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07/02/2008 | CEDH | N°70728/01

CEDH | AFFAIRE YANKOV c. BULGARIE (II)


CINQUIÈME SECTION
AFFAIRE YANKOV c. BULGARIE (II)
(Requête no 70728/01)
ARRÊT
STRASBOURG
7 février 2008
Cet arrêt deviendra définitif dans les c
DÉFINITIF
07/05/2008
onditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Yankov c. Bulgarie (II),
La Cour européenne des Droits de l'Homme (cinquième section), siégeant en une chambre composée de :
Peer Lorenzen, président,   Snejana Botoucharova,   Karel Jungwiert,   Rait Maruste,   Javier Borr

ego Borrego,   Renate Jaeger,   Mark Villiger, juges,  et de Claudia Westerdiek, greffière de section,
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CINQUIÈME SECTION
AFFAIRE YANKOV c. BULGARIE (II)
(Requête no 70728/01)
ARRÊT
STRASBOURG
7 février 2008
Cet arrêt deviendra définitif dans les c
DÉFINITIF
07/05/2008
onditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Yankov c. Bulgarie (II),
La Cour européenne des Droits de l'Homme (cinquième section), siégeant en une chambre composée de :
Peer Lorenzen, président,   Snejana Botoucharova,   Karel Jungwiert,   Rait Maruste,   Javier Borrego Borrego,   Renate Jaeger,   Mark Villiger, juges,  et de Claudia Westerdiek, greffière de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 15 janvier 2008,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 70728/01) dirigée contre la République de Bulgarie et dont un ressortissant de cet Etat, M. Todor Antimov Yankov (« le requérant »), a saisi la Cour le 5 juin 2001 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).
2.  Le requérant est représenté par Mes S.H. Stefanova et M. Ekimdzhiev, avocats à Plovdiv. Le gouvernement bulgare (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, Mme M. Kotzeva, du ministère de la Justice.
3.  Le 29 novembre 2005, la Cour a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Se prévalant de l'article 29 § 3 de la Convention, elle a décidé qu'elle se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.
EN FAIT
I.  LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE
4.  Le requérant est né en 1943 et réside à Plovdiv.
5.  Dans les années 90, le requérant faisait partie de la direction de plusieurs institutions financières. Depuis 1996, le parquet a institué une série de procédures pénales à son encontre dont l'une (l'instruction préliminaire no 300/96) a fait l'objet d'une première requête de la part de l'intéressé (voir Yankov c. Bulgarie, no 39084/97, 11 décembre 2003).
1.  La première procédure pénale contre le requérant
6.  En 1996, une procédure de faillite de la banque A. fut engagée par ses créditeurs. A cette époque-là, le requérant était le directeur exécutif de la banque. Peu de temps après, le parquet de district de Plovdiv ouvrit des poursuites pénales contre certains responsables de la banque (l'enquête pénale no 468/1996).
7.  Le 7 avril 1998, dans le cadre de l'enquête pénale en cause, le parquet de district de Plovdiv inculpa le requérant d'avoir enfreint ses obligations professionnelles en tant que dirigeant de la banque, infraction prévu par l'article 282 du Code pénal. Il fut placé en détention provisoire.
8.  Le requérant fut interrogé les 12 mai, 18 septembre et 7 octobre 1998.
9.  Le 18 novembre 1998, les charges soulevées contre lui furent modifiées.
10.  Le 1er janvier 1999, l'enquêteur interrogea des témoins. Par ailleurs, une expertise comptable fut ordonnée le 28 janvier 1999.
11.  Le 10 mars 1999, l'enquêteur proposa au parquet de renvoyer l'affaire devant le tribunal. Par une ordonnance du 19 avril 1999, le parquet de district de Plovdiv renvoya le dossier pour un complément d'enquête.
12.  Le requérant indique qu'entre le 23 mars et le 1er décembre 1999, l'enquêteur entendit plusieurs témoins. Par ailleurs, l'intéressé fut interrogé à six reprises du 18 novembre 1999 au 12 janvier 2000. Des confrontations eurent lieu le 10 janvier 2000.
13.  Les 26 janvier et 25 février 2000, le requérant prit connaissance des éléments du dossier.
14.  L'acte d'accusation fut établi et l'affaire fut renvoyée en jugement le 17 octobre 2000.
15.  Entre le 9 janvier 2001 et le 5 février 2002, le tribunal de district de Plovdiv tint cinq audiences. Deux de ces audiences furent ajournées en raison de l'absence des experts et de certains témoins, une autre fut ajournée car elle avait été fixée pour un jour férié et une quatrième audience fut reportée pour des raisons non communiquées.
