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15/09/2009 | CEDH | N°798/05

CEDH | AFFAIRE MIROLUBOVS ET AUTRES c. LETTONIE


TROISIÈME SECTION
AFFAIRE MIROĻUBOVS ET AUTRES c. LETTONIE
(Requête no 798/05)
ARRÊT
STRASBOURG
15 septembre 2009
DÉFINITIF
15/12/2009
Cet arrêt peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Miroļubovs et autres c. Lettonie,
La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
Josep Casadevall, président,   Elisabet Fura,   Corneliu Bîrsan,   Alvina Gyulumyan,   Egbert Myjer,   Ineta Ziemele,   Luis López Guerra, juges,  et de Santiago Quesa

da, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 25 août 2009,
Rend l’arrêt que...

TROISIÈME SECTION
AFFAIRE MIROĻUBOVS ET AUTRES c. LETTONIE
(Requête no 798/05)
ARRÊT
STRASBOURG
15 septembre 2009
DÉFINITIF
15/12/2009
Cet arrêt peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Miroļubovs et autres c. Lettonie,
La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
Josep Casadevall, président,   Elisabet Fura,   Corneliu Bîrsan,   Alvina Gyulumyan,   Egbert Myjer,   Ineta Ziemele,   Luis López Guerra, juges,  et de Santiago Quesada, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 25 août 2009,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 798/05) dirigée contre la République de Lettonie et dont trois personnes – le père Ivans (Ioanns) Miroļubovs, un ressortissant letton, M. Sergejs Pičugins, un « non-citoyen résident permanent » de Lettonie, et Mme Albīna Zaikina, une ressortissante lettonne (« les requérants ») – ont saisi la Cour le 16 juin 2004 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2.    Le gouvernement letton (« le Gouvernement ») est représenté par son agente, Mme I. Reine.
3.  Les requérants alléguaient en particulier que la manière dont les autorités nationales étaient intervenues dans un conflit interne concernant leur communauté religieuse avait enfreint leur droit à la liberté de religion au sens de l’article 9 de la Convention. Ils invoquaient également les articles 8 et 11 de la Convention.
4.  Le 29 mars 2007, la requête a été communiquée au Gouvernement. Par une lettre du 3 octobre 2007, ce dernier a exprimé le souhait de conclure un règlement amiable avec les requérants et invita la Cour à se mettre à la disposition des parties à cette fin (articles 38 § 1 b) de la Convention et 62 du règlement). Le 20 décembre 2007, le greffe de la Cour a fait une proposition en ce sens. Par un courrier du 25 février 2008, le Gouvernement a informé la Cour qu’il acceptait les conditions proposées par le greffe ; quant aux requérants, ils ont déclaré ne pas être en mesure de les accepter.
5.  A la suite de l’échec des négociations du règlement amiable, tant les requérants que le Gouvernement ont déposé des observations écrites sur l’affaire (article 59 § 1 du règlement).
6.  Par une lettre du 3 décembre 2008, le Gouvernement a informé la Cour que le contenu des négociations en vue de parvenir à un règlement amiable en l’espèce avait été porté à la connaissance d’un tiers. Le Gouvernement a conclu qu’il y avait eu violation de l’obligation de confidentialité imposée par les articles 38 § 2 de la Convention et 62 § 2 du règlement, et que la requête devait être déclarée irrecevable comme étant abusive, au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Le 19 mars 2009, les requérants ont répondu à ces allégations.
EN FAIT
I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
7.  Au moment de l’introduction de la requête, le premier requérant, le père Ivans (Ioanns) Miroļubovs, était « maître spirituel » (garīgais mācītājs) de confession vieille-orthodoxe. Le deuxième requérant, M. Sergejs Pičugins, président du conseil paroissial de la paroisse vieille-orthodoxe Grebenščikova de Riga (Rīgas Grebenščikova vecticībnieku draudze, en abrégé « RGVD »), occupa cette fonction d’août 2001 à août 2002. La troisième requérante, Mme Albīna Zaikina, était membre dudit conseil pendant la même période.
A.  Le contexte historique de l’affaire
8.  La confession vieille-orthodoxe est née du grand schisme de l’Eglise orthodoxe russe au milieu du dix-septième siècle. Une partie du clergé et des fidèles russes, menée par l’archiprêtre Avvakoum (протопоп Аввакум), refusa d’accepter les réformes liturgiques initiées par le patriarche Nikon à partir de 1652. Les anciens livres liturgiques et leurs adeptes furent condamnés par l’Eglise orthodoxe au concile de Moscou de 1666, consommant ainsi le schisme et ouvrant la voie à une série de persécutions contre les personnes attachées aux anciens usages.
9.  Les adeptes de la confession vieille-orthodoxe sont plus communément appelés « vieux-croyants » (староверы en russe, vecticībnieki en letton) ou « vieux-ritualistes » (старообрядцы en russe). Leurs différences principales avec l’Eglise orthodoxe ne se situent pas sur le plan proprement théologique ou dogmatique, mais plutôt sur le plan liturgique et celui de l’orthopraxie (l’orthographe du nom de Jésus, la manière de faire le signe de la croix, le baptême par triple immersion, le libellé de certaines prières, le rejet du chant polyphonique, certains interdits et prescriptions vestimentaires et alimentaires, etc.)
10.  Malgré ces éléments communs, tous les vieux-croyants se divisent en deux grandes branches, très différentes entre elles. La première branche, historiquement la plus ancienne, s’appelle les popovtsy (поповцы en russe, littéralement « les prêtristes »). Il s’agit des vieux-croyants qui, en s’assurant la succession apostolique par une chaîne de consécrations épiscopales, ont conservé un mode de vie ecclésiale essentiellement identique à celui de l’Église orthodoxe. Les popovtsy possèdent leur propre hiérarchie institutionnelle (il existe actuellement deux grandes hiérarchies avec un archevêque à la tête de chacune, ainsi que plusieurs hiérarchies plus petites), leur propre épiscopat, les sept sacrements (y compris l’Eucharistie et la prêtrise) et des communautés de vie monastique.
11.  La deuxième branche, les bespopovtsy (беспоповцы, littéralement « les sans-prêtres ») s’est progressivement formée dans certaines régions au cours de la première moitié du dix-huitième siècle, après le décès des prêtres qui s’étaient ralliés à la cause des vieux-croyants et en l’absence d’un évêque qui pourrait ordonner de nouveaux prêtres à leur place. Dans la perspective eschatologique des bespopovtsy, une telle extinction sacramentelle était perçue comme un phénomène normal de la fin des temps. N’ayant pas de prêtres, les bespopovtsy ne célèbrent pas l’Eucharistie et donc ne communient pas. Ils ne possèdent aucune hiérarchie ecclésiastique ; chaque communauté locale est en principe indépendante des autres. La direction spirituelle de la communauté est généralement assurée par des hommes laïcs élus par les fidèles et spécialement formés et bénis, appelés « maîtres spirituels » (духовные наставники) ; ceux-ci assurent la prédication, dirigent les assemblées dominicales, administrent les baptêmes, entendent les confessions, célèbrent les mariages et les funérailles. Ils sont habituellement désignés par le titre de « père », à l’instar des prêtres.
12.  A la suite de nombreuses scissions survenues au cours de l’histoire, les deux branches des vieux-croyants se subdivisent en plusieurs obédiences (согласия, littéralement « concordes ») ; chez les bespopovtsy, celles-ci peuvent encore se subdiviser en mouvances (толки). Sauf quelques rares exceptions, les différentes obédiences ne se reconnaissent pas mutuellement.
13.  Depuis 1800, il existe également un courant appelé yedinovertsy (единоверцы). Il s’agit de vieux-croyants qui ont consenti à devenir membres de l’Église orthodoxe russe tout en gardant l’usage du vieux rite. Les paroisses des yedinovertsy font dès lors partie intégrante de l’Église orthodoxe, mais elles sont autorisées à célébrer d’après les textes liturgiques antérieurs à 1666.
14.  Il est communément admis que la première communauté vieille-orthodoxe sur le territoire letton fut créée en 1660, dans les environs de Daugavpils, par un prêtre dissident russe. Depuis environ deux siècles, la quasi-totalité des vieux-croyants de Lettonie appartient à l’obédience pomore de la branche des bespopovtsy. Plus précisément, ils relèvent de la mouvance des « mariés » (брачное согласие) de la sous-obédience vieille-pomore fédosséiévite (старопоморы-федосеевцы). A l’origine, tous les fédosséiévites étaient « non mariés » (безбрачное согласие), c’est-à-dire, ils n’avaient pas de mariage religieux : ceux qui vivaient maritalement de facto étaient temporairement exclus de la communauté jusqu’à l’âge de cessation des rapports sexuels. Toutefois, au milieu du dix-neuvième siècle, les fédosséiévites vivant sur le territoire letton actuel finirent par accepter le mariage sacramentel, se distinguant ainsi du reste des fédosséiévites restés en Russie.
15.  Avant 1989, une partie des vieux-croyants pomores de Lettonie récusaient l’usage du mot « Eglise » à leur égard ; toutefois, en 1989, la quasi-totalité des communautés lettonnes s’organisa en une fédération nommée « l’Eglise vieille-orthodoxe pomore de Lettonie » (Latvijas Vecticībnieku Pomoras Baznīca en letton). D’après les données statistiques publiées par la Direction des affaires religieuses (Reliģisko lietu pārvalde, ci-après « la Direction »), les vieux-croyants pomores, qui comptent entre 70 000 et 80 000 personnes, représentent environ 3 % de toute la population de la Lettonie. Ils sont pratiquement tous de langue maternelle russe.
16.  A l’époque actuelle, la Lettonie compte 69 communautés vieilles-orthodoxes. La plus grande d’entre elles est la RGVD (paragraphe 7 ci-dessus), établie en 1760, dont le temple est le plus grand temple vieux-croyant du monde. Forte de plusieurs milliers de paroissiens (dont 439 officiellement enregistrés comme tels) avant sa scission, elle rassemblait depuis longtemps l’ensemble des vieux-croyants pomores de Riga et de ses environs.
B.  La genèse de l’affaire
17.  En 1984, le premier requérant, le père Ivans (Ioanns) Miroļubovs, devint l’un des maîtres spirituels de la RGVD. En 1995, il en fut nommé le maître spirituel principal. Il devint également président du Conseil central de l’Église vieille-orthodoxe pomore de Lettonie (Latvijas Vecticībnieku Pomoras Baznīcas Centrālā padome).
18.  Peu après, toujours en 1995, une assemblée générale de la RGVD élut un nouveau conseil paroissial (draudzes padome) et adopta de nouveaux statuts, qui furent déclarés réguliers et enregistrés par le ministère de la Justice. Toutefois, un autre maître spirituel de la communauté, le père A.K., ne reconnut pas les nouveaux changements et quitta la RGVD avec une partie des paroissiens. Cette scission alla jusqu’à entraîner des actes de violence et d’intimidation, qui, à plusieurs reprises, nécessitèrent l’intervention de la police.
19.  En juillet 1995, un concile général de l’Eglise vieille-orthodoxe eut lieu à Daugavpils. Les délégués refusèrent, à la quasi-unanimité, de reconnaître la légitimité canonique des actes du premier requérant ; il fut déchu de son statut de maître spirituel et frappé d’interdit pour une période de sept ans. La même sanction, mais pour une durée de cinq ans, fut infligée à ses partisans, ainsi qu’aux membres de sa famille. Cependant, en 1997, un nouveau concile général déclara illégitime celui de 1995 et invalida tous ses actes.
20.  En 1999, le père A.K. et ses adeptes, ayant quitté la RGVD, créèrent une nouvelle communauté, appelée « la paroisse vieille-orthodoxe pomore de l’Epiphanie du Seigneur » (Rīgas Dieva Parādīšanās Pomoras vecticībnieku draudze). En janvier 2000, elle fut enregistrée en tant que paroisse (draudze) par la Direction, acquérant ainsi la personnalité morale en droit civil.
21.  En avril 2001, le premier requérant quitta le poste de président du Conseil central de l’Eglise vieille-orthodoxe et déclara que la RGVD quittait également ledit conseil. Il ressort des pièces du dossier que, depuis quelques années, ce requérant était entré en conflit avec un grand nombre d’autres maîtres spirituels vieux-croyants de Lettonie, qui lui reprochaient ses projets de restauration de la prêtrise et des autres sacrements manquants, contrairement aux principes fondamentaux de la vie ecclésiale traditionnelle des bespopovtsy. Ils l’accusaient également d’avoir, à cette fin, pris contact avec l’Eglise orthodoxe russe (Patriarcat de Moscou).
22.  Le 5 août 2001, l’assemblée générale de la RGVD, tenue en présence d’un fonctionnaire de la Direction, élut son conseil paroissial et sa commission d’audit interne. Le premier requérant demeura maître spirituel principal de la communauté, le deuxième devint président du conseil paroissial ; quant à la troisième, elle fut élue membre dudit conseil. Par une lettre d’attestation du 17 août 2001, la Direction reconnut la validité de ces élections. Le 8 novembre 2001, la Direction accorda à la RGVD un nouveau numéro d’enregistrement et lui délivra un nouveau certificat à cet effet. Le 3 mars 2002, l’assemblée générale adopta de nouveaux statuts, qui soulignaient l’indépendance complète de la RGVD par rapport aux autres organismes religieux. Le 2 mai 2002, la Direction les homologua.
23.  Entre-temps, en septembre 2001, un nouveau concile général de l’Église vieille-orthodoxe eut lieu à Daugavpils. Il confirma les sanctions prononcées à l’encontre du premier requérant et de ses adeptes en 1995. Le concile constata également que le premier requérant avait invité au temple de la RGVD un prêtre de l’Eglise orthodoxe russe pour qu’il y célébrât l’Eucharistie, après quoi une partie des paroissiens avait communié ; or, un tel acte constituait une « trahison de l’Eglise pomore ». Quant au temple susvisé, le concile déclara que « [ce] temple (...), ainsi que toute sa propriété, fai[saient] partie intégrante de l’héritage spirituel et matériel de l’Eglise vieille-orthodoxe pomore de Lettonie ».
