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07/02/2008 | CEDH | N°38023/02

CEDH | AFFAIRE KRAJCSOVICS ET AUTRES c. ROUMANIE


TROISIÈME SECTION
AFFAIRE KRAJCSOVICS ET AUTRES c. ROUMANIE
(Requête no 38023/02)
ARRÊT
STRASBOURG
7 février 2008
DÉFINITIF
07/05/2008
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Krajcsovics et autres c. Roumanie,
La Cour européenne des droits de l'homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
Boštjan M. Zupančič, président,   Corneliu Bîrsan,   Elisabet Fura-Sandström,   Alvin

a Gyulumyan,   Egbert Myjer,   David Thór Björgvinsson,   Ineta Ziemele, juges,  et de Santiago Quesada,...

TROISIÈME SECTION
AFFAIRE KRAJCSOVICS ET AUTRES c. ROUMANIE
(Requête no 38023/02)
ARRÊT
STRASBOURG
7 février 2008
DÉFINITIF
07/05/2008
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Krajcsovics et autres c. Roumanie,
La Cour européenne des droits de l'homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
Boštjan M. Zupančič, président,   Corneliu Bîrsan,   Elisabet Fura-Sandström,   Alvina Gyulumyan,   Egbert Myjer,   David Thór Björgvinsson,   Ineta Ziemele, juges,  et de Santiago Quesada, greffier de section
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 17 janvier 2008,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 38023/02) dirigée contre la Roumanie et dont trois ressortissants de cet Etat,   MM. Tiberiu Balint Krajcsovics, Endre Pal Fejer et Emse Annamaria Fejer (« les requérants »), ont saisi la Cour le 30 septembre 2002 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »). Le 2 février 2007, le premier requérant décéda. Son héritier, Mme Janos Iuliana, a exprimé le souhait de continuer l'instance devant la Cour. Pour des raisons d'ordre pratique « le présent arrêt continuera d'appeler M. Tiberiu Balint Krajcsovics le requérant » bien qu'il faille aujourd'hui attribuer cette qualité à son héritier (voir, parmi d'autres, Dalban c. Roumanie [GC], no 28114/95, § 1, CEDH 1999-VI).
2.  Les requérants ont été représentés par Me Gabor Hajdu, avocat à Miercurea Ciuc. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. Răzvan-Horatiu Radu, du ministère des Affaires étrangères.
3.  Le 27 février 2006, la Cour a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Se prévalant des dispositions de l'article 29 § 3, elle a décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé de l'affaire.
EN FAIT
I.  LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE
4.  Les requérants sont nés respectivement en 1917, 1974 et 1976. Le premier requérant résidait à Apata. Les deux autres requérants résident à Brasov.
5.  En 1950, le bien immobilier situé au no 10 de la rue Mihai Viteazul, à Brasov et composé d'une maison à plusieurs appartements et du terrain y afférent (381,6 m²), ayant appartenu à la famille des requérants, fit l'objet d'une nationalisation.
6.  En application de la loi no 112/1995, l'Etat vendit six des appartements composant la maison litigieuse aux tierces personnes les occupant en tant que locataires : le 18 janvier 1997, l'appartement no 3 fut vendu à M.D. et M.M. et l'appartement no 4 à R.I. et R.M ; le 20 janvier 1997, l'appartement no 2 fut vendu à B.I. et B.C. et l'appartement no 1 à B.R. ; le 22 janvier 1997, l'appartement no 6 fut vendu à L.L. et L.E, et le 16 avril 1999, l'appartement no 7 fut vendu à P.V. et P.M.
7.  Le 16 octobre 1998, suite à une action en revendication immobilière formulée devant le tribunal de première instance de Brasov contre la mairie de Brasov, les requérants obtinrent une décision définitive constatant l'illégalité de la nationalisation de leur maison et ordonnant aux autorités de modifier les inscriptions sur le registre foncier dans le sens où ils figurent en tant que propriétaires dudit bien.
8.  Le 14 avril 2000, saisi d'une action en revendication immobilière à l'encontre de la société « R », gérante des biens appartenant à l'Etat, le tribunal de première instance de Brasov ordonna la restitution du bien aux requérants. Le tribunal ordonna à la société « R » de payer des dommages et intérêts d'un montant de 300 000 lei roumains (« ROL ») par jour en cas de non-exécution. Ce jugement devint définitif.
9.  En 2000, les requérants formèrent une action en annulation des contrats de vente portant sur les appartements nos 1, 2, 3, 4, 6 et 7 vendus aux locataires. Devant le tribunal de première instance de Brasov, les requérants faisaient valoir que l'Etat avait illégalement vendu leur bien à des tierces personnes et que les parties aux contrats de vente étaient de mauvaise foi.
10.  Au terme de la procédure, par un arrêt du 10 avril 2002, la cour d'appel de Brasov, après avoir constaté l'existence de la bonne foi des locataires au moment de la conclusion des contrats de vente portant sur les appartements nos 1, 2, 3, 4 et 6, confirma un jugement du 4 mai 2001 du tribunal de première instance de Brasov qui avait rejeté l'action des requérants comme mal fondée, à l'exception de celle formulée contre P.V. et P.M. qui se virent annuler leur contrat de vente portant sur l'appartement no 7. Contre cet arrêt, P.V. et P.M. formulèrent une demande en annulation.
