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07/02/2008 | CEDH | N°10245/02

CEDH | AFFAIRE MOSOIU ET PASARIN c. ROUMANIE


TROISIÈME SECTION
AFFAIRE MOŞOIU ET PĂSĂRIN c. ROUMANIE
(Requête no 10245/02)
ARRÊT
STRASBOURG
7 février 2008
DÉFINITIF
07/05/2008
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Moşoiu et Păsărin c. Roumanie,
La Cour européenne des droits de l'homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
Boštjan M. Zupančič, président,   Corneliu Bîrsan,   Elisabet Fura-Sandström,   Alvina

Gyulumyan,   Egbert Myjer,   David Thór Björgvinsson,   Ineta Ziemele, juges,  et de Santiago Quesada, greffie...

TROISIÈME SECTION
AFFAIRE MOŞOIU ET PĂSĂRIN c. ROUMANIE
(Requête no 10245/02)
ARRÊT
STRASBOURG
7 février 2008
DÉFINITIF
07/05/2008
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Moşoiu et Păsărin c. Roumanie,
La Cour européenne des droits de l'homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
Boštjan M. Zupančič, président,   Corneliu Bîrsan,   Elisabet Fura-Sandström,   Alvina Gyulumyan,   Egbert Myjer,   David Thór Björgvinsson,   Ineta Ziemele, juges,  et de Santiago Quesada, greffier de section.
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 17 janvier 2008,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 10245/02) dirigée contre la Roumanie et dont deux ressortissants de cet Etat,   M. Cantemir-Aurelian-Gheorghe Moşoiu et Mme Nicolette-Aurelia-Maria Păsărin (« les requérants »), ont saisi la Cour le 5 janvier 2002 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2.  Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. Răzvan-Horaţiu Radu, du ministère des Affaires étrangères.
3.  Le 27 février 2006, la Cour a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Se prévalant des dispositions de l'article 29 § 3, elle a décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé de l'affaire.
EN FAIT
I.  LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE
4.  Les requérants sont nés respectivement en 1941 et 1931 et résident à Ploiesti.
5.  En 1950, la maison située au no 7 de la rue Democratiei, à Ploiesti, composée de deux appartements et du terrain y afférent, fit l'objet d'une confiscation.
6.  Le 9 octobre 1996, la commission pour l'application de la loi no 112/1995 rejeta une demande formulée par les requérants et portant sur la restitution de leur maison, au motif que le bien revendiqué ne faisait pas partie des biens susceptibles à être restitués par le biais de cette loi.
7.  Le 5 décembre 1997, en application de la loi no 112/1996, l'Etat vendit une chambre de chaque appartement composant la maison litigieuse, ainsi qu'une partie des dépendances et le terrain y afférent, à P.S.E. et Z.G., qui les habitaient en tant que locataires de l'Etat.
8.  Le 28 janvier 1999, suite à une action en revendication immobilière formulée devant le tribunal de première instance de Ploiesti, les requérants obtinrent un jugement ordonnant aux autorités de leur restituer la maison. Ce jugement devint définitif suite au rejet d'un appel interjeté par la mairie de Ploiesti.
9.  En 2000, les requérants formèrent une action en annulation des deux contrats de vente. Au terme de la procédure, par un arrêt du 17 juillet 2001, la cour d'appel de Ploiesti confirma une décision du tribunal départemental de Ploiesti rejetant l'action des requérants comme mal fondée et confirmant la légalité des contrats de vente, en raison de la bonne foi des parties contractantes. Les juges de la cour d'appel ajoutèrent que les chambres constituaient, au sens de la loi no 112/1995, deux unités locatives distinctes, car elles étaient accompagnées de leurs annexes.
10.  Après l'adoption de la loi no 10/2001 du 14 février 2001 sur la restitution des biens nationalisés abusivement, les requérants demandèrent à se voir restituer en nature les deux chambres ainsi que les dépendances vendues aux locataires. Par une décision du 4 avril 2006, la mairie de la ville de Ploiesti rejeta la demande formulée par les requérants en raison de la vente des biens revendiqués et les informa sur la possibilité d'obtenir une indemnisation pour la perte de leurs biens.
