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16/02/2010 | CEDH | N°7078/02

CEDH | AFFAIRE V.D. c. ROUMANIE


TROISIÈME SECTION
AFFAIRE V.D. c. ROUMANIE
(Requête no 7078/02)
ARRÊT
STRASBOURG
16 février 2010
DÉFINITIF
28/06/2010
Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire V.D. c. Roumanie,
La Cour européenne des droits de l'homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
Josep Casadevall, président,   Elisabet Fura,   Corneliu Bîrsan,   Boštjan M. Zupančič,   Alvina Gyulumyan,   Egbert Myjer,   Luis

López Guerra, juges,  et de Santiago Quesada, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du c...

TROISIÈME SECTION
AFFAIRE V.D. c. ROUMANIE
(Requête no 7078/02)
ARRÊT
STRASBOURG
16 février 2010
DÉFINITIF
28/06/2010
Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire V.D. c. Roumanie,
La Cour européenne des droits de l'homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
Josep Casadevall, président,   Elisabet Fura,   Corneliu Bîrsan,   Boštjan M. Zupančič,   Alvina Gyulumyan,   Egbert Myjer,   Luis López Guerra, juges,  et de Santiago Quesada, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 26 janvier 2010,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 7078/02) dirigée contre la Roumanie et dont un ressortissant de cet État, M. V. D. (« le requérant »), a saisi la Cour le 14 janvier 2002 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
Le président de la chambre a décidé d'office la non-divulgation de l'identité du requérant (article 47 § 3 du règlement).
2.  Le requérant, qui a été admis au bénéfice de l'assistance judiciaire, a été représenté par Me I. Banu, puis par Me M. Bota, avocates à Bucarest. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. Răzvan-Horaţiu Radu, du ministère des Affaires étrangères.
3.  Le requérant allègue en particulier que les conditions de sa détention, notamment l'absence alléguée de traitement médical adéquat de ses maladies, y compris de ses problèmes dentaires, auraient engendré l'aggravation de son état de santé.
4.  Le 3 avril 2007, le président de la troisième section a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Comme le permet l'article 29 § 3 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.
EN FAIT
I.  LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE
5.  Le requérant est né en 1969. Il est actuellement détenu à la prison de Giurgiu.
6.  Un rapport d'enquête sociale émis le 29 novembre 2005 par le maire de la commune où le requérant a eu son dernier domicile, décrivait sa situation matérielle et familiale comme suit. Le père du requérant est décédé le 25 juin 2005, après sa mère, à une date non-précisée. Le même rapport notait que la maison où le requérant et son père avaient habité « n'avait pas de porte et de fenêtres, étant très détériorée ». Enfin, le rapport faisait état du fait que le requérant était le père d'un enfant né hors-mariage, en 1993, qui vivait avec sa mère, le conjoint de cette-dernière et les deux enfants mineurs du couple. Selon le registre agricole de la mairie, le père du requérant possédait 2,52 ha de terrain à usage agricole. Aucune information n'a été soumise à la Cour s'agissant de la succession du père du requérant.
A.  Les maladies du requérant et son traitement médical en détention
7.  Après une garde-à-vue de 24 heures ordonnée le 2 avril 2001, le requérant fut inculpé du chef de plusieurs infractions (voir, la section D, ci-dessous) et placé en détention provisoire pour viol et vol à main armée.
8.  Au début de sa détention, à savoir à les 15 avril et 15 mai 2001, le requérant se vit prescrire par le médecin un traitement avec de la Ranitidine et un autre médicament antiacide. A part ce traitement, aucune maladie n'était mentionnée dans le dossier médical du requérant au moment de son incarcération.
9.  Par la suite, il fut incarcéré à la prison de Bucarest-Jilava du 6 juin au 3 novembre 2001, puis à la prison de Bucarest-Rahova du 3 novembre 2001 au 13 décembre 2002. A cette dernière date, il fut transféré à la prison de Giurgiu où il est resté jusqu'à présent.
10.  Une fiche concernant le détenu indique que le requérant s'est acheté certains produits au point de vente disponible dans la prison, pendant la période de janvier à novembre 2002. La fiche ne précise pas le montant de ses dépenses, ni les produits achetés.
1.  Le traitement médical administré au requérant à la prison de Bucarest-Jilava
11.  Le 25 juin 2001, un diagnostic de gastro-duodénite chronique fut posé par le cabinet médical de la prison de Jilava. Aucun traitement pour cette maladie ne fut prescrit au requérant tout au long de son incarcération dans cet établissement.
12.  A plusieurs reprises, il fut placé sous observation médicale, lorsqu'il entamait des grèves de la faim ou lorsqu'il ingérait volontairement des corps métalliques afin de protester contre sa détention. Ainsi, en juin, juillet et août 2001, il refusa de se nourrir chaque fois pour une durée de deux à huit jours. En juin 2001, les médecins du pénitencier de Bucarest-Rahova inscrivirent dans son dossier médical que le requérant « protestataire » (protestatar) refusait la nourriture.
13.  Le 5 juillet 2001, à la suite d'un examen médical, un médecin constata que le requérant pesait 54 kilos et le déclara en insuffisance pondérale, recommandant un régime alimentaire spécial.
14.  Le 23 juillet 2001, le requérant fut soumis à un examen psychiatrique, à la suite duquel le docteur T. établit le diagnostic de troubles de la personnalité de type antisocial et lui prescrivit des sédatifs (Diazépam).
15.  En août 2001, le requérant, qui refusait de se nourrir, refusa également l'assistance médicale.
16.  Le 24 août 2001, des troubles du transit intestinal et des troubles de la personnalité furent diagnostiqués chez le requérant qui se vit administrer un traitement avec un laxatif (Laxafibran), un calmant (Diazépam) et des vitamines (B1 et B6).
17.  Les 10 octobre et 2 novembre 2001, un médecin généraliste. diagnostiqua chez le requérant des « troubles de la personnalité de type antisocial ». Le 3 novembre 2001 un spécialiste O.R.L. fit le même diagnostic.
2.  Traitement médical administré au requérant à la prison Bucarest-Rahova
18.  Le 23 novembre 2001, le diagnostic de « troubles de la personnalité de type antisocial » fut confirmé par un médecin psychiatre.
19.  Sauf en juin 2002, où il se vit administrer un médicament antiacide Ulcoran à deux reprises, le requérant ne reçut aucun traitement pour sa gastro-duodénite chronique tout au long de son incarcération à Rahova.
20.  Le 19 février 2003, le requérant se vit administrer un traitement pour un rhume.
21.  Le 13 décembre 2002, le médecin I .G. du pénitentiaire de Bucarest-Rahova inscrivit au dossier médical du requérant que son maxillaire supérieur était totalement édenté et qu'il nécessitait une prothèse dentaire et mentionna avoir rapporté le cas à la Direction Générale des Pénitenciers, car le requérant n'avait pas de moyens pour se la procurer. Un autre examen du même jour réalisé par un dentiste, B.G., recommandait deux prothèses :
« - une prothèse totale maxillaire
- une prothèse partielle mandibulaire [...] »
3.  Le traitement médical administré au requérant à la prison de Giurgiu
22.  Le lendemain, 14 décembre 2002, le requérant fut transféré à la prison de Giurgiu. Le même jour, le médecin généraliste nota dans son dossier médical le diagnostic « troubles de la personnalité ». Aucune mention ne fut inscrite au sujet de l'absence totale des dents, ni au sujet de ses maladies digestives.
23.  Les 1er mars, 1er avril, 1er mai et 1er juin 2003, l'assistante médicale M.S. prescrivit au requérant trois sédatifs forts (dont Levomepromazin et Carbamazepin).
24.  Plus tard, le 4 août 2003, le requérant fut diagnostiqué souffrir d'une gastro-duodénite chronique. Aucun traitement ne lui fut prescrit. Le médecin lui recommanda un régime hypercalorique pour le mois d'août.
25.  Les 1er septembre, 1er octobre, 1er novembre et 1er décembre 2003, la même assistante médicale M.S. lui prescrivit à nouveau des sédatifs (neuroleptiques) forts, dont les deux prescrits déjà entre mars et juin et de l'Amitryptiline.
26.  Le 14 janvier 2004 le médecin F.L. du laboratoire médicolégal Giurgiu diagnostiqua chez le requérant, aux fins de la procédure de suspension d'exécution de la peine, les maladies suivantes : gastrite et duodénite chroniques, ulcère et hépatite chronique.
27.  Selon une lettre de l'Administration Nationale des Prisons (ANP) du 21 juin 2007, pendant la période du 2 juillet au 3 septembre 2004, le requérant consulta trente fois un médecin de la prison – dont trois fois le stomatologue – et il se vit administrer un traitement pour ses maladies chroniques, y compris des sédatifs forts. Selon la même lettre, au total, pendant l'année 2004, le requérant fut examiné quatre-vingt quinze fois par un médecin. Seuls neuf consultations sont inscrites sur la fiche médicale du requérant dressée au cours de sa détention, pendant l'année 2004.
28.  Le 21 décembre 2004, le requérant demanda à passer au régime alimentaire fourni aux détenus de confession musulmane, choix qui l'amena automatiquement à renoncer au régime adapté à ses affections gastriques.