11.  Par un arrêt du 5 juillet 2002, la cour d'appel de Brasov fit droit à la demande en annulation et rejeta la demande des requérants en annulation du contrat de vente conclu en faveur de P.V. et P.M. et portant sur l'appartement no 7 comme étant mal fondée.
12.  En 2003, les acheteurs des six appartements assignèrent en justice les requérants afin de faire constater leur droit de propriété acquis par le biais des contrats de vente et, par conséquent, de faire inscrire leurs droits sur le registre foncier. Cette action fut finalement rejetée, le 16 janvier 2006, par la cour d'appel de Brasov qui estima que les contrats de vente n'étaient pas opposables aux requérants, qui, conformément aux inscriptions existantes dans le registre foncier, étaient les propriétaires des appartements, de sorte que les acheteurs n'avaient qu'un droit de créance contre l'Etat.
II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
13.  Les dispositions légales et la jurisprudence internes pertinentes sont décrites dans l'arrêt Străin c. Roumanie du 21 juillet 2005 (no 57001/00, §§ 19-26, CEDH 2005 - VII).
14.  Les dispositions légales et la jurisprudence interne décrites dans les arrêts Brumărescu c. Roumanie ([GC], no 28342/95, CEDH 1999-VII, pp. 250-256, §§ 31-44) sont également pertinentes dans la présente affaire.
15.  La loi no 10/2001 du 14 février 2001 sur le régime juridique des biens immeubles pris abusivement par l'État entre le 6 mars 1945 et le 22 décembre 1989 a été modifiée par la loi no 247 publiée au Journal officiel du 22 juillet 2005. La nouvelle loi élargit les formes d'indemnisation en permettant aux bénéficiaires de choisir entre une compensation sous forme de biens et services et une compensation sous forme de dédommagement pécuniaire équivalant à la valeur marchande du bien qui ne peut pas être restitué en nature au moment de l'octroi de la somme.
16.  Les dispositions pertinentes de la loi no 10/2001 (republiée) telles que modifiées par la loi no 247/2005 se lisent ainsi :
Article 1
« 1.  Les immeubles que l'État (...) s'est approprié abusivement entre le 6 mars 1945 et le 22 décembre 1989, de même que ceux pris par l'Etat en vertu de la loi no 139/1940 sur les réquisitions, et non encore restitués, feront l'objet d'une restitution en nature.
2.  Si la restitution en nature n'est pas possible, il y a lieu d'adopter des mesures de réparation par équivalence. Il peut s'agir de la compensation par d'autres biens ou services (...), avec l'accord du requérant, ou d'un dédommagement pécuniaire octroyé selon les dispositions spéciales concernant la détermination et le paiement de dédommagements pour les biens immeubles acquis abusivement.
Article 10
« 1)  Lorsque les bâtiments tombés dans le patrimoine de l'État d'une manière abusive ont été démolis totalement ou partiellement, la restitution en nature est ordonnée pour le terrain libre et pour les constructions qui n'ont pas été démolies, tandis que des mesures réparatrices par équivalence seront fixées pour les terrains occupés et pour les constructions démolies.
8)  La valeur des constructions que l'Etat s'est abusivement appropriées et qui ont été démolies est déterminée en fonction de leur valeur vénale au jour où l'administration statue sur la demande, établie selon les normes internationales d'évaluation à partir des informations à la disposition des évaluateurs.
9)  La valeur des constructions qui n'ont pas été démolies et des terrains y afférents que l'Etat s'est abusivement appropriés et qui ne peuvent pas être restitués en nature est déterminée en fonction de leur valeur vénale au jour où l'administration statue sur la demande, conformément aux normes internationales d'évaluation. »
Article 20
« 1)  Les personnes qui se sont vu octroyer des dédommagements en vertu de la loi no 112/1995 peuvent, sauf dans le cas où l'immeuble a été vendu [à des tiers] avant l'entrée en vigueur de la présente loi, en solliciter la restitution en nature, à charge pour elles de rembourser le montant reçu au titre des dédommagements, corrigé en fonction du taux de l'inflation.
2)  Dans le cas où l'immeuble a été vendu [à des tiers] dans les conditions prévues par la loi no 112/1995 (...), le réclamant a droit à des mesures de réparation par équivalence, à hauteur de la valeur vénale de l'immeuble, incluant le terrain et les constructions, déterminée conformément aux normes internationales d'évaluation. Lorsque le réclamant a reçu des dédommagements en vertu de la loi no 112/1995, il a droit à la différence entre et la valeur vénale du bien et le montant reçu au titre desdits dédommagements, corrigé en fonction du taux d'inflation.
