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03/02/2009 | CEDH | N°36478/02

CEDH | AFFAIRE JONES c. ROUMANIE


TROISIÈME SECTION
AFFAIRE JONES c. ROUMANIE
(Requête no 36478/02)
ARRÊT
STRASBOURG
3 février 2009
DÉFINITIF
03/05/2009
Cet arrêt peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Jones c. Roumanie,
La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
Josep Casadevall, président,   Elisabet Fura-Sandström,   Corneliu Bîrsan,   Alvina Gyulumyan,   Egbert Myjer,   Ineta Ziemele,   Ann Power, juges,  et de Santiago Quesada, greffier de section,
Ap

rès en avoir délibéré en chambre du conseil le 13 janvier 2009,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date ...

TROISIÈME SECTION
AFFAIRE JONES c. ROUMANIE
(Requête no 36478/02)
ARRÊT
STRASBOURG
3 février 2009
DÉFINITIF
03/05/2009
Cet arrêt peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Jones c. Roumanie,
La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
Josep Casadevall, président,   Elisabet Fura-Sandström,   Corneliu Bîrsan,   Alvina Gyulumyan,   Egbert Myjer,   Ineta Ziemele,   Ann Power, juges,  et de Santiago Quesada, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 13 janvier 2009,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 36478/02) dirigée contre la Roumanie et dont un ressortissant allemand, M. Daniel Jones (« le requérant »), a saisi la Cour le 18 septembre 2002 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2.  Le requérant est représenté par Me Werner Krempels, avocat à Fribourg. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. Răzvan-Horaţiu Radu, du ministère des Affaires étrangères.
3.  Le gouvernement allemand, auquel l’affaire a été communiquée en vertu des articles 36 § 1 de la Convention et 44 du règlement de la Cour compte tenu de la nationalité du requérant, n’a pas souhaité intervenir dans la procédure.
4.  Le requérant allègue une atteinte à son droit de propriété et à son droit à un procès équitable du fait de la remise en cause répétée de ses droits sur un immeuble hérité de son père.
5.  Le 18 janvier 2008, le président de la troisième section a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Comme le permet l’article 29 § 3 de la Convention, il a en outre été décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le fond de l’affaire.
EN FAIT
6.  Le requérant est né en 1932 et réside à Francfort-sur-le-Main, en Allemagne.
7.  Le 20 avril 1950, en vertu du décret de nationalisation no 92/1950, l’Etat prit possession d’un immeuble sis au no 9 de la rue Zaharoff (actuellement Grasse) à Giurgiu, qui appartenait au père du requérant.
8.  A une date non précisée, l’immeuble fut attribué à la mairie de Giurgiu (« la mairie »).
9.  Le 27 juin 2001, à la demande du conseil départemental de Giurgiu (« le conseil »), le Gouvernement adopta un arrêté par lequel l’immeuble en question fut transféré de la mairie au conseil, la mise en possession étant prévue dans un délai de trente jours à compter de la date d’entrée en vigueur de l’arrêté.
L’arrêté entra en vigueur le 9 juillet 2001, date de sa publication au Moniteur officiel.
10.  Entre-temps, le 2 juillet 2001, en vertu de la loi no 10/2001, le requérant avait saisi la mairie d’une demande de restitution de l’immeuble et de versement d’une réparation pour les biens meubles qui se trouvaient dans celui-ci au moment de la nationalisation.
11.  Le 6 juillet 2001, la mairie avait approuvé la demande de restitution et mis le requérant en possession de l’immeuble.
12.  L’intéressé commença tout de suite à payer les impôts afférents à sa propriété et, le 1er août 2001, loua l’immeuble à la mairie.
13.  En vertu de l’arrêté du gouvernement du 27 juin 2001, le 11 juillet 2001, le conseil apposa les scellés sur la maison du requérant et demanda à la mairie de libérer l’immeuble.
14.  Le 13 juillet 2001, la mairie informa le conseil et le Gouvernement que l’immeuble avait déjà été restitué à l’héritier de l’ancien propriétaire de celui-ci et, partant, demanda l’annulation de l’arrêté du 27 juin 2001.