16.  A l'audience 18 avril 2002, le tribunal de district renvoya le dossier au parquet, ayant constaté que l'acte d'accusation ne décrivait pas de manière suffisamment détaillée les accusations portées contre le requérant. Le parquet contesta cette ordonnance du tribunal de district devant le tribunal régional de Plovdiv.
17.  Par une ordonnance du 10 juin 2003, le tribunal régional constata que l'ordonnance du tribunal inférieur était entrée en force et renvoya le dossier au parquet.
18.  Le 26 juin 2003, le procureur de district de Plovdiv suspendit l'enquête pénale. En effet, le 30 juin 2002, le requérant avait subi une attaque cérébrale qui avait eu des répercussions graves sur son état de santé et qui avait rendu impossible sa participation à l'enquête pénale.
19.  Entre le 10 janvier 2004 et le 17 octobre 2005, à des intervalles de quelques mois, le parquet de district ordonna quatre expertises médicales du requérant afin de déterminer son état de santé. A chaque fois les conclusions des experts démontraient qu'il n'était pas en mesure de participer à l'enquête.
20.  Aux dernières informations reçues, à la date du 1er juin 2006, l'enquête était toujours suspendue en raison de l'état de santé du requérant.
2.  La deuxième procédure pénale contre le requérant
21.  Le 22 juillet 1996, le parquet régional de Plovdiv ouvrit des poursuites pénales (enquête pénale no 926/96) contre le requérant et trois autres personnes pour détournement de fonds (присвояване).
22.  Le 26 juillet 1996, le requérant fut inculpé d'avoir détourné avec la complicité des trois autres coinculpés, au détriment de tierces personnes, les fonds qu'il gérait en tant que dirigeant d'une société d'investissement, infraction pénale punie par l'article 203 du Code pénal.
23.  Au cours de l'enquête, les organes de l'instruction préliminaire interrogèrent plusieurs témoins. Des expertises psychiatriques des inculpés, et une expertise comptable furent effectuées. L'intéressé fut interrogé à quelques reprises et des confrontations entre les témoins eurent lieu.
24.  Entre le 10 mars et le 10 juin 1997, l'enquête fut suspendue en raison de la maladie de l'un des inculpés.
25.  Le 3 septembre 1997, l'enquêteur proposa au parquet d'envoyer l'affaire en jugement. Par une ordonnance du 1er octobre 1997, le parquet renvoya le dossier pour un complément d'enquête.
26.  Le 13 janvier 1998, l'enquêteur proposa le renvoi des inculpés devant le tribunal. Le 11 juin 1998, le parquet renvoya le dossier à l'enquêteur pour un complément d'enquête.
27.  Le 5 avril 2000, l'enquêteur proposa au parquet le renvoi des inculpés en jugement. L'acte d'accusation fut établi et l'affaire fut renvoyée en jugement le 20 juin 2000.
28.  Par une ordonnance du 17 juillet 2000, le juge rapporteur renvoya le dossier au parquet pour un nouveau complément d'enquête.
29.  Après le nouveau renvoi de l'affaire en jugement le 26 juillet 2000, le dossier fut renvoyé une deuxième fois au parquet par le tribunal régional de Plovdiv. Un nouvel acte d'accusation fut établi et les coaccusés furent renvoyés en jugement le 5 décembre 2000.
30.  Les quatre audiences qui eurent lieu entre le 27 février et le 17 septembre 2001 furent reportées en raison de l'absence de certains témoins, des avocats des autres coaccusés ou de ceux de la partie civile.
31.  A l'audience du 14 novembre 2001, le tribunal régional de Plovdiv constata plusieurs manquements procéduraux au stade de l'instruction préliminaire de la part du parquet et ordonna le renvoi de l'affaire à ce dernier. Le parquet interjeta appel.
32.  L'ordonnance du tribunal régional du 14 novembre 2001 fut confirmée le 10 juin 2002 par la Cour d'appel de Plovdiv. Le parquet se pourvut en cassation.
33.  Le 11 juin 2003, la Cour suprême de cassation constata que, selon les amendements de la législation interne adoptés entre-temps, la décision de la Cour d'appel de Plovdiv était devenue définitive. Ainsi, l'affaire fut renvoyée au parquet régional de Plovdiv.
34.  Par une ordonnance du 30 octobre 2003, le procureur régional suspendit l'enquête pénale contre le requérant en raison de son état de santé suite à l'attaque cérébrale que ce dernier avait subie quelque temps auparavant.