17.  Les dispositions pertinentes de la loi no 245/2005 sont décrites dans l'arrêt Porteanu c. Roumanie (no 4596/03, § 24, 16 février 2006).
EN DROIT
I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1
18.  Les requérants allèguent que la vente des appartements nos 1, 2, 3, 4, 6 et 7 composant leur bien immobilier, validée par les arrêts des 10 avril et 5 juillet 2002 de la cour d'appel de Brasov, a méconnu l'article 1 du Protocole no 1, ainsi libellé :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. »
A.  Sur la recevabilité
19.  La Cour constate que ce grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. Elle observe par ailleurs qu'il ne se heurte à aucun motif d'irrecevabilité et le déclare donc recevable.
B.  Sur le fond
20.  Le Gouvernement fait observer que les requérants n'ont formulé aucune demande de dédommagement en vertu de la loi no 10/2001. Il se réfère aux objectifs de la loi no 10/2001, qui a été la première loi à réglementer de manière globale la question des immeubles nationalisés, tout en tendant à l'équilibre entre les exigences de la réparation des victimes des biens nationalisés et de la sécurité des rapports juridiques. A cela s'ajoute la loi no 247/2005, qui a modifié et complété la loi no 10/2001 en mettant en place le cadre institutionnel et financier pour une application plus effective de cette dernière loi. Enfin, le Gouvernement considère qu'un éventuel retard dans l'octroi des indemnisations serait dû à des « circonstances exceptionnelles » et ne serait pas de nature à rompre le juste équilibre entre la protection du droit de propriété et les exigences de l'intérêt général.
21.  Les requérants contestent la thèse du Gouvernement. Ils affirment que les autorités refusent illégalement de leur restituer le bien malgré la reconnaissance définitive, le 16 octobre 1998, de leur droit de propriété sur ce bien.
22.  La Cour a traité à maintes reprises des affaires soulevant des questions semblables à celles du cas d'espèce et a constaté la violation de l'article 1 du Protocole no 1 à la Convention (voir Porteanu, précité, §§ 32-35).
23.  Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n'a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. La Cour réaffirme notamment que, dans le contexte législatif roumain régissant les actions en revendication immobilières et la restitution des biens nationalisés par le régime communiste, la vente par l'État d'un bien d'autrui à des tiers de bonne foi, même lorsqu'elle est antérieure à la confirmation en justice d'une manière définitive du droit de propriété d'autrui, s'analyse en une privation de bien. Une telle privation, combinée avec l'absence totale d'indemnisation, est contraire à l'article 1 du Protocole no 1 (Străin, précité, §§ 39, 43 et 59).
24.  Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu'en l'espèce, la mise en échec du droit de propriété des requérants sur leurs biens, combiné avec l'absence totale d'indemnisation depuis plus de dix ans, leur a fait subir une charge disproportionnée et excessive, incompatible avec le droit au respect de leurs biens garanti par l'article 1 du Protocole no 1.
Partant, il y a eu en l'espèce violation de cette disposition.
II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
25.  Les requérants allèguent que les autorités ont ignoré l'existence de la décision définitive du 16 octobre 1998 du tribunal de première instance de Brasov, constatant l'illégalité de la nationalisation de leur bien et leur qualité de propriétaires du même bien, ce qui a méconnu l'article 6 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
A.  Sur la recevabilité
26.  La Cour constate que le grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. Elle relève par ailleurs qu'il ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B.  Sur le fond
27.  La Cour considère, compte tenu de ses conclusions figurant aux paragraphes 22-24 ci-dessus, qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le fond de ce grief (voir, entre autres, Enciu et Lega c. Roumanie, no 9292/05, § 36, 8 février 2007, et Barcanescu c. Roumanie, no 75261/01, §§ 36-37, 12 octobre 2006).
III.  SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
28.  Aux termes de l'article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A.  Dommage
29.  A titre principal, les requérants sollicitent la restitution du bien immobilier dont ils ont été reconnus propriétaires par le jugement définitif du 16 octobre 1998. Sans fournir un rapport d'expertise, les requérants estiment que la valeur des six appartements composant leur maison pourrait s'élever à 200 000 euros (« EUR »). Au titre du dommage moral subi, ils se réfèrent aux nombreuses procédures judiciaires qu'ils ont dû engager pour récupérer leur bien et réclament 60 000 EUR.