15.  Le 2 août 2001, le préfet de Giurgiu introduisit devant le tribunal départemental de Giurgiu une action contre la mairie aux fins de l’annulation de la décision du 6 juillet 2001. Le requérant intervint dans la procédure.
16.  Par un jugement du 28 décembre 2001, le tribunal départemental fit droit à l’action du préfet et annula la décision du 6 juillet 2001. Il retint que la mairie n’avait pas examiné tous les actes exigés par la loi no 10/2001. En particulier, il considéra que le requérant n’avait pas apporté, devant la mairie, la preuve qu’il était le fils de l’ancien propriétaire.
En tout état de cause, le tribunal estima qu’à la date de la décision contestée, l’immeuble n’appartenait plus à la mairie, compte tenu du transfert ordonné par l’arrêté du gouvernement du 27 juin 2001. Dès lors, il jugea que pour être valable, la demande de restitution aurait dû être adressée à la préfecture.
17.  Le requérant et la mairie se pourvurent en cassation devant la cour d’appel de Bucarest qui, par un arrêt définitif du 13 juin 2002, confirma le jugement, estimant que la décision du 6 juillet avait été annulée au motif que la mairie avait disposé d’un bien qui, à l’époque, ne lui appartenait pas, mais était la propriété du conseil.
18.  Par conséquent, le 24 janvier 2002, le requérant saisit le préfet d’une nouvelle demande de restitution de l’immeuble et de versement d’une réparation pour les biens meubles nationalisés.
19.  Sa demande ayant été rejetée par le conseil le 10 juillet 2003, le requérant saisit le tribunal départemental de Giurgiu qui, par un jugement du 26 février 2004, fit droit à l’action et condamna le conseil à restituer à l’intéressé la maison et le terrain afférent de 1 200 m2.
20.  Le 6 mai 2006, le conseil décida de restituer au requérant la maison et 1 086 m2 du terrain.
L’action en annulation de cette décision, introduite aussitôt par le requérant qui reprochait au conseil de ne pas lui avoir restitué la superficie entière du terrain, fut accueillie par un jugement du 29 septembre 2006 du tribunal départemental de Giurgiu, confirmé d’abord par la cour d’appel de Bucarest le 19 février 2007 (appel du conseil), puis définitivement par la Haute Cour de Cassation et Justice, le 2 novembre 2007 (pourvoi en recours du conseil).
21.  Le 14 juin 2006, par l’intermédiaire d’un huissier de justice, le requérant mit également le conseil en demeure d’obtempérer au jugement du 26 février 2004 et de le mettre en possession de la totalité de son immeuble.
22.  Le 30 juin 2006, il fut mis en possession de son immeuble.
23.  Le 27 décembre 2006, il vendit l’immeuble à un tiers qui, conformément aux dispositions du contrat, entra le jour même en possession du bien.
24.  Le 19 février 2007, le conseil introduisit devant le tribunal départemental de Giurgiu une action en annulation du contrat de vente susmentionné. Il fit valoir que la loi no 10/2001 avait institué une interdiction de vente pendant la procédure de restitution ; or, des litiges relatifs à l’immeuble étant toujours pendants entre les parties devant les juridictions, l’interdiction de vente concernait également l’immeuble en cause.
Après avoir fait l’objet de plusieurs cassations et renvois, cette action est actuellement pendante devant le même tribunal départemental.
EN DROIT
I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1 À LA CONVENTION
25.  Le requérant allègue que les démarches répétées des autorités administratives, y compris les actions en justice relatives à son immeuble, ont eu pour but de l’empêcher d’entrer en possession de son bien, en violation de son droit de propriété au titre de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »
A.  Sur la recevabilité
26.  Le Gouvernement estime que le requérant ne saurait se prétendre victime d’une violation de l’article 1 dans la mesure où il a vendu son immeuble.