35.  Selon les dernières informations reçues par les parties, à la date du 1er juin 2006, l'affaire en cause était toujours pendante au stade de l'instruction préliminaire et l'enquête demeurait suspendue en raison de l'état de santé du requérant.
II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
1.  Le Code de procédure pénale de 1974
36.  L'article 239, alinéa 1 du Code de procédure pénale de 1974 (ci-après le CPP) obligeait le procureur compétent de suspendre le cours de l'enquête pénale si l'inculpé ne pouvait pas participer à l'instruction pénale en raison d'une maladie grave. L'ordonnance du procureur pouvait être contestée par l'inculpé devant les tribunaux de première et de deuxième instance (alinéas 7 et 8 du même article).
37.  L'article 239a CPP a été adopté le 30 mai 2003. Il prévoyait la possibilité pour tout accusé de demander le renvoi de son affaire devant le tribunal si l'enquête avait duré plus de deux ans à compter de sa mise en examen. L'intéressé devait saisir le tribunal compétent qui, après avoir procédé à un examen préliminaire du dossier, avait la possibilité de le renvoyer au parquet ou encore de mettre fin aux poursuites pénales (alinéa 2). En cas de renvoi de l'affaire au parquet, ce dernier disposait de deux mois pour établir l'acte d'accusation et renvoyer l'affaire en jugement (alinéa 3), à défaut de quoi le tribunal était obligé de mettre fin aux poursuites engagées contre l'intéressé (alinéa 4).
2.  La responsabilité de l'Etat pour des dommages causés aux particuliers
38.  L'article 2, alinéa 2 de la loi sur la responsabilité de l'Etat pour les dommages causés aux particuliers donne la possibilité à chaque intéressé dans certains cas de figure d'introduire un recours en dommages et intérêts pour le préjudice subi dans le cadre d'une procédure pénale. Cette disposition législative ne prévoit pas la possibilité d'obtenir dédommagement en cas de durée excessive d'une procédure pénale.
39.  Selon la jurisprudence constante des juridictions internes et selon l'article 8 de la même loi, celle-ci est une lex specialis et déroge à l'application du régime commun de la responsabilité civile (voir entre autres решение №2747 от 09.01.2006 г. по гр.д. № 1258/2005 г., ІV г.о. на ВКС).
3.  La responsabilité civile délictuelle
40.  L'article 45 de la loi sur les obligations et les contrats stipule que chacun est tenu de réparer les dommages résultant de son comportement fautif.
EN DROIT
I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
41.  Le requérant allègue que la durée des deux procédures pénales menées contre lui a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l'article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »
42.  Le Gouvernement s'oppose à cette thèse.
A.  Sur la recevabilité
43.  La Cour constate que ce grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. Elle relève en outre qu'il ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité.
B.  Sur le fond
44.  S'agissant de la première procédure pénale, la période à considérer a débuté le 7 avril 1998 et n'avait pas encore pris fin au 1er juin 2006. A cette dernière date l'affaire était toujours pendante au stade de l'instruction préliminaire et elle avait déjà duré huit ans et deux mois. En ce qui concerne la durée de la deuxième procédure pénale, la période à prendre en considération a débuté le 26 juillet 1996 et la procédure était toujours pendante au stade de l'instruction préliminaire à la date du 1er juin 2006. A cette dernière date, elle avait duré déjà plus de neuf ans et dix mois.
45.  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d'une procédure s'apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par la jurisprudence de la Cour, en particulier la complexité de l'affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes (voir, parmi beaucoup d'autres, Pélissier et Sassi c. France [GC], no 25444/94, § 67, CEDH 1999-II)
46.  La Cour admet que les procédures pénales menées contre le requérant et ses complices présumés relevaient un certain degré de complexité en raison notamment de l'implication de plusieurs personnes dans les faits en cause, de la nécessité d'interroger plusieurs témoins et d'ordonner plusieurs expertises. Néanmoins, la complexité des enquêtes en cause n'est pas en mesure d'expliquer à elle seule les retards accumulés dans le cadre des deux procédures pénales.