24.  Le 12 avril 2002, le premier requérant invita effectivement un prêtre orthodoxe russe, rattaché au courant des yedinovertsy (paragraphe 13 ci-dessus), à célébrer dans les locaux de la RGVD. Celui-ci célébra la liturgie des Présanctifiés, puis donna la communion et l’extrême-onction à ceux des membres de la RGVD qui le désiraient.
25.  Le 7 juin 2002, les délégués des communautés pomores russes, lettonnes et biélorusses, réunis à Saint-Pétersbourg (Russie), déclarèrent que le fait d’entrer en communion sacramentelle avec les représentants d’une autre confession entraînait l’excommunication de l’obédience pomore.
C.  Les événements du 14 juillet 2002 et leurs suites
26.  Le 14 juillet 2002, une assemblée générale extraordinaire de la RGVD se tint dans la salle des réunions du temple de Riga. 175 paroissiens y étaient présents, y compris les trois requérants, tous les autres membres du conseil paroissial et tous les membres de la commission d’audit interne.
27.  En même temps, une autre réunion fut organisée en plein air dans la rue devant le temple ; elle rassembla environ 250 personnes. Y participèrent notamment quinze maîtres spirituels vieux-croyants venus de toute la Lettonie – y compris le père A.K. de la paroisse de l’Epiphanie du Seigneur –, et M. M., un député du Parlement de confession vieille-orthodoxe. L’un des trois maîtres spirituels de la RGVD, le père T.K., finit par sortir du temple et par les rejoindre. En revanche, aucun autre responsable élu de la communauté n’y était présent. Les requérants appelèrent la police, mais celle-ci refusa d’intervenir.
28.  Au cours de leur rassemblement, les personnes réunies dans la rue déclarèrent qu’elles formaient elles aussi une « assemblée extraordinaire ouverte de la RGVD ». Elles déclarèrent qu’en communiant chez un prêtre orthodoxe le 12 avril 2002, les requérants et ceux qui avaient suivi leur exemple avaient apostasié leur foi vieille-croyante et s’étaient de facto convertis à l’Eglise orthodoxe. Par conséquent, selon l’article 13 des statuts de la RGVD, toutes ces personnes avaient automatiquement perdu leur qualité de membre de la communauté, et, par là-même, leur droit de vote et leurs postes au sein de cette dernière. L’assemblée « dissidente » décida donc d’écarter tous les responsables élus de la RGVD, en élut de nouveaux à leur place et apporta des modifications importantes aux statuts de la paroisse. Le père T.K. fut élu maître spirituel principal ; quant au député M., il se vit accorder le poste du président du conseil paroissial. Les décisions ainsi adoptées, accompagnées d’un extrait du procès-verbal de la réunion, furent aussitôt soumises à la Direction pour enregistrement.
29.  D’après le procès-verbal susmentionné, 183 membres de la RGVD étaient présents au rassemblement litigieux. En revanche, les requérants soutiennent qu’environ deux tiers des participants au rassemblement en cause n’appartenaient pas à la RGVD et n’avaient dès lors aucun droit de vote au sein de cette communauté.
30.  Alors que le rassemblement parallèle se tenait dans la rue, l’assemblée générale de la RGVD, réunie à l’intérieur du temple, réagit par l’adoption d’une série de sanctions. Treize paroissiens se trouvant à l’extérieur furent exclus de la communauté « pour leurs activités schismatiques », treize autres furent frappées d’interdit pour une durée de six mois, et le père T.K. fut renvoyé. En outre, l’assemblée adopta deux déclarations solennelles. La première, approuvée à l’unanimité et intitulée « Déclaration sur l’autonomie de la RGVD », insistait sur l’indépendance de cette communauté par rapport à l’Eglise vieille-orthodoxe pomore de Lettonie, indépendance qui avait été strictement maintenue jusqu’en 1989. La seconde, intitulée « Déclaration sur les principes de tolérance religieuse et sur l’étude de la possibilité de retourner à l’ancienne tradition ecclésiale russe », expliquait qu’une communion ponctuelle chez les yedinovertsy n’enfreignait aucune règle canonique ou disciplinaire pomore, réaffirmait la fidélité de la RGVD à la doctrine et aux usages pomores, et rejetait toute idée de conversion.
31.  Peu après, le conseil paroissial en place informa la Direction que le rassemblement tenu dans la rue avait été illégitime du point de vue des statuts de la RGVD, que ses actes étaient nuls et non avenus, et que le sceau utilisé par ses participants était un faux. En réponse, la Direction demanda au conseil de lui fournir le procès-verbal de l’assemblée générale tenue à l’intérieur du temple, une liste des paroissiens enregistrés, ainsi que certains autres renseignements. Le conseil soumit les informations demandées. Il envoya également à la Direction un enregistrement vidéo des deux réunions en cause.
32.  Le 5 août 2002, la Direction écrivit au Saint-Synode de l’Eglise orthodoxe russe, à Moscou, lui demandant son avis sur l’éventuel changement de l’appartenance confessionnelle de la RGVD. Par un courrier reçu le 26 septembre 2002, le fonctionnaire compétent du synode déclara qu’aucun ralliement de la RGVD ou de ses membres à l’église en cause n’avait eu lieu.
33.  Par deux lettres expédiées le 5 août 2002, le père A.K. de la paroisse de l’Epiphanie du Seigneur demanda à la Direction et à la faculté de théologie de l’Université de Lettonie si, à leur avis, le premier requérant et ses partisans avaient changé de confession du fait de leur communion sacramentelle avec les orthodoxes. En annexe de ces lettres, A.K. joignit copie d’un avis signé par un professeur de l’Académie de la fonction publique de la Fédération de Russie, selon lequel une telle communion était absolument contraire aux règles canoniques des bespopovtsy.
34.  Le 23 août 2002, le doyen de la faculté de théologie adressa à la Direction un avis non motivé, long de huit lignes et se limitant à dire que les « membres de la paroisse [avaient] renoncé aux principes caractéristiques de l’Eglise vieille-orthodoxe pomore ».
35.  Par une décision prise le même jour, le 23 août 2002, la Direction reconnut la légitimité du rassemblement parallèle tenu dans la rue, homologua ses décisions et enregistra les modifications des statuts qui y avaient été adoptées. Aux termes de cet acte, il avait été pris « vu l’avis de la division juridique de la Direction » et « puisque les documents reçus [étaient] conformes aux actes législatifs de la République de Lettonie » ; aucun autre motif n’avait été indiqué.
36.  Le surlendemain, le 25 août 2002, le député M. et les membres du nouveau conseil paroissial qu’il présidait se rendirent au temple de la RGVD, présentèrent la décision susmentionnée et exigèrent la libération immédiate des locaux. Les requérants et leurs condisciples ayant refusé d’obtempérer, les arrivants firent appel à une entreprise de sécurité privée pour les expulser de force. Ni les requérants ni leurs partisans (environ 180 personnes) ne purent plus jamais pénétrer dans l’enceinte du temple ; leur communauté continua néanmoins à fonctionner informellement, sous le nom de « RGVD en exil ».
37.  Par une décision du 10 septembre 2002, la Direction délivra au nouveau conseil paroissial un nouveau certificat d’enregistrement de la RGVD, tout en annulant celui du 8 novembre 2001. Plus tard, en 2003, ce réenregistrement fut renouvelé. Les nouveaux organes de la RGVD décidèrent aussitôt de se rallier à l’Eglise vieille-orthodoxe pomore de Lettonie.
38.  Dès le lendemain de leur expulsion, les requérants dénoncèrent le comportement du nouveau conseil paroissial dans une série de plaintes adressées à la police et au parquet ; toutefois, ceux-ci refusèrent d’intervenir. Les requérants se plaignirent également de l’attitude de la Direction devant le ministère de la Justice ; en réponse, il leur fut conseillé de saisir directement les tribunaux.
D.  La procédure devant les tribunaux
39.  Le 18 septembre 2002, les trois requérants, agissant en leur propre nom en tant que personnes physiques, saisirent le tribunal de première instance de l’arrondissement du Centre de la ville de Riga d’un recours en annulation des décisions de la Direction des 23 août et 10 septembre 2002. Dans leur mémoire, ils insistèrent sur le fait que, du point de vue des statuts de la RGVD, le rassemblement parallèle tenu dans la rue était manifestement irrégulier ; tous les actes qu’il pouvait éventuellement adopter étaient nuls ; en homologuant ces actes, la Direction avait donc agi ultra vires. Plus tard, le 17 novembre 2002, 110 membres de la « RGVD en exil » signèrent et envoyèrent au tribunal une résolution selon laquelle les requérants étaient habilités à représenter les intérêts de la RGVD légitime.
40.  Le 18 octobre 2002, la Direction adressa au tribunal ses observations écrites sur le fond de l’affaire. Selon la Direction, d’un point de vue formel, chacune des deux réunions – tant celle tenue à l’intérieur du temple que celle tenue dans la rue –, rassemblait plus d’un tiers des membres de la RGVD ; elles réunissaient donc toutes les deux le quorum requis par l’article 26 des statuts de celle-ci. Cependant, il ressortait des deux avis d’experts reçus par la Direction qu’en entrant en communion sacramentelle avec l’Eglise orthodoxe, une grande partie des paroissiens fidèles au premier requérant avaient automatiquement changé d’appartenance confessionnelle au sens de l’article 13 des statuts, perdant ainsi tous leurs droits au sein de la communauté. Cela signifiait qu’en réalité, l’assemblée générale de la RGVD présidée par le premier requérant ne réunissait pas le quorum requis. C’était donc pour cette raison que la Direction avait préféré la réunion « alternative » à l’assemblée « légitime » réunie dans le temple.
41.  Le 27 novembre 2002, le recteur de l’Université de Lettonie transmit au premier requérant un avis signé par le professeur T. de la faculté de théologie de cette université. Dans cet avis, long de quatre pages et allant dans le sens contraire à ceux déjà soumis à la Direction, le professeur T. contestait la compétence de son doyen en la matière. Selon lui, eu égard aux particularités historiques et théologiques de la confession vieille-orthodoxe et notamment du courant des bespopovtsy, le fait de communier chez les yedinovertsy n’entraînait nullement le changement de confession. Au demeurant, le professeur T. déclara qu’une communauté religieuse indépendante, telle la RGVD, avait « un droit inaliénable d’introduire des nouveautés (...) théologiques, si elle le jugeait nécessaire », et que l’Etat n’avait aucun droit de s’y immiscer et de décider de son appartenance confessionnelle. Cet avis fut également transmis au tribunal.
42.  Par un jugement du 10 janvier 2003, le tribunal de première instance fit droit au recours des requérants et annula les décisions des 23 août et 10 septembre 2002. Aux termes du jugement, l’assemblée générale tenue dans le temple était régulière et pleinement conforme aux statuts de la RGVD. En revanche, le rassemblement organisé dans la rue était manifestement contraire à toute une série d’articles desdits statuts. Le tribunal souligna en particulier que la RGVD était une communauté religieuse indépendante et qu’elle ne faisait pas partie de l’Eglise vieille-orthodoxe pomore de Lettonie.
43.  Contre ce jugement, la Direction interjeta appel devant la cour régionale de Riga ; dans son mémoire, elle insista sur sa position quant au changement de l’appartenance confessionnelle des requérants.
44.  Par un arrêt du 17 septembre 2003, la cour régionale annula le jugement entrepris et débouta les requérants. Aux termes de l’arrêt, les décisions litigieuses avaient pour seul destinataire la RGVD en tant que personne morale, et non les requérants en leur qualité de personnes physiques. Dès lors, ces décisions n’affectaient pas leurs droits et intérêts légitimes ; bien au contraire, rien ne les empêchait « de choisir librement leur appartenance à une confession [et] de se livrer aux rituels religieux ». Au demeurant, en faisant un choix entre les deux assemblées parallèles de la RGVD, la Direction avait agi dans les limites de sa compétence.
45.  Les requérants se pourvurent alors en cassation devant le sénat de la Cour suprême. Par un arrêt du 14 janvier 2004, rendu à l’issue d’une audience contradictoire à laquelle les requérants étaient représentés par un avocat du barreau de Riga, le sénat rejeta le pourvoi. Contrairement à la cour régionale, il ne contesta pas le droit des requérants d’introduire le recours en leur capacité individuelle, mais conclut à l’absence de moyens de cassation valides dans le pourvoi.
46.  Par une lettre du 15 avril 2004, le procureur en chef près la cour régionale de Riga demanda à la Direction de révoquer ses décisions des 23 août et 10 septembre 2002 comme étant contraires à la loi. Le 8 mai 2004, la Direction lui répondit que cette question avait déjà été définitivement tranchée par l’arrêt du sénat du 14 janvier 2004, entré en force de chose jugée.
II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
A.  Dispositions générales
47.  Le droit à la liberté de religion est garanti par la première phrase de l’article 99 de la Constitution (Satversme), tandis que la deuxième phrase énonce le principe de séparation des Eglises et de l’Etat. L’article 116, quant à lui, dispose :
« Les droits de la personne consacrés par les articles 96, 97, 98, 100, 102, 103, 106 et 108 peuvent être restreints dans les cas prévus par la loi, afin de protéger les droits d’autrui, le régime étatique démocratique, la sécurité, le bien-être et la morale publics. Sur la base des conditions mentionnées dans le présent article, on peut également restreindre l’expression des convictions religieuses. »
48.  Le fonctionnement des communautés religieuses et leurs relations avec l’Etat sont régis par la loi du 7 septembre 1995 sur les organisations religieuses (Reliģisko organizāciju likums). A l’époque des faits visés par la présente requête, les dispositions pertinentes de cette loi étaient ainsi libellées :
Article 1, alinéas 1) et 2)
« 1)  [Une] activité religieuse [est] le fait de s’adonner à une religion ou à une croyance, en pratiquant un culte, en célébrant des cérémonies religieuses ou rituelles et en prêchant une doctrine.
