la décision d'éloignement, la possibilité d'un recours effectif devant une autorité ou un organe compétent composé de membres impartiaux et jouissant de garanties d'indépendance doit être offerte à la personne concernée. L'autorité ou l'organe compétent doit avoir le pouvoir de réexaminer la décision d'éloignement, y compris la possibilité d'en suspendre temporairement l'exécution.
2. Le recours doit offrir les garanties de procédure requises et présenter les caractéristiques suivantes :
– le délai d'exercice du recours ne doit pas être déraisonnablement court ;
– le recours doit être accessible, ce qui implique notamment que, si la personne concernée par la décision d'éloignement n'a pas suffisamment de ressources pour disposer de l'aide juridique nécessaire, elle devrait obtenir gratuitement cette aide, conformément à la législation nationale pertinente en matière d'assistance judiciaire ;
– si la personne fait valoir que son retour entraînera une violation des droits de l'homme visés au principe directeur 2.1, le recours doit prévoir l'examen rigoureux de ces allégations.
3. L'exercice du recours devrait avoir un effet suspensif si la personne à éloigner fait valoir un grief défendable prétendant qu'elle serait soumise à des traitements contraires aux droits de l'homme visés au principe directeur 2.1 [risque réel d'être exécutée ou soumise à la torture ou à des traitements ou peines inhumains ou dégradants ; risque réel d'être tué ou soumise à des traitements inhumains ou dégradants par des agents non étatiques, si les autorités de l'Etat ou une portion substantielle de son territoire, y compris les organisations internationales, n'ont pas la possibilité ou la volonté de fournir une protection adéquate et efficace ; autres situations qui, conformément au droit international ou à la législation nationale, justifieraient qu'une protection internationale soit accordée]. »
B.  L'Assemblée parlementaire
37.  Déjà dans une Recommandation (1236 (1994)) « relative au droit d'asile », adoptée le 12 avril 1994, l'Assemblée parlementaire recommandait au Comité des Ministres d'insister pour que les procédures d'examen des demandes d'asile prévoient que « pendant le recours, le demandeur ne pourra pas être expulsé ». Dans une autre Recommandation (1327 (1997)) adoptée le 24 avril 1997, « relative à la protection et au renforcement des droits de l'Homme des réfugiés et des demandeurs d'asile en Europe », elle l'invite à « demander instamment aux Etats membres (...) de prévoir dans leur législation l'effet suspensif de tout recours juridictionnel ».
Dans sa Résolution 1471 (2005) relative aux « procédures accélérées dans les Etats membres du Conseil de l'Europe », adoptée le 7 octobre 2005, l'Assemblée parlementaire souligne notamment qu' « il convient de trouver un équilibre entre la nécessité pour les Etats de traiter les demandes d'asile d'une manière rapide et efficace, et leur obligation de donner accès à une procédure équitable de détermination de l'asile aux personnes qui ont besoin d'une protection internationale », spécifiant qu' « « équilibre » ne signifie pas « compromis », car les Etats ne peuvent en aucun cas transiger avec leurs obligations internationales découlant de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés (...) et de son protocole de 1967, ainsi que de la Convention européenne des Droits de l'Homme de 1950 et de ses protocoles ».
Par cette Résolution, l'Assemblée parlementaire invite les gouvernements des Etats membres du Conseil de l'Europe à prendre (notamment) les mesures suivantes :
« (...) 8.4. en ce qui concerne les demandeurs à la frontière :
8.4.1. veiller, conformément au principe de non-discrimination, à ce que tous les demandeurs d'asile soient enregistrés à la frontière et aient la possibilité de déposer une demande d'octroi du statut de réfugié ;
8.4.2. faire en sorte que tous les demandeurs d'asile, que ce soit à la frontière ou à l'intérieur du pays, bénéficient des mêmes principes et garanties pour leur demande d'octroi du statut de réfugié ;
8.4.3. assurer l'adoption de lignes directrices claires et juridiquement contraignantes sur le traitement des demandeurs d'asile aux frontières, dans le respect du droit et des normes internationales des droits de l'homme et des réfugiés ;
8.5. en ce qui concerne le droit de recours avec effet suspensif: faire en sorte que le droit à un recours effectif de l'article 13 de la Convention européenne des Droits de l'Homme soit respecté, notamment le droit de faire appel d'une décision négative et le droit de suspendre l'exécution des mesures jusqu'à ce que les autorités nationales aient examiné leur compatibilité avec la Convention européenne des Droits de l'Homme ;
C.  Le Commissaire aux Droits de l'Homme
38.  Le Commissaire aux Droits de l'Homme a formulé une Recommandation « relative aux droits des étrangers souhaitant entrer sur le territoire des Etats membres du Conseil de l'Europe et à l'exécution des dédisions d'expulsion » (CommDH/Rec(2001)19). Datée du 19 septembre 2001, elle souligne en particulier ce qui suit :
« 11. Il est indispensable de non seulement garantir, mais d'assurer en pratique le droit d'exercer un recours judiciaire, au sens de l'article 13 de la CEDH, lorsque la personne concernée allègue que les autorités compétentes ont violé, ou risquent de violer, l'un des droits garantis par la CEDH. Ce droit à un recours effectif doit être garanti à tous ceux qui souhaitent contester une décision de refoulement ou d'expulsion du territoire. Ce recours doit être suspensif de l'exécution d'une décision d'expulsion, au moins lorsqu'il est allégué une violation éventuelle des articles 2 et 3 de la CEDH. »
EN DROIT
I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 13 DE LA CONVENTION COMBINE AVEC L'ARTICLE 3
39.  Le requérant, qui soutient qu'il aurait été exposé à un risque de subir la torture ou des traitements inhumains ou dégradants en cas de renvoi en Erythrée, dénonce l'absence en droit interne d'un recours suspensif contre les décisions de refus d'admission sur le territoire et de réacheminement, que l'étranger concerné soit ou non demandeur d'asile et quels que soient les risques allégués et encourus. Il invoque les articles 13 et 3 de la Convention combinés, lesquels sont respectivement libellés comme il suit :
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. »
« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
A.  Les arguments des parties
1.  Le requérant
40.  Le requérant souligne en premier lieu qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour qu'il n'est pas besoin d'établir une violation effective des droits et libertés reconnus par la Convention pour se plaindre d'une violation de l'article 13 : le droit à un recours effectif est reconnu à quiconque allègue d'une violation d'un de ces droits ou libertés dès lors que cette allégation est « défendable » au regard de la Convention.
Il expose ensuite que dans son cas, postérieurement à l'exercice des recours litigieux et après qu'un concours de circonstances (provenance inconnue du requérant et refus de l'ambassade érythréenne de délivrer un laissez-passer) puis la mesure provisoire décidée par la Cour aient empêché l'éloignement prévu, la France lui a reconnu le statut de réfugié et délivré un titre de séjour. Il note que la Cour en a déduit dans sa décision sur la recevabilité qu'il avait perdu la qualité de « victime » au regard de l'article 3, mais soutient que cela n'enlève rien ni au caractère défendable du grief tiré de l'article 3, ni au fait que les personnes qui, comme il l'était, sont demandeurs d'asile à la frontière, n'ont pas à leur disposition un « recours effectif » au sens de l'article 13 permettant d'éviter leur renvoi vers un pays où elles risqueraient d'être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.
41.  Le requérant expose ensuite qu'en droit, seul le caractère « manifestement infondé » d'une demande d'asile à la frontière peut justifier un refus d'admission sur le territoire et un réacheminement ; or, en l'absence d'un contrôle judiciaire effectif, l'administration ferait une application abusive de cette notion ce qu'illustrerait son propre cas. Il produit un document intitulé « Bilan chiffré de l'asile à la frontière, année 2004 », émanant du ministère de l'Intérieur français, dont il ressort que 92,3 % des demandes d'asile à la frontière ont été déclarées manifestement infondées en 2004 (96,2 % en 2003 ; néanmoins, in concreto, presque un demandeur sur deux – 48 %, soit 1 247 personnes – a été admis sur le territoire en 2004, en raison du refus d'embarquement de certains, de l'expiration du délai légal de maintien en zone d'attente ou de l'absence de vol de retour programmable, de l'absence de destination de renvoi, ou d'ordonnances du juge des libertés favorables aux demandeurs). Quant à l'augmentation des avis positifs de l'OFPRA en 2005 dont se prévaut le Gouvernement – relative, puisque près de 88 % des demandes auraient néanmoins été rejetées comme étant « manifestement infondées » – elle serait due à un changement de la base de calcul du taux de reconnaissance et à l'arrivée cette année là à l'aéroport de Roissy d'un grand nombre de Tchétchènes et d'opposants cubains.