29.  Selon la lettre de l'ANP du 21 juin 2007, au cours de l'année 2005, le requérant consulta cent-onze fois un médecin, dont six fois un stomatologue. Il reçut entre autres, des sédatifs forts, un traitement antiacide et, pour la première fois, des médicaments pour son hépatite chronique. Les 27 mai et 10 octobre 2005, il refusa le traitement recommandé par le médecin. La lettre précitée ne précise pas quel était le traitement refusé par le requérant.
A la différence des informations fournies par l'ANP, seuls trois consultations sont inscrites sur la fiche médicale du requérant dressée au cours de sa détention, pendant l'année 2005.
30.  Selon la même lettre, au cours de l'année 2006, le requérant fut présenté cinquante-trois fois au médecin. Le 17 janvier 2006, il refusa le traitement médical. La lettre précitée ne précise pas quel était le traitement refusé.
Sur la fiche médicale du requérant dressée au cours de sa détention, pendant l'année 2006 une seule consultation est inscrite.
31.  Le 9 mai 2007, le diagnostic des maladies chroniques du requérant était : gastro-duodénite chronique, hépatite chronique, bronchite chronique tabagique et troubles de la personnalité de type antisocial.
B.  Les affections dentaires du requérant et l'impossibilité pour lui d'obtenir des prothèses
32.  Par lettre du 21 juillet 2003, la Direction Générale des Pénitenciers communiqua au requérant que les coûts des prothèses dentaires qu'il nécessitait n'étaient pas couverts par l'assurance publique maladie auquel le requérant était affilié. La lettre était ainsi rédigée :
« A la suite de votre demande adressée à la Direction Générale des Pénitenciers, par laquelle vous sollicitez que vos prothèses dentaires soient fournies avec l'aide des fonds de l'institution, veuillez noter que :
Tel que je vous ai indiqué dans les autres réponses à vos requêtes ayant le même objet, le coût des prothèses dentaires n'est pas couvert par la Caisse d'Assurances de Santé de la Défense, de l'Ordre Public, de la Sûreté Nationale et de l'Autorité Judiciaire. Le détenu ou ses proches doivent s'acquitter de leur coût.
Veuillez noter qu'en absence de base légale, nous ne pouvons pas accéder à votre demande d'utiliser le budget qui vous est alloué correspondant à deux mois, pour acheter vos prothèses. »
33.  Le 21 avril 2004, le dentiste M.M. nota au dossier médical du requérant qu'il nécessitait l'extraction de huit fragments de dents et une prothèse dentaire totale du maxillaire supérieur et une autre prothèse dentaire inférieure. Le médecin fit également une estimation des coûts des soins et des prothèses, à savoir 2 400 000 ROL, pour celle supérieure et 4 000 000 ROL pour celle inférieure. Le traitement préconisé devrait durer trois mois.
34.  Selon la lettre de l'Administration Nationale des Pénitenciers (« ANP », ci-après) du 21 juin 2007, le 1er novembre 2004, le requérant se vit proposer, « en vue de la réalisation des prothèses mobiles », l'extraction des restes radiculaires, ce qu'il aurait refusé.
35.  En septembre 2005, le requérant n'ayant toujours pas reçu de traitement prothétique, en fit à nouveau la demande, en alléguant une aggravation générale de son état de santé.
36.  Par lettre du 6 septembre 2005, l'ANP l'informa qu'il devrait supporter 60 % du coût des prothèses mobiles ou l'intégralité du coût des prothèses fixes, s'il optait pour ce dernier type de prothèses. Le coût des soins et des prothèses était ainsi estimé :
« (...) prothèse totale mobile arcade supérieure d'une valeur de 401,10 RON (soit 4.011.000 ROL) ; prothèse partielle mobile avec 5 dents inférieurs, d'une valeur de 308,8 RON (soit 3.008.000 ROL) ou prothèse fixe avec 6 dents inférieurs d'une valeur de 280 RON (soit 2.800.000 ROL). »
37.  L'ANP indiqua également au requérant que, lorsqu'il disposerait de l'argent nécessaire pour couvrir les frais dentaires, il devrait formuler une demande de transfert dans un centre pénitentiaire ayant un cabinet dentaire. Le requérant était informé aussi qu'en fonction de l'évolution de son état de santé, le médecin traitant devrait prendre les mesures nécessaires. Pour conclure, l'ANP faisait valoir que les allégations du requérant selon lesquelles il n'aurait pas reçu d'assistance médicale et de traitement adéquat n'étaient pas fondées.
38.  Au cours des années 2005 et 2006 le requérant subit trois extractions de restes radiculaires.
39.  Le 9 mai 2007, le diagnostic des maladies dentaires du requérant était : absence totale des dents du maxillaire (edentatie maxilar); absence totale des dents de la zone latéro-fronto-latérale mandibulaire ; parodontite marginale chronique profonde et lésions odontales non-traitées.
40.  Le 14 novembre 2007, un plan de traitement dentaire fut proposé au requérant par le médecin dentiste de la prison. Ce plan visait le traitement de cinq lésions odontales.
41.  Le 13 février 2008, le cabinet médical de la prison de Giurgiu informa le Gouvernement que des démarches avaient été entreprises en vue d'examiner les possibilités de la réalisation des prothèses dentaires (s-au întreprins demersuri pentru analiza posibilităţii efectuării lor). Le Gouvernement n'a pas informé la Cour du résultat de ces démarches.
C.  La demande du requérant de suspension de l'exécution de sa peine de prison
42.  Le 12 novembre 2003, le requérant saisit le tribunal de première instance de Giurgiu d'une demande de suspension de l'exécution de sa peine d'emprisonnement, fondée sur l'article 453 du code de procédure pénale. Il faisait valoir qu'il nécessitait d'urgence une prothèse dentaire non couverte par la protection sociale et que le seul moyen pour lui de se procurer l'argent nécessaire pour couvrir les frais de traitement dentaire serait d'obtenir une suspension de peine afin de travailler pour gagner l'argent nécessaire. En outre, il arguait du fait que ses demandes répétées adressées aux responsables du pénitencier, afin d'obtenir un travail rémunéré, dans le cadre de la prison, auraient été vaines.
43.  Après avoir ordonné une expertise médicolégale du requérant, le tribunal retint qu'il nécessitait une prothèse dentaire totale du maxillaire supérieur, mais que celle-ci pouvait être réalisée dans le réseau médical des centres pénitentiaires. Le tribunal retint également que le requérant souffrait d'autres maladies, sans les préciser, mais que ses maladies ne rendaient pas l'exécution de la peine de prison impossible. Dès lors, le tribunal rejeta la requête par un jugement du 16 février 2004.
44.  Le requérant interjeta appel contre ce jugement en faisant valoir qu'il avait contracté de nombreuses maladies à l'estomac, au foie et au cœur du fait de son impossibilité de se nourrir correctement. En outre, il était totalement dépourvu de moyens et n'avait aucun soutien. Il estimait que l'absence de traitement dentaire équivaudrait à une peine, en plus de celle infligée par la décision l'ayant condamné à l'emprisonnement.
45.  L'appel interjeté par le requérant fut rejeté le 19 avril 2004, par décision du tribunal départemental de Giurgiu. Le tribunal retint qu'il nécessitait une prothèse dentaire et qu'il était médicalement suivi pour ulcère, hépatite chronique et troubles de la personnalité, mais que ces maladies ne le rendaient pas incapable de purger sa peine de prison. En outre, le tribunal considéra comme étant dépourvues de fondement légal les prétentions du requérant quant à l'obligation de l'Administration de couvrir les frais qu'il devrait encourir en raison des prothèses dentaires. Le tribunal considéra que :
« (...) pour ce qui est du fait que le requérant D. V. n'a pas les moyens de supporter les frais de la prothèse dentaire, l'article 455 combiné avec l'article 453, a) du code de procédure pénale ne trouvent pas à s'appliquer, compte tenu de ce qu'il ressort clairement du rapport d'expertise médicolégale que le requérant n'est pas dans l'impossibilité d'exécuter sa peine. »
46.  Par un arrêt du 26 mai 2004, la cour d'appel de Bucarest rejeta comme mal fondé le recours formé par le requérant contre la décision du 19 avril 2004.
D.  La procédure pénale à l'encontre du requérant
47.  Au lendemain de sa garde-à-vue de 24 heures ordonnée le 2 avril 2001, le requérant fut inculpé pour le viol de sa grand-mère de 83 ans, avec laquelle il habitait et pour la violation de domicile et le vol à main armée d'un kilo de viande chez la voisine de sa grand-mère. Il aurait commis ces faits dans la nuit du 31 mars au 1er avril 2001, en rentrant du bar du village, après avoir consommé des boissons alcoolisées.
A la base de cette inculpation se trouvaient les plaintes des deux victimes datées du 1er avril 2001. Dans sa plainte, qu'elle n'avait pas pu signer car étant analphabète, la grand-mère du requérant faisait valoir qu'elle avait été forcée par le requérant à des rapports sexuels dans la nuit du 31 mars au 1er avril 2001 et qu'au cours de la même nuit, le requérant lui avait volé trois poules. En outre, elle faisait valoir que le requérant lui avait volé quatre autres poules et 400 000 ROL une semaine avant l'introduction de la plainte.