2)  [Une] confession religieuse (...) [est une] mouvance d’une religion du monde qui a son symbole de la foi, sa doctrine, son dogme, ainsi que ses traditions de culte. »
Article 3
« 1o  Les organisations religieuses sont les paroisses, les associations religieuses (églises) et les diocèses, enregistrées conformément à la présente loi.
2o  En s’associant selon le principe de libre volonté, les croyants appartenant à une même religion ou confession forment une paroisse, afin d’exercer des activités religieuses et d’autres activités dans un territoire habité déterminé, et ce, en respectant les actes législatifs en vigueur.
3o  Une association religieuse (église) réunit des paroisses d’une même confession, enregistrées conformément à la présente loi.
Article 5
« 1o  En République de Lettonie, l’Etat est séparé de l’Eglise. Les institutions de l’Etat ont un caractère laïque (...).
2o  L’Etat protège les droits des organisations religieuses garantis par la loi. L’Etat, les collectivités locales, leurs institutions, ainsi que les associations et les autres organisations n’ont pas le droit de s’immiscer dans les activités religieuses exercées par les organisations religieuses.
7o  Les relations entre l’Etat et les associations religieuses (églises) peuvent être régies par des lois spéciales.
Article 5-1 § 3
« Dans les limites de sa compétence définie par les lois et les autres actes normatifs, la Direction des affaires religieuses assure la mise en œuvre et la coordination de la politique de l’Etat dans les affaires religieuses, gère les questions liées aux relations réciproques entre l’Etat et les organisations religieuses (...). »
Article 7 §§ 2 et 3
« 2o  Dix (ou plus de dix) paroisses d’une même confession, enregistrées en République de Lettonie, peuvent former une association religieuse (église). (...)
3o  Des paroisses appartenant à une même confession ne peuvent créer qu’une seule association religieuse (église) dans tout l’Etat. »
Article 8 §§ 1 et 5
« 1o  Les organisations religieuses sont enregistrées par la Direction des affaires religieuses. (...)
5o  Les modifications (...) apportées aux statuts (...) d’une organisation religieuse, ainsi que les données concernant les changements de composition de son organe dirigeant et de sa commission d’audit interne, doivent être communiquées à la Direction des affaires religieuses dans un délai de deux semaines. »
Article 10 § 3
« Lorsqu’une paroisse reconnaît son appartenance à l’une des confessions [déjà] existant sur le territoire national, cela doit être indiqué dans une déclaration de la paroisse, qui est approuvée par les dirigeants de l’association religieuse (de l’église) en question (...). Si la paroisse ne souhaite pas s’affilier à l’une des associations religieuses (églises) préexistantes, cela doit être indiqué dans ses statuts (...), faisant mention du fait que la paroisse fonctionne d’une manière autonome. Cette disposition ne concerne pas les confessions dont les règles canoniques n’autorisent pas le fonctionnement de paroisses autonomes. »
Article 13 § 1
« Les organisations religieuses acquièrent la personnalité morale au moment de leur enregistrement. (...) »
Article 14
« 1o  Les organisations religieuses élisent ou nomment leur personnel spirituel et le licencient conformément à leurs statuts (...) ; quant aux autres employés, ils sont embauchés et licenciés conformément aux actes législatifs relatifs au droit de travail.
2o  Les organisations religieuses fonctionnent conformément aux règles canoniques de la confession en cause et à leurs propres statuts (...).
3o  Seules les organisations religieuses peuvent exercer des activités religieuses dans des lieux publics, et ce, avec l’approbation de la collectivité locale [en cause]. (...)
Article 17
« 1o  Les paroisses et les associations religieuses (églises) peuvent être dissoutes ou réorganisées selon les modalités définies dans leurs statuts (...).
3o  La décision portant dissolution, réorganisation ou cessation d’activités d’une organisation religieuse doit être communiquée à la Direction des affaires religieuses dans un délai de dix jours.
4o  Une paroisse qui décide de quitter une association religieuse (église) est réenregistrée conformément à l’article 8 (...) de la présente loi. Cette disposition ne concerne pas les confessions dont les règles canoniques n’autorisent pas le fonctionnement de paroisses autonomes.
49.  En pratique, certaines religions ont le statut de « traditionnelles » (bien que ce terme n’apparaît expressément dans aucun texte législatif), en ce sens qu’elles bénéficient de relations privilégiées avec l’Etat. Les vieux-croyants en font partie. Ainsi, par exemple, l’article 51 du code civil (Civillikums) accorde le droit de célébrer un mariage pleinement assimilé au mariage civil aux ministres des huit cultes suivants : les luthériens, les catholiques, les orthodoxes, les vieux-croyants, les méthodistes, les baptistes, les adventistes du septième jour et les juifs. Cette liste est généralement considérée comme la liste de référence des « confessions traditionnelles ». Les dirigeants ou les représentants de ces confessions siègent au Conseil des affaires spirituelles (Garīgo lietu padome), organe consultatif présidé par le Premier ministre. L’article 5 du règlement no 277 relatif au service des aumôniers (Noteikumi par kapelānu dienestu) y ajoute les pentecôtistes. Aux termes de l’article 6 § 3 de la loi sur les organisations religieuses, les luthériens, les catholiques, les orthodoxes, les vieux-croyants et les baptistes ont le droit de désigner des professeurs de religion chrétienne dans les écoles publiques si au moins dix élèves le réclament ; ces cours de religion sont pris en charge par l’Etat.
B.  Dispositions spéciales relatives aux vieux-croyants
50.  Avant l’occupation et l’annexion de la Lettonie par l’Union soviétique, en 1940, le statut des communautés vieilles-orthodoxes était régi par la loi du 14 février 1935 relative aux paroisses vieilles-orthodoxes (Likums par vecticībnieku draudzēm). Cette loi traitait chacune des paroisses comme une entité strictement indépendante. Une paroisse vieille-croyante pouvait être fondée par au moins cent citoyens ayant atteint l’âge de vingt-cinq ans révolus (article 9) ; afin d’obtenir la personnalité morale, elle devait être enregistrée auprès de l’autorité compétente (article premier). La solution des questions d’ordre religieux relevait en principe de la compétence de chaque paroisse individuelle rassemblée en une réunion plénière (article 4 § 3). En revanche, la loi de 1935 ne contenait aucune définition ni critère selon lesquels un individu ou une communauté pouvaient être reconnus ou non comme étant « vieux-croyants ». D’après les informations dont dispose la Cour, un problème de ce type ne s’est jamais posé en pratique sous le régime de la loi susmentionnée.
51.  La loi de 1935 autorisait les paroisses vieilles-croyantes à se fédérer en unions (savienības). Toutefois, même dans une telle hypothèse, chaque paroisse restait libre de quitter l’union à tout moment si la réunion plénière de ses membres le décidait (article 7). L’article 12, quant à lui, se lisait ainsi :
« Afin de gérer la vie spirituelle et ecclésiastique vieille-orthodoxe et de débattre des questions d’ordre religieux et cultuel, des congrès de délégués de paroisses peuvent être convoqués ; de tels congrès peuvent être soit communs à toutes les paroisses vieilles-croyantes, soit particuliers à une obédience vieille-croyante. Les modalités de la convocation et du déroulement de [ces] congrès, ainsi que celles de la nomination des délégués de paroisses, sont définies par une instruction [du ministre de l’Interieur]. »
52.  Après la restauration définitive de l’indépendance de Lettonie, en 1991, la loi susmentionnée ne fut pas remise en vigueur. Par conséquent, entre 1991 et 2008, le statut des paroisses vieilles-croyantes relevait de la législation générale sur les organisations religieuses.
53.  Le 31 mai 2007, le Parlement adopta une loi relative à l’Église vieille-orthodoxe pomore de Lettonie (Latvijas Vecticībnieku Pomoras Baznīcas likums). Entré en vigueur le 1er mai 2008, ce texte législatif s’inspire en partie du contenu de l’accord (du concordat) entre la Lettonie et le Saint-Siège, conclu en 2000. A la différence de celle de 1935, la nouvelle loi ne régit plus « les paroisses vieilles-croyantes », mais « l’Eglise vieille-croyante (...) avec toutes ses paroisses » (article 1 § 2). En d’autres termes, tous les droits et les obligations découlant de la loi visent l’Eglise en tant que structure organisée, dotée d’une personnalité morale ex lege, ayant à sa tête un « président de l’Eglise » et dont les paroisses individuelles font partie. En revanche, la nouvelle loi ne prévoit pas, même implicitement, qu’une paroisse vieille-croyante puisse exister en dehors de l’Eglise.
EN DROIT
I.  SUR LE PRÉTENDU ABUS DU DROIT DE RECOURS INDIVIDUEL
54.  Dans sa lettre du 3 décembre 2008, le Gouvernement soulève une exception d’irrecevabilité fondée sur un prétendu abus du droit de recours individuel de la part des requérants. A cet égard, le Gouvernement invoque les dispositions suivantes de la Convention et du règlement de la Cour :
Article 35 § 3 de la Convention
« La Cour déclare irrecevable toute requête individuelle introduite en application de l’article 34, lorsqu’elle estime la requête incompatible avec les dispositions de la Convention ou de ses Protocoles, manifestement mal fondée ou abusive. »
Article 38 de la Convention
« 1.  Si la Cour déclare une requête recevable, elle
b)  se met à la disposition des intéressés en vue de parvenir à un règlement amiable de l’affaire s’inspirant du respect des droits de l’homme tels que les reconnaissent la Convention et ses Protocoles.
2.  La procédure décrite au paragraphe 1 b) est confidentielle. »
Article 62 §§ 2 et 4 du règlement
« 2.  En vertu de l’article 38 § 2 de la Convention, les négociations menées en vue de parvenir à un règlement amiable sont confidentielles et sans préjudice des observations des parties dans la procédure contentieuse. Aucune communication écrite ou orale ni aucune offre ou concession intervenues dans le cadre desdites négociations ne peuvent être mentionnées ou invoquées dans la procédure contentieuse.
4.  L[e] paragraph[e] 2 (...) s’appliqu[e], mutatis mutandis, à la procédure prévue à l’article 54A du présent règlement [relatif à un examen conjoint de la recevabilité et du fond de l’affaire]. »
A.  Observations des parties
55.  Le Gouvernement fait valoir que le contenu de certains documents relatifs aux négociations en vue de parvenir à un règlement amiable en l’espèce a été communiqué à une personne étrangère au procès. A l’appui de cette allégation, le Gouvernement a fourni copies de deux lettres envoyées au Premier ministre de Lettonie par un certain M. F. Le Gouvernement affirme que celui-ci est un condisciple des requérants, c’est-à-dire membre de la « RGVD en exil » canoniquement fidèle au premier d’entre eux ; en tout état de cause, sa signature figure sur les déclarations solennelles de la RGVD du 14 juillet 2002 (paragraphe 30 ci-dessus). Les lettres litigieuses concernent M. B., qui était le chef de la Direction à l’époque des faits dénoncés par les requérants, qui avait personnellement signé la décision du 10 septembre 2002 (paragraphe 37 ci-dessus) et que le conseil des ministres a nommé au poste du greffier en chef du registre des entreprises (Uzņēmumu reģistra galvenais valsts notārs) en juin 2008.
56.  La première lettre de F., signée le 30 mai 2008, se lisait ainsi :
« En mai 2008, les médias ont annoncé qu’une commission du ministère de la Justice avait choisi [B.], professeur de l’Université de Lettonie, comme le meilleur candidat au poste du greffier en chef du registre des entreprises.
Je considère que le ministre de la Justice (...) n’a pas le droit de recommander au conseil des ministres de nommer [B.] à ce poste, car, à l’époque où il était à la tête de la Direction des affaires religieuses, il s’est avéré être un fonctionnaire incompétent et malhonnête. [Au cours des années] 2001 et 2002, la Direction des affaires religieuses, dirigée par [B.], a pris des décisions illégitimes et illégales au sujet de l’enregistrement des décisions des assemblées plénières de la [RGVD]. Plusieurs décisions [prises par B.] en 2001 ont été annulées par le ministère de la Justice, d’autres actes de l’administration [adoptés en] 2002 font actuellement l’objet d’un examen devant la Cour européenne des droits de l’homme. La Cour européenne est en train d’examiner la requête de Miroļubovs et autres c. Lettonie. La substance de la requête [porte sur] les violations des droits de l’homme et de la loi provoquées par des décisions illégales et malhonnêtes de la Direction dirigée par [B. au cours des années] 2001 et 2002, en ce qui concerne l’enregistrement les décisions de l’assemblée plénière d’une organisation religieuse.
Le 3 octobre 2007, par une lettre no 03/491-8795, l’agente du gouvernement letton, [I.] Reine, a informé la Cour européenne que le gouvernement letton souhaitait un règlement amiable dans cette affaire et qu’il avait demandé à la Cour d’indiquer une compensation pécuniaire adéquate pour les requérants, compte tenu de la situation économique en Lettonie (voir, en annexe, copie de la lettre de I. Reine). Se fondant sur la demande du gouvernement letton (...), la Cour européenne a proposé une compensation pécuniaire (...) pour chacun des trois requérants (voir, en annexe, copie de la déclaration de la Cour européenne).