La règle serait le renvoi forcé et systématique dans les heures suivant le rejet de la demande comme « manifestement infondée » ; la durée moyenne du séjour en zone d'attente serait ainsi de 1,82 jours, et 89 % des demandes d'asile à la frontière seraient instruites dans les quatre jours. Il considère que c'est « l'architecture même du système de protection juridictionnelle des demandeurs d'asile à la frontière qui est dépourvue d'efficacité et ne permet pas de garantir les droits fondamentaux ».
42.  Quant aux recours pouvant être exercés contre une décision de refus d'admission, le requérant souligne tout d'abord que la procédure de référé devant le président du tribunal administratif (articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de la justice administrative) – dont il a vainement usé – n'est pas effective puisqu'elle est dénuée d'effet suspensif et est soumise à des conditions très strictes et strictement interprétées (l'intéressé doit caractériser une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale). Le système français serait à cet égard similaire au système belge, que, dans l'affaire Čonka c. Belgique (arrêt du 5 février 2002, no 51564/99, CEDH 2002-I), la Cour a, pour cette raison, jugé insuffisant au regard des exigences de l'article 13. Le requérant soutient en outre que, contrairement à ce que prétend le Gouvernement, il n'existe pas de pratique « constante » selon laquelle les autorités ne procéderaient pas à l'éloignement avant que le juge administratif des référés ait statué ; il ajoute, renvoyant à l'arrêt Čonka (précité, § 83), qu'en tout état de cause, une telle pratique, soumise au bon vouloir d'une partie et révocable à tout moment, « ne saurait se substituer à la garantie procédurale fondamentale d'un recours suspensif ».
En outre, les magistrats de permanence du tribunal administratif de Cergy-Pontoise (les premiers concernés par ce type de requêtes puisque les demandes d'asile à la frontière sont quasi exclusivement déposées à l'aéroport de Roissy) useraient de manière assez systématique du rejet des requêtes au « tri » pour « irrecevabilité manifeste », ce dont témoignerait le sort fait à sa demande en référé. Le juge statuant alors sans audience publique ni contradictoire ni comparution de l'intéressé, sur la seule foi des pièces produites par ce dernier (généralement non traduites) et des décisions défavorables et stéréotypées prises par l'administration.
Certes, en 2004, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a donné une suite favorable à 17 des 39 dossiers dont il a été saisi (soit 43,6 % des cas) ; il suffirait cependant de lire ces chiffres à l'aune des 2 548 demandes d'asile enregistrées en zone d'attente cette même année pour réaliser qu'ils témoignent plus du dénie d'accès aux droits des demandeurs d'asile maintenus en zone d'attente que de l'efficacité de la procédure. De fait, il arriverait fréquemment que les intéressés soient réacheminés avant qu'un juge administratif ne les ait même convoqués à l'audience.
Il serait au demeurant illusoire de penser qu'un étranger retenu en zone d'attente, sur le point d'être renvoyé en application d'une décision exécutoire et exécutable à tout moment, qui ne parle pas nécessairement le français et n'a pas accès à l'aide juridictionnelle, a le loisir de saisir le juge administratif d'une telle requête, par lettre recommandée ou dépôt au greffe, en quatre exemplaires, et de conduire une procédure aussi technique. Ayant bénéficié de l'intervention bénévole d'organisations non gouvernementales et d'un avocat, le requérant serait une exception à cet égard. A supposer même qu'un tel recours puisse être jugé en principe effectif au sens de l'article 13, il y aurait lieu de juger qu'il ne le fut pas en l'espèce, la demande du requérant ayant été rejetée immédiatement et sommairement, sans examen approfondi, instruction, audience, contradictoire, production et examen de pièces.
Le seul recours possible contre la décision du juge des référés est un pourvoi en cassation – non suspensif – devant le Conseil d'Etat ; or le pourvoi ne peut être fondé que sur des moyens de forme ou de pur droit – ce qui exclut la mise en cause de l'appréciation souveraine des faits par le juge du fond – et suppose l'intervention obligatoire d'un avocat aux Conseils alors que l'obtention de l'aide juridictionnelle est quasiment impossible s'agissant de demandeurs d'asile : elle est soumise à une condition de résidence régulière et habituelle sur le territoire français, suppose le dépôt d'un formulaire de demande ad hoc, rempli en français et assorti de justificatifs de revenus, et la décision n'intervient qu'au bout de plusieurs mois. Ayant bénéficié de l'assistance bénévole d'un tel avocat grâce à l'intervention de son conseil de première instance et de l'ANAFE, le requérant serait là aussi une exception. De toute façon, en l'espèce, le Conseil d'Etat ne s'est prononcé que le 11 août 2005, soit plus d'un mois après sa saisine, ceci pour rendre une ordonnance de non-lieu.
43.  Le même constat s'imposerait s'agissant du recours en excès de pouvoir ou en annulation devant le juge administratif contre la décision de refus d'admission et de réacheminement : un tel recours ne serait jugé que plusieurs années après son introduction et le juge se contenterait vraisemblablement, conformément à la jurisprudence, de considérer qu'il n'y a plus lieu à statuer, le requérant ayant finalement été admis sur le territoire grâce à la mesure provisoire indiquée par la Cour au Gouvernement en vertu de l'article 39 de son règlement.
44.  Le requérant réaffirme sa conviction qu'il ne doit son salut qu'aux circonstances, en particulier le refus de l'ambassadrice d'Erythrée – à laquelle les autorités françaises auraient présenté son récit de demandeur d'asile, l'exposant ainsi d'avantage encore à des mesures de rétorsion en cas de renvoi dans ce pays – de délivrer un laissez-passer, et surtout, à la mise en œuvre de l'article 39 du règlement de la Cour.
2.  Le Gouvernement
45.  A titre principal, le Gouvernement, affirme que l'article 13 combiné à l'article 3 n'est pas applicable en l'espèce. D'une part, depuis le 7 novembre 2005 (date à laquelle il a obtenu le statut de réfugié), le requérant ne serait plus exposé à un risque d'expulsion, de sorte que le grief tiré de l'article 3 ne serait plus « défendable » et que l'article 13 ne pourrait plus être combiné avec cette disposition. D'autre part, le requérant aurait perdu la qualité de victime, l'article 13 n'étant pas dissociable des articles auxquels il s'applique : ne pouvant plus se dire victime d'une violation de l'article 3, il ne pourrait d'avantage se dire victime d'une violation de l'article 13 combiné avec cette disposition.
46.  A titre subsidiaire, le Gouvernement soutient que le grief n'est pas fondé.
47.  Il expose que les procédures de « référé suspension » (article L. 521-1 du code de la justice administrative) et de « référé injonction » ou « référé liberté » (article 521-2 du même code) offrent la possibilité de faire surseoir à l'exécution d'une mesure risquant d'entraîner une violation de l'article 3 de la Convention. Se référant en particulier aux arrêts Soering c. Royaume-Uni (7 juillet 1989, série A no 161, § 123) et Vilvarajah et autres c. Royaume-Uni (30 octobre 1991, série A no 215, § 125), il ajoute que le recours requis n'a pas à être suspensif de plein droit : il suffirait qu'il ait un effet suspensif « en pratique ». Or tel serait le cas de la saisine du juge administratif des référés, puisqu'en pratique, les autorités ne procèderaient pas à l'éloignement avant que ledit juge ait statué.
Le Gouvernement indique que le requérant a pu exercer un tel recours contre la décision de non-admission prise contre lui et que, saisi le 7 juillet 2005, le juge des référés a statué dès le lendemain. Il estime que le requérant a ainsi bénéficié d'un examen de sa cause, présentant les garanties de sérieux et d'indépendance exigées par la jurisprudence de la Cour, le juge des référés ayant fondé sa décision sur des éléments objectifs souverainement appréciés.
48.  Par ailleurs, le Gouvernement indique que la proportion d'avis positifs émis par l'OFPRA à la frontière était de 22,2 % en 2005, soit près du triple du taux d'admission dans le cadre de la procédure d'éligibilité au bénéfice de l'asile la même année (8,2 %). Selon lui, cet écart démontre qu'à la frontière, le doute profite au demandeur. Il ajoute qu'il n'a pas connaissance de cas où le renvoi d'un étranger aurait conduit a posteriori à ce qu'il subisse des traitements contraires à l'article 3 de la Convention ou à l'article 33 de la convention de Genève.