48.  Le dossier d'enquête établi par le parquet contenait, comme moyens de preuve, la déclaration du requérant niant avoir commis les faits imputés, les déclarations des deux victimes, et un certificat médico-légal établi le 2 avril 2001 attestant que la grand-mère du requérant souffrant de sénilité présentait « de très rares exemplaires de spermatozoïdes dans ses sécrétions vaginales », ainsi qu'une excoriation suborbitale d'un centimètre et une autre de 0,5 cm sur la partie intérieure de la lèvre inférieure.
Dans sa déclaration du 1er avril 2001 donnée devant un policier du poste de police de la commune, la grand-mère du requérant déclarait qu'elle était veuve et que depuis deux semaines elle avait accueilli le requérant chez elle, car il n'avait pas d'autre logement après sa libération de la prison. Elle faisait également valoir qu'en raison du fait qu'elle avait un seul lit dans l'unique chambre chauffée de la maison, elle avait accepté que son petit-fils partage ce lit avec elle. Ensuite, elle déclara qu'au retour du requérant en état d'ébriété, pendant la nuit en question, elle avait été contrainte par ce-dernier, à un rapport sexuel, étant immobilisée avec une serviette qu'il lui avait mis sur la bouche et avec des coups de poings. Par peur, elle quitta la maison, juste après, pour ce rendre chez sa voisine, la victime du vol à main armée commis par le requérant pendant la même nuit. Elle passa la nuit chez la voisine.
49.  Le dossier contenait également deux procès-verbaux d'enquête aux domiciles des deux victimes, un procès-verbal de confrontation du requérant à la victime du vol et les déclarations de cinq témoins indirects, qui avaient entendu les deux victimes se plaindre des violences qu'elles auraient subies de la part du requérant ou bien l'avaient appris des policiers de la commune (la déclaration du témoin A.Z.).
Le procès-verbal d'enquête sur place dressé par deux policiers du poste de police de la commune le 1er avril 2001, fit état du fait qu'ils s'étaient rendu chez la grand-mère du requérant à la suite d'une dénonciation faite par sa voisine. Le procès-verbal retenait qu'ils avaient trouvé la victime à la maison. Il était également indiqué que sur son lit il y avait des vêtements et un couteau dont elle ne connaissait pas la provenance. Aucun autre élément n'était décrit. Les policiers prélevèrent le couteau pour le rendre à la voisine qui reconnaissait être le sien. Aucun autre objet ne fut saisi. Le procès-verbal mentionnait enfin l'impossibilité de réaliser des photographies judicaires à cause du manque de pellicule photographique.
50.  Le requérant fut renvoyé en jugement par réquisitoire du 28 mai 2001 devant le tribunal de première instance de Videle. Le 16 août 2001, le tribunal entendit quatre témoins indirects et la victime du vol.
51.  Le requérant demanda au tribunal d'entendre T., un témoin à décharge, qui lui avait tenu compagnie dans le bar du village, dans la nuit du 31 mars au 1er avril 2001. Dans un premier temps, ce témoin ne comparut pas devant le tribunal. Le 21 juin 2001, le tribunal délivra un mandat de comparution (mandat de aducere) contre ce témoin. Ce dernier comparut le 19 juillet 2001, mais il ne fut pas entendu, en raison du fait que le dossier n'était pas revenu d'une autre juridiction, qui examinait la légalité de la prolongation de la détention du requérant. Le tribunal ordonna sa comparution pour le 16 août 2001, mais il ne se présenta pas, de sorte que le tribunal renonça à l'entendre.
52.  Bien qu'assignée à comparaître à plusieurs reprises, la grand-mère du requérant ne comparut jamais devant le tribunal. Elle décéda le 1er octobre 2001.
53.  Après une décision déclinatoire de compétence du tribunal de première instance de Videle, rendue le 11 octobre 2001, dans une formation de jugement de juge unique formé par le juge I.T., le requérant fut condamné par le tribunal départemental de Teleorman, le 18 décembre 2001 à dix ans et six mois de prison. A la suite de l'appel du requérant, par une décision du 6 mars 2002, la cour d'appel de Bucarest cassa le jugement rendu par le tribunal départemental, en l'estimant incompétent pour connaître de l'affaire, et renvoya l'affaire devant le tribunal de première instance de Videle. Une formation de jugement composée par le même juge unique I.T. reprit le dossier.
54.  Après avoir ajourné l'affaire une fois, le 26 avril 2002, pour défaut de citation des parties, par un jugement du 24 mai 2002, le tribunal de première instance de Videle refusa la demande du requérant d'entendre à nouveau les témoins, considérant qu'ils avaient déjà été entendus et que les motifs de cassation n'avaient pas de rapport avec l'audition des témoins. Le requérant ne précisait pas les noms des témoins qu'il aurait voulu faire comparaître. Les éléments de preuve produits devant l'accusé par le tribunal étaient la déclaration de la victime du vol et la déposition du requérant. Aucun témoin ne fut entendu par ce tribunal.
55.  Par un jugement du 24 mai 2002, le tribunal condamna le requérant à une peine d'emprisonnement pour vol à main armée, viol et inceste. Le tribunal fixa la peine à dix ans pour le viol, cinq ans pour inceste et six mois pour le vol à main armée, en appliquant la peine la plus lourde, celle de dix ans de prison.
56.  Le requérant interjeta appel. Il se plaignait de l'absence de prélèvement d'empreintes sur les lieux du crime et sur le couteau et d'expertise dactyloscopique de nature à prouver qu'il était l'auteur du vol à main armée, ainsi que d'une expertise biologique afin de prouver qu'il était l'auteur du viol subi par sa grand-mère et du fait que les témoins à charge n'étaient que des témoins indirects. Il ne se plaignait pas du défaut de citation du témoin T.
57.  L'appel interjeté par le requérant contre ce jugement fut rejeté le 6 août 2002 par décision du tribunal départemental de Teleorman. Le tribunal départemental se borna à estimer que le tribunal de première instance avait correctement recueilli et apprécié des preuves, sans faire de référence explicite aux motifs du refus de l'administration de l'expertise génétique demandée par le requérant.
58.  Le requérant forma un pourvoi en recours réitérant les motifs de son appel. Le pourvoi en recours du requérant fut partiellement accueilli le 7 octobre 2002, par arrêt de la cour d'appel de Bucarest. Celle-ci considéra que les éléments de l'infraction d'inceste ne se retrouvaient pas en l'espèce et acquitta le requérant de ce chef. La cour d'appel maintint la condamnation du requérant du chef de vol a main armée et de viol. L'arrêt ne contient aucune référence explicite aux motifs du refus de l'administration de l'expertise génétique demandée par le requérant.
59.  Par une décision du 16 avril 2004, le tribunal de première instance de Videle rejeta une demande de révision formée par le requérant. Cette décision fut confirmée par le tribunal départemental de Teleorman, le 7 septembre 2004 et, ensuite, par la cour d'appel de Bucarest, le 15 octobre 2004, au motif que les moyens invoqué par le requérant étaient les mêmes que ceux invoqués lors de la procédure au fond et n'étaient pas de nature à conduire à la réouverture de la procédure pénale conclue par sa condamnation définitive pour vol à main armée et viol. Le tribunal départemental retint également que c'était à cause de son âge avancé et de l'embarras qu'elle pouvait ressentir que la victime du viol n'avait pas répondu aux convocations répétées devant le tribunal pour être entendue.
E.  Les informations factuelles soumises par le Gouvernement
60.  Le 24 novembre 2009, le Gouvernement informa la Cour que les échantillons de sécrétions prélevés par le service de médecine légale de l'hôpital départemental de Teleorman, le 2 avril 2001, chez la grand-mère du requérant en relation avec son accusation de viol portée contre le requérant, n'étaient plus disponibles.
Le Gouvernement précisa qu'en vertu des normes de conservation adoptées par la Conseil supérieur de médecine légale le 30 octobre 2003, les laboratoires effectuant des analyses sérologiques étaient obligés de garder les échantillons analysés pendant une année, tandis que les laboratoires effectuant des analyses ADN devraient les garder au minimum pendant cinq ans après la décision définitive rendue en l'affaire et qu'il était recommandé de les garder pendant quinze ans.
Le Gouvernement indiqua aussi que pendant la période 2001-2002, les laboratoires de médicine légale en Roumanie étaient équipés pour faire des tests ADN de paternité, mais ils n'ont été équipés pour faire des tests ADN dans des affaires criminelles qu'à partir de 2003.
F.  L'accès du requérant aux documents relatifs à sa procédure pénale et la correspondance avec la Cour
61.  A une date non-précisée, le requérant, alors détenu à la prison de Bucarest-Rahova, demanda à l'administration pénitentiaire de lui communiquer une copie des documents relatifs à la procédure pénale diligentée à son encontre, en indiquant qu'il en avait besoin pour étayer sa requête devant la Cour européenne des Droits de l'Homme. Par lettre du 16 avril 2002, le directeur lui envoya copie d'une partie des documents sollicités, à savoir ceux existant au « dossier pénitentiaire », lui indiquant de s'adresser au tribunal pour obtenir les autres documents sollicités.
62.  Le 13 septembre 2004, le requérant, alors détenu au pénitentiaire de Giurgiu, adressa une lettre au tribunal départemental de Teleorman, par laquelle il demandait une copie de son dossier pénal, y compris copies des décisions rendues par les tribunaux et la cour d'appel et des déclarations des témoins. Il indiqua que ces documents lui étaient nécessaires pour étayer sa requête devant la Cour européenne des Droits de l'Homme. Dans sa lettre, il précisa aussi qu'il n'avait pas de famille, ni aucun soutien matériel. Enfin, il ajouta qu'en cas de refus du tribunal de lui délivrer une copie des documents demandés, il pouvait se plaindre d'une entrave dans l'exercice efficace de son droit de recours devant la Cour européenne.
