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27/04/2010 | CEDH | N°20161/06

CEDH | AFFAIRE VORDUR OLAFSSON c. ISLANDE


QUATRIÈME SECTION
AFFAIRE VÖRĐUR ÓLAFSSON c. ISLANDE
(Requête no 20161/06)
ARRÊT
STRASBOURG
27 avril 2010
DÉFINITIF
27/07/2010
Cet arrêt est devenu définitif en application de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Vörđur Ólafsson c. Islande,
La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de :
Nicolas Bratza, président,   Giovanni Bonello,   David Thór Björgvinsson,   Ján Šikuta,   Päivi H

irvelä,   Ledi Bianku,   Nebojša Vučinić, juges,  et de Fatoş Aracı, greffier de section,
Après en avoir délibé...

QUATRIÈME SECTION
AFFAIRE VÖRĐUR ÓLAFSSON c. ISLANDE
(Requête no 20161/06)
ARRÊT
STRASBOURG
27 avril 2010
DÉFINITIF
27/07/2010
Cet arrêt est devenu définitif en application de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Vörđur Ólafsson c. Islande,
La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de :
Nicolas Bratza, président,   Giovanni Bonello,   David Thór Björgvinsson,   Ján Šikuta,   Päivi Hirvelä,   Ledi Bianku,   Nebojša Vučinić, juges,  et de Fatoş Aracı, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 24 mars 2009, 5 janvier 2010 et 30 mars 2010,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date :
PROCÉDURE
1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 20161/06) dirigée contre la République d’Islande et dont un ressortissant de cet Etat, M. Vörður Ólafsson (« le requérant »), a saisi la Cour le 16 mai 2006 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2.  Le requérant a été représenté par Mes T. Child et E. Hálfdánarson, avocats à Londres et à Reykjavik, respectivement. Le gouvernement islandais (« le Gouvernement ») a été représenté par son agente, Mme Björg Thorarensen.
3.  Le requérant voyait en particulier dans l’imposition par la loi d’une obligation de verser une taxe industrielle au bénéfice de la Fédération des industries islandaises (« la FII » ou « la Fédération ») une violation de son droit à la liberté d’association énoncé à l’article 11 de la Convention, tel qu’interprété à la lumière des articles 9 et 10 de la Convention. Il soutenait en outre que cet impôt avait concrètement pour effet de surtaxer, par un régime fiscal spécial, un groupe restreint de contribuables d’une manière incompatible avec l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention. Enfin, il se disait victime d’une discrimination contraire à l’article 14 de la Convention, en combinaison avec l’article 11 et l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention.
4.  Par une décision du 2 décembre 2008, la Cour a déclaré la requête recevable.
5.  Une audience s’est déroulée en public au Palais des droits de l’homme, à Strasbourg, le 24 mars 2009 (article 59 § 3 du règlement).
Ont comparu :
a)  pour le Gouvernement  Mme  Björg Thorarensen,  agente,  M. Skarphedinn Thorisson, ministre de la Justice, conseil,  M. Gunnar Narfi Gunnarsson, expert juridique près le ministère    de la Justice et des Affaires ecclésiastiques,  Mme Elin Flygering, ambassadrice, représentante permanente    de l’Islande auprès du Conseil de l’Europe, conseillers ;
b)  pour le requérant  Me T. Child, solicitor, conseil,  Me Einar Hálfdánarson, avoué près la Cour suprême,  Mme C. Murray, solicitor stagiaire, conseillers.
La Cour a entendu en leurs déclarations Mme Björg Thorarensen, M. Skarphedinn Thorisson, Me Child et Me Einar Hálfdánarson.