Répondant aux observations de l'ANAFE (ci-après), il ajoute notamment que la procédure d'examen des demandes d'asile à la frontière a été substantiellement réformée par la loi no 2003-1176 du 10 décembre 2003, de sorte qu'il faut rapprocher le taux de 9,3 % d'admission des demandeurs d'asile à la frontière en 2004 et celui précédemment cité de 22,2 % en 2005. Quant à la durée d'examen des demandes d'asile à la frontière, elle s'expliquerait par les délais légaux du maintien en zone d'attente. Il souligne en outre que l'ANAFE n'a trouvé que six cas d'avis négatifs exprimés à la frontière contredits par la suite par une admission au statut de réfugié entre 1999 et 2005. Selon lui, il est en tout état de cause difficile de faire un parallèle entre la procédure de demande d'asile à la frontière et celle sur le territoire français, dès lors qu'il s'agit de statuer sur des dossiers différents. Il indique qu'il ne dispose pas de statistiques précises sur ce point, mais précise qu'en 2005, l'OFPRA a rendu 2 278 avis dans le cadre de la procédure de demande d'asile à la frontière.
B.  Les observations de l'ANAFE, tierce intervenante
49.  Les observations de l'ANAFE – organisation non gouvernementale dont l'objet est de fournir une aide juridique et humanitaire aux étrangers en difficulté aux frontières françaises – portent sur la situation des demandeurs d'asile à la frontière. L'ANAFE souligne en premier lieu qu'elle a eu connaissance de plusieurs cas d'étrangers ayant eu de sérieuses difficultés à faire enregistrer leur demande d'admission en France au titre de l'asile (16 en 2006) : certains peuvent rester plusieurs jours en « zone internationale », sans nourriture et dormant sur les sièges, avant que la police de l'air et des frontières n'accepte de prendre en compte leur demande et leur donne accès à la « zone d'attente ».
L'ANAFE signale en outre les difficultés de communication que rencontrent les demandeurs à la frontière dans le cadre de la procédure d'admission, dues à la médiocrité et à l'inadaptation de l'interprétation fournie.
L'ANAFE commente ensuite les chiffres relatifs à la demande d'asile à la frontière publiés par l'OFPRA : par rapport aux années précédentes, le nombre de demandes d'asile à la frontière a baissé de 57 % en 2004 et de 9,4 % en 2005 ; 7,7 % des demandeurs ont été admis sur le territoire en 2004, 22,2 % en 2005. Selon elle, cette baisse du nombre de demandeurs d'asile à la frontière est le résultat des moyens mis en œuvre par le Gouvernement pour empêcher les étrangers de venir en France (en violation de la convention de Genève lorsqu'il s'agit de réfugiés). Parmi ces moyens, elle cite le développement du visa de transit aéroportuaire (auquel sont soumis aujourd'hui les ressortissants d'une trentaine pays), les lourdes sanctions infligées aux transporteurs et les contrôles aux portes des aéronefs (il ne serait pas rare que les personnes ainsi contrôlées soient refoulées avant même d'avoir eu l'occasion d'enregistrer une demande d'asile).
L'ANAFE ajoute qu'en 2005, selon les données transmises par le ministère de l'Intérieur, 89 % des demandes d'asile à la frontière ont été instruites en moins de quatre jours après leur enregistrement, l'instruction consistant en l'audition et la formulation d'un avis par un agent de l'OFPRA, puis une décision du ministère de l'Intérieur (qui suit généralement cet avis). Elle souligne que les demandeurs d'asile sont souvent dépourvus de documents susceptibles d'étayer leur dossier et que cette rapidité laisse peu de possibilités de rassembler les pièces nécessaires. Elle dénonce surtout le fait que, dans le cadre de la détermination du caractère « manifestement infondé » ou non des demandes, l'administration procède à un examen au fond de celles-ci, alors qu'il ne devrait s'agir que de vérifier sommairement si les motifs évoqués par les demandeurs correspondent à un besoin de protection, dans le but d'écarter les personnes qui désirent venir en France pour un autre motif (travail, regroupement familial, etc.) en s'affranchissant de la procédure de délivrance de visas. Ce faisant, elle les prive des garanties de la procédure de demande d'asile après admission sur le territoire (décision de l'OFPRA – qui dispose des moyens adéquats pour effectuer les recherches et investigations nécessaires – prise à la suite d'un examen complet de la demande, et susceptible de faire l'objet d'un recours suspensif). Les cas de demandeurs d'asile dont la demande a été jugée « manifestement infondée » à la frontière et qui ont pu pénétrer sur le territoire par un autre biais et se voir reconnaître ensuite la qualité de réfugié ne seraient pas rares. A l'appui de cette assertion, l'ANAFE détaille le cas de six personnes qui se sont trouvées dans cette situation en 2004 ou 2005 (certaines d'entre elles ayant entre-temps été sanctionnées pénalement pour avoir refusé d'obtempérer à leur éloignement) et produit une attestation du secrétaire général de la Cimade – une organisation non gouvernementale œcuménique d'entraide présente dans les centres de rétention administrative – datée du 19 avril 2006.
50.  Par ailleurs, l'ANAFE produit un « Rapport sur la procédure d'admission sur le territoire au titre de l'asile » établi par ses soins, daté du 25 novembre 2003 et intitulé « La roulette russe de l'asile à la frontière – zone d'attente : qui détourne la procédure ? », dans lequel elle fait part de ses « préoccupations » quant à la procédure de l'asile à la frontière. Elle souligne en particulier qu'une réponse négative de l'administration est « sans appel » dès lors qu'en l'absence de recours suspensif, le demandeur peut être renvoyé vers le pays de provenance sur la base de ce seul refus. Selon elle :
« (...) Ce filtre pratiqué à la frontière pour des milliers de personnes chaque année, hors de tout contrôle efficace des juges administratifs, a toujours privilégié le contrôle des flux migratoires au détriment de la protection des réfugiés. Mais depuis plus d'un an, la machine administrative est devenu folle et des centaines de demandeurs d'asile sont refoulés, parfois dans des charters organisés par le ministère de l'Intérieur, alors qu'ils avaient de sérieuses raisons de craindre des persécutions de la part des autorités de leurs pays d'origine ou même parfois de celui par lequel ils ont transité pendant un certain temps. S'ils ne sont pas renvoyés, d'autres sont condamnés à une peine de prison du seul fait d'avoir refusé d'exécuter une décision dont la légalité et la légitimité sont plus que contestables. Depuis quinze ans, l'ANAFE (...) tente d'apporter assistance à ces naufragés du droit d'asile. Elle n'a pu que constater la dérive des pratiques administratives vers de plus en plus de sévérité, réduisant à une peau de chagrin le droit constitutionnel de demander l'asile (...) »
Dans ce rapport, l'ANAFE observe une chute importante de l'admission des demandeurs d'asile sur le territoire (de 60 % en 1995, le taux d'admission est passé à 20 % en 2001 et 2002, 18,8 % en novembre 2002, et 3,4 % en mars 2003), qu'elle attribue à un choix délibéré des autorités. Elle déduit de l'analyse d'une série de décisions de refus d'accès au territoire rendues au cours de l'année 2003, que cela est dû à une « dangereuse dérive » de l'administration dans son application de la notion de « manifestement infondée » au sens de l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : les motifs retenus par l'administration seraient « bien loin des limites imposées par l'examen stricto sensu du caractère « manifestement infondé » des demandes et contien[draient] des argumentations de plus en plus inacceptables pour tenter de justifier le rejet des demandes d'asile ». Selon l'ANAFE, il résulte pourtant de la jurisprudence (elle se réfère à cet égard à une décision du Conseil constitutionnel du 25 février 1992 – DC 92 307 – un arrêt d'assemblée du Conseil d'Etat du 18 décembre 1996 – Rogers, RFDA 1997-2, p. 281 – et une décision du tribunal administratif de Paris du 5 mai 2005 – Avila Martinez c. ministère de l'Intérieur) « que cet examen doit se limiter à une évaluation superficielle visant à écarter uniquement les demandes ne relevant manifestement pas du droit d'asile, laissant ainsi le pouvoir d'appréciation et de vérification de l'OFPRA » ; « la pratique [serait] très éloignée de cette théorie et de la jurisprudence ».