II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
11.  Les dispositions légales et la jurisprudence interne pertinentes sont décrites dans les arrêts Brumărescu c. Roumanie ([GC], no 28342/95, CEDH 1999-VII, pp. 250-256, §§ 31-33), Străin et autres c. Roumanie (no 57001/00, CEDH 2005-VII, §§ 19-26) et Păduraru c. Roumanie (no 63252/00, §§ 38-53, 1 décembre 2005).
12.  La loi no 10/2001 du 14 février 2001 sur le régime juridique des biens immeubles pris abusivement par l'État entre le 6 mars 1945 et le 22 décembre 1989 a été modifiée par la loi no 247 publiée au Journal officiel du 22 juillet 2005. La nouvelle loi élargit les formes d'indemnisation en permettant aux bénéficiaires de choisir entre une compensation sous forme de biens et services et une compensation sous forme de dédommagement pécuniaire équivalant à la valeur marchande du bien qui ne peut pas être restitué en nature au moment de l'octroi de la somme.
13.  Les dispositions pertinentes de la loi no 10/2001 (republiée) telles que modifiées par la loi no 247/2005 se lisent ainsi :
Article 1
« 1.  Les immeubles que l'État (...) s'est approprié abusivement entre le 6 mars 1945 et le 22 décembre 1989, de même que ceux pris par l'Etat en vertu de la loi no 139/1940 sur les réquisitions, et non encore restitués, feront l'objet d'une restitution en nature.
2.  Si la restitution en nature n'est pas possible, il y a lieu d'adopter des mesures de réparation par équivalence. Il peut s'agir de la compensation par d'autres biens ou services (...), avec l'accord du demandeur, ou d'un dédommagement pécuniaire octroyé selon les dispositions spéciales concernant la détermination et le paiement de dédommagements pour les biens immeubles acquis abusivement.
Article 10
« 1)  Lorsque les bâtiments tombés dans le patrimoine de l'État d'une manière abusive ont été démolis totalement ou partiellement, la restitution en nature est ordonnée pour le terrain libre et pour les constructions qui n'ont pas été démolies, tandis que des mesures réparatrices par équivalence seront fixées pour les terrains occupés et pour les constructions démolies.
8)  La valeur des constructions que l'Etat s'est abusivement appropriées et qui ont été démolies est déterminée en fonction de leur valeur vénale au jour où l'administration statue sur la demande, établie selon les normes internationales d'évaluation à partir des informations à la disposition des évaluateurs.
9)  La valeur des constructions qui n'ont pas été démolies et des terrains y afférents que l'Etat s'est abusivement appropriés et qui ne peuvent pas être restitués en nature est déterminée en fonction de leur valeur vénale au jour où l'administration statue sur la demande, conformément aux normes internationales d'évaluation. »
Article 20
« 1)  Les personnes qui se sont vu octroyer des dédommagements en vertu de la loi no 112/1995 peuvent, sauf dans le cas où l'immeuble a été vendu [à des tiers] avant l'entrée en vigueur de la présente loi, en solliciter la restitution en nature, à charge pour elles de rembourser le montant reçu au titre des dédommagements, corrigé en fonction du taux de l'inflation.
2)  Dans le cas où l'immeuble a été vendu [à des tiers] dans les conditions prévues par la loi no 112/1995 (...), le demandeur a droit à des mesures de réparation par équivalence, à hauteur de la valeur vénale de l'immeuble, incluant le terrain et les constructions, déterminée conformément aux normes internationales d'évaluation. Lorsque le demandeur a reçu des dédommagements en vertu de la loi no 112/1995, il a droit à la différence entre la valeur vénale du bien et le montant reçu au titre desdits dédommagements, corrigé en fonction du taux d'inflation.