EN FAIT
I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
6.  Le requérant, M. Vörður Ólafsson, est un ressortissant islandais né en 1961 et résidant à Reykjavik.
A.  La taxe industrielle litigieuse
7.  Maître maçon, le requérant est membre de l’Association des maîtres maçons (« l’AMM »). La loi no 134/1993 sur la taxe industrielle (« la loi de 1993 ») lui impose de payer à la FII, dont il n’est pas membre et à laquelle l’AMM n’est pas affiliée, une contribution appelée « taxe industrielle ». Elle prévoit comme assiette à cet impôt, d’un taux de 0,08 %, l’ensemble des activités industrielles conduites sur le territoire islandais, telles que définies par elle et indiquées en annexe selon des codes numériques. Les entreprises du secteur privé dont l’activité ne figure pas parmi celles ainsi énumérées ne sont pas redevables de la taxe industrielle. Tel est par exemple le cas des boucheries, laiteries et poissonneries industrielles, contrairement aux autres compagnies du secteur de l’alimentation et de la boisson. Les entreprises entièrement publiques ou créées par une loi spéciale ne sont pas touchées (article 2). Le produit de la taxe industrielle est alloué à la FII et affecté à la promotion et au développement de l’industrie en Islande (article 3). Le trésor public retient 0,5 % pour couvrir les frais de perception (article 1).
8.  Plus de 10 000 personnes (personnes morales et travailleurs indépendants) sont assujetties à la taxe industrielle. La FII comprend entre 1 100 et 1 200 membres (personnes morales et travailleurs indépendants).
9.  Le Gouvernement a produit copie de rapports adressés par la FII au ministère de l’Industrie concernant l’utilisation des recettes générées par la taxe industrielle pour les années 2000, 2003 et 2006.
10.  Dans son rapport pour l’année 2003, daté du 4 juillet 2004, la FII a indiqué ceci :
« Une énorme partie des travaux de la Fédération profitant aux sociétés industrielles, qu’elles en soient membres ou non, sa comptabilité ne précise pas si telle ou telle dépense d’exploitation est financée par les cotisations de ses membres, par les revenus de son capital ou par la taxe industrielle. Le ministère de l’Industrie n’a opposé aucune réserve à ce procédé et la législation régissant la taxe industrielle n’impose aucune autre obligation.
En revanche, la Fédération et le ministère de l’Industrie conviennent qu’il faut donner davantage de précisions sur l’utilisation de la taxe industrielle, ce que fait le présent rapport. »
11.  Ce rapport comportait un tableau intitulé « [u]tilisation du produit de la taxe industrielle en 2003 d’après la comptabilité de la Fédération », qui affichait les « recettes et dépenses d’après la comptabilité vérifiée de la Fédération pour l’année 2003 ». Dans une colonne distincte, le tableau précisait la part de chaque article et sous-article budgétaire financée grâce à la taxe industrielle. Il comprenait notamment des articles intitulés « bénéfices d’exploitation » et « dépenses d’exploitation ». Il y avait aussi un article intitulé « ventilation détaillée de l’utilisation du produit de la taxe industrielle d’après la comptabilité », avec les sous-articles suivants : 1) « Salaires et dépenses connexes », 2) « Réunions et conférences », 3) « Activités de promotion », 4) « Publications », 5) « Diversification et projets spéciaux » et 6) « Dépenses générales et administratives ».
Chacun de ces sous-articles du rapport était assorti d’une note explicative donnant des indications sur le traitement réservé aux membres par rapport aux non-membres. Ainsi, le sous-article 1 précisait que 2,5 années-personnes sur 20 étaient consacrées à des travaux ne bénéficiant qu’aux membres. Le sous-article 3 précisait que les expositions de la FII étaient ouvertes à tous et que ses membres jouissaient d’une remise sur les droits de participation. Le sous-article 5 précisait que les non-membres pouvaient eux aussi bénéficier du projet sur la qualité de gestion, mais à un tarif plus élevé que les membres.
12.  Il ressort de ce tableau que, en 2003, les recettes d’exploitation de la FII s’élevaient à 315 800 000 couronnes islandaises (ISK), dont 197 359 000 ISK provenant du produit de la taxe industrielle alloué à elle par le trésor public, 84 973 000 ISK des cotisations des membres et 33 468 000 ISK d’autres sources. Cette même année, les dépenses d’exploitation s’élevaient à 289 654 000 ISK, dont 234 617 000 ISK (soit 81 %) consacrées à des projets publics, cette dernière somme ayant été payée avec les 197 359 000 ISK tirées de la taxe industrielle et avec 37 258 000 ISK tirés de cotisations et d’autres sources.