51.  L'ANAFE indique que, le 5 mars 2004, elle a signé avec le ministre de l'Intérieur une convention (renouvelée par la suite) qui lui a permis d'assurer, pour une période expérimentale de six mois, une assistance régulière des étrangers non admis sur le territoire français et maintenus en zone d'attente à l'aéroport de Roissy. Elle produit un document intitulé « La frontière et le droit : la zone d'attente de Roissy sous le regard de l'ANAFE », qui fait le bilan détaillé de cette expérience de terrain. Outre notamment les difficultés exposées ci-dessus, ce document dénonce « une politique qui semble toute orientée vers un objectif sécuritaire et de contrôle des frontières, au détriment du respect des droits de la personne, notamment du droit d'asile, mais aussi du droit de ne pas subir de traitements inhumains ou dégradants ou encore les droits spécifiques dus au mineurs », ainsi qu'une « pratique de refus quasi-systématique d'admission au titre de l'asile, au mépris de la convention de Genève » ; selon l'ANAFE, « la procédure de l'asile à la frontière s'inscrit dans une logique renforcée de rejet et s'oppose aux personnes en recherche de protection ».
52.  Enfin, l'ANAFE produit les conclusions et recommandations du Comité des Nations Unies contre la torture relatives à la France, du 3 avril 2006 (adoptées le 24 novembre 2005 ; document CAT/C/FRA/CO/3). Sous les titres et sous-titres « Sujets de préoccupation et recommandations » et « Non refoulement », le Comité se dit « préoccupé par le caractère expéditif de la procédure dite prioritaire, concernant l'examen des demandes [d'asile] déposées dans les centres de rétention administrative ou aux frontières, laquelle ne permet pas une évaluation des risques conforme à l'article 3 de la convention [contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants] » (« 1. Aucun Etat partie n'expulsera, ne refoulera ni n'extradera une personne vers un autre Etat où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture. (...) »). Le point 7 de ce rapport est ainsi rédigé :
« 7. Tout en notant que, suite à l'entrée en vigueur de la loi du 30 juin 2000, la décision de refoulement (« non-admission ») d'une personne peut faire l'objet d'un référé-suspension ou d'un référé-injonction, le Comité est préoccupé par le caractère non suspensif de ces procédures, compte tenu du fait que « la décision prononçant le refus d'entrée peut être exécutée d'office par l'administration » entre l'introduction du recours et la décision du juge relative à la suspension de la mesure d'éloignement. (Article 3)
Le Comité réitère sa recommandation (A/53/44, par. 145) qu'une décision de refoulement (« non-admission ») entraînant une mesure d'éloignement puisse faire l'objet d'un recours suspensif, lequel devrait être effectif dès l'instant où il est déposé. Le Comité recommande également que l'État partie prenne les mesures nécessaires pour s'assurer que les personnes sujettes à une mesure d'éloignement puissent faire usage de toutes les voies de recours existantes, y compris l'accès au Comité contre la torture par le moyen de l'article 22 de la convention. »
L'ANAFE ajoute que la Commission nationale consultative des droits de l'homme a adopté une recommandation selon laquelle « tout refus d'entrée sur le territoire entraînant une mesure de refoulement du demandeur d'asile doit être susceptible de recours suspensif devant la juridiction administrative dans un délai raisonnable ».
C.  L'appréciation de la Cour
53.   La Cour rappelle en premier lieu les principes généraux qui se dégagent de sa jurisprudence.
L'article 13 de la Convention garantit l'existence en droit interne d'un recours permettant de s'y prévaloir des droits et libertés de la Convention tels qu'ils peuvent s'y trouver consacrés. Cette disposition a donc pour conséquence d'exiger un recours interne habilitant à examiner le contenu d'un « grief défendable » fondé sur la Convention et à offrir le redressement approprié. La portée de l'obligation que l'article 13 fait peser sur les Etats contractants varie en fonction de la nature du grief du requérant. Toutefois, le recours exigé par l'article 13 doit être « effectif » en pratique comme en droit. L'« effectivité » d'un « recours » au sens de l'article 13 ne dépend pas de la certitude d'une issue favorable pour le requérant. De même, l'« instance » dont parle cette disposition n'a pas besoin d'être une institution judiciaire, mais alors ses pouvoirs et les garanties qu'elle présente entrent en ligne de compte pour apprécier l'effectivité du recours s'exerçant devant elle. En outre, l'ensemble des recours offerts par le droit interne peut remplir les exigences de l'article 13, même si aucun d'eux n'y répond en entier à lui seul (voir, parmi beaucoup d'autres, l'arrêt Čonka précité, § 75).
54.  Ensuite, la Cour relève qu'en droit interne, une décision de refus d'admission sur le territoire telle celle prise en la cause du requérant fait obstacle au dépôt d'une demande d'asile ; elle est en outre exécutoire, de sorte que l'intéressé peut être immédiatement renvoyé dans le pays qu'il dit avoir fui. En l'espèce cependant, suite à l'application de l'article 39 du règlement de la Cour, le requérant a finalement été admis sur le territoire. Il a en conséquence pu déposer une demande d'asile devant l'OFPRA, lequel lui a reconnu la qualité de réfugié le 7 novembre 2005. L'article 33 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés faisant désormais obstacle à l'expulsion du requérant vers son pays d'origine, la Cour a conclu dans sa décision sur la recevabilité du 10 octobre 2006 (§ 36) qu'il avait perdu la qualité de victime de la violation alléguée de l'article 3. De cette conclusion sur le grief tiré de l'article 3, la Cour a déduit qu'« une question se pose en l'espèce quant à l'applicabilité de l'article 13 pris en combinaison avec cette disposition », question qu'elle a jointe au fond (voir la décision sur la recevabilité, § 49).
55.  Sur ce dernier point, le Gouvernement soutient que, depuis le 7 novembre 2005 (date à laquelle il a obtenu le statut de réfugié), le requérant n'est plus exposé à un risque d'expulsion, de sorte que le grief tiré de l'article 3 n'est plus « défendable » et que l'article 13 ne peut donc plus être combiné avec cette disposition.
La Cour ne partage pas ce point de vue. Elle rappelle que dans sa décision sur la recevabilité (§ 49), elle a jugé que la thèse développée par le requérant quant à un risque de mauvais traitement en Erythrée avait un degré suffisant de crédibilité pour qu'il soit considéré qu'une question sérieuse se pose sous l'angle de l'article 3. Il y a lieu d'en déduire que le grief tiré de l'article 3 est « défendable », de sorte que le requérant est en principe en mesure d'invoquer cette disposition en combinaison avec l'article 13 (outre l'arrêt Rotaru c. Roumanie [GC], no 28341/95, CEDH 2000-V, § 67, cité dans la décision sur la recevabilité, et l'arrêt Čonka précité, §§ 75-76, voir, par exemple, l'arrêt Chamaïev et autres c. Géorgie et Russie du 14 avril 2004, no 36378/02, ECHR 2005-III, §§ 444-445). Au demeurant, plutôt que de mettre en cause le caractère défendable dudit grief, le fait que l'OFPRA a par la suite reconnu au requérant la qualité de réfugié le confirme, tout comme la note de l'adjoint au chef de la division des affaires juridiques et internationales de l'Office qui précise que « par là-même, l'Office estimait, compte tenu, entre autres, des conditions inhumaines de l'incarcération déjà subie dans le pays d'origine, qu'un retour en Erythrée l'exposerait à des persécutions au sens de la [convention de Genève] » (paragraphe 20 ci-dessus).
56.  La Cour n'est pas davantage convaincue par la thèse du Gouvernement selon laquelle, l'article 13 étant indissociable des articles de la Convention auxquels il se combine, le requérant ne peut plus se dire victime d'une violation de l'article 13 combiné avec l'article 3 dès lors qu'il n'est plus victime de la violation allégué de cette dernière disposition.
D'une part, la violation alléguée sur ce terrain (relative aux défaillances de la procédure à laquelle ont accès les individus qui, à la frontière, invoquent un risque de traitements prohibés par l'article 3 et demandent l'accès au territoire en vue de déposer une demande d'asile) était « consommée » au moment où le risque de renvoi vers l'Erythrée a été levé (sur l'importance de cet élément, voir, mutatis mutandis, la décision Association SOS attentats et de Boëry c. France [GC] du 4 octobre 2006, no 76642/01, § 34). En effet, le requérant a obtenu le statut de réfugié le 7 novembre 2005, soit bien après la dernière décision rendue par les juridictions internes à la suite du recours qu'il a exercé et dont il dénonce l'ineffectivité devant la Cour, la décision du Conseil d'Etat concluant au non-lieu à statuer sur la demande d'annulation de l'ordonnance du juge administratif des référés du 8 juillet 2005 ayant été prononcée le 11 août 2005 (paragraphe 19 ci-dessus).