14.  Les articles 13 et 16 du titre VII de la loi no 247/2005, également pertinents dans la présente affaire, se lisent ainsi :
Article 13
« 1)  En vue d'arrêter le montant final des dédommagements à octroyer selon la présente loi, sera créée une Commission centrale des dédommagements, ci-après la Commission centrale, placée sous l'autorité du Premier ministre (...)
Article 16
« 1)  Les décisions délivrées par les autorités compétentes pour restituer le bien mentionnant des sommes à titre de dédommagement (...) seront envoyées au secrétariat de la Commission centrale au plus tard 60 jours après l'entrée en vigueur de la présente loi.
2)  Les demandes de restitution déposées en vertu de la loi no 10/2001 (...) qui n'ont pas reçu de réponse au moment de l'entrée en vigueur de la loi seront envoyées (...) au secrétariat de la Commission centrale (...) dans un délai de 10 jours à compter de la date de la délivrance des décisions des autorités compétentes pour restituer le bien.
5)  Le secrétariat de la Commission centrale dressera la liste des dossiers mentionnés aux alinéas 1 et 2 dans lesquels la demande de restitution en nature a été rejetée. Ces dossiers seront ensuite transmis à l'autorité chargée de l'évaluation, qui rédigera le rapport d'évaluation.
6)  (...) L'autorité chargée de l'évaluation rédigera le rapport d'évaluation selon la procédure prévue à cet effet et le transmettra à la Commission centrale. Le rapport contiendra le montant du dédommagement à octroyer.
7)  Sur la base du rapport d'évaluation, la Commission centrale prononcera la décision d'octroi de dédommagement ou renverra le dossier pour une nouvelle évaluation. »
15.  Le fonctionnement de la société par actions « Proprietatea » est décrit dans l'affaire Radu c. Roumanie (no 13309/03, §§ 18-20, 20 juillet 2006).
16.  La loi no 247/2005 a été modifiée en dernier lieu par l'ordonnance d'urgence du Gouvernement no 81 du 28 juin 2007, publiée au Journal Officiel du 29 juin 2007 et portant sur l'accélération de la procédure d'indemnisation pour les immeubles pris abusivement par l'Etat.
17.  Selon l'article 181 du titre I de l'ordonnance, lorsque la Commission centrale a décidé l'octroi des dédommagements dont le montant ne dépasse pas 500 000 nouveaux lei roumains (« RON »), les bénéficiaires peuvent opter entre des actions à « Proprietatea » et l'octroi des dédommagements pécuniaires. Pour les montants supérieurs à 500 000 RON, les intéressés peuvent réclamer des dédommagements pécuniaires à hauteur de 500 000 RON, et se verront octroyer des actions à « Proprietatea » pour la différence.
18.  Selon l'article 7 du titre II de l'ordonnance, dans les six mois à compter de l'entrée en vigueur de l'ordonnance, le Gouvernement devra établir les règles de désignation de la société gérante de « Proprietatea ».
EN DROIT
I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1
19.  Les requérants allèguent que la vente des deux unités locatives composant leur maison, validée par l'arrêt du 17 juillet 2001 de la cour d'appel de Ploiesti, a méconnu l'article 1 du Protocole no 1, ainsi libellé :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. »
A.  Sur la recevabilité
20.  Le Gouvernement fait valoir que le grief doit être rejeté pour   non-respect du délai de six mois dans la mesure où la requête a été introduite le 30 avril 2002, date d'envoi du formulaire de requête à la Cour, alors que la dernière décision interne définitive au sens de l'article 35 § 1 de la Convention a été prononcée le 17 juillet 2001 par la cour d'appel de Ploiesti.
21.  Les requérants contestent cette thèse et rappellent que leur requête a été reçue au greffe le 7 janvier 2002 et non le 30 avril 2002, comme le soutient le Gouvernement. En ce sens ils envoient copie de l'accusé de réception portant le cachet du greffe.