En accordant la compensation, le gouvernement letton a reconnu qu’en 2002, la Direction des affaires religieuses avait violé les droits de l’homme et les lois lettonnes. Dès lors, en enregistrant les décisions d’une organisation religieuse contrairement à la loi, la Direction des affaires religieuses dirigée par [B.] a causé à l’Etat letton un préjudice matériel (...).
Les décisions illégales de la Direction des affaires religieuses, enregistrant les décisions de l’assemblée plénière de la [RGVD], en 2002, non seulement ont entraîné un préjudice matériel pour l’Etat letton ; elles ont également engendré une situation de conflit entre les représentants des vieux-croyants de Riga et la Direction des affaires religieuses (...). Les actes de l’administration [en question] ont fait l’objet d’un recours devant les tribunaux lettons, et ils contiennent [suffisamment d’éléments de fait et de droit] pour au moins une nouvelle requête contre la Lettonie devant la Cour européenne des droits de l’homme.
Eu égard à ce qui précède, et avant de prendre la décision de nommer [B.] au haut poste [de greffier en chef], je vous demande d’évaluer [son] comportement [à la tête de] la Direction des affaires religieuses, à la lumière de la requête pendante devant la Cour européenne et du préjudice causé à l’Etat letton. »
57.  Cette lettre contenait, en annexe, des photocopies de trois documents suivants : la lettre du Gouvernement du 3 octobre 2007, adressée au greffier de la section concernée de la Cour et l’invitant à intervenir pour parvenir à un règlement amiable dans la présente affaire ; la lettre du greffier adressée aux requérants le 20 décembre 2007 et formulant une proposition en ce sens ; enfin, le projet d’une déclaration de règlement amiable, préparé par le greffe, destiné à être signé par les trois requérants mais ne portant aucune signature.
58.  Il apparaît que cette lettre, accompagnée de ses annexes, a été transmise au ministre de la Justice qui a répondu à F. au nom du Gouvernement. Non satisfait de cette réponse, le 22 juillet 2008, F. a adressé au Premier ministre un deuxième courrier contenant des critiques à l’encontre de la manière dont la première lettre avait été traitée. Cette nouvelle lettre – qui est elle aussi mise en cause par le Gouvernement – était accompagnée d’une copie de celle du 30 mai 2008 avec toutes ses annexes.
59.  Selon le Gouvernement, le fait que les lettres et les documents concernant le règlement amiable ont été obtenus par F., personne étrangère au procès devant la Cour, démontre qu’il y eu en l’espèce infraction à l’obligation de confidentialité de la part des requérants. Dès lors, le Gouvernement demande à la Cour de déclarer la requête irrecevable pour abus du droit de recours individuel, au sens de l’article 35 § 3 de la Convention.
60.  Qui plus est, le Gouvernement informe la Cour « qu’aux termes de l’article 3 § 4 de la loi sur les secrets de l’Etat, les documents relatifs aux négociations aux fins de règlement amiable devant la Cour européenne des droits de l’homme sont confidentiels, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent pas être divulgués à quiconque sans autorisation spéciale ». Dans ces circonstances, l’agente du Gouvernement déclare qu’elle s’estime obligée « d’informer les autorités répressives » de la divulgation des informations litigieuses.
61.  Les requérants, quant à eux, déclarent ne pas être au courant comment le projet de déclaration et les lettres litigieuses ont abouti entre les mains de F. En tout état de cause, selon eux, un projet de déclaration sans signature n’est pas un « document » auquel on pourrait attribuer la confidentialité. Quant au règlement de la Cour, il ne lierait pas F. puisque celui-ci n’est pas partie au procès devant cette juridiction.
B.  Appréciation de la Cour
1.  Principes généraux
62.  La Cour rappelle d’emblée qu’afin de déterminer le sens des expressions et formules contenues dans la Convention, elle s’inspire essentiellement des règles d’interprétation établies par les articles 31 à 33 de la Convention de Vienne sur le droit des traités. En particulier, en vertu de l’article 31 § 1 de la Convention de Vienne, elle doit établir le sens ordinaire à attribuer aux termes dans leur contexte et à la lumière de l’objet et du but de la disposition dont ils sont tirés (voir, par exemple, Demir et Baykara c. Turquie [GC], no 34503/97, § 65, 12 novembre 2008). La Cour considère donc que la notion d’« abus », au sens de l’article 35 § 3 de la Convention, doit être comprise dans son sens ordinaire retenu par la théorie générale du droit – à savoir le fait, par le titulaire d’un droit, de le mettre en œuvre en dehors de sa finalité d’une manière préjudiciable. Dans sa jurisprudence constante, la Cour a fait recours à cette notion notamment dans deux cas de figure, tout en soulignant qu’il s’agit d’une mesure procédurale exceptionnelle.
63.  En premier lieu, une requête peut être déclarée abusive si elle se fonde délibérément sur des faits controuvés en vue de tromper la Cour (Varbanov c. Bulgarie, no 31365/96, § 36, CEDH 2000-X). La falsification des documents adressés à la Cour en constitue l’exemple le plus grave et caractérisé (Jian c. Roumanie (déc.), no 46640/99, 30 mars 2004 ; Bagheri et Maliki c. Pays-Bas (déc.), no 30164/06, 15 mai 2007, et Poznanski et autres c. Allemagne (déc.), no 25101/05, 3 juillet 2007). Ce type d’abus peut également être commis par inaction, lorsque le requérant omet dès le début d’informer la Cour d’un élément essentiel pour l’examen de l’affaire (Al-Nashif c. Bulgarie, no 50963/99, § 89, 20 juin 2002, et Kérétchachvili c. Géorgie (déc.), no 5667/02, 2 mai 2006). De même, si de nouveaux développements importants surviennent au cours de la procédure devant la Cour et si – en dépit de l’obligation expresse lui incombant en vertu de l’article 47 § 6 du règlement –, le requérant ne l’en informe pas, l’empêchant ainsi de se prononcer sur l’affaire en pleine connaissance de cause, sa requête peut être rejetée comme étant abusive (Hadrabová et autres c. République tchèque (déc.), nos 42165/02 et 466/03, 25 septembre 2007, et Predescu c. Roumanie, no 21447/03, §§ 25-27, 2 décembre 2008). Toutefois, même dans de tels cas, l’intention de l’intéressé d’induire la Cour en erreur doit toujours être établie avec suffisamment de certitude (voir, mutatis mutandis, Melnik c. Ukraine, no 72286/01, §§ 58-60, 28 mars 2006, et Nold c. Allemagne, no 27250/02, § 87, 29 juin 2006).
64.  En deuxième lieu, il y a abus du droit de recours individuel lorsque le requérant utilise, dans sa communication avec la Cour, des expressions particulièrement vexatoires, outrageantes, menaçantes ou provocatrices – que ce soit à l’encontre du gouvernement défendeur, de son agent, des autorités de l’Etat défendeur, de la Cour elle-même, de ses juges, de son greffe ou des agents de ce dernier (Řehák c. République tchèque (déc.), no 67208/01, 18 mai 2004 ; Duringer et Grunge c. France (déc.), nos 61164/00 et 18589/02, CEDH 2003-II (extraits), ainsi que Stamoulakatos c. Grèce, no 27567/95, décision de la Commission du 9 avril 1997). Là encore, il ne suffit pas que le langage du requérant soit simplement vif, polémique ou sarcastique ; il doit excéder « les limites d’une critique normale, civique et légitime » pour être qualifié d’abusif (Di Salvo c. Italie (déc.), no 16098/05, 11 janvier 2007). Si, au cours de la procédure, le requérant cesse d’utiliser les expressions litigieuses après une mise en garde expresse de la part de la Cour, les retire expressément ou, mieux encore, présente ses excuses, la requête n’est plus rejetée comme étant abusive (Tchernitsine c. Russie, no 5964/02, §§ 25-28, 6 avril 2006).
65.  Cependant, la notion d’abus du droit de recours individuel, au sens de l’article 35 § 3 de la Convention, ne se limite pas à ces deux hypothèses, et d’autres situations peuvent également se révéler être des actes abusifs. En principe, tout comportement d’un requérant manifestement contraire à la vocation du droit de recours établi par la Convention et entravant le bon fonctionnement de la Cour ou le bon déroulement de la procédure devant elle, peut être qualifié d’abusif. Ainsi, par exemple, même si une requête inspirée par un désir de publicité ou de propagande n’est pas, de ce seul fait, abusive (McFeeley et autres c. Royaume-Uni, no 8317/78, décision de la Commission du 15 mai 1980, Décisions et rapports (DR) 20, p. 139), il en va autrement si le requérant, mû par des intérêts d’ordre politique, accorde à la presse ou à la télévision des entretiens montrant une attitude irresponsable et frivole à l’égard de la procédure pendante devant la Cour (Parti Travailliste Géorgien c. Géorgie (déc.), no 9103/04, 22 mai 2007). De même, est abusif le fait, pour un requérant, de multiplier, devant la Cour, des requêtes chicanières et manifestement mal fondées, analogues à sa requête déjà déclarée irrecevable dans le passé (M. c. Royaume-Uni, no 13284/87, décision de la Commission du 15 octobre 1987, DR 54, p. 214, et Philis c. Grèce, no 28970/95, décision de la Commission du 17 octobre 1996).
66.  La Cour considère enfin qu’une violation intentionnelle, par un requérant, de l’obligation de confidentialité imposée aux parties par l’article 38 § 2 de la Convention et l’article 62 § 2 du règlement, peut également être qualifiée d’abus du droit de recours et aboutir au rejet de la requête (décision Hadrabová et autres, précitée, ainsi que Popov c. Moldova (no 1), no 74153/01, § 48, 18 janvier 2005). La Cour a maintes fois jugé que les règles de procédure prévues en droit interne visent à assurer la bonne administration de la justice et le respect du principe de sécurité juridique, et que les intéressés doivent pouvoir s’attendre à ce que ces règles soient appliquées (voir, en dernier lieu, Andrejeva c. Lettonie [GC], no 55707/00, § 99, 18 février 2009, et Pérez de Rada Cavanilles c. Espagne, 28 octobre 1998, § 45, Recueil des arrêts et décisions 1998-VIII) ; or, le même constat s’impose a fortiori au regard des dispositions procédurales de la Convention et du règlement de la Cour. En outre, la règle de confidentialité des négociations du règlement amiable revêt une importance particulière dans la mesure où elle vise à préserver les parties et la Cour elle-même de toute tentative de pression politique ou de quelque autre ordre que ce soit (voir, mutatis mutandis, Malige c. France, no 26135/95, décision de la Commission du 5 mars 1996). Il est donc logique qu’un non-respect intentionnel de cette règle s’analyse en un abus de procédure. Toutefois, à la lumière de sa jurisprudence constante énoncée ci-dessus, la Cour estime que la responsabilité directe de l’intéressé dans la divulgation des informations confidentielles doit toujours être établie avec suffisamment de certitude, une simple suspicion ne suffisant pas pour déclarer la requête abusive au sens de l’article 35 § 3 de la Convention.
2.  Application en l’espèce
67.  Dans la présente affaire, la Cour relève que, les 30 mai et 22 juillet 2008, M. F. – qui n’est ni l’un des requérants ni leur représentant, mais, apparemment, un membre de leur communauté religieuse –, a adressé au Premier ministre deux lettres mettant en cause la compétence professionnelle et l’intégrité de M. B., chef de la Direction à l’époque des faits dénoncés par les requérants. Ces lettres se référaient à la correspondance entre le greffe de la Cour, les requérants et l’agente du Gouvernement au sujet de l’éventuel règlement amiable de la présente affaire. Qui plus est, elles contenaient en annexe des copies de trois documents émanant tant du Gouvernement que du greffe, y compris le projet d’une déclaration de règlement amiable préparé par ce dernier. Il va sans dire que tous ces documents sont confidentiels au sens des articles 38 § 2 de la Convention et 62 § 2 du règlement.
68.  La Cour rappelle que les deux dispositions précitées établissent une exception à la règle générale de publicité des documents, consacrée par l’article 40 § 2 de la Convention et 33 § 1 du règlement. L’obligation de « confidentialité », telle qu’elle est comprise par la Convention et le règlement, doit être interprétée à la lumière de l’objectif général énoncé ci-dessus, à savoir celui de faciliter le règlement amiable en protégeant les parties et la Cour contre d’éventuelles pressions. Dès lors, si le fait de communiquer à un tiers le contenu des documents relatifs au règlement amiable peut en principe constituer un « abus » au sens de l’article 35 § 3 de la Convention, l’on ne saurait pour autant en tirer une interdiction totale et inconditionnelle de montrer ces documents à un tiers quelconque ou de lui en parler. En effet, une interprétation aussi large et rigoureuse risquerait de porter atteinte à la défense des intérêts légitimes du requérant – par exemple, lorsqu’il s’agit pour lui de se renseigner ponctuellement auprès d’un conseil éclairé dans une affaire où il est autorisé à se représenter lui-même devant la Cour. Au demeurant, il serait trop difficile, sinon impossible, pour la Cour de contrôler le respect d’une telle interdiction. Ce que les articles 38 § 2 de la Convention et 62 § 2 du règlement interdisent aux parties, c’est d’accorder la publicité aux informations litigieuses, que ce soit par le biais des médias, dans une correspondance susceptible d’être lue par un grand nombre de personnes, ou de toute autre manière.