D'autre part, comme la Cour l'a rappelé dans sa décision sur la recevabilité de la requête (§ 36), pour qu'une décision ou une mesure favorable au requérant suffise à lui retirer la qualité de victime, il faut en principe que les autorités nationales aient reconnu, explicitement ou en substance, puis réparé la violation alléguée de la Convention. Il est manifeste en l'espèce que ces conditions ne sont pas remplies s'agissant du grief tiré des articles 13 et 3 combinés. Il apparaît en fait que, si le requérant n'a pas été réacheminé vers l'Erythrée, et a finalement pu accéder au territoire français pour déposer une demande d'asile, cela est dû à la circonstance que l'ambassade d'Erythrée n'a pas délivré un laissez-passer puis à la mise en œuvre de l'article 39 du règlement par la Cour. La Cour relève d'ailleurs à cet égard que l'autorisation administrative d'accès au territoire et le sauf-conduit délivrés le 20 juillet 2005 ainsi que la décision du Conseil d'Etat du 11 août 2005 visent expressément cette disposition et la mesure provisoire prise en son application (paragraphes 17 et 19 ci-dessus).
57.  Il y a lieu en conséquence de poursuivre l'examen au fond du grief.
58.  Il ressort de la jurisprudence que le grief d'une personne selon lequel son renvoi vers un pays tiers l'exposerait à des traitements prohibés par l'article 3 de la Convention « doit impérativement faire l'objet d'un contrôle attentif par une « instance nationale » » (arrêt Chamaïev et autres précité, § 448 ; voir aussi l'arrêt Jabari c. Turquie du 11 juillet 2000, no 40035/98, ECHR 2000-VIII, § 39). Ce principe a conduit la Cour à juger que la notion de « recours effectif » au sens de l'article 13 combiné avec l'article 3 requiert « un examen indépendant et rigoureux » de tout grief soulevé par une personne se trouvant dans une telle situation, aux termes duquel « il existe des motifs sérieux de croire à l'existence d'un risque réel de traitements contraires à l'article 3 » et, d'autre part, « la possibilité de faire surseoir à l'exécution de la mesure litigieuse » (arrêts précités, § 460 et § 50 respectivement).
Plus précisément, dans l'arrêt Čonka (précité, §§ 79 et s.) la Cour a jugé, sur le terrain de l'article 13 combiné avec l'article 4 du Protocole no 4 (interdiction des expulsions collectives d'étrangers), qu'un recours ne répond pas aux exigences de cette première disposition s'il n'a pas d'effet suspensif, soulignant notamment ce qui suit (§ 79) :
« La Cour considère que l'effectivité des recours exigés par l'article 13 suppose qu'ils puissent empêcher l'exécution des mesures contraires à la Convention et dont les conséquences sont potentiellement irréversibles (voir, mutatis mutandis, Jabari précité, § 50). En conséquence, l'article 13 s'oppose à ce que pareilles mesures soient exécutées avant même l'issue de l'examen par les autorités nationales de leur compatibilité avec la Convention. Toutefois, les Etats contractants jouissent d'une certaine marge d'appréciation quant à la manière de se conformer aux obligations que leur fait l'article 13 (Chahal précité, p. 1870, § 145). »
Compte tenu de l'importance que la Cour attache à l'article 3 de la Convention et de la nature irréversible du dommage susceptible d'être causé en cas de réalisation du risque de torture ou de mauvais traitements, cela vaut évidemment dans le cas où un Etat partie décide de renvoyer un étranger vers un pays où il y a des motifs sérieux de croire qu'il courrait un risque de cette nature.
La Cour constate d'ailleurs que la nécessité pour les personnes exposées à un tel risque d'avoir accès à un recours suspensif contre la mesure d'éloignement est mise en exergue tant par le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe que par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et le Commissaire aux Droits de l'homme (paragraphes 36-38 ci-dessus). Telle est également l'approche du Comité des Nations Unies contre la torture (paragraphe 52 ci-dessus) et de plusieurs ONG dont la tierce intervenante. En outre, cette dernière expose qu'au plan interne, la Commission nationale consultative des droits de l'Homme a pris une recommandation selon laquelle « tout refus d'entrée sur le territoire entraînant une mesure de refoulement du demandeur d'asile doit être susceptible de recours suspensif devant la juridiction administrative dans un délai raisonnable » (paragraphe 52 ci-dessus).
59.  S'agissant spécifiquement des demandeurs d'asile qui soutiennent courir un risque de cette nature, le droit français met en place une procédure présentant certainement ces qualités – qui s'articule autour d'un examen contradictoire de la demande d'asile par l'OFPRA (établissement public) puis, en appel, par la commission des recours (organe juridictionnel), et de l'impossibilité de renvoyer le demandeur durant la procédure – dont le requérant a finalement pu bénéficier suite à l'application de l'article 39 du règlement de la Cour, après avoir été autorisé à accéder au territoire français.
La présente affaire met cependant en lumière à cet égard une difficulté particulière, dans le cas où l'intéressé se présente « à la frontière », à son arrivée à un aéroport par exemple, comme ce fut le cas pour le requérant.
60.  Pour déposer une demande d'asile devant l'OFPRA, un étranger doit se trouver sur le territoire français. En conséquence, s'il se présente à la frontière, il ne peut déposer une telle demande que s'il lui est préalablement donné accès au territoire. S'il est démuni des documents requis à cet effet, il lui faut déposer une demande d'accès au territoire au titre de l'asile ; il est alors maintenu en « zone d'attente » durant le temps nécessaire à l'examen, par l'administration, du caractère « manifestement infondé » ou non de la demande d'asile qu'il entend déposer ; si l'administration juge la demande d'asile « manifestement infondée », elle rejette la demande d'accès au territoire de l'intéressé lequel est d'office « réacheminable » sans avoir eu la possibilité de saisir l'OFPRA de sa demande d'asile.
61.  Or, soulignent le requérant et la tierce intervenante, d'une part, cette appréciation du caractère « manifestement infondé » se fait à l'issue d'un examen rapide et succinct de la situation du demandeur (ce qu'illustrerait la présente espèce) ; l'administration ne dispose en effet que de vingt jours au maximum pour à la fois apprécier le caractère « manifestement infondé » de la demande et, le cas échéant, procéder au réacheminement, ce qui donne peu de temps à l'intéressé pour rassembler des éléments susceptibles d'étayer sa demande. (La tierce intervenante souligne en particulier qu'en 2005, 89 % des demandes ont été instruites en moins de quatre jours, décision ministérielle finale comprise). D'autre part, l'administration fait une application « extensive » de cette notion, allant bien au-delà d'une évaluation superficielle visant à écarter uniquement les demandes ne relevant manifestement pas du droit d'asile.
Sur ce second point, le Gouvernement indique que les critères appliqués par l'administration pour juger du caractère « manifestement infondé » s'inspirent de ceux, amples, dégagés par les résolutions adoptées à Londres les 30 novembre et 1er décembre 1992 par les ministres chargés de l'immigration des Etats membres de la Communauté européenne (dont le Conseil d'Etat a cependant souligné l'absence de valeur normative dans un arrêt d'Assemblée du 18 décembre 1996). Il s'agit des critères suivants : « les motifs invoqués se situent en dehors de la problématique de l'asile (motifs économiques, raisons de pure convenance personnelle ...) ; la demande repose sur une fraude délibérée (l'intéressé se prévaut d'une nationalité qui n'est manifestement pas la sienne, fait de fausses déclarations ...) ; les déclarations sont dénuées de toute substance, non personnalisées, non circonstanciées ; l'intéressé se réfère à une situation générale troublée ou d'insécurité, sans rapporter d'élément personnalisés ; les déclarations sont entachées d'incohérences rédhibitoires, d'invraisemblances ou de contradictions majeures qui ôtent toute crédibilité au récit ».
Le cas du requérant tend à montrer que l'administration procède à une appréciation de la valeur intrinsèque de l'argumentation des intéressés quant à leurs craintes de persécution, sur la base du dossier tel qu'il a pu être constitué en « zone d'attente ».
62.  La tierce intervenante dénonce une pratique administrative contraire à la jurisprudence interne, aboutissant à substituer l'appréciation de l'administration à la procédure de demande d'asile et privant en conséquence les demandeurs des garanties que leur offre cette procédure au regard en particulier de l'évaluation du risque qu'ils encourent en cas de renvoi dans leur pays. Elle souligne qu'en l'absence de tout recours au fond suspensif, nombre d'étrangers sont ainsi réacheminés vers des pays dans lesquels ils ont des raisons sérieuses de craindre des persécutions.