27.  Le requérant fait savoir que l’action en annulation du contrat de vente l’empêche de mettre effectivement l’acheteur en possession de l’immeuble.
28.  La Cour rappelle qu’une décision ou une mesure favorable au requérant ne suffit, en principe, à lui retirer la qualité de « victime » que si les autorités nationales ont reconnu, explicitement ou en substance, puis réparé la violation de la Convention (voir, parmi beaucoup d’autres, Amuur c. France, 25 juin 1996, § 36, Recueil des arrêts et décisions 1996-III, Dalban c. Roumanie [GC], no 28114/95, § 44, CEDH 1999-VI, Labita c. Italie [GC], no 26772/95, § 142, CEDH 2000-IV, et El Majjaoui et Stichting Touba Moskee c. Pays-Bas (radiation) [GC], no 25525/03, § 28, 20 décembre 2007).
29.  Or, en l’espèce, la vente invoquée par le Gouvernement est toujours susceptible d’être annulée par les juridictions. En outre, aucune violation n’a été reconnue par les autorités et le requérant ne s’est jamais vu offrir de réparation pour les violations alléguées.
Il convient dès lors de rejeter l’exception préliminaire tirée de la perte de la qualité de victime.
30.  La Cour constate également que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. La Cour relève par ailleurs qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B.  Sur le fond
1.  Thèses des parties
31.  Le Gouvernement avance qu’il n’y a pas eu ingérence dans le droit de propriété du requérant, dans la mesure où le conseil a mis celui-ci en possession de son immeuble dans un délai de quatre mois. A supposer même qu’une telle ingérence ait eu lieu, le Gouvernement considère qu’elle était justifiée par le besoin de respecter la loi et qu’elle était proportionnelle, le conseil ayant obtempéré dans un délai raisonnable à l’obligation qui lui incombait.
Il fait également savoir que le conseil n’a apposé les scellés qu’après le jugement du 28 décembre 2001.
32.  Le requérant indique que, bien qu’il ait été mis en possession de son bien le 6 juillet 2001, il a dû attendre six ans pour se voir reconnaître à nouveau son droit de propriété et reprendre possession de son immeuble.
2.  Appréciation de la Cour
33.  La Cour relève que la décision administrative du 6 juillet 2001 a reconnu que le requérant était propriétaire du bien litigieux et qu’il a perdu la propriété de celui-ci le 9 juillet 2001, date d’entrée en vigueur de l’arrêté du Gouvernement. Ayant relancé la procédure de restitution prévue par la loi no 10/2001, le requérant s’est à nouveau vu reconnaître son droit de propriété le 26 février 2004 et a été mis en possession du bien le 30 juin 2006.
34.  Conformément à la procédure mise en place par la loi no 10/2001, la décision administrative du 6 juillet 2001 est devenue définitive dès lors que le requérant ne l’a pas contestée devant les juridictions. L’action ultérieure déclenchée par le préfet contre la mairie visait en effet l’annulation d’une décision définitive, dans le cadre d’une nouvelle procédure.
Par conséquent, à la suite de l’adoption et de la mise à exécution de la décision du 6 juillet 2001, le requérant a un bien au sens de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention.
35.  La Cour note qu’en vertu de l’article 135 § 1 de la loi no 215/2001 sur l’administration publique locale tel qu’il était libellé à l’époque des faits, tout acte administratif contesté par le préfet était suspendu de droit. Il s’ensuit qu’à partir de 2 août 2001, le requérant n’a pu exercer légalement son droit de propriété sur l’immeuble et, enfin, qu’il a perdu ce droit le 13 juin 2002.
Partant, il a subi une ingérence qui s’analyse en une privation de propriété au sens de la seconde phrase du premier alinéa de l’article 1 du Protocole no 1.