69.  En l’espèce, les requérants déclarent ne pas savoir comment les documents litigieux ont fini entre les mains de leur coreligionnaire. Sur ce point, la présente affaire est différente de l’affaire Hadrabová et autres, précitée, où c’étaient les requérants eux-mêmes qui avaient cité les propositions de règlement amiable préparées par le greffe de la Cour dans leur demande adressée au ministère de la Justice de l’Etat défendeur. Pour sa part, le Gouvernement n’a fourni aucun élément de preuve susceptible de démontrer la faute des requérants. Dans ces circonstances, ne disposant d’aucune preuve de ce que tous les requérants ont donné leur consentement à la divulgation du contenu des pièces confidentielles par F., la Cour ne peut que leur accorder le bénéfice du doute. Tout en déplorant le fait que la correspondance confidentielle entre elle-même et les parties a figuré dans la correspondance d’un tiers avec le Premier ministre letton, elle ne peut pas conclure à l’existence d’un abus du droit de recours individuel de la part des requérants, au sens de l’article 35 § 3 de la Convention.
70.  Par ailleurs, la Cour note que le Gouvernement l’a informé de son intention éventuelle de mettre en œuvre les mécanismes répressifs de son Etat pour sanctionner la prétendue divulgation d’informations confidentielles par les requérants (paragraphe 60 ci-dessus). A cet égard, et sans vouloir prendre position sur ce point, la Cour tient à rappeler que c’est à elle-même, et non au gouvernement défendeur, qu’il incombe de surveiller le respect des obligations procédurales imposées par la Convention et par son règlement à la partie requérante. Même si un gouvernement a des raisons de croire que, dans une affaire donnée, il y a abus du droit de recours individuel, il doit en avertir la Cour et lui faire part de ces informations, afin qu’elle puisse en tirer les conclusions appropriées (voir, par exemple, Tanrıkulu c. Turquie [GC], no 23763/94, § 131, CEDH 1999-IV, et Fedotova c. Russie, no 73225/01, § 51, 13 avril 2006). En revanche, l’intention éventuelle d’engager des poursuites pénales ou disciplinaires contre un requérant pour un prétendu manquement à ses obligations procédurales devant la Cour pourrait poser problème sur le terrain de l’article 34 in fine de la Convention, lequel interdit toute entrave à l’exercice efficace du droit de recours individuel (voir, mutatis mutandis, McShane c. Royaume-Uni, no 43290/98, §§ 149-152, 28 mai 2002, et Colibaba c. Moldova, no 29089/06, §§ 65-69, 23 octobre 2007).
71.  Eu égard à tout ce qui précède, la Cour ne saurait retenir l’exception du Gouvernement.
II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION
72.  Les requérants se plaignent que la manière dont la Direction est intervenue dans le conflit concernant leur communauté religieuse a entraîné une violation de l’article 9 de la Convention, ainsi libellé :
« 1.  Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.
2.  La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
73.  Selon les requérants, seuls les dirigeants spirituels d’une communauté religieuse, et non les autorités étatiques, ont le droit de déterminer l’appartenance confessionnelle de cette communauté. Lorsqu’il s’agit d’une paroisse complètement indépendante – telle la RGVD –, ce pouvoir n’appartient qu’à ses propres dirigeants. Les requérants estiment inacceptable pour un Etat laïque le fait qu’une autorité publique, invoquant des avis d’experts n’appartenant pas à la religion concernée, détermine arbitrairement l’identité confessionnelle des membres d’une communauté religieuse contre leur gré, puis prenne une décision contraignante fondée sur cette appréciation. En d’autres termes, les requérants accusent la Direction de s’être érigée en juge de leur orthodoxie religieuse et de s’être ainsi immiscée dans un domaine qui n’était pas le sien.
74.  Le Gouvernement n’a pas présenté d’observations sur ce grief.
A.  Sur la recevabilité
75.  La Cour note d’emblée que les trois requérants étaient des membres actifs de leur communauté religieuse. Le premier d’entre eux était le maître spirituel principal de la RGVD ; quant aux deux autres, ils étaient, respectivement, le président et un membre de son conseil paroissial. La mesure qu’ils dénoncent devant la Cour a donc directement affecté l’exercice de leurs droits au titre de l’article 9 de la Convention, de sorte qu’ils peuvent se prétendre « victimes » de la violation alléguée de cet article (voir, mutatis mutandis, Hassan et Tchaouch c. Bulgarie [GC], no 30985/96, §§ 63-64, CEDH 2000-XI).
76.  Au demeurant, la Cour constate que le grief des requérants tiré de l’article 9 de la Convention n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Aucun autre motif d’irrecevabilité n’ayant été relevé, elle estime qu’il convient de déclarer ce grief recevable.
B.  Sur le fond
77.  Aux yeux de la Cour, il est évident que l’intervention des autorités dans le conflit divisant les membres de la RGVD, à la suite de laquelle les requérants et leurs partisans ont cessé d’être reconnus comme dirigeants légitimes de la communauté et ont été expulsés de leur temple, s’analyse en une ingérence dans l’exercice, par les requérants, de leur droit à la liberté de religion protégé par l’article 9 de la Convention (voir, mutatis mutandis, Hassan et Tchaouch, précité, § 82, ainsi que Saint Synode de l’Eglise orthodoxe bulgare (métropolite Innocent) et autres c. Bulgarie, nos 412/03 et 35677/04, §§ 102 et 114, 22 janvier 2009). Pareille ingérence emporte violation de cette disposition, sauf si elle est prévue par la loi et nécessaire dans une société démocratique pour atteindre un but légitime (Cha’are Shalom Ve Tsedek c. France [GC], no 27417/95, §§ 75 et 84, CEDH 2000-VII).
1.  « Prévue par la loi » et « but légitime »
78.  La Cour constate d’emblée que la loi sur les organisations religieuses de 1995 ne contient aucune disposition qui régirait expressément les démarches à suivre par la Direction en cas de scissions internes et de revendications antagoniques de légitimité au sein d’une communauté religieuse (voir, mutatis mutandis, Hassan et Tchaouch, précité, § 85). Cependant, en l’absence d’observations des parties sur ce point, la Cour présumera – sans l’affirmer d’une manière conclusive – que l’ingérence litigieuse avait pour base légale les dispositions pertinentes de la loi précitée, et que ces dispositions remplissaient les critères de « légalité » définis par la jurisprudence constante de la Cour (voir, parmi beaucoup d’autres, Perry c. Lettonie, no 30273/03, § 62, 8 novembre 2007).
79.  Quant aux buts poursuivis par cette ingérence, la Cour constate que son objectif immédiat était, de toute évidence, la solution d’un conflit opposant deux groupes de paroissiens de la RGVD et affectant les intérêts de l’ensemble de la communauté vieille-orthodoxe de Lettonie. Elle admet donc que l’intervention des autorités dans ce conflit poursuivait au moins deux buts légitimes au sens de l’article 9 § 2 de la Convention, à savoir « la protection de l’ordre » et celle « des droits et libertés d’autrui ».
2.  « Nécessaire dans une société démocratique »
a)  Principes généraux
80.  Les principes fondamentaux pertinents en l’espèce, tels qu’ils ont été définis par la jurisprudence constante de la Cour, sont les suivants :
a)  La liberté de pensée, de conscience et de religion, consacrée par l’article 9 de la Convention, représente l’une des assises d’une « société démocratique » au sens de la Convention. Elle figure, dans sa dimension religieuse, parmi les éléments les plus essentiels de l’identité des croyants et de leur conception de la vie, mais elle est aussi un bien précieux pour les athées, les agnostiques, les sceptiques ou les indifférents. Il y va du pluralisme – chèrement conquis au cours des siècles – consubstantiel à pareille société. Cette liberté implique, notamment, celle d’adhérer ou non à une religion et celle de la pratiquer ou de ne pas la pratiquer (Kokkinakis c. Grèce, 25 mai 1993, § 31, série A no 260-A, et Buscarini et autres c. Saint-Marin [GC], no 24645/94, § 34, CEDH 1999-I).
b)  Si la liberté religieuse relève d’abord du for intérieur, elle implique de surcroît, notamment, celle de « manifester sa religion » individuellement et en privé, ou de manière collective, en public et dans le cercle de ceux dont on partage la foi. L’article 9 énumère les diverses formes que peut prendre la manifestation d’une religion ou d’une conviction, à savoir le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites (Eglise métropolitaine de Bessarabie et autres c. Moldova, no 45701/99, § 114, CEDH 2001-XII).
c)  Les communautés religieuses existant traditionnellement et universellement sous la forme de structures organisées, l’article 9 doit s’interpréter à la lumière de l’article 11 de la Convention qui protège la vie associative contre toute ingérence injustifiée de l’Etat. Vu sous cet angle, le droit des fidèles à la liberté de religion, qui comprend le droit de manifester sa religion collectivement, suppose que les fidèles puissent s’associer librement, sans ingérence arbitraire de l’Etat. En effet, l’autonomie des communautés religieuses est indispensable au pluralisme dans une société démocratique et se trouve donc au cœur même de la protection offerte par l’article 9 (Hassan et Tchaouch, précité, § 62, Eglise métropolitaine de Bessarabie et autres, précité, § 118, et Saint Synode de l’Eglise orthodoxe bulgare (métropolite Innocent) et autres, précité, § 103).
d)  Le principe d’autonomie énoncé ci-dessus interdit à l’Etat d’obliger une communauté religieuse d’admettre en son sein de nouveaux membres ou d’en exclure d’autres (Sviato-Mykhaïlivska Parafiya c. Ukraine, no 77703/01, § 146, 14 juin 2007). De même, l’article 9 de la Convention ne garantit aucun droit à la dissidence à l’intérieur d’un organisme religieux ; en cas de désaccord doctrinal ou organisationnel entre une communauté religieuse et son membre, la liberté de religion de ce dernier s’exerce par la faculté de quitter librement la communauté en question (Saint Synode de l’Eglise orthodoxe bulgare (métropolite Innocent) et autres, précité, § 137, ainsi que Karlsson c. Suède, no 12356/86, décision de la Commission du 8 septembre 1988, DR 57, p. 172 ; Spetz et autres c. Suède, no 20402/92, décision de la Commission du 12 octobre 1994, et Williamson c. Royaume-Uni, no 27008/95, décision de la Commission du 17 mai 1995).
e)  Dans une société démocratique, où plusieurs religions ou plusieurs branches d’une même religion coexistent au sein d’une même population, il peut se révéler nécessaire d’assortir cette liberté de limitations propres à concilier les intérêts des divers groupes et à assurer le respect des convictions de chacun. Toutefois, dans l’exercice de son pouvoir de réglementation en la matière et dans sa relation avec les divers religions, cultes et croyances, l’Etat se doit d’être neutre et impartial ; il y va du maintien du pluralisme et du bon fonctionnement de la démocratie (Eglise métropolitaine de Bessarabie et autres, précité, §§ 115-116). D’autre part, l’article 9 de la Convention ne peut guère être conçu comme susceptible de diminuer le rôle d’une foi ou d’une Eglise auxquelles adhère historiquement et culturellement la population d’un pays défini (Membres (97) de la Congrégation des témoins de Jéhovah de Gldani c. Géorgie, no 71156/01, § 132, CEDH 2007-...).
f)  Sauf dans des cas très exceptionnels, le droit à la liberté de religion tel que l’entend la Convention exclut toute appréciation de la part de l’Etat sur la légitimité des croyances religieuses ou sur les modalités d’expression de celles-ci. De même, des mesures de l’Etat favorisant un dirigeant d’une communauté religieuse divisée ou visant à contraindre la communauté, contre ses propres souhaits, à se placer sous une direction unique constituent également une atteinte à la liberté de religion. Dans une société démocratique, l’Etat n’a pas besoin de prendre des mesures pour garantir que les communautés religieuses soient ou demeurent placées sous une direction unique. En effet,  le rôle des autorités dans un tel cas n’est pas d’enrayer la cause des tensions en éliminant le pluralisme, mais de s’assurer que des groupes opposés l’un à l’autre se tolèrent (Hassan et Tchaouch, précité, § 78, et Eglise métropolitaine de Bessarabie et autres, précité, § 117, ainsi que Serif c. Grèce, no 38178/97, § 52, CEDH 1999-IX).
g)  Dans leurs activités, les communautés religieuses obéissent aux règles que leurs adeptes considèrent souvent comme étant d’origine divine. Les cérémonies religieuses ont une signification et une valeur sacrée pour les fidèles lorsqu’elles sont célébrées par des ministres du culte qui y sont habilités en vertu de ces règles. La personnalité de ces derniers est assurément importante pour tout membre actif de la communauté, et leur participation à la vie de cette communauté est donc une manifestation particulière de la religion qui jouit en elle-même de la protection de l’article 9 de la Convention (Hassan et Tchaouch, précité, loc.cit., et Perry, précité, § 55).
h)  Aux termes de l’article 9 § 2 de la Convention, toute ingérence dans l’exercice du droit à la liberté de religion doit être « nécessaire dans une société démocratique ». Cela signifie qu’elle doit répondre à un « besoin social impérieux » ; en effet, le vocable « nécessaire » n’a pas la souplesse de termes tels qu’« utile » ou « opportun » (Sviato-Mykhaïlivska Parafiya, précité, § 116).
i)  Dans ce domaine délicat qu’est l’établissement de rapports entre les communautés religieuses et l’Etat, ce dernier jouit en principe d’une large marge d’appréciation (Cha’are Shalom Ve Tsedek, précité, § 84). Pour délimiter l’ampleur et les limites de celle-ci, la Cour doit tenir compte de l’enjeu, à savoir la nécessité de maintenir un véritable pluralisme religieux, inhérent à la notion de société démocratique. Par ailleurs, dans l’exercice de son pouvoir de contrôle, elle doit considérer l’ingérence litigieuse sur la base de l’ensemble du dossier (Eglise métropolitaine de Bessarabie et autres, précité, § 119).