30.  Le Gouvernement indique que la valeur du bien serait de 213 440 EUR et soumet un rapport d'expertise en ce sens (22 378,66 EUR pour l'appartement no 1 ; 36 979,83 EUR pour l'appartement no 2 ; 33 311,19 EUR pour l'appartement no 3 ; 36 987,16 EUR pour l'appartement no 4 ; 50 971,99 EUR pour l'appartement no 6 et 32 811,17 EUR pour l'appartement no 7). Il fait observer que les requérants n'ont versé au dossier aucune expertise technique immobilière. Pour ce qui est de la demande de réparation du préjudice moral, le Gouvernement estime que le préjudice allégué serait suffisamment compensé dans le cas d'un constat de violation et qu'en tout état de cause, la somme réclamée est excessive.
31.  La Cour rappelle qu'elle a conclu à la violation de l'article 1 du Protocole no 1 à la Convention en raison de la vente par l'Etat du bien des requérants à des tiers, combinée avec l'absence totale d'indemnisation.
32.  La Cour estime, dans les circonstances de l'espèce, que la restitution des appartements nos 1, 2, 3, 4, 6 et 7 de la maison sise au no 10 de la rue Mihai Viteazul, à Brasov, ainsi que du terrain afférent, placerait les requérants autant que possible dans une situation équivalant à celle où ils se trouveraient si les exigences de l'article 1 du Protocole no 1 n'avaient pas été méconnues.
33.  A défaut pour l'Etat défendeur de procéder à pareille restitution, la Cour décide qu'il devra verser aux requérants, pour dommage matériel, une somme correspondant à la valeur actuelle du bien.
34.  La Cour observe que le seul rapport d'expertise versé au dossier est celui réalisé sur demande du Gouvernement. Compte tenu des informations dont elle dispose sur les prix du marché immobilier local et des éléments fournis par le Gouvernement, la Cour estime la valeur marchande actuelle du bien à 220 000 EUR.
35.  De surcroît, la Cour considère que les événements en cause ont pu provoquer aux requérants un état d'incertitude et des souffrances qui ne peuvent pas être compensés par le constat de violation. Elle estime que la somme de 3 000 EUR représente une réparation équitable du préjudice moral subi par les requérants.
B.  Frais et dépens
36.  Les requérants demandent également 3 000 EUR pour les frais et dépens encourus devant les juridictions internes. Ils n'ont fourni aucun justificatif en ce sens.
37.  Le Gouvernement ne s'oppose pas au remboursement des frais, à condition qu'ils soient justifiés, nécessaires et raisonnables. En l'espèce, le Gouvernement rappelle que les requérants n'ont déposé aucun justificatif à ce titre.
38.  Selon la jurisprudence constante de la Cour, l'allocation de frais et dépens au titre de l'article 41 présuppose que se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et, de plus, le caractère raisonnable de leur taux (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 54, CEDH 2000-XI).
39.  La Cour observe que les prétentions des requérants au titre des frais et dépens ne sont pas accompagnées des justificatifs nécessaires. Il convient donc d'écarter leur demande.
C.  Intérêts moratoires
40.  La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,
1.  Déclare la requête recevable ;
2.  Dit qu'il y a eu violation de l'article 1 du Protocole no 1 ;
3.  Dit qu'il n'y a pas lieu d'examiner au fond le grief tiré de l'article 6 § 1 de la Convention ;
4.  Dit :
a)  que l'État défendeur doit restituer aux requérants les appartements situés au nos 1, 2, 3, 4, 6 et 7 de la maison sise au no 10 de la rue Mihai Viteazul, à Brasov, ainsi que du terrain y afférent, dans les trois mois à compter du jour où le présent arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention ;
b)  qu'à défaut d'une telle restitution, l'État défendeur doit verser conjointement aux requérants, dans le même délai de trois mois, 220 000 EUR (deux cent vingt mille euros) pour dommage matériel ;
c)  qu'en tout état de cause, l'État défendeur doit verser conjointement aux requérants 3 000 EUR (trois mille euros) pour préjudice moral ;
d)  qu'il convient d'ajouter aux sommes susmentionnées tout montant pouvant être dû à titre d'impôt et que les sommes en question seront à convertir dans la monnaie de l'État défendeur au taux applicable à la date du règlement ;
e)  qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
5.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 7 février 2008 en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Santiago Quesada Boštjan M. Zupančič   Greffier Président
ARRÊT KRAJCSOVICS ET AUTRES c. ROUMANIE
ARRÊT KRAJCSOVICS ET AUTRES c. ROUMANIE 


Synthèse
Formation : Cour (troisième section)
Numéro d'arrêt : 38023/02
Date de la décision : 07/02/2008
Type d'affaire : Arrêt (au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Violation de l'article 1 du Protocole n° 1 - Protection de la propriété

Parties
Demandeurs : KRAJCSOVICS ET AUTRES
Défendeurs : ROUMANIE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2008-02-07;38023.02 ?

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