63.  Par lettre du 16 septembre 2004, le tribunal départemental de Teleorman retourna au requérant sa lettre en lui demandant de mandater une personne pour se présenter au siège du tribunal et recevoir les documents sollicités après avoir payé le coût des copies. La lettre signée par le président et le greffier en chef du tribunal était ainsi rédigée :
« Nous vous retournons votre lettre en vous demandant de faire venir au siège du tribunal un mandataire qui puisse se procurer par ses propres moyens les [documents] sollicités. »
64.  Par une lettre du 20 mai 2005 répondant à une demande d'informations factuelles, y compris de documents, du juge rapporteur, le requérant fit savoir à la Cour que B.C., responsable du pénitencier de Giurgiu, lui avait répondu que « la photocopieuse était tombée en panne et ne fonctionnait plus depuis une semaine ».
65.  A la suite d'une nouvelle demande présentée par le requérant auprès du tribunal départemental de Teleorman, le 11 octobre 2005 il se vit communiquer les documents demandés se trouvant aux archives du tribunal. Il lui fut conseillé de former une demande similaire pour les autres documents dont il avait besoin et qui se trouvaient aux archives du tribunal de première instance de Videle. Il ressort d'une lettre du 25 juin 2007 adressée à l'agent du Gouvernement par le président du tribunal de première instance de Videle, qu'aucune demande ne fut reçue de la part du requérant, au cours de l'année 2005, en vue de se voir communiquer des copies de son dossier pénal.
66.  La copie du fichier tenu par l'administration des prisons à l'égard du requérant mentionne plus d'une vingtaine de demandes écrites du requérant afin de se voir octroyer du papier, des enveloppes et des timbres, pendant la période de 2004 à 2007. Celles-ci ont été honorées soit complètement, soit en partie, c'est à dire pour un montant moins important que celui demandé par le requérant.
Aucune information à cet égard n'a été recueillie pour la période de 2001 à 2003. L'affranchissement d'un courrier pour la Cour s'élevait, en 2002, à moins de 50 000 anciens lei roumains (ROL).
G.  La plainte du requérant, fondée sur le règlement d'urgence no 56/2003
67.  Le 4 janvier 2005, le requérant saisit le tribunal de première instance de Giurgiu d'une plainte fondée sur le règlement d'urgence no 56/2003 concernant les droits des détenus. A titre principal, il dénonçait le refus des autorités de la prison de Girgiu de lui octroyer le régime alimentaire pour les musulmans en dépit du fait qu'il s'était converti à l'Islam. Il mentionnait que, depuis le mois d'octobre 2004, il ne mangeait plus de nourriture préparée avec de la graisse et de la viande de porc, et qu'il ne lui restait à manger que « du pain, 10 g de fromage et une tasse de lait par semaine ».
68.  Par la même plainte, le requérant dénonçait également le refus des autorités de la prison de Giurgiu depuis environ trois mois de lui fournir au moins une enveloppe pour le courrier par mois.
69.  Le 20 janvier 2005, le jour de la première audience devant le tribunal de première instance de Giurgiu, le requérant déclara qu'il renonçait à sa plainte. Il ne forma pas de pourvoi en recours contre le jugement du 20 janvier 2005 constatant qu'il retirait sa plainte.
II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES ET INTERNATIONAUX PERTINENTS
A.  Le droit interne concernant le procès pénal et l'exécution des peines
70.  Les dispositions générales pertinentes du code de procédure pénale sont décrites dans les arrêts Constantinescu c. Roumanie, no 28871/95, § 37, CEDH 2000-VIII, Mircea c. Roumanie, no 41250/02, § 30, 29 mars 2007, Spînu c. Roumanie, no 32030/02, § 38-39, 29 avril 2008 et Calmanovici c. Roumanie, no 42250/02, § 45, 1 juillet 2008.
Dans la pratique des enquêtes pénales, en Roumanie, l'expertise médicolégale visant l'identification et la comparaison des profils ADN était un procédé employé à partir de 1995 (voir D. T. Ştefănescu et L. Bărbării, Un mijloc de probă revoluţionar – amprenta genetică, article paru dans la revue Dreptul no 9/2001, p. 98-107 et aussi Emilian Stancu Tratat de criminalistică, 4ème éd., éditions Universul Juridic, Bucarest 2007, p. 155-158). Selon l'article précité, « la tâche de sperme sur un support textile se conserve, à l'écart de la lumière, pendant des années, alors que le prélèvement vaginal à l'aide des tampons exige le refroidissement rapide (la congélation) ou son desséchement, afin d'éviter la dégradation causée par la flore microbienne » (p. 101).
71.  Les dispositions générales du droit interne pertinent concernant l'exécution des peines privatives de liberté et le droit des détenus à l'assistance médicale sont partiellement décrites dans les arrêts Gagiu c. Roumanie, no 63258/00, §§ 41-42, 24 février 2009 et Măciucă c. Roumanie, no 25763/03, § 14, 26 mai 2009.
72.  Par décision du Gouvernement (Hotărârea Guvernului) no 1897/2006 publiée au Journal officiel no 24 du 16 janvier 2007, fut adopté le règlement d'application de la loi no 275/2006 sur l'exécution des peines. Le sixième paragraphe de l'article 28 dudit règlement prévoyait que si une personne se trouvant en détention a perdu plus de 50% de sa fonction masticatoire, pendant la période de sa détention et que l'on constate qu'elle n'a pas les moyens de payer sa contribution au prix des prothèses, ce montant sera pris en charge par le budget de la prison.
B.  La législation et la pratique internes pertinentes en matière d'assurance maladie des détenus
73.  En vertu du règlement du Gouvernement no 56/1998 relatif à l'organisation et au fonctionnement de la Caisse d'Assurances de Santé de la Défense, de l'Ordre Public, de la Sûreté Nationale et de l'Autorité Judiciaire – Casa Asigurărilor de Sănătate a Apărării, Ordinii Publice, Siguranţei Nationale şi Autorităţii Judecătoreşti - (« CASAOPSNAJ », ci-après), tel que modifié par la loi no 458/2001, les personnes détenues en exécution d'une peine ou placées en détention provisoire étaient assurées, leurs contributions étant payées par le budget de l'État (article 2, c) dudit règlement).
74.  En application de la législation en matière d'assurance maladie, le Ministère de la Santé et la Caisse Nationale d'Assurances de Santé (CNAS) adoptent, par arrêté ministériel, les normes d'application du contrat-cadre prévoyant les conditions de l'assistance médicale publique. Des normes spéciales sont adoptées pour ce qui est de la CASAOPSNAJ. L'article 1er des normes d'application du contrat-cadre sur les conditions de l'assistance médicale dans le système de la CASAOPSNAJ, du 22 juin 2004 (publiées au Journal Officiel no 684 du 29 juillet 2004) prévoient que ces normes spéciales sont complétées par les normes générales régissant le système d'assurances publiques de droit commun, dans le cadre de la CNAS.
75.  Par arrêté ministériel, a été adopté, à peu près tous les ans, le « paquet de services médicaux dentaires préventifs et des traitements », en précisant pour chaque type d'acte médical le montant, en pourcentage, de la somme couverte par la Sécurité sociale publique.
76.  Ainsi, en vertu de l'arrêté no 4189/2001, publié dans le Journal Officiel no 851 du 29 décembre 2001, il fut établi que les prothèses dentaires chez l'adulte étaient couvertes à un taux variable allant de 40 % à 60 %, en fonction de certains critères.
77.  Par la suite, l'arrêté no 980/2003 du 15 décembre 2003, publié au Journal Officiel no 17 du 9 janvier 2004, précisait au chapitre III de l'annexe, au point no 7, que les trois types de prothèses à savoir « la prothèse acrylique partielle de 1 à 7 dents » ; « la prothèse acrylique partielle de plus de 7 dents » et « la prothèse acrylique totale » étaient couverts à 100% par la Sécurité sociale publique.
78.  Ultérieurement, l'arrêté no 45/2005, publié au Journal Officiel no 134 du 14 février 2005 établit que les prothèses dentaires chez l'adulte étaient couvertes à 40 %, à l'exception des « bénéficiaires des lois spéciales » qui étaient couverts à 100 % du coût de prothèses.
79.  Par une lettre du 8 juin 2007, adressée à l'Agent du Gouvernement auprès de la Cour, la CASAOPSNAJ précisa qu'elle avançait les frais de médecine dentaire pour les personnes affiliées seulement pour les traitements réalisés dans des cabinets avec lesquels elle avait conclu une convention. La CASAOPSNAJ précisait également que jusqu'au 31 décembre 2006, aucune convention n'avait été signé avec les cabinets de médecine dentaire des prisons, « en raison du fait que leur système d'organisation ne correspondait pas à celui imposé par le contrat-cadre ».
C.  Le droit et la pratique internationaux pertinents
80.  Les conclusions du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) rendues à la suite des visites effectuées dans des prisons de Roumanie, tout comme les observations à caractère général du CPT, sont résumées dans l'arrêt Bragadireanu c. Roumanie (no 22088/04, §§ 73-76, 6 décembre 2007). Par ailleurs, les paragraphes pertinents de la Recommandation (98)7 du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe relative aux aspects éthiques et organisationnels des soins de santé en milieu pénitentiaire, adoptée le 8 août 1998, sont reproduits dans l'arrêt Huylu c. Turquie (no 52955/99, § 53, 16 novembre 2006).