36.  La Cour rappelle qu’une privation de propriété relevant de cette norme ne peut se justifier que si l’on démontre notamment qu’elle est intervenue pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi. De plus, toute ingérence dans la jouissance de la propriété doit répondre au critère de proportionnalité. Un juste équilibre doit être maintenu entre les exigences de l’intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu. Le souci d’assurer un tel équilibre est inhérent à l’ensemble de la Convention. La Cour rappelle aussi que l’équilibre à préserver sera détruit si l’individu concerné supporte une charge spéciale et exorbitante (Brumărescu c. Roumanie [GC], no 28342/95, §§ 78 et 79, CEDH 1999-VII).
37.  En l’espèce, elle observe que les juridictions ont annulé le droit de propriété du requérant du fait que, selon leur interprétation, l’immeuble n’était plus la propriété de la mairie le 6 juillet 2001. Or la Cour note que l’arrêté en cause n’est entré en vigueur que le 9 juillet 2001, date à laquelle l’immeuble était déjà la propriété du requérant. Dès lors, la Cour nourrit des doutes quant à la pertinence des motifs exposés par les juridictions nationales.
38.  Quant aux allégations selon lesquelles la demande de restitution faite auprès de la mairie n’était pas complète, la Cour note que celle-ci a estimé que les documents soumis par le requérant, dont la bonne foi n’est à aucun moment contestée par les autorités, étaient suffisants pour qu’elle puise prendre une décision. Il s’ensuit qu’aucune faute ne peut être reprochée au requérant dans le déroulement de la procédure de restitution devant la mairie.
La Cour estime qu’il appartenait à la mairie et au Gouvernement d’entreprendre des démarches en vue de clarifier la situation de l’immeuble et le respect de la procédure prévue par la loi no 10/2001 et ce, avant et non pas après la première restitution de l’immeuble au requérant (voir, mutatis mutandis, Drăculeţ c. Roumanie, no 20294/02, § 40, 6 décembre 2007).
39.  Elle considère dès lors que l’annulation de la décision du 6 juillet 2001 a été exclusivement justifiée par des faits imputables aux autorités.
Pourtant, c’est encore le requérant (et non les autorités) qui a dû recommencer la procédure de restitution pour se voir enfin reconnaître à nouveau son droit de propriété, le 26 février 2004. Aucune réparation ne lui a été proposée pour la privation de propriété subie jusqu’à cette date.
40.  Partant, à supposer même que l’on puisse démontrer que la privation de propriété a servi une cause d’intérêt public, la Cour considère que le juste équilibre a été rompu et que le requérant a supporté une charge spéciale et exorbitante du fait d’avoir été privé non seulement du droit de jouir temporairement de son bien, mais également de toute indemnité ou mesure réparatrice à cet égard.
La Cour estime dès lors qu’il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention.
II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
41.  Le requérant considère que les démarches des autorités visant à l’annulation de son droit de propriété ont eu comme conséquence une atteinte à ses droits au titre de l’article 6 § 1 de la Convention.
42.  Le Gouvernement conteste l’applicabilité de l’article 6 § 1 en l’espèce, la décision du 6 juillet 2001 ayant été annulée à la suite de l’exercice du droit légal de l’administration de contester devant un tribunal la validité d’un acte juridique. A son avis, à supposer même que cet article soit applicable en l’espèce, il n’y en a pas eu violation.
43.  Eu égard au constat relatif à l’article 1 du Protocole no 1 (paragraphe 40 ci-dessus), la Cour estime que ce grief doit être considéré comme recevable, mais qu’il n’y a pas lieu d’examiner s’il y a eu, en l’espèce, violation de cette disposition (voir, entre autres, mutatis mutandis, Glod c. Roumanie, no 41134/98, § 46, 16 septembre 2003 ; Albina c. Roumanie, no 57808/00, § 42, 28 avril 2005 ; Lungoci c. Roumanie, no 62710/00, § 48, 26 janvier 2006 ; et Iorga c. Roumanie, no 4227/02, § 60, 25 janvier 2007).
III.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
44.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A.  Dommage
45.  Le requérant réclame 375 000 euros (EUR) au titre du préjudice matériel, somme qui représente les loyers non perçus du 11 mai 2002 à ce jour, et 100 000 EUR pour le préjudice moral qu’il aurait subi.