47.  En ce qui concerne le comportement procédural du requérant, la Cour relève qu'il n'a pas causé de retards dans le cadre des deux procédures pénales en cause. Par ailleurs, la Cour observe que la suspension des deux enquêtes pénales en juin et en octobre 2003, ne saurait passer comme imputable ni au requérant, ni aux juridictions internes. La raison pour cela était la détérioration de l'état de santé du requérant, ce qui représentait un obstacle objectif au déroulement des deux instructions pénales pendant trois ans pour la première et pendant deux ans et huit mois pour la deuxième procédure.
48.   En revanche, la Cour relève que les organes chargés des poursuites pénales ont été à l'origine de plusieurs retards importants dans le cadre des deux affaires en l'espèce.
49.  Ainsi, la première procédure a été renvoyée à deux reprises, le 19 avril 1999, par le procureur à l'enquêteur, pour un complément d'enquête (voir paragraphe 11 ci-dessous) et le 18 avril 2002, par le tribunal de district de Plovdiv au parquet, pour des manquements procéduraux (voir paragraphe 16 ci-dessus). Le recours du parquet contre l'ordonnance du tribunal de district a été finalement rejeté (voir paragraphe 17 ci-dessus).
50.  S'agissant du déroulement de la deuxième procédure, la Cour observe qu'elle a été renvoyée à cinq reprises : trois fois à l'enquêteur pour des compléments d'enquête (voir paragraphes 25, 26 et 28 ci-dessus) et deux fois par le tribunal régional au procureur pour des manquements procéduraux de la part de ce dernier (voir paragraphes 29 et 31 ci-dessus). Le recours du parquet contre le dernier de ces renvois a été finalement rejeté par les juridictions internes (voir paragraphes 32 et 33 ci-dessus).
51.  La Cour a déjà observé à l'occasion de précédentes affaires contre la Bulgarie que les renvois répétés et injustifiés des affaires à l'instruction étaient la cause de délais excessifs dans la conduite des procédures pénales (Vasilev c. Bulgarie, no 59913/00, § 93, 2 février 2006 ; Iliev c. Bulgarie, no 48870/99, § 58, 22 décembre 2004 ; Kitov c. Bulgarie, no 37104/97, § 73, 3 avril 2003 ; Karov c. Bulgarie, no 45964/99, § 63, 16 novembre 2006). Tel est également le constat de la Cour dans la présente affaire.
52.  En conclusion, après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis et nonobstant les retards dues à l'état de santé grave du requérant, la Cour estime qu'en l'espèce la durée des procédures pénales litigieuses est excessive et ne répond pas à l'exigence du « délai raisonnable ».
Partant, il y a eu violation de l'article 6 § 1.
II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 13 DE LA CONVENTION
53.  Le requérant se plaint de l'absence, en droit bulgare, d'un remède efficace pour contester la durée des deux procédures pénales en cause. Il invoque l'article 13 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. »
54.  Le Gouvernement conteste cette thèse en exposant que le requérant disposait de trois voies de recours alternatives l'exercice desquelles aurait pu remédier aux retards des procédures pénales suivies en l'espèce : le recours prévu par l'article 239, alinéas 7 et 8 CPP, le recours prévu par l'article 239a CPP et l'action en responsabilité civile délictuelle prévue par l'article 45 de la loi sur les obligations et les contrats.
55.  La Cour relève que ce grief est lié à celui examiné ci-dessus et doit donc aussi être déclaré recevable.
56.  La Cour rappelle que l'article 13 garantit un recours effectif devant une instance nationale permettant de se plaindre d'une méconnaissance de l'obligation, imposée par l'article 6 § 1, d'entendre les causes dans un délai raisonnable (voir Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 156, CEDH 2000-XI). Selon sa jurisprudence constante, pour être effectif, un tel recours doit permettre soit de faire intervenir plus tôt la décision des juridictions saisies, soit de fournir aux justiciables une réparation adéquate pour les retards déjà accusés (voir parmi d'autres Granata c. France (no 2), no 51434/99, § 36, 15 juillet 2003).