EN DROIT
I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 3 DE LA CONVENTION
81.  Le requérant se plaint que sa vie a été mise en danger et qu'il a été soumis à des traitements et peines inhumains car, après avoir perdu tous ses dents alors qu'il se trouvait en prison, il ne s'est pas vu offrir les prothèses dentaires prescrites par le médecin, faute de moyens pour la payer, fait qui aurait engendré chez lui de graves maladies de l'estomac et du foie. Il invoque l'article 3 de la Convention, ainsi libellé :
« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
A.  Sur la recevabilité
82.  Le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours en affirmant que le requérant aurait pu introduire une plainte contre le personnel des prisons en vertu des articles 267 et 2671 du code pénal, lesquels prohibent, de façon générale, les mauvais traitements et la torture. En outre, et depuis juin 2003, le règlement d'urgence no 56/2003 garantit, de façon plus spécifique, les droits des personnes qui exécutent une peine privative de liberté, dont le droit de recevoir une assistance médicale gratuite. Au titre de la jurisprudence interne pertinente, le Gouvernement soumet une trentaine de décisions de justice rendues par diverses juridictions dans des affaires concernant l'application du règlement d'urgence no 56/2003 et des articles 267 et 2671 du code pénal, en matière d'assistance médicale des détenus, dont trois ont tranché en faveur des détenus.
83.  Le requérant réplique que les voies de recours indiquées par le Gouvernement n'étaient pas efficaces parce qu'en vertu de la législation applicable, la charge de la preuve appartenait aux plaignants, alors que les documents médicaux se trouvaient toujours entre les mains des autorités de la prison ; que l'éventuel rejet d'une action aurait conduit à imposer au plaignant de payer les frais de justice, ce qui serait un élément de nature à décourager pareille action ; que les avocats commis d'office pour les requérants les plus démunis se montraient inactifs, n'offrant aucune assistance à leurs clients et s'absentant des audiences, comme dans la grande majorité des exemples produits par le Gouvernement. Enfin, le requérant indique que dans les trois exemples invoqués par le Gouvernement, concernant des actions tendant à l'octroi des soins médicaux tranchées en faveur des requérants, les tribunaux n'ont pas octroyé de dédommagements, mais se sont bornés à indiquer aux autorités de la prison les mesures à prendre à l'égard des soins médicaux que les requérants nécessitaient.
84.  La Cour rappelle que, dans l'affaire Petrea c. Roumanie, no 4792/03, § 35, 29 avril 2008, elle a conclu pour la première fois, qu'un recours fondé sur les dispositions du règlement d'urgence no 56/2003 constituait un recours effectif, au sens de l'article 35 § 1 de la Convention, s'agissant d'allégations relatives au défaut d'assistance médicale appropriée, après son entrée en vigueur, en juin 2003, mais qu'il n'en était pas un s'agissant des conditions de détention proprement dites (Petrea précité, §§ 36 et 37 et Măciucă, précité § 19) ou de l'assistance médicale pour la période antérieure à 2003 (Petrea précité, § 40). Elle rappelle également que, dans une autre affaire concernant une détention ayant commencé en mars 2004, elle a déclaré recevable un grief relatif à l'assistance médicale en prison, (voir Bragadireanu, précité, §§ 81 et 86-91).
85.  En l'espèce, la Cour observe d'une part que le grief du requérant porte sur une période de détention ayant commencé en avril 2001, soit avant l'entrée en vigueur du règlement d'urgence no 56/2003. D'autre part elle note que l'essentiel de son grief vise l'impossibilité pour lui d'obtenir les prothèses dentaires qu'il nécessitait, fait qui aurait causé une aggravation de son état de santé.
La Cour note à ce titre, qu'à partir du 13 décembre 2002, date à laquelle le requérant fut diagnostiqué comme étant quasi-totalement édenté, il se vit prescrire divers traitements et des prothèses dentaires. Celles-ci ne furent pas réalisées, faute de moyens pour le requérant pour payer une partie de leur coût, étant donné que, pendant les années 2002, 2003, 2005 et 2006, ce coût, bien que modique, n'était pas couvert en totalité par le régime public de l'assurance maladie (voir les paragraphes 33, 36 et 76-78, ci-dessus).
De surcroît, même à partir de 2004, lorsque les règlements en vigueur prévoyaient que les prothèses dentaires étaient couvertes par la sécurité sociale, le requérant ne reçut toujours pas de prothèses.
86.  A la différence des affaires Petrea et Bragadireanu précitées, l'aspect principal du grief du requérant tient à la carence d'assistance médicale en prison, en raison de l'insuffisance des moyens nécessaires pour lui assurer, alors qu'il était en état d'indigence constaté par les autorités (voir le paragraphe 21, ci-dessus), des prothèses qu'il aurait pu se procurer sans aucun obstacle s'il avait disposé lui-même des ressources nécessaires.
Or, s'agissant de l'effectivité de la couverture du régime public d'assurance maladie des détenus, cette situation s'apparente plutôt à celle des conditions matérielles de détention, pour lesquelles il n'y avait pas de recours effectif à épuiser sur la base du règlement d'urgence no 56/2003. Les arguments du Gouvernement ne sauraient mener en l'espèce à une conclusion différente. La Cour observe que le Gouvernement n'a pas indiqué de quelle manière les voies de recours citées auraient pu remédier aux carences structurelles dénoncées – notamment à celles entachant le défaut de convention entre des cabinets de médecine dentaire des prisons avec la CASAOPSNAJ (voir le paragraphe 77, ci-dessus). D'ailleurs, les décisions qu'il a fournies ne sont pas pertinentes à cet égard, car elles ne concernent pas une situation similaire à celle de l'espèce (voir mutatis mutandis, Marian Stoicescu c. Roumanie, no 12934/02, § 19, 16 juillet 2009).
87.  Par ailleurs, compte tenu de la pathologie psychiatrique du requérant (voir les paragraphes 23, 25 et 27 ci-dessus), la Cour rappelle qu'elle a déjà jugé qu'il faut, dans le cas des malades mentaux, tenir compte de leur vulnérabilité et de leur incapacité, dans certains cas, à se plaindre de manière cohérente ou à se plaindre tout court des effets d'un traitement donné sur leur personne (voir mutatis mutandis Rivière c. France, no 33834/03, § 62, 11 juillet 2006).
88.  En tout état de cause, la Cour note que le requérant a attiré à maintes reprises l'attention des autorités compétentes tant sur ses souffrances liées à l'absence totale de dents, que sur son manque de moyens afin de se procurer des prothèses. En conséquence, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, le requérant n'était pas tenu de faire usage des voies de recours suggérées par le Gouvernement (voir Brânduşe précité, § 40 et mutatis mutandis, Toma c. Roumanie, no 42716/02, § 43, 24 février 2009).
Partant, il convient de rejeter l'exception soulevée par le Gouvernement.
89.  La Cour constate que cette partie du grief n'est pas manifestement mal fondée au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. La Cour relève par ailleurs qu'elle ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de la déclarer recevable.
B.  Sur le fond
90.  Le Gouvernement fait valoir tout d'abord que c'est le requérant lui-même qui a contribué à l'aggravation de son état de santé, en entamant de manière régulière des grèves de la faim et en ingérant volontairement des morceaux de métal.
S'agissant des prothèses dentaires que le requérant nécessitait, le Gouvernement indique que pendant les années où seulement une partie du coût des prothèses était couvert par le régime public d'assurance maladie, ce-dernier aurait pu faire appel à sa son père, qui n'est décédé qu'en 2005, pour obtenir une aide financière. En outre, le Gouvernement produit une copie des registres de la prison qui indiquent que le requérant s'est acheté certains biens, d'où il ressort qu'il disposait de certaines sommes d'argent.
Pour ce qui est de l'année 2004, quand le coût des prothèses était entièrement couvert par la sécurité sociale, le Gouvernement indique que le requérant aurait refusé les extractions des restes de dents, faisant ainsi lui-même obstacle à la pose de ses prothèses dentaires.
91.  Le requérant fait essentiellement valoir que les autorités responsables n'ont pris aucune mesure pour équiper et organiser les cabinets de médecine dentaire des prisons, afin de répondre aux critères imposés par la réglementation dans le domaine des assurances publiques, ce qui leur aurait permis de conclure des conventions avec la CASAOPSNAJ. Or, c'était là une condition en l'absence de laquelle la couverture sociale des détenus ne pouvait pas être effective.
Il explique, en outre, qu'en novembre 2004 il a refusé que certains restes de dents soient extraits parce qu'il craignait de ne pas recevoir finalement de prothèses, en raison de l'impossibilité pour lui de payer leur coût et compte tenu également de la position de l'administration de la prison de Giurgiu. Cette dernière lui aurait en effet indiqué ne pouvoir avancer aucun montant à ce titre.