63.  Les modalités de cette procédure (dite « procédure de l'asile à la frontière ») ne sont en principe pas problématiques au regard de la Convention lorsque celui qui se présente comme un demandeur d'asile ne prétend pas qu'il court un risque qualifiable sous l'angle de l'article 2 ou de l'article 3 de la Convention dans son pays d'origine. Elles ne le seraient pas d'avantage si les personnes qui invoquent de manière défendable un tel risque avaient la possibilité d'obtenir un contrôle de la décision administrative relative au caractère « manifestement infondé » de leur demande répondant aux exigences susrappelées.
64.  A cet égard, la Cour relève que les intéressés ont la possibilité de saisir le juge administratif d'une demande d'annulation de la décision ministérielle de non-admission. Un tel recours, qui permet sans nul doute un examen au fond « indépendant et rigoureux » de la décision, est cependant dépourvu de tout effet suspensif et n'est enfermé dans aucun délai.
65.  Depuis l'entrée en vigueur de la loi no 2000-597 du 30 juin 2000, ils ont également la possibilité de saisir le juge administratif d'une demande en « référé-suspension » (article L. 521-1 du code de justice administrative) ou en « référé-injonction » (dit aussi « référé-liberté » ; article L. 521-2 du même code). Cette seconde procédure – dont le requérant a vainement usé – permet au juge, lorsqu'il y a urgence d'ordonner « toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale » à laquelle l'administration aurait porté « une atteinte grave et manifestement illégale ». Elle paraît tout particulièrement indiquée dans les cas dont il est présentement question, le Conseil d'Etat ayant jugé que le droit d'asile a le caractère d'une liberté fondamentale et a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié, lequel implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande : saisi en référé d'un refus d'entrée opposé à un demandeur d'asile à la frontière au motif que la demande est « manifestement infondée », le juge a la compétence d'apprécier ce motif et peut notamment enjoindre l'administration d'admettre le requérant sur le territoire (dans ce sens : Conseil d'Etat, ordonnance du 25 mars 2003). Le juge des référés doit statuer dans les quarante-huit heures et, en principe, au terme d'une procédure contradictoire incluant une audience publique à laquelle les parties sont conviées, ce qui permet notamment à l'intéressé de présenter son cas directement au juge. L'appel est possible devant le Conseil d'Etat, lequel statue dans les quarante-huit heures.
Le demandeur d'asile à la frontière débouté a donc à sa disposition une procédure qui présente a priori des garanties sérieuses.
La Cour constate cependant que la saisine du juge des référés n'a pas d'effet suspensif de plein droit, de sorte que l'intéressé peut, en toute légalité, être réacheminé avant que le juge ait statué, ce que critique le Comité des Nations Unies contre la torture notamment (paragraphe 52 ci-dessus).
66.  Sur ce point, comme indiqué précédemment, se référant en particulier aux arrêts Soering et Vilvarajah (précités), le Gouvernement soutient notamment que le recours requis n'a pas à être suspensif de plein droit : il suffirait qu'il ait un effet suspensif « en pratique ». Or tel serait le cas de la saisine du juge administratif des référés, puisque les autorités s'abstiendraient de procéder à l'éloignement avant que ledit juge ait statué. Le requérant réplique en particulier qu'il n'existe pas de pratique « constante » dans ce sens, ce que confirme l'ANAFE. Il ajoute, se référant pour sa part à l'arrêt Čonka (précité), qu'en tout état de cause, une telle pratique, soumise au bon vouloir d'une partie et révocable à tout moment, « ne saurait se substituer à la garantie procédurale fondamentale d'un recours suspensif ».
La Cour marque son accord avec le requérant quant aux conclusions à tirer en l'espèce de l'affaire Čonka, dans laquelle elle a notamment examiné la conformité à l'article 13 de la Convention combiné avec l'article 4 du Protocole no 4, du « référé d'extrême urgence » devant le Conseil d'Etat de Belgique, auquel s'apparente le référé devant le juge administratif français dont il est présentement question. Dans son arrêt, après avoir relevé l'absence d'effet suspensif de plein droit du « référé d'extrême urgence », la Cour a rejeté la thèse du gouvernement belge selon laquelle ce recours répondait néanmoins aux exigences des articles précités dans la mesure où il existait une pratique lui conférant un effet suspensif. Elle a en particulier souligné à cet égard que « les exigences de l'article 13, tout comme celles des autres dispositions de la Convention, sont de l'ordre de la garantie, et non du simple bon vouloir ou de l'arrangement pratique [;] c'est là une des conséquences de la prééminence du droit, l'un des principes fondamentaux d'une société démocratique, inhérente à l'ensemble des articles de la Convention » (§ 83). Elle a ensuite conclu à la violation au motif que « (...) le [demandeur] n'a[vait] aucune garantie de voir le Conseil d'Etat et l'administration se conformer dans tous les cas à la pratique décrite, ni a fortiori de voir le Conseil d'Etat statuer, ou même siéger, avant son expulsion, ou l'administration respecter un délai minimum raisonnable » (ibidem).
Compte tenu de l'importance que la Cour attache à l'article 3 de la Convention et de la nature irréversible du dommage susceptible d'être causé en cas de réalisation du risque de torture ou de mauvais traitements, cela vaut évidemment aussi dans le cas où un Etat partie décide de renvoyer un étranger vers un pays où il y a des motifs sérieux de croire qu'il courrait un risque de cette nature : l'article 13 exige que l'intéressé ait accès à un recours de plein droit suspensif.
67.  La Cour en déduit en l'espèce que, n'ayant pas eu accès en « zone d'attente » à un recours de plein droit suspensif, le requérant n'a pas disposé d'un « recours effectif » pour faire valoir son grief tiré de l'article 3 de la Convention. Il y a donc eu violation de l'article 13 de la Convention combiné avec cette disposition.
II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 5 § 1 f) DE LA CONVENTION
68.  Le requérant se plaint d'avoir été privé de liberté illégalement au regard du droit interne. Il invoque l'article 5 § 1 f) de la Convention, aux termes duquel :
« 1.  Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :
f)  s'il s'agit de l'arrestation ou de la détention régulières d'une personne pour l'empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d'expulsion ou d'extradition est en cours. »
Il expose que le droit interne ne permet le maintien en zone d'attente que pour une durée maximale de vingt jours. Or arrivé à l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle le 29 juin 2005, il fut retenu jusqu'au 20 juillet 2005, soit durant vingt-deux jours. Il aurait en effet été maintenu en zone internationale les deux premiers jours suivant son arrivée, la police de l'air et des frontières ayant à plusieurs reprise refusé d'enregistrer sa demande d'admission au titre de l'asile et de lui donner accès à la « zone d'attente » (paragraphe 10 ci-dessus). Il ne serait malheureusement pas inhabituel que des étrangers se trouvent dans une telle situation à la frontière.
Le requérant expose ensuite qu'alors que l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoit le placement en zone d'attente que « pendant le temps strictement nécessaire à son départ et, s'il est demandeur d'asile, à un examen tendant à déterminer si sa demande n'est pas manifestement infondée », il fut maintenu en zone d'attente après le rejet de sa demande d'admission par l'administration pour un tel motif (le 6 juillet 2005). Or dès le 7 juillet 2005, il était clair que l'organisation de son renvoi ne pouvait matériellement avoir lieu ni vers l'Erythrée, ni vers un autre pays (solution qui n'aurait d'ailleurs pas été envisagée par les autorités), puisqu'il n'avait pas de document de voyage (l'ambassade d'Erythrée ayant, à cette date, refusé de le reconnaître et de délivrer un laissez-passer) et que sa provenance était inconnue. Plus grave encore, il fut maintenu en zone d'attente après le 15 juillet 2005, date de la mesure provisoire indiquée par la Cour au Gouvernement en application de l'article 39 de son règlement, alors que, vu l'arrêt Mamatkoulov et Askarov c. Turquie [GC] du 4 février 2005 (nos 46827/99 et 46951/99, CEDH 2005-I), cette mesure faisait obstacle à son renvoi vers l'Erythrée.
69.  Le Gouvernement conteste que le requérant soit arrivé le 29 juin 2005 à l'aéroport de Roissy (paragraphe 10 ci-dessus) et resté deux jours en zone internationale. Il ajoute qu'en tout état de cause, sa « privation de liberté » au sens de l'article 5 § 1 n'aurait débuté que le 1er juillet 2005, date à laquelle il s'est fait connaître aux services de la police aux frontières. Le Gouvernement estime en effet qu'il y aurait alors lieu de considérer que l'intéressé s'est en vérité abstenu de se présenter aux autorités en zone internationale entre le 29 juin et le 1er juillet et s'y est donc maintenu de son plein gré durant les deux jours litigieux ; or il n'y aurait pas « privation de liberté » en l'absence de contrainte exercée par les autorités.