57.  S'agissant du recours prévu par l'article 239 CPP, permettant à l'intéressé de contester les ordonnances du procureur qui ont suspendu les deux instructions préliminaires, la Cour note que les ordonnances en cause sont datées du 26 juin 2003 et du 30 octobre 2003 respectivement. Jusqu'à ces dernières dates, les deux procédures pénales avaient déjà duré plus de cinq ans pour la première et plus de sept ans pour la deuxième et cela en raison de plusieurs renvois pour des manquements procéduraux ou pour des compléments d'enquête (voir paragraphe 48 ci-dessus). Par conséquent, l'exercice du recours contre les ordonnances de suspension des procédures pénales n'était pas en mesure de remédier aux retards importants déjà accumulés dans les deux procédures avant 2003. Il en va de même pour le recours prévu par l'article 239a CPP, notamment en raison du fait que cette disposition a été adoptée le 30 mai 2003.
58.  En ce qui concerne les recours en dédommagement prévus par le droit interne, la Cour observe que l'article 2, alinéa 2 de la loi sur la responsabilité de l'Etat pour les dommages causés aux particuliers ne prévoyait pas de dédommagement en cas de durée excessive des procédures pénales (voir paragraphe 38 ci-dessus).
59.  Quant à la possibilité pour le requérant d'engager la responsabilité de l'Etat sous le régime commun de la responsabilité civile délictuelle (article 45 de la loi sur les obligations et les contrats), le Gouvernement n'a présenté aucune preuve permettant de conclure qu'il existe une jurisprudence constante des juridictions internes accordant un dédommagement pour le préjudice subi du fait de la durée excessive d'une procédure pénale.
60.  Dès lors, la Cour estime qu'en l'espèce il y a eu violation de l'article 13 de la Convention à raison de l'absence en droit interne d'un recours qui eût permis au requérant d'obtenir la sanction de son droit à voir sa cause entendue dans un délai raisonnable, au sens de l'article 6 § 1 de la Convention.
III.  SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
61.  Aux termes de l'article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A.  Dommage
62.  Le requérant réclame 24 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu'il aurait subi.
63.  Le Gouvernement n'a pas pris position à cet égard.
64.  La Cour estime que le requérant a subi un tort moral certain. Statuant en équité, elle lui accorde 3 500 EUR à ce titre.
B.  Frais et dépens
65.  Le requérant demande également 3 500 EUR pour les frais d'avocat et 60 EUR pour les frais de poste.
66.  Le Gouvernement n'a pas pris position à cet égard.
67.  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l'espèce et compte tenu des éléments en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour estime raisonnable la somme de 700 EUR tous frais confondus et l'accorde au requérant.
C.  Intérêts moratoires
68.  La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,
1.  Déclare, à l'unanimité, la requête recevable ;
2.  Dit, qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention ;
3.  Dit, à l'unanimité, qu'il y a eu violation de l'article 13 de la Convention ;
4.  Dit, à l'unanimité,
a)  que l'Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir en levs bulgares selon le taux applicable à la date du versement :
i.  3 500 EUR (trois mille cinq cents euros) pour dommage moral ;
ii.  700 EUR (sept cents euros) à titre de frais et dépens ;
iii.  tout montant pouvant être dû à titre d'impôt ;
b)  qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants ont à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
5.  Rejette, à l'unanimité, la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 7 février 2008 en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Claudia Westerdiek Peer Lorenzen    Greffière Président
ARRÊT YANKOV c. BULGARIE (II)
ARRÊT YANKOV c. BULGARIE (II) 


Synthèse
Formation : Cour (cinquième section)
Numéro d'arrêt : 70728/01
Date de la décision : 07/02/2008
Type d'affaire : Arrêt (au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Violation de l'article 6 - Droit à un procès équitable ; Violation de l'article 13 - Droit à un recours effectif

Analyses

(Art. 13) DROIT A UN RECOURS EFFECTIF


Parties
Demandeurs : YANKOV
Défendeurs : BULGARIE (II)

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2008-02-07;70728.01 ?

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