81.  Par ailleurs, la Cour estime que, lorsqu’elle examine la conformité d’une mesure nationale avec l’article 9 § 2 de la Convention, elle doit tenir compte du contexte historique et des particularités de la religion en cause, que celles-ci se situent sur le plan dogmatique, rituel, organisationnel ou autre (pour un exemple pratique de cette approche, voir Cha’are Shalom Ve Tsedek, précité, §§ 13-19). En effet, cela découle logiquement des principes généraux exposés ci-dessus, à savoir la liberté de pratiquer une religion en public ou en privé, l’autonomie interne des communautés religieuses et le respect du pluralisme religieux. Vu le caractère subsidiaire du mécanisme de protection des droits individuels instauré par la Convention, la même obligation peut alors s’imposer aux autorités nationales lorsqu’elles prennent des décisions contraignantes dans leurs relations avec différentes religions. A cet égard, la Cour renvoie également à sa jurisprudence développée sur le terrain de l’article 14 de la Convention, dont il découle que, dans certaines circonstances, l’absence d’un traitement différencié à l’égard de personnes placées dans des situations sensiblement différentes peut emporter violation de cette disposition (Thlimmenos c. Grèce [GC], no 34369/97, § 44, CEDH 2000-IV).
b)  Application en l’espèce
82.  A titre liminaire, la Cour juge nécessaire de souligner qu’à la date des évènements cruciaux de la présente affaire, à savoir le 14 juillet 2002, la communauté religieuse en cause, à savoir la RGVD, était complètement indépendante, et que cette indépendance était juridiquement reconnue par l’Etat. En effet, il ressort du dossier que le 2 mai 2002, la Direction avait homologué les nouveaux statuts de la RGVD, adoptés par l’assemblée générale de cette communauté et affirmant l’indépendance de la RGVD par rapport à tout autre organisme religieux (paragraphe 22 ci-dessus). Plus tard, dans son arrêt du 10 janvier 2003, le tribunal de première instance de l’arrondissement du Centre a confirmé que la RGVD ne faisait pas partie de l’Eglise vieille-orthodoxe pomore (paragraphe 42 ci-dessus), et ce constat n’a jamais été remis en cause par les juridictions supérieures.
83.  La Cour constate ensuite que, le 14 juillet 2002, se tinrent simultanément deux réunions de vieux-croyants, de taille comparable, chacune prétendant être une « assemblée générale extraordinaire de la RGVD ». Selon des observations écrites adressées par la Direction au tribunal de première instance de l’arrondissement du Centre, chacune de ces réunions rassemblait plus d’un tiers des membres de la RGVD et formait donc le quorum requis par les statuts de celle-ci (paragraphe 40 ci-dessus) ; en l’absence d’indications contraires, la Cour ne saurait remettre en cause ce constat. La première réunion, tenue à l’intérieur du temple de Riga, comprenait tous les maîtres spirituels de la communauté (sauf le père T.K. qui finit par les quitter), tous les membres de son conseil paroissial (y compris le deuxième et la troisième requérants), et tous les membres de sa commission d’audit interne. Quant à la deuxième réunion, rassemblée dans la rue devant le temple, elle comprenait non seulement une partie des paroissiens de la RGVD, mais également un certain nombre de personnes extérieures à cette communauté, y compris quinze maîtres spirituels vieux-croyants venus de tout le pays.
84.  La réunion tenue en plein air décida de déposer tous les responsables élus de la RGVD, d’en élire de nouveaux et de modifier les statuts de la paroisse ; ces décisions furent aussitôt communiquées à la Direction pour homologation. Quant au conseil paroissial siégeant à l’intérieur du temple, il contesta la légitimité du rassemblement parallèle et demanda à la Direction de ne pas enregistrer ses actes. La Cour reconnaît qu’en tant qu’organe étatique chargé de gérer les relations entre l’Etat et les communautés religieuses conformément à la législation en vigueur à l’époque des faits, la Direction fut alors obligée de faire un choix et de prendre une décision en faveur de l’une des fractions et au détriment de l’autre, les deux fractions réclamant la même chose. En l’occurrence, la tâche de la Cour consiste à dire si ce choix a été opéré en conformité avec les exigences de l’article 9 § 2 de la Convention. Ce faisant, elle doit se convaincre que la Direction a appliqué des règles conformes aux principes fondamentaux exposés au paragraphe 80 ci-dessus, et ce, de surcroît, en se fondant sur une appréciation acceptable des faits pertinents (Sviato-Mykhaïlivska Parafiya, précité, § 138, et, mutatis mutandis, Saint Synode de l’Eglise orthodoxe bulgare (métropolite Innocent) et autres, précité, § 130-132).
85.  La Cour rappelle qu’une communauté religieuse est libre de choisir et de nommer ses ministres de culte et les membres de ses organes décisionnels conformément à ses propres règles canoniques. Par conséquent, et dans la mesure où ses statuts le permettaient, rien n’empêchait la RGVD, réunie en une assemblée générale, de révoquer tous ses responsables élus et d’en élire d’autres. Toutefois, en l’occurrence, il en était autrement car il s’agissait de deux groupes distincts et rivaux dont chacun prétendait être, à lui seul, une « assemblée générale » légitime de la communauté (voir, mutatis mutandis, Saint Synode de l’Eglise orthodoxe bulgare (métropolite Innocent) et autres, précité, § 137). La Cour observe ensuite que si la scission litigieuse a certainement touché une partie des membres ordinaires de la RGVD, elle n’a pas pour autant affecté ses organes de gestion, chargés, par définition, d’assurer la continuité de la communauté en tant que personne morale. En effet, si une partie considérable des paroissiens s’était ralliée à la fraction réunie en plein air, les deux organes élus de la communauté – à savoir son conseil paroissial et sa commission d’audit interne – demeurèrent fidèles au premier requérant. De même, deux des trois maîtres spirituels de la RGVD restèrent au sein de sa fraction. Qui plus est, nul ne conteste que tous les responsables de la communauté, y compris les requérants, avaient été élus environ un an auparavant par l’assemblée générale de la RGVD, tenue en présence d’un fonctionnaire de la Direction, et que cette dernière leur avait délivré une lettre d’attestation reconnaissant la régularité de ces élections.
86.  Par sa décision du 23 août 2002, la Direction reconnut la légitimité de la réunion tenue dans la rue. Peu après, le 10 septembre 2002, elle annula le certificat d’enregistrement délivré à la RGVD alors qu’elle était dirigée par le premier requérant, et délivra un nouveau certificat aux représentants de la fraction rivale. En d’autres termes, l’Etat révoqua sa reconnaissance accordée jusqu’alors aux organes régulièrement constitués par la RGVD selon ses propres statuts, et sanctionna leur remplacement complet par des organes créés par le groupement rival. Eu égard, d’une part, au principe de confiance légitime inhérent à l’ensemble des dispositions de la Convention (Ādamsons c. Lettonie, no 3669/03, § 130, 24 juin 2008), et d’autre part, au principe d’autonomie structurelle des communautés religieuses, inhérent aux exigences de l’article 9, la Cour estime que seules les raisons les plus graves et impérieuses pouvaient éventuellement justifier une telle intervention. Il lui faut donc rechercher s’il y a eu de telles raisons en l’espèce.
87.  A cet égard, la Cour relève le caractère extrêmement sommaire de la décision prise par la Direction le 23 août 2002. La Cour a déjà jugé que, dans une situation similaire à la présente, lorsqu’un conflit interne déchire une communauté religieuse, les autorités étatiques doivent adopter une approche particulièrement sensible et délicate (Sviato-Mykhaïlivska Parafiya c. Ukraine, précité, § 123). Les décisions qu’elles prennent en la matière doivent donc être particulièrement bien motivées (pour un exemple pratique, voir Griechische Kirchengemeinde München und Bayern e.V. c. Allemagne (déc.), no 52336/99, 18 septembre 2007). Or, en l’occurrence, la décision litigieuse se limitait à dire qu’elle avait été prise « vu l’avis de la division juridique de la Direction » – sans dévoiler le contenu dudit avis –, et « puisque les documents reçus [étaient] conformes aux actes législatifs de la République de Lettonie ». Aux yeux de la Cour, une telle motivation ne saurait passer pour suffisante. Quant à la décision du 10 septembre 2002, elle se limitait à régler la question pratique des certificats d’enregistrement de la RGVD.
88.  Dans ces conditions, et en l’absence d’observations du Gouvernement, la Cour considère qu’elle doit se tourner vers les autres pièces pertinentes du dossier, et notamment vers les observations écrites adressées par la Direction au tribunal de l’arrondissement du Centre de la ville de Riga ; ce texte explique plus en détail les raisons d’adoption des décisions contestées. Aux termes de ce document, en communiant chez un prêtre de l’Eglise orthodoxe russe, les paroissiens fidèles au premier requérant avaient ipso facto changé d’appartenance confessionnelle, perdant par là-même tous leurs droits au sein de la communauté ; dès lors, malgré les apparences, l’assemblée générale dirigée par le premier requérant ne réunissait plus le quorum requis par les statuts de la communauté (paragraphe 40 ci-dessus). La Direction se fondait sur deux avis d’experts, dont un avis non motivé fourni par le doyen de la faculté de théologie de l’Université de Lettonie. Le Gouvernement n’a pas contesté l’assertion des requérants selon laquelle les experts en cause n’étaient pas eux-mêmes des vieux-croyants (paragraphe 73 ci-dessus).
89.  A cet égard, la Cour réitère que l’article 9 de la Convention oblige l’Etat d’être neutre et impartial dans l’exercice de son pouvoir de réglementation en matière religieuse, et qu’il lui interdit en principe toute appréciation de la légitimité des croyances religieuses ou des modalités d’expression de celles-ci. Or, en l’espèce, elle estime qu’en déterminant implicitement l’appartenance confessionnelle des requérants et de leurs condisciples contre leur propre gré, contrairement à leur propre opinion et, qui plus est, sur la base d’avis émis par deux experts seulement dont aucun n’appartenait à leur religion, la Direction a manqué à son obligation de neutralité.
90.  La Cour estime que la détermination de l’appartenance confessionnelle d’une communauté religieuse incombe aux seules autorités spirituelles suprêmes de cette communauté, et non à l’Etat. Il est vrai qu’en l’occurrence, les motifs invoqués par la Direction coïncidaient en substance avec le point de vue de la majorité des vieux-croyants lettons, représentés par l’Eglise vieille-orthodoxe pomore de Lettonie (paragraphes 21, 23, 25 et 28 ci-dessus). Toutefois, la RGVD ne faisant pas partie de cette Eglise, celle-ci ne saurait en aucun cas passer pour son « autorité spirituelle suprême ». Sur ce point, la Cour renvoie à sa jurisprudence constante selon laquelle, lorsque l’exercice du droit à la liberté de religion ou d’un de ses aspects est soumis, selon la loi interne, à un système d’autorisation préalable, l’intervention dans la procédure d’octroi de l’autorisation d’une autorité ecclésiastique reconnue ne saurait se concilier avec les impératifs de l’article 9 § 2 de la Convention (Eglise métropolitaine de Bessarabie et autres, précité, § 117, et Vergos c. Grèce, no 65501/01, § 34, 24 juin 2004).
91.  La Cour rappelle ensuite que, conformément au principe de subsidiarité inhérent au système de protection des droits individuels instauré par la Convention, l’établissement des faits de l’affaire et l’interprétation du droit interne relèvent en principe de la seule compétence des juridictions et des autres autorités nationales ; la Cour ne peut les remettre en cause qu’exceptionnellement, en cas d’arbitraire flagrant et évident (García Ruiz c. Espagne [GC], no 30544/96, §§ 28-29, CEDH 1999-I, et a/s Diena et Ozoliņš c. Lettonie, no 16657/03, § 66, 12 juillet 2007). Elle rappelle également que, si elle doit s’abstenir, dans la mesure du possible, de se prononcer sur des questions d’ordre purement historique, elle peut admettre certaines vérités historiques notoires et s’en servir pour asseoir son raisonnement (Ždanoka c. Lettonie [GC], no 58278/00, § 96, CEDH 2006-...). Or, il ressort des faits non contestés et notoirement connus que la particularité principale de la religion vieille-orthodoxe dans le monde entier est sa grande hétérogénéité structurelle, et que toute l’histoire de cette religion se compose de scissions et de schismes, ayant donné naissance à un grand nombre d’obédiences et de mouvances qui, néanmoins, ne cessent pas d’être reconnues comme étant « vieilles-croyantes » (paragraphes 8-14 ci-dessus). Dans une affaire aussi sensible que la présente, la Direction aurait dû tenir compte de cette particularité ; pourtant, elle l’a négligé, en déclarant purement et simplement que les paroissiens en cause avaient « changé de confession ».
92.  Par ailleurs, la Cour observe que la Direction est parvenue à une telle conclusion tout en étant en possession d’une lettre du Saint-Synode de l’Eglise orthodoxe russe qui lui expliquait clairement qu’aucune conversion vers cette Eglise n’avait eu lieu en l’occurrence (paragraphe 32 ci-dessus). Dans ces circonstances, elle conclut que la Direction ne s’est pas fondée sur « une appréciation acceptable des faits pertinents », comme le veut l’article 9 § 2 de la Convention.
93.  A supposer même que la Direction eût raison sur ce point et que la RGVD dirigée par le premier requérant eût effectivement décidé de passer à une autre obédience vieille-croyante, de créer sa propre obédience ou mouvance, ou même de changer complètement d’identité confessionnelle, cela n’infléchirait en rien le raisonnement de la Cour. En effet, comme la Cour l’a déjà constaté, au moment des faits en litige, la RGVD était une communauté indépendante ; elle ne faisait partie ni de l’Eglise vieille-orthodoxe pomore de Lettonie ni d’une autre Eglise organisée dont les intérêts seraient directement affectés par un tel changement. Dans une telle hypothèse, il s’agirait d’un simple exercice collectif de la « liberté de changer de religion ou de conviction », expressément garantie par l’article 9 § 1 de la Convention.