La durée de la privation de liberté du requérant n'aurait donc pas excédé le maximum légal de vingt jours. De plus, elle résulterait de décisions prises sous le contrôle de l'autorité judiciaire : la décision initiale fut prise par l'administration le 1er juillet 2005 puis, conformément à la loi, renouvelée le 3 juillet, puis prorogée les 5 et 13 juillet par le juge des libertés du tribunal de grande instance de Bobigny après audition de l'intéressé.
S'agissant en particulier du maintien du requérant en zone d'attente au-delà du 15 juillet 2005, le Gouvernement expose qu'un doute persistait sur l'identité du requérant, entretenu par le refus de l'ambassadrice d'Erythrée de le reconnaître comme un ressortissant de son pays, et que les autorités se devaient de procéder à des vérifications à cet égard avant de l'admettre sur le territoire. Là se trouverait la raison du maintien de ce dernier en zone d'attente entre les 15 et 20 juillet 2005. Selon le Gouvernement, une telle situation ne pose pas de difficulté au regard de la jurisprudence Mamatkulov précitée, dès lors qu'une mesure prise en application de l'article 39 du règlement « a pour seul objet la suspension de l'exécution de la mesure de refoulement ou d'éloignement dans l'attente d'une décision de la Cour, en vue d'éviter qu'un préjudice irréparable ne soit causé à la victime de la violation alléguée et qu'il soit porté préjudice à l'intégrité et à l'effectivité de l'arrêt final [;] elle n'a pas pour objet, à ce stade de la procédure, de remettre en cause la validité de la décision de refus d'entrée ou d'éloignement en elle-même ni la validité de la privation de liberté temporaire qui en découle [ ;] ce sont seulement les effets de ces décisions qui doivent être provisoirement « gelés », dans l'attente de la décision de la Cour, c'est-à-dire que l'éloignement effectif du requérant ne peut être provisoirement réalisé ».
70.  La Cour relève en premier lieu que le requérant ne produit aucun commencement de preuve à l'appui de l'allégation selon laquelle il serait arrivé à l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle le 29 juin 2005. Elle note ensuite que le Gouvernement, qui dément cette version des faits, indique qu'il a vérifié la liste des passagers des vols en provenance d'Afrique du Sud ayant atterri à l'aéroport de Roissy les 29 et 30 juin et le 1er juillet 2005 et qu'il n'y a pas trace d'un passager dénommé Gebremedhin, Gaberamadhien ou Eider (le nom qui, selon le requérant, figurait sur son passeport d'emprunt ; paragraphe 10 ci-dessus).
La Cour parvient en conséquence à la même conclusion que le Gouvernement sur ce point : les éléments du dossier ne permettent pas de considérer que le requérant est arrivé à l'aéroport avant le 1er juillet 2005 ; le seul document probant est le procès-verbal de la police de l'air et des frontières de l'aéroport établi à cette date et indiquant que l'intéressé fut interrogé à 11 heures ce jour-là.
Dans ces conditions, il y a lieu de retenir que la « privation de liberté » subie par le requérant a débuté à la date de son placement en « zone d'attente », le 1er juillet 2005. Dès lors qu'il est établi qu'elle a pris fin le 20 juillet 2005, date à laquelle le requérant fut autorisé à pénétrer sur le territoire français (paragraphe 17 ci-dessus), l'on ne saurait dire qu'elle a excédé le maximum de vingt jours prévu en droit interne.
71.  La Cour note ensuite que le requérant ne soutient pas qu'en tant que telle, la mesure de placement en zone d'attente prise à son encontre le 1er juillet 2005 enfreint l'article 5 § 1 de la Convention : comme elle l'a constaté dans sa décision sur la recevabilité du 10 octobre 2006 (§ 58) il se plaint uniquement de son maintien en zone d'attente pour une période postérieure à la décision du 6 juillet 2005 rejetant sa demande d'admission sur le territoire.
72.  S'agissant des tenants et aboutissants de la présentation du requérant à l'ambassade d'Erythrée le 7 juillet 2005, la Cour constate que le dossier ne comprend pas d'élément étayant la thèse du requérant, démentie par le Gouvernement, selon laquelle l'ambassadrice aurait ce jour-là définitivement refusé de délivrer un laissez-passer (paragraphe 16 ci-dessus). Aucune conclusion ne peut donc être tirée de cette allégation sur le terrain de l'article 5 § 1 de la Convention.
73.  Il faut en revanche prendre en compte le fait que, le 15 juillet 2005, le président de la chambre à laquelle l'affaire avait été initialement attribuée a décidé d'indiquer au Gouvernement, en application de l'article 39 du règlement de la Cour, qu'il serait souhaitable, dans l'intérêt des parties et du bon déroulement de la procédure devant la Cour, de ne pas renvoyer le requérant vers l'Erythrée jusqu'au 30 août 2005, minuit.
La Cour rappelle à cet égard que l'observation des mesures provisoires indiquées en vertu de l'article 39 s'impose aux Etats parties au titre des obligations leur incombant au regard de l'article 34 de la Convention (voir l'arrêt Mamatkoulov et Askarov précité, §§ 99-129). Ainsi, en l'espèce, sauf à méconnaître les obligations pesant sur lui au titre de la Convention, le Gouvernement ne pouvait, à partir du 15 juillet 2005, renvoyer le requérant vers l'Erythrée. Certes, les mesures ainsi prescrites ne présentent qu'un caractère provisoire. Cependant, d'une part, celle prise en l'espèce par le président de la chambre à laquelle l'affaire avait été initialement attribuée était applicable jusqu'au 30 août 2005, soit au-delà du 20 juillet 2005 (date à laquelle le placement du requérant en zone d'attente a pris fin), et, d'autre part, entre le 15 juillet 2005 et cette dernière date, le Gouvernement n'a pas demandé qu'elle soit levée.
74.  La mise en œuvre d'une mesure provisoire aux termes de laquelle la Cour indique à un Etat partie qu'il serait souhaitable qu'un individu ne soit pas renvoyé vers un pays déterminé est, en elle-même, sans incidence sur la conformité à l'article 5 § 1 de la Convention de la privation de liberté dont ledit individu fait le cas échéant l'objet.
Plus particulièrement, l'application de l'article 39 du règlement ne faisant pas obstacle à l'envoi de l'intéressé vers un autre pays que celui-là  — dans la mesure toutefois où il est établi que les autorité de cet autre pays ne l'achemineront pas ensuite vers le pays visé par la Cour – son maintien en détention à une telle fin est susceptible de constituer une détention « régulière » d'une personne « contre laquelle une procédure d'expulsion ou d'extradition est en cours » au sens de l'article 5 § 1 f) de la Convention.
Par ailleurs, lorsque, suite à la mise en œuvre de l'article 39 du règlement, les autorités de l'Etat partie en cause n'ont d'autre option que d'envisager de mettre fin à la privation de liberté dont l'intéressé faisait l'objet en vue de son « expulsion » et que cela implique qu'il lui soit donné accès au territoire, le maintien de celui-ci en détention pendant le temps strictement nécessaire aux vérifications leur permettant de s'assurer de la régularité de cet accès peut constituer « une détention régulière d'une personne pour l'empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire » au sens de l'article 5 § 1 f) de la Convention. On ne saurait au demeurant exclure que de telles vérifications subséquentes puissent conduire les autorités à découvrir des éléments – relatifs par exemple à l'identité de l'intéressé – susceptibles de justifier que la Cour mette fin à la mesure provisoire qu'elle avait prise en application de l'article 39 du règlement. Il n'en reste cependant pas moins que, comme toute privation de liberté, un tel maintien en détention doit être « régulier » et conforme aux « voies légales » au sens de l'article 5 § 1 : il doit non seulement être strictement encadré par la loi, notamment quant à sa durée – laquelle ne doit pas être déraisonnable – mais aussi s'accorder avec le but de l'article 5 : protéger l'individu contre l'arbitraire (voir, par exemple, l'arrêt Amuur c. France du 25 juin 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-III, § 50).
75. En l'espèce, la Cour constate que la décision du 6 juillet 2005 rejetant la demande d'accès au territoire formulée par le requérant ne prescrivait pas son réacheminement vers l'Erythrée exclusivement mais aussi, « le cas échéant, vers tout pays où il sera légalement admissible » (paragraphe 13 ci-dessus). Le maintien en zone d'attente de l'intéressé entre le 15 et le 20 juillet 2005 en vu de son acheminement vers un pays autre que l'Erythrée susceptible de l'accueillir eut pu constituer une privation de liberté en vue de son « départ », conformément à l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (voir la décision sur la recevabilité du 10 octobre 2006, § 55), et dans le cadre d'une « procédure d'expulsion » au sens de l'article 5 § 1 f) de la Convention.