22.  La Cour estime que l'impossibilité alléguée par les requérants de jouir, depuis plusieurs années, de leur droit de propriété reconnu par une décision définitive et irrévocable s'analyse en une situation continue. Le simple fait qu'ils ont tenté – sans succès – d'y mettre un terme en demandant, par la voie d'une action en justice, l'annulation des contrats de vente conclus par l'État avec P.S.E. et Z.G. ne saurait changer ce constat factuel. A ce jour, les requérants ne se sont pas vu restituer les biens litigieux et n'ont pas davantage reçu d'indemnité à hauteur de leur valeur marchande. Le délai de six mois prévu à l'article 35 § 1 de la Convention n'a donc pas commencé à courir en l'espèce (voir Todicescu c. Roumanie, no 18419/02, § 16, 24 mai 2007, et Horia Jean Ionescu c. Roumanie, no 11116/02, § 24, 31 mai 2007).
23.  De surcroît, la Cour note que, à supposer même qu'il ne s'agisse pas d'une situation continue et que l'arrêt interne définitif en l'espèce soit celui du 17 juillet 2001 de la cour d'appel de Ploiesti, les requérants ont exposé leurs griefs lors de leur première communication à la Cour du 5 janvier 2002, de sorte que, même dans cette hypothèse, le délai de six mois n'a pas été méconnu (voir Baumann c. Autriche (déc.), no 39917/98, 4 septembre 2001).
24.  Partant, l'exception du Gouvernement ne saurait être accueillie favorablement. La Cour constate également que ce grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. Elle relève par ailleurs que celui-ci ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B.  Sur le fond
25.  Le Gouvernement fait observer que les requérants ont sollicité aux autorités compétentes une indemnisation pour la perte de leurs biens, conformément à la loi no 10/2001, telle que modifiée par la loi no 247/2005. Il estime que la dernière réforme en la matière, prévoit que, dans le cas où la restitution de l'immeuble n'est pas possible, l'indemnisation se fera par l'émission de titres de participation à un organisme collectif de valeurs mobilières (« Proprietatea »), à hauteur de la valeur du bien établie par expertise. Le Gouvernement conclut que l'indemnisation prévue par la législation roumaine répond aux exigences de l'article 1 du Protocole no 1 et que le retard enregistré dans l'indemnisation des intéressés ne rompt pas le juste équilibre à ménager entre les intérêts en présence.
26.  Les requérants considèrent que la confirmation par les tribunaux internes de la vente d'une partie de leur bien, malgré la reconnaissance définitive de leur qualité de propriétaires, méconnait les dispositions de l'article 1 du Protocole no 1 à la Convention.
27.  La Cour a traité à maintes reprises des affaires soulevant des questions semblables à celles du cas d'espèce et a constaté la violation de l'article 1 du Protocole no 1 à la Convention (voir Porteanu, précité, §§ 32-35).
28.  Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n'a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. La Cour réaffirme notamment que, dans le contexte législatif roumain régissant les actions en revendication immobilières et la restitution des biens nationalisés par le régime communiste, la vente par l'État d'un bien d'autrui à des tiers de bonne foi, même lorsqu'elle est antérieure à la confirmation en justice d'une manière définitive du droit de propriété d'autrui, s'analyse en une privation de bien. Une telle privation, combinée avec l'absence totale d'indemnisation, est contraire à l'article 1 du Protocole no 1 (Străin, précité, §§ 39, 43 et 59).
29.  En l'espèce, la Cour note que la vente a porté uniquement sur une partie du bien, à savoir sur une chambre de chaque appartement et leurs dépendances, ainsi que le terrain y afférent, composant le bien immobilier (voir § 7 ci-dessus).
30.  Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu'en l'espèce, la mise en échec du droit de propriété des requérants sur une partie de leurs biens, combiné avec l'absence totale d'indemnisation depuis plus de sept ans, leur a fait subir une charge disproportionnée et excessive, incompatible avec le droit au respect de ses biens garanti par l'article 1 du Protocole no 1.