94.  La Cour estime que, bien que la présente espèce présente a priori quelques similarités avec l’affaire Griechische Kirchengemeinde München und Bayern e.V., précitée, elle en est en réalité fondamentalement différente. En premier lieu, dans cette affaire, l’ingérence litigieuse n’avait trait ni à l’organisation interne de la communauté requérante ni à sa reconnaissance officielle par l’Etat, mais uniquement à l’utilisation d’un édifice cultuel par celle-ci. En deuxième lieu, le différend au sujet de cet édifice avait eu lieu entre deux Eglises orthodoxes, dotées chacune d’une hiérarchie ecclésiastique stable et d’une doctrine et d’une discipline constantes, et non de l’ensemble hétéroclite de paroisses autonomes des vieux-croyants bespopovtsy. En troisième lieu, les autorités allemandes s’étaient limitées, sur le plan purement séculier, à tirer les conséquences juridiques inévitables d’un litige inter-ecclésial dans lequel elles n’étaient pas elles-mêmes intervenues, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
95.  En résumé, la Cour conclut que l’intervention de la Direction dans le conflit entre les deux groupes de paroissiens au sein de la RGVD a été opérée par une décision insuffisamment motivée, ne tenant pas compte de toutes les circonstances pertinentes de la cause, et, qui plus est, au mépris de l’obligation de neutralité de l’Etat en matière religieuse. A la suite de cette intervention, les requérants ont été expulsés de leur temple et n’ont jamais pu y revenir. Une telle ingérence ne saurait passer pour « nécessaire dans une société démocratique », quel que soit l’objectif légitime poursuivi. La Cour note en particulier que les requérants ont saisi le tribunal de première instance de l’arrondissement du Centre de la ville de Riga, qui, par un jugement du 10 janvier 2003, leur a donné gain de cause. Cependant, plus tard, les cours d’appel et de cassation les ont déboutés pour des motifs d’ordre formel, sans examiner les problèmes de fond de l’affaire. Ce faisant, ces juridictions ont volontairement renoncé à remédier à la violation commise (voir, mutatis mutandis, Podkolzina c. Lettonie, no 46726/99, § 37, CEDH 2002-II).
96.  Partant, il y a eu violation de l’article 9 de la Convention relatif au droit des requérants de manifester leur religion.
III.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES ARTICLES 8 ET 11 DE LA CONVENTION
97.  Dans le formulaire initial de leur requête, les requérants se déclaraient également victimes d’une violation des articles 8 et 11 de la Convention.
98.  Le Gouvernement considère qu’il est superflu d’examiner la présente affaire sous l’angle des dispositions précitées, le problème principal soulevé en l’espèce se situant plutôt sur le terrain de l’article 9 de la Convention. Par un courrier du 14 janvier 2009, les requérants ont informé la Cour qu’ils partageaient le point de vue du Gouvernement.
99.  Pour la Cour, ces griefs se confondent avec celui que les requérants tirent de l’article 9 de la Convention. Par conséquent, en l’absence de motifs formels d’irrecevabilité au sens de l’article 35 § 3 de la Convention, elle estime qu’il y a lieu de les déclarer également recevables. Toutefois, elle considère, avec le Gouvernement, que le constat de violation de l’article 9 la dispense de se prononcer séparément sur la violation alléguée des articles 8 et 11 (Hassan et Tchaouch, précité, § 91).
IV.  SUR LES AUTRES GRIEFS SOULEVÉS PAR LES REQUÉRANTS
A.  Griefs tirés des articles 6, 13 et 14 de la Convention
100.  Invoquant l’article 6 de la Convention, les requérants dénoncent la manière dont les juridictions lettonnes ont apprécié les circonstances de la cause. Sur le terrain de l’article 13 de la Convention, ils critiquent le refus du parquet et du ministère de la Justice d’intervenir et de corriger le comportement de la Direction. Enfin, sous l’angle de l’article 14 de la Convention, ils se plaignent que, lors de l’audience du sénat de la Cour suprême, ils ne pouvaient pas s’exprimer en leur langue maternelle, le russe, et qu’ils n’étaient pas non plus assistés par un interprète. Dans la mesure où elles sont pertinentes dans la présente affaire, les dispositions précitées se lisent ainsi :
Article 6 § 1
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
Article 13
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »
Article 14
« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la (...) Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur (...) la langue, la religion, (...) l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, (...) ou toute autre situation. »
101.  La Cour rappelle d’emblée que les articles 13 et 14 n’ont pas d’existence indépendante puisqu’ils valent uniquement pour la jouissance des droits et libertés garantis par les autres clauses normatives de la Convention et de ses Protocoles (Andrejeva, précité, § 74, et Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 157, CEDH 2000-XI).
102.  Dans la mesure où les requérants critiquent le refus du parquet et du ministère de la Justice d’intervenir pour corriger le comportement de la Direction à leur encontre, la Cour note que leurs doléances, en substance identiques au grief qu’ils tirent de l’article 9 de la Convention, ont été examinées par les trois degrés de juridictions nationales. Or, en règle générale, lorsque le droit revendiqué par le justiciable sur le fondement de la Convention est un « droit de caractère civil », les garanties de l’article 13 se trouvent absorbées par celles, plus strictes, de l’article 6 § 1 de la Convention, lequel constitue une lex specialis par rapport à l’article 13 (Kudła, précité, § 146).
103.  Pour ce qui est de l’article 6 § 1 de la Convention, la Cour rappelle que l’établissement des faits de l’affaire, l’appréciation des preuves et l’interprétation du droit interne relèvent en principe de la seule compétence des tribunaux nationaux, et qu’elle ne peut les remettre en cause qu’en cas d’arbitraire flagrant et évident (paragraphe 91 ci-dessus). Certes, la Cour a constaté que la situation dénoncée par les requérants se fondait sur une appréciation erronée des faits, mais en l’occurrence, cette faute incombait à la Direction dans le cadre de l’exercice de ses fonctions décisionnelles. Quant aux tribunaux, la Cour relève que les doléances des requérants ont été examinées dans le cadre d’une procédure contradictoire devant les trois degrés de juridictions lettonnes. Il est vrai qu’en déboutant les intéressés pour des motifs d’ordre plutôt formel et sans se pencher sur les problèmes de fond de l’affaire, les juridictions d’appel et de cassation ont manqué l’occasion de redresser le grief en question ; toutefois, aux yeux de la Cour, cet aspect particulier est déjà couvert par le grief tiré de l’article 9 de la Convention qu’elle vient d’examiner. En résumé, la Cour admet qu’envisagée dans sa globalité, la procédure litigieuse a satisfait aux exigences de l’article 6 § 1.
104.  S’agissant enfin de l’article 14 de la Convention, la Cour observe que les requérants invoquent cette disposition au sujet de la procédure devant le sénat de la Cour suprême ; l’article 14 doit donc se lire en combinaison avec l’article 6 § 1. Selon les requérants, ils n’ont pu ni s’exprimer en russe, leur langue maternelle, ni obtenir l’assistance d’un interprète devant le juge de cassation. A cet égard, la Cour rappelle que la possibilité d’utiliser la langue de son choix devant les juridictions civiles n’est pas, en tant que telle, comprise dans les garanties de l’article 6 § 1 (Kozlovs c. Lettonie (déc.), no 50835/99, 10 janvier 2002). Quant à l’assistance d’un interprète, la Cour note qu’aucune pièce du dossier n’atteste que les requérants l’aient demandé. En toute hypothèse, il ressort des faits de l’affaire que, devant le sénat, les requérants étaient représentés par un avocat du barreau de Riga qui, lui, ne pouvait ne pas maîtriser la langue officielle de la procédure.
105.  Compte tenu de ce qui précède, la Cour conclut que cette partie de la requête est manifestement mal fondée, et qu’elle doit être déclarée irrecevable en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
B.  Grief tiré de l’article 1 du Protocole no 1
106.  Invoquant l’article 1 du Protocole no 1, les requérants se plaignent d’avoir été privés de la possibilité de gérer les biens de la RGVD, ces biens ayant passé entre les mains de la nouvelle direction de la communauté. La disposition invoquée est ainsi libellée :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »
107.  La Cour rappelle qu’un requérant ne peut alléguer une violation de l’article 1 du Protocole no1 que dans la mesure où les décisions qu’il incrimine se rapportent à ses « biens » au sens de cet article. D’après la jurisprudence constante de la Cour, la notion de « biens » contenue à l’article 1 du Protocole no 1 peut recouvrir tant des « biens actuels » que des valeurs patrimoniales, y compris des créances, en vertu desquelles le requérant peut prétendre avoir au moins une « espérance légitime » d’obtenir la jouissance effective d’un droit de propriété. En revanche, la disposition en question ne garantit pas un droit à acquérir un bien (Kopecký c. Slovaquie [GC], no 44912/98, § 35, CEDH 2004-IX).
108.  La Cour constate que les biens dont il s’agit en l’espèce appartiennent à la RGVD en tant que personne morale, et non aux requérants. Or, en l’absence de circonstances exceptionnelles justifiant une approche contraire, la Cour doit respecter la personnalité juridique distincte de la communauté religieuse concernée (voir, mutatis mutandis, Poķis c. Lettonie (déc.), no 528/02, CEDH 2006-...). Les requérants ne sont dès lors pas fondés de réclamer, sous l’angle de l’article 1 du Protocole no 1, un « droit » de disposer de biens qui ne sont pas les leurs.
109.  Il s’ensuit que ce grief est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention au sens de l’article 35 § 3 et doit être déclaré irrecevable en application de l’article 35 § 4 de la Convention.
V.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
110.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A.  Dommage matériel
111.  Le premier requérant explique qu’après avoir été évincé de la RGVD, il a perdu son salaire de maître spirituel, lequel s’élevait à 249 lati (LVL) par mois. Il est resté sans travail jusqu’au 1er janvier 2005, et le manque à gagner qu’il a subi s’élève donc à 6 727 LVL (soit environ 9 610 euros (EUR)) pour deux ans et trois mois. L’épouse du premier requérant, quant à elle, a perdu son poste de directrice des cours de catéchisme pour enfants de la RGVD ; son salaire mensuel était de 139 LVL ; elle n’a jamais pu trouver un autre travail pour des raisons de santé, et le manque à gagner subi par elle pendant les six dernières années s’élève à 10 080 LVL (soit environ 14 400 EUR).
112.  Le premier requérant soutient ensuite qu’en janvier 2005, il a été embauché par la Division des relations ecclésiastiques extérieures de l’Eglise orthodoxe russe (Patriarcat de Moscou) comme consultant en matière des vieux-croyants. Dès lors, lui-même et sa femme ont dû quitter la Lettonie et s’installer en Russie. Le premier requérant a dû vendre « une maison confortable » avec un terrain qu’il possédait à Riga, et d’acheter un appartement beaucoup moins confortable à Mytichtchi (région de Moscou, Russie). Il évalue l’ensemble des pertes financières qu’il a subies en raison de son déménagement à 74 285 EUR.
113.  De la même manière, le deuxième requérant se plaint d’avoir perdu deux postes et deux salaires au sein de la RGVD : celui du chef de la Division éditrice (200 LVL par mois) et celui du chef de chœur (80 LVL par mois). Son manque à gagner au regard de chacun de ces salaires, accumulé pendant les six ans et trois mois suivant les événements du 14 juillet 2002, s’élève à 15 000 LVL (soit environ 21 430 EUR) et à 6 000 LVL (soit environ 8 571 EUR) respectivement. A l’appui de ces prétentions, le deuxième requérant fournit un certificat délivré par le président du conseil paroissial de la RGVD et portant deux dates : le 11 juillet 2002 et le 11 juillet 2008. Quant à la troisième requérante, elle ne présente aucune demande sous ce chef.
114.  En outre, tous les trois requérants soutiennent qu’à la suite de leur expulsion du temple, ils ont été contraints à louer un local où eux-mêmes et leurs condisciples (plus d’une centaine de personnes formant la « RGVD en exil ») pour se réunir et célébrer. La somme totale du bail qu’ils ont payé pour ce local est de 32 080 LVL (soit environ 45 829 EUR).
115.  Le Gouvernement conteste chacune des sommes susmentionnées. Il fait valoir que le premier et le deuxième requérants ne se sont jamais plaints à la Cour de leur prétendu licenciement ; que ce licenciement ne fait pas l’objet de la présente requête ; que les intéressés auraient dû saisir les tribunaux internes d’une demande contre leur employeur, à savoir la RGVD ; que, ne l’ayant pas fait, ils n’ont pas épuisé les voies de recours internes, comme le veut l’article 35 § 1 de la Convention. Par ailleurs, le Gouvernement met en doute la crédibilité du document délivré au deuxième requérant par le président du conseil paroissial de la RGVD et portant deux dates différentes. De toute manière, selon le Gouvernement, il n’y a aucun lien de causalité direct entre les actes des autorités nationales et la perte d’emploi par les requérants concernés.
116.  Pour ce qui est de la femme du premier requérant, le Gouvernement rappelle qu’elle n’est pas partie au litige devant la Cour et, dès lors, ne peut pas réclamer quoi que ce soit sur le terrain de l’article 41 de la Convention. S’agissant enfin du nouveau local de prière loué par les requérants, la somme totale de ce bail n’est pas suffisamment étayée par des pièces du dossier.
117.  La Cour rappelle que la condition sine qua non à l’octroi d’une somme pour dommage matériel au titre de l’article 41 de la Convention est l’existence d’un lien de causalité direct entre le préjudice allégué et la violation constatée. S’il s’agit d’un manque à gagner (lucrum cessans), son existence doit être établie avec certitude et ne doit pas se fonder uniquement sur des conjectures ou des probabilités (voir, parmi beaucoup d’autres, Ādamsons, précité, § 140).