13.  Le Gouvernement explique que, pour accomplir sa mission et son objectif de promotion de l’industrie islandaise définis à l’article 3 de la loi de 1993, la FII œuvre notamment à l’essor et à la défense de l’image de l’industrie, alloue à la formation une large part du produit de la taxe industrielle, formule des avis au nom des industriels sur les projets de lois et règlements en matière d’environnement et inculque aux pouvoirs publics la nécessité de faire preuve de modération en matière de passation des marchés publics et de se conformer à des règles claires et transparentes concernant les appels d’offres.
14.  A l’époque des faits, le requérant a versé les montants suivants au titre de la taxe industrielle : 23 023 ISK (soit 255 euros (EUR)) pour 2001 ; 20 639 ISK (soit 229 EUR) pour 2002 ; 12 567 ISK (soit 139 EUR) pour 2003 et 5 946 ISK (soit 66 EUR) pour 2004.
B.  Les recours judiciaires dirigés contre la taxe industrielle
15.  Le 8 novembre 2004, le requérant assigna l’Etat islandais devant le tribunal de district de Reykjavik, le priant de l’exonérer de la taxe industrielle de laquelle il était redevable pour les années 2001 à 2004.
16.  Par un jugement du 13 juillet 2005, le tribunal de district se prononça en faveur de l’Etat et débouta l’intéressé.
17.  Le requérant forma un recours devant la Cour suprême, soutenant notamment que l’article 3 de la loi de 1993 avait concrètement pour effet d’obliger toutes les personnes et sociétés se livrant à certaines activités commerciales à cotiser à la FII, qu’elles en soient membres ou non. C’est ce qui ressortait clairement, selon lui, de l’article 14 du statut de la FII, la disposition régissant les cotisations, qui prévoyait que les membres de la FII redevables de la taxe industrielle dont le produit était alloué à cet organisme pouvaient faire déduire de leurs cotisations les montants versés par eux à ce titre. Ainsi, le prélèvement et la perception de cet impôt auraient rendu de fait l’adhésion à la FII obligatoire aux autres personnes qui y étaient assujetties sans pour autant les faire bénéficier d’un quelconque droit à l’égard de cet organisme. Par conséquent, la taxe industrielle aurait été assimilable à une simple cotisation à la FII. Le requérant soutenait qu’il était membre de l’AMM, à laquelle il cotisait et qui, selon lui, veillait au mieux à ses intérêts, et qu’il ne souhaitait pas adhérer à la FII. Cette dernière aurait défendu des politiques qu’il réprouvait et qui auraient été contraires à ses intérêts. L’adhésion obligatoire à cet organisme aurait été incompatible avec son droit à la liberté d’association tel que garanti par l’article 74 § 2 de la Constitution et l’article 11 de la Convention. Le requérant alléguait en outre que la loi de 1993 le surtaxait de manière injustifiable et que ce texte avait pour effet d’imposer un groupe restreint « au profit d’un autre groupe restreint ou dans l’intérêt limité d’autrui ». Il arguait enfin que, l’assujettissement à la taxe industrielle étant tributaire de la forme juridique d’une entreprise et l’énumération des codes numériques d’activités – qui définissaient l’assiette de cette taxe – étant arbitraire par nature, son imposition s’analysait en une discrimination contraire à l’article 65 de la Constitution.