Partant, il y a eu en l'espèce violation de cette disposition.
II.  SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
31.  Aux termes de l'article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A.  Dommage
32.  Les requérants réclament la restitution en nature de la partie de leur maison vendues aux locataires, à savoir les deux chambres et leurs dépendances composant une partie de leur maison. Ils ne demandent aucune somme au titre du préjudice moral.
33.  Par une lettre du 4 décembre 2006, les requérants informent la Cour de leur souhait de se voir restituer en nature et en intégralité leur maison, conformément au jugement définitif du 28 janvier 1999, du tribunal de première instance de Ploiesti, sans aucune autre mesure réparatrice, ni de dédommagement matériel et moral.
34.  Le Gouvernement fait observer que les requérants n'ont soumis aucune expertise technique immobilière afin d'évaluer leurs biens. D'après le Gouvernement, la valeur vénale totale des biens litigieux, conformément à leur description dans les contrats de vente conclues en 1997, serait de 98 424 euros (« EUR ») et soumet un rapport d'expertise en ce sens.
35.  La Cour rappelle qu'elle a conclu à la violation de l'article 1 du Protocole no 1 à la Convention en raison de la vente par l'Etat des deux chambres avec leurs dépendances ainsi que le terrain y afférent, faisant partie du bien immobilier sis au no 7 de la rue Democratiei, à Ploiesti, combinée avec l'absence totale d'indemnisation.
36.  La Cour estime, dans les circonstances de l'espèce, que la restitution ces deux unités locatives, partie intégrante du bien immobilier susmentionné, placerait les requérants autant que possible dans une situation équivalant à celle où ils se trouveraient si les exigences de l'article 1 du Protocole no 1 n'avaient pas été méconnues.
37.  A défaut pour l'Etat défendeur de procéder à pareille restitution, la Cour décide qu'il devra verser conjointement aux requérants, pour dommage matériel, une somme correspondant à la valeur actuelle des biens. Compte tenu des informations dont elle dispose sur les prix du marché immobilier local et des éléments fournis par le Gouvernement, la Cour estime la valeur marchande actuelle du bien à 98 424 EUR.
B.  Frais et dépens
38.  Les requérants ne demandent pas le remboursement des frais et dépens.
39.  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où il l'a demandé. Dès lors, en l'espèce, la Cour n'octroie aux requérants aucune somme à ce titre.
C.  Intérêts moratoires
40.  La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,
1.  Déclare la requête recevable ;
2.  Dit qu'il y a eu violation de l'article 1 du Protocole no 1 de la Convention ;
3.  Dit :
a)  que l'Etat défendeur doit restituer aux requérants les deux chambres et leurs dépendances, ainsi que le terrain y afférent, du bien immobilier sis au no 7 de la rue Democratiei, à Ploiesti ;
b)  qu'à défaut d'une telle restitution, l'État défendeur doit verser conjointement aux requérants, dans les mêmes trois mois, 98 424 EUR (quatre-vingt-dix-huit mille quatre cent vingt-quatre euros) pour dommage matériel ;
c)  qu'il convient d'ajouter aux sommes susmentionnées tout montant pouvant être dû à titre d'impôt et que ces sommes seront à convertir dans la monnaie de l'État défendeur au taux applicable à la date du règlement ;
d)  qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 7 février 2008 en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Santiago Quesada Boštjan M. Zupančič   Greffier Président
ARRÊT MOŞOIU ET PĂSĂRIN c. ROUMANIE
ARRÊT MOŞOIU ET PĂSĂRIN c. ROUMANIE 


Synthèse
Formation : Cour (troisième section)
Numéro d'arrêt : 10245/02
Date de la décision : 07/02/2008
Type d'affaire : Arrêt (au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Violation de l'article 1 du Protocole n° 1 - Protection de la propriété

Parties
Demandeurs : MOSOIU ET PASARIN
Défendeurs : ROUMANIE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2008-02-07;10245.02 ?

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