46.  Le Gouvernement soutient que les prétentions du requérant au titre du dommage matériel sont spéculatives. A son avis, la somme demandée au titre du préjudice moral est excessive et l’existence d’un lien de causalité entre les violations et le préjudice allégué n’est pas prouvée. Il estime enfin qu’un éventuel arrêt de condamnation pourrait constituer par lui-même une réparation satisfaisante du préjudice moral prétendument subi par le requérant.
47.  La Cour relève que la seule base à retenir pour l’octroi d’une satisfaction équitable réside en l’espèce dans le constat de violation de l’article 1 du Protocole no 1 du fait de la privation de propriété subie par le requérant pendant environ cinq ans. Elle note toutefois que celui-ci n’a pas fourni d’éléments suffisants pour permettre d’évaluer la demande tirée du défaut de jouissance. Partant, elle rejette cette demande.
48.  En revanche, elle considère que les événements en cause ont entraîné pour le requérant un sentiment de frustration ainsi que des désagréments et des incertitudes. Eu égard à l’ensemble des éléments se trouvant en sa possession et statuant en équité, comme le veut l’article 41 de la Convention, la Cour lui alloue 5 000 EUR au titre du préjudice moral.
B.  Frais et dépens
49.  Le requérant demande également 4 678,73 EUR pour les frais et dépens engagés devant les juridictions internes et 6 813,94 EUR représentant les honoraires de l’avocat l’ayant représenté devant la Cour.
Il fournit une série de quittances attestant le paiement d’environ 4 500 EUR à sa représentante en Roumanie, ainsi que la note d’honoraires de l’avocat qui l’a assisté après la communication de la requête.
50.  Le Gouvernement soutient que les prétentions du requérant ne sont pas étayées et que les honoraires d’avocat sont excessifs.
51.  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce et compte tenu des éléments en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour estime raisonnables la somme de 2 000 EUR pour la procédure nationale et la somme de 1 000 EUR pour la procédure devant la Cour et les accorde au requérant.
C.  Intérêts moratoires
52.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1.  Déclare la requête recevable ;
2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention ;
3.  Dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner le grief tiré de l’article 6 § 1 de la Convention ;
4.  Dit
a)  que dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, l’Etat défendeur doit verser au requérant les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l’Etat défendeur au taux applicable à la date du règlement :
i)  5 000 EUR (cinq mille euros), pour dommage moral, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt ; et
ii)  3 000 EUR (trois mille euros), pour frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par le requérant ;
b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
5.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 3 février 2009, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Santiago Quesada Josep Casadevall   Greffier Président
ARRÊT JONES c. ROUMANIE
ARRÊT JONES c. ROUMANIE 


Synthèse
Formation : Cour (première section)
Numéro d'arrêt : 36478/02
Date de la décision : 03/02/2009
Type d'affaire : Arrêt (au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Violation de l'art. 10 ; Préjudice moral - réparation

Analyses

(Art. 10-1) LIBERTE D'EXPRESSION, (Art. 10-2) DEVOIRS ET RESPONSABILITES, (Art. 10-2) GARANTIR L'AUTORITE ET L'IMPARTIALITE DU POUVOIR JUDICIAIRE, (Art. 10-2) NECESSAIRE DANS UNE SOCIETE DEMOCRATIQUE, (Art. 10-2) PREVUE PAR LA LOI, (Art. 10-2) PROTECTION DE LA REPUTATION D'AUTRUI, (Art. 10-2) PROTECTION DES DROITS D'AUTRUI


Parties
Demandeurs : JONES
Défendeurs : ROUMANIE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2009-02-03;36478.02 ?

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