L’Etat contesta la thèse du requérant assimilant la taxe industrielle à une cotisation à la FII. Selon lui, il s’agissait d’un impôt créé par une loi et prélevé par l’Etat sur certaines catégories de personnes physiques et morales, conformément aux règles applicables de droit commun et sans la moindre contrepartie. Cette même loi aurait prévu l’allocation du produit de la taxe industrielle à la FII, qui devait l’affecter à la promotion et au développement de l’industrie islandaise. Cette allocation légale de recettes fiscales à une association n’aurait pas pour autant donné aux personnes ayant payé cet impôt l’obligation légale d’en devenir membres. La taxe industrielle aurait été censée bénéficier non pas aux seuls membres de cette organisation, mais à toutes les industries et du développement industriel en Islande, sous le contrôle du ministère de l’Industrie. L’Etat estimait que toute remise sur les cotisations de la FII avait été unilatéralement accordée par celle-ci, indépendamment du calcul et de la perception de la taxe. Il refusait également de voir dans la loi de 1993 une quelconque discrimination entre les personnes dans la situation du demandeur au pourvoi et les personnes exemptes de cet impôt. L’exonération accordée aux entreprises publiques aurait été raisonnable et objective et il aurait été tout naturel de ne pas les soumettre au même régime que les entreprises privées. Le soutien public à l’industrie et au développement industriel aurait également parfois pris la forme d’initiatives industrielles que d’autres n’étaient pas en mesure de lancer. Enfin, le nombre d’entreprises industrielles publiques aurait fortement diminué au cours des dernières années. L’Etat refusait par ailleurs d’admettre que l’énumération des codes numériques d’activités sur laquelle reposait l’impôt fût arbitraire.
18.  Par un arrêt du 20 décembre 2005, la Cour suprême, par quatre voix contre une, rejeta le pourvoi du requérant et confirma le jugement du tribunal de district :
« Comme l’a rappelé le tribunal de district dans son jugement, la Cour suprême avait rendu le 17 décembre 1998 un arrêt dans l’affaire Gunnar Pétersson c. République d’Islande (no 166/1998), publié à la page 4406 du recueil de cette année-là. Dans cette affaire, le demandeur au pourvoi avait demandé à être exonéré de la contribution au Fonds pour les prêts industriels et de la taxe industrielle dont il était redevable pour les années 1995 et 1996. Ses moyens de cassation étaient dans une large mesure identiques à ceux avancés par le demandeur en l’espèce. La Cour suprême reconnaît, avec la partie défenderesse, que cet arrêt tient lieu de précédent dans l’affaire dont elle est aujourd’hui saisie, pour autant que les questions soulevées par le demandeur en l’espèce dans ses moyens de cassation aient déjà été tranchées par cet arrêt.
La thèse du demandeur au pourvoi dans l’affaire Gunnar Pétersson, à l’instar de celle du demandeur en l’espèce, était que son assujettissement à la taxe industrielle dont il était redevable et dont le produit devait être alloué à la Fédération des industries islandaises l’obligeait à devenir membre de celle-ci. Dans son arrêt, la Cour suprême a dit que, bien qu’alloué à cette organisation, le produit de la taxe industrielle devait être utilisé dans un certain but (voir l’article 3 de la loi de 1993) et n’était pas assimilable à une cotisation à la Fédération. Le ministère de l’Industrie contrôlait l’utilisation de ces sommes. La Cour suprême a jugé que ce système n’impliquait aucune adhésion obligatoire à la Fédération en violation de la Constitution et de la Convention européenne. Elle a ajouté que, quand bien même la Fédération aurait outrepassé les limites fixées par cette loi, le demandeur n’aurait pas à être exonéré de la taxe pour autant. De ce fait, et à d’autres égards pour les mêmes motifs que ceux exposés dans le jugement attaqué, force est de conclure que les moyens soulevés par le demandeur sur cette question ne permettent pas d’étayer ses conclusions. La Fédération étant tenue par la loi d’affecter le produit de la taxe industrielle à la promotion de l’industrie et au développement industriel en Islande, donc dans l’intérêt des activités imposées, la Cour suprême ne peut pas davantage reconnaître que le législateur ait par là excédé ses pouvoirs.