118.  En l’occurrence, la Cour note d’emblée que la présente affaire a eu pour objet l’ingérence des autorités dans l’exercice, par les requérants, de leur droit de manifester leur religion, et non la prétendue cessation des emplois du premier et du deuxième d’entre eux. Même si ces deux requérants ont perdu la reconnaissance officielle de la part de l’Etat en tant que représentants de la RGVD, et même s’ils ont été physiquement expulsés du temple, la Cour doute fort que, sur le plan juridique, cela ait entraîné une résiliation « automatique » des contrats de travail qu’ils avaient conclus avec la communauté, comme ils le soutiennent ; en tout état de cause, les pièces du dossier sont muettes sur ce point (voir, a contrario, Lykourezos c. Grèce, no 33554/03, § 64, CEDH 2006-...). Dans ces circonstances, et en l’absence d’indications contraires, la Cour estime que la prétendue perte de rémunération des requérants aurait dû faire l’objet d’un litige séparé devant les instances nationales. En revanche, le lien de causalité avec la violation constatée en l’espèce est trop ténu et indirect pour pouvoir fonder l’existence d’un dommage matériel au sens de l’article 41 de la Convention. Quant à l’épouse du premier requérant, n’étant pas partie à la présente affaire, la Cour n’est pas compétente pour lui allouer de somme au titre de l’article 41 de la Convention.
119.  S’agissant enfin du bail d’un local de prière par les membres de la « RGVD en exil », et à supposer même que les requérants eussent suffisamment étayé cette demande par des pièces justificatives, la Cour ne peut que parvenir à la même conclusion, à savoir l’absence d’un lien de causalité direct entre la violation constatée et le préjudice subi.
120.  Partant, la Cour rejette les prétentions des requérants au titre du dommage matériel.
B.  Dommage moral
121.  Au titre du dommage moral, les requérants réclament 25 000 EUR chacun. A cet égard, ils rappellent qu’avec le concours des autorités nationales, ils ont été injustement déchus de leur statut de membres de la RGVD et expulsés du temple dans lequel des générations de leurs ancêtres avaient prié et célébré. Cela a porté une grave atteinte à leurs sentiments religieux. De plus, les locaux de prière qu’ils ont pu se permettre de louer après leur éviction, étaient délabrés, couverts de moisissure, dépourvus de chauffage et mal équipés sur le plan sanitaire. Pendant plusieurs années, les requérants et leurs condisciples y ont souffert de froid et de l’eau de pluie qui suintait à travers la toiture fissurée ; tout cela a exercé une influence néfaste sur leur santé.
122.  Le Gouvernement conteste le bien-fondé des prétentions des requérants. Comme pour le dommage matériel, il estime que le caractère prétendument inadéquat des locaux de prière loués par les intéressés n’a aucun lien de causalité direct avec la violation alléguée de l’article 9 de la Convention. En effet, rien n’empêchait les requérants de louer un local qui leur conviendrait mieux, et s’ils avaient des reproches à faire au propriétaire-bailleur, ils devaient les soulever devant les juridictions civiles compétentes. Au demeurant, le Gouvernement estime que les sommes réclamées en l’espèce sont manifestement excessives. Il invite la Cour soit à dire que le constat de violation constitue une réparation suffisante du dommage moral subi par les requérants, soit à leur allouer des montants similaires à ceux accordés dans le passé dans des affaires similaires ; en tout cas, ces montants ne devraient dépasser 5 000 EUR par personne.
123.  La Cour ne saurait contester le préjudice moral subi par les requérants du fait de la violation constatée de l’article 9 de la Convention. Statuant en équité et eu égard à toutes les circonstances pertinentes de l’affaire, la Cour alloue à chacun des requérants 4 000 EUR à ce titre, plus toute somme pouvant être due à titre d’impôt.
C.  Frais et dépens
124.  Les requérants réclament le remboursement de 800 LVL (soit environ 1 142 EUR) correspondant aux frais de deux avocats qu’ils avaient engagés.
125.  Selon le Gouvernement, cette demande, non étayée de pièces justificatives, ne remplit pas les exigences fondamentales posées par la jurisprudence de la Cour en la matière.
126.  La Cour rappelle qu’un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, et compte tenu des documents en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour note que les requérants n’ont présenté aucun justificatif à l’appui de leurs prétentions concernant les frais et dépens. Dès lors, elle rejette leurs prétentions à ce titre.
D.  Intérêts moratoires
127.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR
1.  Rejette, à la majorité, l’exception du Gouvernement tirée de la prétendue existence d’un abus du droit de recours ;
2.  Déclare, à la majorité, la requête recevable quant aux griefs tirés des articles 8, 9 et 11 de la Convention ;
3.  Déclare, à l’unanimité, la requête irrecevable pour le surplus ;
4.  Dit, par six voix contre une, qu’il y a eu violation de l’article 9 de la Convention ;
5.  Dit, à l’unanimité, qu’aucune question distincte ne se pose sous l’angle des articles 8 et 11 de la Convention ;
6.  Dit, par six voix contre une,
a)  que l’Etat défendeur doit verser à chacun des requérants, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 4 000 EUR (quatre mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral, à convertir en lati lettons au taux applicable à la date du règlement ;
b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
7.  Rejette, à l’unanimité, la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 15 septembre 2009, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Santiago Quesada Josep Casadevall   Greffier Président
Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l’exposé de l’opinion séparée du juge Myjer.
J.C.M.  S.Q.
OPINION séparée DU JUGE MYJER
(Traduction)
1. Le raisonnement suivi par la Cour sur le fond de la présente affaire est très équilibré. Cela dit, je n’ai pas voté en faveur d’un constat de violation parce que j’estime que la requête aurait dû être rejetée au stade de l’examen de sa recevabilité.
2. A mes yeux, il ressort clairement des circonstances de la cause que les requérants sont responsables du non-respect de l’exigence de confidentialité des négociations engagées en vue du règlement amiable de l’affaire. D’après sa jurisprudence, rappelée aux paragraphes 62-66 de l’arrêt, la Cour aurait dû en déduire que les intéressés avaient abusé de leur droit de recours individuel.
3. La confidentialité de la procédure de règlement amiable est expressément prévue par l’article 38 § 2 de la Convention, disposition qui ne souffre aucune exception. Jusqu’à présent, l’attitude de la Commission et de la Cour à l’égard des manquements au principe de la confidentialité a été très sévère.
4. Je reconnais aux requérants le droit de solliciter l’avis d’un expert sur la question du règlement amiable en tant que telle. Il va de soi que les intéressés doivent notamment pouvoir consulter un avocat à cette fin. Je ne reprocherais pas à un requérant d’avoir montré à un tiers des documents confidentiels à cet effet, pourvu que la confidentialité soit toujours préservée. Je suis aussi disposé à admettre – sous la même réserve, cela va sans dire – que les membres d’un groupe de requérants (ou des personnes appartenant à une organisation non gouvernementale requérante) puissent prendre connaissance des documents en question.
5. Qui plus est, même si les trois requérants n’ont agi qu’en leur propre nom et non en qualité de représentants officiels d’un groupement, d’une Église, d’une organisation ou de qui que ce soit d’autre, je suis tout à fait prêt à reconnaître que l’affaire se rattachait si étroitement à l’exercice du droit des membres du groupe constitué autour d’eux de manifester leur religion ou leurs convictions que les intéressés pouvaient raisonnablement vouloir leur fournir des informations générales sur l’état d’une procédure judiciaire qui était en cours.
6. Toutefois, je n’irais pas plus loin. Dans la présente affaire, nous sortons du domaine de la procédure judiciaire – où la publicité est de règle – pour entrer dans celui de négociations confidentielles intéressant la Cour, les requérants ainsi que le gouvernement défendeur, et personne d’autre. Aucune raison ne saurait justifier la divulgation, par les requérants, de l’état des négociations en question en dehors de ce cercle. N’oublions pas que nul autre que les requérants (ainsi que leur avocat, le cas échéant) et le gouvernement défendeur ne jouit d’un quelconque droit à en être informé.
7. En l’espèce, il ne fait aucun doute que l’expéditeur des documents relatifs aux négociations en vue du règlement amiable de l’affaire appartenait au groupe religieux constitué autour des intéressés. Toutefois, l’individu en question n’avait pas la qualité de requérant.
Le simple fait que cette personne était manifestement informée des négociations en question doit être imputé à faute aux requérants. Mais il y a plus. Si la personne en question s’était « contentée » d’indiquer dans ses lettres qu’elle avait connaissance des négociations en cours en vue d’un règlement amiable, j’aurais peut-être pu – au vu des excuses présentées par les intéressés – me laisser convaincre que le manquement au principe de confidentialité n’était pas suffisamment grave pour s’analyser en un abus du droit de recours. Mais elle est allée beaucoup plus loin car elle a expédié des copies des documents confidentiels eux-mêmes.
8. En vertu de la Convention, tant le demandeur que le défendeur sont dépositaires des informations confidentielles. Dans le cas où la règle de la confidentialité est violée pour des raisons de prime abord imputables à l’une des parties, il incombe à celle-ci de convaincre la Cour qu’elle n’en est pas responsable. Elle ne peut se dédouaner en se bornant à indiquer – comme l’ont fait les requérants dans leur lettre du 19 mars 2009 – que le règlement de la Cour ne lie personne d’autre que les parties et qu’elle ignore comment un tiers s’est procuré des documents de la procédure. Il lui appartient de démontrer qu’elle n’a rien à se reprocher, en signalant par exemple que les documents en question on été volés. Or, il semble qu’aucune explication de ce genre n’ait été avancée en l’espèce.
9. C’est commettre un contresens que de déclarer, comme le fait la Cour au paragraphe 69 de son arrêt, qu’il appartient au Gouvernement de démontrer la faute des requérants. J’y vois un risque réel d’affaiblissement de tous les aspects du principe de confidentialité de la procédure de règlement amiable puisqu’il suffirait alors à un requérant mécontent de la solution proposée et désirant par exemple porter les questions qu’elle pose sur la place publique de laisser l’information transpirer auprès d’un tiers et de déclarer ensuite ignorer comment celle-ci a été divulguée. Il ne prendrait aucun risque puisqu’il incomberait au Gouvernement de démontrer sa faute. Pareille solution reviendrait à inverser la charge de la preuve au détriment de la partie manifestement innocente.
10. J’irais même jusqu’à dire qu’il n’est pas invraisemblable qu’un tiers apprenne soudainement – prétendument à l’insu de toutes les parties –l’existence de négociations confidentielles, et que les parties s’accusent mutuellement d’être responsables de la fuite. Au vu des circonstances particulières de l’espèce, ce n’est pas ce qui s’est produit. Le tiers en cause – dont nous savons qu’il appartient à la communauté religieuse constituée autour des requérants – s’est servi des pièces confidentielles obtenues à l’appui de ses allégations discréditant le fonctionnaire auteur de la décision à l’origine de la requête dont la Cour a été saisie.
11. Enfin, je pense aussi que c’est émettre un mauvais message que d’indiquer, comme au paragraphe 69 de l’arrêt, qu’il n’est pas prouvé que tous les requérants aient consenti à la violation de la règle de la confidentialité. Dans une affaire comme celle dont la Cour était saisie, où plusieurs requérants ont introduit conjointement une requête, ceux-ci sont solidairement responsables du bon déroulement de la procédure. Pour moi, le corollaire qui en découle, selon lequel l’un des membres d’un groupe de requérants peut causer un préjudice irréparable à la situation procédurale de tous les autres, est parfaitement acceptable. Cela n’a rien d’inhabituel dans les procédures judiciaires que je connais.
12. Mon approche est-elle excessivement formaliste ?
Je ne le pense pas. J’observe en l’espèce que des documents confidentiels ont manifestement été divulgués et qu’une personne à laquelle ils ont été transmis les a utilisés sur le plan interne pour tenter de jeter le discrédit sur le chef de la Direction des affaires religieuses en se référant au comportement de celui-ci dans l’espèce en question.
13. L’on a du mal à imaginer un exemple plus flagrant d’abus du droit de recours pour non-respect du principe de la confidentialité des négociations en vue d’un règlement amiable. Les requérants n’auraient pas dû pouvoir s’en dédouaner en se bornant à prétendre qu’ils ignoraient tout de cette question. J’estime qu’il est presque insultant d’attendre de la Cour qu’elle ajoute foi à pareille thèse dans les circonstances de la cause.
ARRÊT MIROĻUBOVS ET AUTRES c. LETTONIE
ARRÊT MIROĻUBOVS ET AUTRES c. LETTONIE 
ARRÊT MIROĻUBOVS ET AUTRES c. LETTONIE – OPINION SÉPARÉE
ARRÊT MIROĻUBOVS ET AUTRES c. LETTONIE – OPINION SÉPARÉE 


Type d'affaire : Arrêt (au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Exception préliminaire rejetée (abus du droit de recours) ; Partiellement irrecevable ; Violation de l'art. 9 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Dommage moral - réparation

Analyses

(Art. 35-3) REQUETE ABUSIVE, (Art. 38-1-b) PROCEDURE DE REGLEMENT AMIABLE, (Art. 9-1) LIBERTE DE RELIGION, (Art. 9-1) MANIFESTER SA RELIGION OU SA CONVICTION, (Art. 9-2) NECESSAIRE DANS UNE SOCIETE DEMOCRATIQUE, (Art. 9-2) PROTECTION DE L'ORDRE PUBLIC, (Art. 9-2) PROTECTION DES DROITS ET LIBERTES D'AUTRUI


Parties
Demandeurs : MIROLUBOVS ET AUTRES
Défendeurs : LETTONIE

Références :

Origine de la décision
Formation : Cour (troisième section)
Date de la décision : 15/09/2009
Date de l'import : 21/06/2012

Fonds documentaire ?: HUDOC


Numérotation
Numéro d'arrêt : 798/05
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2009-09-15;798.05 ?

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