Le Gouvernement ne soutient cependant pas que tel était l'objet de la privation de liberté subie par le requérant après le 15 juillet 2005. Soulignant qu'elle était légalement fondé sur des ordonnances du juge des libertés et de la détention, il précise que, pour se conformer à la mesure prise par la Cour en application de l'article 39, les autorités « devaient (...) envisager d'admettre M. Gebremedhin sur le territoire et de la placer en régime de pleine liberté », mais que, un doute persistant quant à l'identité de ce dernier, elles se sont trouvées obligées de procéder à des vérifications afin de limiter le risque qu'il ne puisse plus être localisé une fois autorisé à pénétrer sur le territoire français et qu'il y reste irrégulièrement. Selon le Gouvernement, les autorités agissaient ainsi dans le cadre du droit souverain des Etats parties de contrôler l'entrée, le séjour et l'éloignement des non-nationaux que la jurisprudence de la Cour leur reconnaît.
 La Cour est convaincue par ces explications. Elle constate en effet que, les autorités internes ont strictement suivi les voies légales. D'une part, conformément au droit interne (articles L. 221-3, L. 222-1 et L. 222-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; paragraphe 29 ci-dessus), la décision initiale de placement du requérant en zone d'attente du 1er juillet 2005 a été renouvelée au bout de quarante-huit heures par l'autorité administrative compétente pour une durée équivalente, puis par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Bobigny, une première fois le 5 juillet 2005 pour huit jours et une seconde fois le 13 juillet 2005, pour huit jours également (paragraphe 18 ci-dessus). D'autre part, dès le vingtième jour suivant son placement en zone d'attente, le requérant s'est vu autoriser à pénétrer sur le territoire français et délivrer un sauf-conduit (paragraphe 17 ci-dessus), ce qui a mis fin à sa privation de liberté. Ainsi, non seulement la durée globale de la détention qu'il a subie n'a pas excédé le maximum légal de vingt jours, mais en plus, son maintien en zone d'attente du 15 au 20 juillet 2005 reposait sur une décision juridictionnelle : l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 13 juillet 2005. Par ailleurs, le requérant étant, selon ses propres dires, dépourvu de tout document de voyage, la Cour ne voit pas de raison de douter de la bonne foi du Gouvernement en ce qu'il affirme que l'admission du requérant sur le territoire nécessitait que les autorités procèdent préalablement à des vérifications quant à son identité. Enfin, la Cour estime que, dans les circonstances de la cause, la durée du maintien du requérant en zone d'attente à cette fin n'a pas excédé la limite du raisonnable.
Rien ne permet en conséquence de considérer qu'entre le 15 et le 20 juillet 2005, le requérant a été arbitrairement privé de sa liberté.
En conclusion, la Cour admet que le maintien du requérant en zone d'attente après le 15 juillet 2005 constituait une « détention régulière » « d'une personne pour l'empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire » au sens de l'alinéa f) de l'article 5 § 1 de la Convention. Partant, il n'y a pas eu violation de cette disposition.
III.  SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
76.  Aux termes de l'article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A.  Dommage
77.  Le requérant réclame 30 000 euros (« EUR ») pour préjudice moral.
78.  Le Gouvernement juge cette demande excessive. Il propose le versement de 3 000 EUR au titre du préjudice subi par le requérant du fait de son maintien en zone d'attente, dans l'hypothèse où la Cour constaterait une violation.
79.  La Cour rappelle qu'elle conclut à la violation des articles 13 et 3 de la Convention combinés uniquement, au motif que, n'ayant pas eu accès en « zone d'attente » à un recours de plein droit suspensif, le requérant n'a pas disposé d'un « recours effectif » pour faire valoir son grief tiré de l'article 3 de la Convention. S'il n'est pas douteux que de telles circonstances sont de nature à générer angoisse et tension, la Cour estime que, dans les circonstances de la cause, le préjudice moral dont peut en conséquence se prévaloir le requérant se trouve suffisamment réparé par le constat de violation auquel elle parvient.
B.  Frais et dépens
80.  Le requérant a bénéficié de l'assistance judiciaire devant la Cour. Son conseil indique que, son client étant sans ressources, il a « fait l'avance des frais et honoraires ». Il demande 18 657,60 EUR au titre des honoraires et présente une « facture pro-forma » datée du 6 décembre 2006, indiquant que cette somme correspond à 120 heures de travail au tarif de 130 EUR hors taxes. Il demande en sus 800 EUR pour frais (copies, téléphone, courriers, etc).
81.  Le Gouvernement juge ces demandes excessives. Rappelant que les frais et dépens engagés par les requérants devant la Cour ne sont susceptibles d'être indemnisés que sous réserve de la production des justificatifs et dans la mesure où la Cour juge établie leur réalité, leur nécessité et leur caractère raisonnable, il propose la somme de 3 500 EUR.
82.  La Cour rappelle qu'un requérant ne peut en principe obtenir un remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En outre, aux termes de l'article 60 §§ 2 et 3 du règlement, le requérant doit soumettre des prétentions chiffrées et ventilées par rubriques et accompagnées des justificatifs pertinents, faute de quoi la chambre peut rejeter tout ou partie de celles-ci (voir, parmi d'autres, l'arrêt Mazelié c. France du 23 octobre 2006, no 5356/04, § 38).
Vu la situation de demandeur d'asile puis de réfugié du requérant, la Cour ne doute pas de la réalité de son impécuniosité. Elle estime que, dans ces circonstances, il y a lieu d'allouer une somme au requérant au titre de l'avance sur honoraires que son conseil lui a concédée, et se satisfait à cet égard de la « facture pro-forma » qu'il produit.
Il convient cependant de prendre en compte le fait que la Cour n'a conclu en l'espèce à la violation de la Convention que pour l'un des griefs développés par le requérant, celui tiré des articles 13 et 3 de la Convention combinés. Seuls sont recouvrables au titre de l'article 41 les frais et dépens raisonnables quant à leur montant et qui ont été réellement et nécessairement engagés pour tenter de faire corriger dans l'ordre juridique interne la violation susmentionnée et pour amener la Cour à constater la violation. La Cour rejette en conséquence la demande pour le surplus (voir, par exemple, l'arrêt I.J.L. et autres c. Royaume-Uni du 19 septembre 2000, requêtes nos 29522/95, 30056/96 et 30574/96, Recueil 2000-IX, § 151).
Ceci étant, prenant en compte les diligences du conseil du requérant, la Cour juge raisonnable d'accorder 10 000 EUR au titre des frais et dépens, moins les 1 699,40 EUR déjà perçus du Conseil de l'Europe par la voie de l'assistance judiciaire, soit 8 300,60 EUR.
C.  Intérêts moratoires
83.  La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À l'UNANIMITÉ,
1.  Dit qu'il y a eu violation de l'article 13 de la Convention combiné avec l'article 3 ;
2.  Dit qu'il n'y a pas eu violation de l'article 5 § 1 f) de la Convention ;
3.  Dit que le constat d'une violation fournit en soi une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral subi par le requérant ;
4.  Dit
a)  que l'Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, 8 300,60 EUR (huit mille trois cent euros et soixante centimes) pour frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt ;
b)  qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montant sera à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
5.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 26 avril 2007 en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
S. Dollé  A.B. Baka   Greffière Président
ARRÊT GEBREMEDHIN [GABERAMADHIEN] c. FRANCE
ARRÊT GEBREMEDHIN [GABERAMADHIEN] c. FRANCE 


Type d'affaire : Arrêt (au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Violation de l'art. 13+3 ; Non-violation de l'art. 5-1-f ; Préjudice moral - constat de violation suffisant ; Remboursement partiel frais et dépens

Analyses

(Art. 13) GRIEF DEFENDABLE, (Art. 13) RECOURS EFFECTIF, (Art. 34) VICTIME, (Art. 5-1) ARRESTATION OU DETENTION REGULIERE, (Art. 5-1) PRIVATION DE LIBERTE, (Art. 5-1) VOIES LEGALES, (Art. 5-1-f) EMPECHER L'ENTREE IRREGULIERE SUR LE TERRITOIRE


Parties
Demandeurs : GEBREMEDHIN [GABERAMADHIEN]
Défendeurs : FRANCE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Formation : Cour (deuxième section)
Date de la décision : 26/04/2007
Date de l'import : 14/10/2011

Fonds documentaire ?: HUDOC


Numérotation
Numéro d'arrêt : 25389/05
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2007-04-26;25389.05 ?
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