92.  La Cour renvoie aux principes fondamentaux se dégageant de sa jurisprudence concernant le suivi et le traitement médical d'une personne privée de liberté (Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 91, CEDH 2000-XI, Paladi c. Moldova [GC], no 39806/05, § 71, 10 mars 2009). Si l'on ne peut en déduire une obligation générale de libérer un détenu pour des motifs de santé, l'article 3 de la Convention impose en tout cas à l'État de protéger l'intégrité physique des personnes privées de liberté notamment par l'administration des soins médicaux requis (Rivière précité, § 62).
De plus, la Cour observe qu'une question peut se poser sous l'angle de l'article 3 de la Convention lorsqu'il est prouvé que les autorités d'un État contractant ont mis la vie d'une personne en danger en lui refusant les soins médicaux qu'elles se sont engagées à fournir à l'ensemble de la population (Chypre c. Turquie [GC], no 25781/94, § 219, ECHR 2001-IV). Toutefois, les choix à faire en termes de priorités et de ressources, surtout quand ces dernières sont limitées, reviennent aux autorités nationales (Osman c. Royaume-Uni, 28 octobre 1998, § 116, Recueil des arrêts et décisions 1998-VIII).
93.  Au vu de ces principes, la Cour doit examiner si le requérant a eu accès aux soins médicaux courants que les autorités se sont engagées à fournir aux personnes atteintes de la même affection (voir, mutatis mutandis, Nitecki c. Pologne (déc.), no 65653/01, 21 mars 2002, Pentiacova et autres c. Moldova (déc.), no 14462/03, 4 janvier 2005 et Gheoghe c. Roumanie, (déc.) no 19215/04, 22 septembre 2005).
94.  En l'espèce, la Cour note que le 13 décembre 2002, un médecin de la prison de Bucarest-Rahova a noté dans le dossier médical du requérant que son maxillaire supérieur était totalement édenté et qu'il nécessitait des prothèses dentaires et a mentionné avoir rapporté le cas à la Direction Générale des Pénitenciers, car le requérant n'avait pas de moyens pour se les procurer (voir le paragraphe 21, ci-dessus).
Ainsi qu'il ressort de l'ensemble des pièces soumises par les parties, le diagnostic du requérant attestant ses besoins de prothèses dentaires fut renouvelé à plusieurs reprises pendant les années de 2002 à 2007, sans que les prothèses lui soient effectivement fournies, la raison opposée au requérant étant son impossibilité de payer une partie de leur coût.
95.  La Cour note ensuite que par sa lettre du 8 juin 2007, la caisse d'assurance à laquelle le requérant était affilié, compte tenu de sa qualité de détenu (CASAOPSNAJ), précisait, d'une part, qu'elle avançait les frais de médecine dentaire pour les personnes affiliées seulement dans le cas des traitements réalisés dans des cabinets avec lesquels elle avait conclu une convention et, d'autre part, qu'aucune convention de ce type n'avait été signée avec les cabinets de médecine dentaire des prisons, ceci « en raison du fait que leur système d'organisation ne correspondait pas à celui imposé par le contrat-cadre » (voir le paragraphe 79, ci-dessus).
La Cour en déduit que le requérant, en tant que détenu, n'aurait pas pu obtenir des prothèses dentaires autrement qu'en payant leur prix intégral. Or, son état d'indigence, connu et accepté par les autorités, ne lui permettait pas de se procurer les prothèses par ses propres moyens. L'argument selon lequel le requérant aurait disposé de certaines sommes d'argent qu'il a utilisées pour acheter des biens, dont le Gouvernement ne précise pas le montant, n'est pas en mesure d'affecter cette conclusion, d'autant plus que les autorités n'ont jamais opposé au requérant ce motif, lui indiquant, au contraire, qu'il n'avait pas suffisamment d'argent sur son compte.
96.  Ces éléments suffisent à la Cour pour conclure que la réglementation en matière de couverture sociale pour les détenus, qui établissait le taux de participation aux coûts exigés par des prothèses dentaires, était inopérante car mise en échec par des obstacles de nature administrative.
97.  Par ailleurs, le Gouvernement n'a pas expliqué de manière convaincante pourquoi le requérant ne s'est pas vu apposer, en 2004, les prothèses dentaires qu'il nécessitait, quand les règlements en vigueurs prévoyaient une couverture totale du coût de ces prothèses. A cet égard, la Cour note que le refus du requérant d'effectuer certaines extractions de restes de dents date de novembre 2004 (voir le paragraphe 34 ci-dessus) et n'explique pas à lui-seul l'inertie des autorités pendant toute l'année 2004.
98.  La Cour observe, en somme, que malgré son état de santé préoccupant (voir les paragraphes 31 et 39 ci-dessus), le requérant ne dispose toujours pas, à ce jour, de prothèses dentaires en dépit des nouvelles dispositions législatives prévoyant la gratuité de ces soins (voir le paragraphe 72, ci-dessus).
99.  Compte tenu de tout ce qui précède, la Cour parvient à la conclusion qu'il y a violation de l'article 3 de la Convention.
100.  Pour autant que le requérant se plaignait que le manque de prothèses dentaires serait la source de sa pathologie digestive et hépatique, la Cour constate qu'il aurait lui-même contribué au moins dans une certaine mesure, à l'aggravation de son état de santé, par le refus de la nourriture et par l'ingestion de morceaux de métal. Au demeurant, aucune expertise médicale de nature à établir les causes de ces maladies n'a été produite devant la Cour. Compte tenu de ces circonstances, la Cour n'est pas en mesure de prendre position sur ce point.
Compte tenu de ce fait et eu égard au constat auquel la Cour est arrivée au paragraphe 99, ci-dessus, quant à la violation de l'article 3 de la Convention, elle estime qu'il n'y a pas lieu d’examiner davantage l'impact de l'absence des soins dentaires sur l'état de santé général du requérant.
II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 DE LA CONVENTION
101.  Le requérant se plaint également de l'iniquité de la procédure pénale diligentée à son encontre. Se prétendant innocent, il se plaint de carences dans l'administration des preuves par les tribunaux, notamment du non-prélèvement d'empreintes digitales et de l'absence d'expertise dactyloscopique au sujet du vol, et de l'absence d'expertise biologique, notamment d'un test ADN attestant qu'il était l'auteur du viol commis sur sa grand-mère, ainsi que du refus des tribunaux d'entendre un témoin à décharge.
Dans son mémoire du 26 octobre 2007, le requérant s'est également plaint du manquement des tribunaux à leur obligation de veiller à ce qu'il disposât de l'assistance effective d'un défenseur.
Il invoque l'article 6 § 1 et 3 c) et d) de la Convention, ainsi libellé dans ses parties pertinentes :
« 1.  Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...)
3.  Tout accusé a droit notamment à :
c)  se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent ;
d)  interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;
102.  Le Gouvernement conteste cette thèse.
A.  Sur la recevabilité
103.  S'agissant du grief concernant l'assistance effective d'un défenseur, la Cour rappelle qu'aux termes de l'article 35 § 1 de la Convention, elle ne peut être saisie que dans un délai de six mois à partir de la date de la décision interne définitive rendue dans le cadre normal de l'épuisement des voies de recours internes susceptibles de fournir un moyen efficace et suffisant pour redresser les griefs faisant l'objet de la requête (Mujea c. Roumanie (déc.) no 44696/98, 10 septembre 2002).
En l'espèce, la Cour relève que le grief relatif à la défaillance alléguée des avocats commis d'office concerne une procédure qui s'est achevée par un arrêt rendu le 7 octobre 2002 par la cour d'appel de Bucarest. Or, ce grief a été présenté à la Cour seulement le 26 octobre 2007, soit plus de six mois après la décision interne définitive rendue dans la procédure mise en cause.
Il s'ensuit que cette partie de la requête est tardive et doit être rejetée en application de l'article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
104.  S'agissant de la convocation du témoin à décharge cité par le requérant, la Cour observe tout d'abord que ce témoin a été convoqué par le tribunal dans un premier temps, qu'il n'a pas pu être entendu et qu'ensuite il n'a plus comparu (voir le paragraphe 51, ci-dessus), la dernière demande d'assignation de témoins, formée par le requérant étant refusée par le tribunal (le paragraphe 54, ci-dessus).
La Cour note, cependant, que le requérant ne s'est pas plaint, par la suite, de la non-convocation de ce témoin à décharge devant les juridictions internes, à savoir dans son appel et dans son pourvoi en recours contre la décision du 24 mai 2002 (voir le paragraphe 56-58, ci-dessus).
Dès lors, il n'a pas régulièrement épuisé les vois de recours disponibles en droit interne. Il s'ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l'article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
105.  En ce qui concerne l'équité de la procédure, dans son ensemble, la Cour observe que le grief du requérant a rapport à une double condamnation, pour le viol de sa grand-mère et pour vol à main armée commis chez la voisine de sa grand-mère.
S'agissant de la partie du grief ayant rapport à sa condamnation pour vol à main armée, la Cour note que dans sa requête initiale, le requérant s'est plaint des carences dans l'administration des preuves par les tribunaux, notamment de l'absence d'expertises dactyloscopiques et du changement de la qualification juridique de l'infraction.
Ultérieurement, il n'a pas formulé d'observations à cet égard. La Cour en déduit qu'il n'entend plus maintenir cette partie du grief, au sens de l'article 37 § 1 a) de la Convention. Compte tenu de l'ensemble des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle est compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour n'a relevé aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention ou ses Protocoles.
Il s'ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
106.  En ce qui concerne les allégations d'iniquité de la procédure ayant abouti à sa condamnation pour viol, la Cour estime, à la lumière de l'ensemble des arguments des parties, que ce grief n'est pas manifestement mal fondé, au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. Il convient donc de le déclarer recevable.
B.  Sur le fond
107.  La Cour relève d'abord que les exigences du paragraphe 3 d) de l'article 6 de la Convention représentent des aspects particuliers du droit à un procès équitable, garanti par le paragraphe 1. Dès lors, elle examinera le grief sous l'angle de ces deux textes combinés (voir, parmi d'autres, S.N. c. Suède, no 34209/96, § 43, CEDH 2002-V).
108.  Il n'appartient pas à la Cour de connaître des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par une juridiction interne, sauf si et dans la mesure où elles pourraient avoir porté atteinte aux droits et libertés sauvegardés par la Convention. Si l'article 6 garantit le droit à un procès équitable, il ne réglemente pas pour autant la recevabilité des preuves en tant que telle, matière qui relève au premier chef du droit interne. La tâche de la Cour consiste à rechercher si la procédure dans son ensemble, y compris le mode de présentation des moyens de preuve, revêtit un caractère équitable et si les droits de la défense ont été respectés (Bracci c. Italie, no 36822/02, § 51, 13 octobre 2005).
109.  Il reste à établir si les droits de la défense ont été enfreints par l'impossibilité pour le requérant d'interroger ou faire interroger la victime aux débats et par le refus d'ordonner un test ADN.
110.  La Cour rappelle que les éléments de preuve doivent normalement être produits devant l'accusé en audience publique, en vue d'un débat contradictoire, mais l'emploi de dépositions remontant à la phase de l'enquête préliminaire et de l'instruction ne se heurte pas en soi aux paragraphes 3 d) et 1 de l'article 6, sous réserve du respect des droits de la défense ; en règle générale, ils commandent d'accorder à l'accusé une occasion adéquate et suffisante de contester un témoignage à charge et d'en interroger l'auteur, au moment de la déposition ou plus tard (Bracci, précité, § 54).
Même si l'article 6 ne reconnaît pas à l'accusé un droit absolu d'obtenir la comparution de témoins devant un tribunal, cependant, les droits de la défense sont restreints de manière incompatible avec les garanties de l'article 6 lorsqu'une condamnation se fonde, uniquement ou dans une mesure déterminante, sur des dépositions faites par une personne que l'accusé n'a pu interroger ou faire interroger ni au stade de l'instruction ni pendant les débats (Saïdi c. France, 20 septembre 1993, § 43-44, série A no 261-C).
En outre, la Cour rappelle qu'il faut traiter avec une extrême prudence les déclarations obtenues de témoins dans des conditions telles que les droits de la défense ne pouvaient être garantis dans la mesure normalement requise par la Convention (S.N., précité, § 53).
111.  En l'espèce, la Cour note que les tribunaux ont motivé la condamnation du requérant pour l'infraction de viol en se fondant pour l'essentiel sur les déclarations de la victime faites devant la police. Les autres éléments pris en compte, à savoir le certificat médicolégal ainsi que les cinq dépositions des témoins indirects qui ont déclaré avoir entendu la victime se plaindre de ce qu'elle avait subi de la part du requérant (voir les paragraphes 47-49 et 54, ci-dessus) ne peuvent être considéré comme étant déterminants, compte tenu du fait qu'aucun de ces éléments de preuve n'attestait de façon directe que le viol avait été commis par le requérant. Il en résulte que si les déclarations litigieuses de la victime ne constituaient pas le seul élément de preuve sur lequel le tribunal a appuyé sa condamnation, elles étaient toutefois l'élément déterminant (voir, a contrario, Artner c. Autriche, 28 août 1992, §§ 22-24, série A no 242-A).
112.  A cet égard, la Cour a admis que, dans le cadre de procédures se rapportant à des abus sexuels et notamment sur des personnes vulnérables, des mesures soient prises pour protéger la victime, pourvu que ces mesures puissent être conciliées avec un exercice adéquat et effectif des droits de la défense. Le caractère éprouvant de ce type de procédure a été souligné, en particulier lorsque la victime est confrontée contre son gré au défendeur (S.N. précité, § 47).
En l'espèce, le fait que la victime soit très âgée et sénile, tel que cela a été attesté par le certificat médico-légal du 1er avril 2001, impliquait sans nul doute qu'une protection accrue lui soit accordée. Cependant, l'impossibilité́ d'interroger la plaignante à l'audience, avant son décès en octobre 2001, aurait dû être accompagnée par des garanties suffisantes de nature à préserver les droits de la défense tels que garantis par les paragraphes 1 et 3 d), combinés, de l'article 6.
113.  Or, il ressort des pièces du dossier que la seule déclaration de la victime produite devant le parquet a été faite le 1er avril 2001, devant un policier du poste de police de la commune (voir le paragraphe 48, ci-dessus) avant que le requérant soit inculpé et sans, donc, qu'il ait la possibilité de transmettre des questions de clarification. Cette déclaration a été consignée par écrit et n'a pas été enregistrée. Tel qu'il ressort des pièces du dossier, cette déclaration n'a jamais été lue devant l'accusée au cours de la procédure pénale et aucune autre mesure de nature à permettre au requérant de mettre en cause les déclarations et la crédibilité de la victime n'a été prise (voir a contrario, S.N. précité, § 52).
114.  Dans ces conditions, la réalisation d'un test ADN aurait pu, soit confirmer la version de la victime, soit fournir au requérant des éléments substantiels pour entamer la crédibilité de cette version. A cet égard la Cour observe que le requérant ou ses avocats ont effectivement demandé de manière répétée la réalisation d'une expertise basée sur l'examen de l'ADN (voir a contrario V.S c. Italie no 20361/92, décision de la Commission du 29 juin 1994) et ils ont présenté cette demande devant un tribunal qui avait la compétence d'ordonner la production de nouvelles preuves (voir les paragraphes 56 et 70, ci-dessus et a contrario, Bracci précité, § 64). Or, les tribunaux ont refusé d'accéder à cette demande de manière implicite, à savoir, sans se prononcer explicitement sur la pertinence de cette offre de preuve par des décisions qui soient suffisamment motivées et raisonnées (voir a contrario Arias Garcia c. Espagne, no 22481/93, décision de la Commission du 12 janvier 1994).
115.  Enfin, s'agissant de l'enquête sur place réalisée le 1er avril 2001, la Cour note ses insuffisances, dans la mesure où les policiers se sont bornés à décrire de manière générale la maison de la victime, sans se préoccuper à rechercher des traces de l'agression, par exemple, des éventuelles vêtements entachés de sperme ou la serviette que la victime avait indiqué, dans sa déclaration du même jour, avoir été utilisée par l'agresseur, pour son immobilisation. Or, ces éléments auraient pu apporter plus de consistance à l'accusation portée contre le requérant.
116.  Par conséquent, la Cour considère que, dans les circonstances de l'espèce, les juridictions roumaines ont failli à leur devoir d'ordonner des mesures d'investigation afin de donner au requérant la possibilité de défendre sa cause (voir mutatis mutandis Spînu c. Roumanie, no 32030/02, § 62, 29 avril 2008).
Dès lors, il y a violation de l'article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention.
III.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES ARTICLES 34 et 8 DE LA CONVENTION
117.  Dans sa lettre du 26 septembre 2002, le requérant s'est plaint de ce que l'administration de la prison de Bucarest-Rahova lui a refusé le nécessaire pour sa correspondance avec la Cour, en particulier des timbres et des enveloppes.
118.  Ultérieurement, le requérant s'est plaint des entraves à son droit de recours individuel devant la Cour du fait du refus opposé par le tribunal départemental de Teleorman de lui fournir une copie des pièces de son dossier pénal et aussi des refus similaires opposés par les responsables des prisons de Bucarest-Rahova et Giurgiu.
119.  Dans sa lettre du 22 février 2006, il s'est plaint également de pressions de la part des fonctionnaires de l'ANP pour le faire renoncer à ses plaintes relatives aux conditions de détention.
120.  Il invoque, en substance, l'article 34 de la Convention pris seul et combiné avec l'article 8 de la Convention, s'agissant des entraves alléguées dans son droit de correspondance avec la Cour.
121.  La Cour observe que tel que formulée par le requérant et dans les circonstances de l'espèce, cette partie de la requête appelle un examen sur le terrain du seul article 34 de la Convention, qui est ainsi libellé :
« La Cour peut être saisie d'une requête par toute personne physique, toute organisation non gouvernementale ou tout groupe de particuliers qui se prétend victime d'une violation par l'une des Hautes Parties contractantes des droits reconnus dans la Convention ou ses Protocoles. Les Hautes Parties contractantes s'engagent à n'entraver par aucune mesure l'exercice efficace de ce droit. »
A.  Sur la recevabilité du grief présenté le 26 septembre 2002
122.  Le Gouvernement se réfère à une lettre du 14 mai 2007 du directeur de la prison de Bucarest-Rahova qui faisait état du fait, que pendant la période du 3 novembre 2001 au 14 décembre 2002, lors de laquelle le requérant avait été détenu dans ladite prison, il n'y avait aucun enregistrement concernant la distribution de matériel de correspondance aux personnes détenues.
123.  En revanche, le Gouvernement renvoie au registre d'achats de la prison qui indique que le requérant a réalisé des achats pendant la période de janvier à novembre 2002, sans préciser le montant de ses dépenses, ni la nature des biens achetés.
Le requérant n'a pas formulé d'observations à cet égard.
124.  Se référant à la période postérieure à l'entrée en vigueur du règlement d'urgence no 56/2003, le Gouvernement fait valoir que le requérant s'est vu satisfaire toutes ses demandes d'enveloppes et timbres pour correspondance et soumet la copie du fichier tenu par l'administration des prisons à l'égard du requérant. En outre, il excipe du non-épuisement des voies de recours internes, indiquant que le requérant n'a pas poursuivi son recours fondé sur le règlement d'urgence no 56/2003 (voir les paragraphes 67 – 69 ci-dessus).
125.  La Cour rappelle à cet égard que l'article 8 de la Convention n'oblige pas les États à supporter les frais d'affranchissement de toute la correspondance des détenus. Toutefois, un problème pourrait surgir si, faute de moyens financiers, la correspondance d'un détenu a sérieusement été entravée (Cotleţ c. Roumanie, no 38565/97, § 61, 3 juin 2003).
126.  La Cour observe que le grief examiné en l'espèce vise la période se situant avant septembre 2002. Or, pendant cette période même, le registre tenu par l'administration de la prison, indique que le requérant fit des achats plusieurs fois au cours de l'année 2002. Bien que le montant des dépenses ne soit pas indiqué dans ledit registre, mais compte tenu du fait que l'affranchissement d'un courrier pour la Cour s'élevait, à l'époque des faits, à moins de 50 000 ROL, soit, moins de 2 EUR, la Cour constate qu'elle ne peut pas établir que le requérant était dans l'impossibilité absolue de se procurer lui-même des timbres. Par ailleurs, les éventuelles carences à cet égard ont été comblées par la suite, le requérant ayant reçu constamment le nécessaire pour sa correspondance avec la Cour.
Il s'ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
B.  Sur la recevabilité des autres griefs tirés de l'article 34 de la Convention
127.  Le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes, se référant à la voie ouverte par le règlement d'urgence no 56/2003, s'agissant du refus des responsables de la prison de fournir les copies demandées par le requérant et des pressions allégués à l'égard du requérant et la voie d'une action disciplinaire devant le Conseil Supérieur de la Magistrature, contre le président du tribunal départemental de Teleorman, pour ce qui est de son refus du 16 septembre 2004 de fournir les copies demandées.
128.  Le requérant s'oppose à cette thèse.
129.  La Cour relève qu'il a été loisible, en l'espèce, au requérant d'obtenir des copies de ses documents qu'il a pu faire parvenir à la Cour dès les premiers stades de la procédure, après l'introduction de sa requête. Quant au refus des responsables de la prison de lui fournir les copies demandées, ce grief concerne une éventuelle omission des autorités postérieure au 25 juin 2003, date à laquelle le règlement d'urgence no 56/2003 est entré en vigueur. Dans l'affaire Petrea précitée, la Cour a conclu qu'un recours fondé sur les dispositions du règlement d'urgence no 56/2003 constituait un recours effectif, au sens de l'article 35 § 1 de la Convention, s'agissant des entraves au droit à la libre correspondance des détenus avec la Cour (Petrea précitée, § 36 et Măciucă précité, § 31). Or, en l'espèce, la Cour constate que le requérant ne s'est pas prévalu d'un tel recours.
Il s'ensuit que cette partie du grief doit être rejetée pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l'article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
130.  En ce qui concerne le prétendu refus opposé initialement par le tribunal départemental de Teleorman au requérant, de lui délivrer les copies des documents demandés, la Cour note que peu de temps après, il s'est vu délivrer les documents en question (voir le paragraphe 64, ci-dessus).
Il s'ensuit que cette partie du grief est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
IV.  SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES
131.  Le requérant se plaint enfin de l'absence d'accès aux informations d'intérêt public, à savoir aux journaux télévisés, qu'il ne pouvait pas regarder un raison d'un problème d'horaires, de l'absence de programmes éducatifs et de qualification professionnelle pour les détenus ainsi que du manque d'accès au travail rémunéré lors de sa détention, qui aurait pu lui permettre d'acquérir les moyens pour se procurer les prothèses dentaires dont il avait besoin nécessitait. Il invoque à cet égard les articles 8, 9 et 10 de la Convention.
132.  La Cour observe que le requérant ne se plaint pas de n'avoir jamais eu accès à la presse écrite ou audiovisuelle diffusée dans la prison, mais de ce qu'il ne pouvait regarder le journal télévisé. Or, pour autant qu'il ne s'agit pas d'une interdiction totale de l'accès à la presse, mais plutôt de contraintes horaires inhérentes à la vie en détention, s'analysant en ingérence « nécessaire dans une société démocratique » (voir, mutatis mutandis Sotiropoulou c. Grèce, (déc), 18 janvier 2007), cette partie du grief est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
133.  Pour ce qui est de l'accès à la qualification professionnelle ou au travail rémunéré en détention, compte tenu de l'ensemble des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle est compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour n'a relevé aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention ou ses Protocoles.
Il s'ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
V.  SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
134.  Aux termes de l'article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A.  Dommage
135.  Le requérant réclame 150 000 euros (EUR) résultant des souffrances physiques et psychiques qu'il a subies principalement à cause des mauvais traitements auquel il a été soumis en prison par le manque de soins médicaux Il fait valoir qu'il n'a aucun autre moyen pour se faire soigner. Il invoque également un préjudice moral à cause du caractère inéquitable de la procédure ayant conduit à sa condamnation pour viol.
136.  Le Gouvernement considère qu'un éventuel constat de violation d'une disposition de la Convention, fait par la Cour, serait une réparation satisfaisante du préjudice moral encouru par le requérant.
137.  Statuant en équité comme le veut l'article 41 de la Convention, la Cour considère qu'il y a lieu d'octroyer au requérant 10 000 EUR au titre du préjudice moral.
B.  Frais et dépens
138.  Le requérant demande également 7 154 EUR pour les frais et dépens engagés devant la Cour, pour laquelle il soumet des documents justificatifs, à savoir six reçus d'un montant total de 381,41 RON attestant des frais de courrier pour la correspondance avec la Cour et les frais de transport pour trois visites à la prison où se trouve le requérant, réalisées par Me I. Banu, l'avocate qui l'a représenté jusqu'au 24 mars 2008 et une convention conclue avec cette avocate, accompagnée par une note d'honoraires détaillée d'un montant de 7 050 EUR. La convention avec l'avocat mentionne également que le requérant est dans l'impossibilité de payer les honoraires et précise que le montant éventuellement octroyé au titre des frais liés au travail fourni par l'avocate devrait lui être versé directement.
139.  Le Gouvernement estime excessive et spéculative la demande et fait valoir que Me I. Banu a représenté le requérant uniquement à partir du 21 août 2007, après la communication de la requête.
140.  La Cour, conformément à sa jurisprudence, doit rechercher si les frais et dépens dont le remboursement est réclamé ont été réellement exposés, s'ils correspondaient à une nécessité et s'ils sont raisonnables quant à leur taux (voir, par exemple, Nilsen and Johnsen c. Norvège [GC], no 23118/93, § 62, CEDH 1999-VIII).
141.  Eu égard aux critères mentionnés et compte tenu des éléments en sa possession, la Cour accorde au requérant la somme de 4 000 EUR, à verser directement à Me I. Banu. De cette somme, il convient de déduire le montant de 850 EUR versé par le Conseil de l'Europe au titre de l'assistance judiciaire.
C.  Intérêts moratoires
142.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,
1.  Déclare la requête recevable quant aux griefs tirés de l'article 3 et de l'article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention, pour ce qui est de l'équité de la procédure concernant l'accusation de viol portée contre le requérant, et irrecevable pour le surplus ;
2.  Dit qu'il y a eu violation de l'article 3 de la Convention ;
3. Dit qu'il y a eu violation de l'article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention ;
4.  Dit
a)  que l'État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l'État défendeur au taux applicable à la date du règlement :
i.  10 000 EUR (dix mille euros), pour dommage moral, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt ;
ii. 3 150 EUR (trois mille cent cinquante euros), pour les frais et dépens engagés devant la Cour, à verser directement à la première représentante du requérant, Me I. Banu ;
b)  qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
5.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 16 février 2010, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Santiago Quesada Josep Casadevall   Greffier Président
ARRÊT V.D. c. ROUMANIE
ARRÊT V.D. c. ROUMANIE 


Synthèse
Formation : Cour (troisième section)
Numéro d'arrêt : 7078/02
Date de la décision : 16/02/2010
Type d'affaire : Arrêt (au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Partiellement irrecevable ; Violation de l'art. 3 (volet matériel) ; Violation de l'art. 6-1 ; Violation de l'art. 6-3-d ; Préjudice moral - réparation

Analyses

(Art. 3) TRAITEMENT DEGRADANT, (Art. 3) TRAITEMENT INHUMAIN, (Art. 35-1) EPUISEMENT DES VOIES DE RECOURS INTERNES, (Art. 6) PROCEDURE PENALE, (Art. 6-1) PROCES EQUITABLE, (Art. 6-3) DROITS DE LA DEFENSE, (Art. 6-3-d) INTERROGATION DES TEMOINS


Parties
Demandeurs : V.D.
Défendeurs : ROUMANIE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2010-02-16;7078.02 ?

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