Le demandeur au pourvoi voit dans l’exemption de la taxe industrielle dont peuvent bénéficier les entreprises publiques une violation du principe de l’égalité. Concernant ce moyen, il faut noter que les entreprises publiques se distinguent des entreprises privées à divers égards et que, dans plusieurs domaines, leur fiscalité est soumise à des régimes différents, comme on peut le constater en général dans la législation fiscale islandaise. Dans ses écritures, le demandeur au pourvoi ne cherche pas à comparer sa situation à celle de telle ou telle entreprise publique. Aucune discrimination n’a été établie entre lui et les personnes exemptées par la loi de 1993. Enfin, à l’appui de ses prétentions, il allègue que l’énumération des codes d’activités, sur laquelle repose le régime d’imposition mis en place par l’article 2 § 1 de la loi de 1993, est arbitraire par nature. Est taxée l’industrie, définie plus loin dans ce texte comme englobant les activités relevant des codes numériques énumérés dans la classification des activités commerciales islandaises jointe en annexe à la loi de 1993, telle que modifiée par la loi no 81/1996. Sous cette définition, l’industrie comprend non seulement les produits manufacturés mais aussi les produits de la transformation et les services, y compris l’industrie du bâtiment. Ce texte borne ainsi les activités d’« industrie », par opposition aux autres secteurs de l’économie, notamment les activités nées dans les domaines de l’agriculture et de la pêche. D’ailleurs, cette classification a été reconnue comme déterminant l’assiette d’autres impôts que la taxe industrielle. Le pourvoi du requérant ne saurait être accueilli sur la base des éléments invoqués. »
19.  Voici les extraits pertinents de l’opinion du membre dissident de la Cour suprême, le juge Ōlafur Börkur Þorvaldsson :
« I
Le premier texte en la matière était la loi no48/1975 sur la taxe industrielle. Selon les notes explicatives du projet de loi, il avait été proposé sur la recommandation de la FII, de la Fédération nationale des artisans et de l’Union des coopératives islandaises. Ces organisations avaient soumis un exposé détaillé apparemment repris mot pour mot dans lesdites notes. Il y était notamment observé ceci : « (...) on peut noter que les sociétés industrielles et les travailleurs indépendants de l’industrie prélèvent, pour le compte des pouvoirs publics, différentes taxes sur leurs employés et sur les consommateurs. Ces activités de perception qui leur incombent et dont ils sont responsables portent sur des sommes s’élevant à des milliards de couronnes chaque année, sans qu’ils touchent la moindre rémunération. Il semble donc raisonnable que l’Etat s’engage à prélever, à titre de contrepartie pour les parties intéressées, des contributions d’un montant équivalant seulement à une fraction de ce qu’elles perçoivent pour son compte. Cette source de revenus créerait une assise financière qui permettrait aux fédérations professionnelles de l’industrie islandaise de participer plus activement au développement industriel de l’avenir ». L’ancienne loi comportait également une disposition qu’on retrouve dans la loi aujourd’hui en vigueur, qui prévoyait que le ministère de l’Industrie devait produire chaque année un rapport sur l’utilisation du produit de cette taxe. Sur ce point, les notes explicatives précisaient qu’il s’agissait d’une « disposition visant à garantir que les pouvoirs publics aient une idée raisonnable de la manière dont la taxe industrielle est utilisée ».
La loi no 48/1975 a été abrogée par celle actuellement en vigueur, la loi no 134/1993. Selon les notes explicatives du nouveau texte, les personnes redevables de la taxe industrielle sont les mêmes qu’auparavant mais un système de renvoi à des codes numériques conformes à la classification des activités commerciales établie par le Bureau des statistiques a été adopté afin de « lever tout doute quant aux personnes assujetties à la taxe ». Il était prévu en outre que le produit de cet impôt serait intégralement alloué à la FII, contrairement à l’ancienne loi qui le répartissait entre l’Union des coopératives islandaises, le Bureau des ventes de l’industrie des conserves, la FII et la Fédération nationale des artisans. Parallèlement, l’assiette de la taxe industrielle a été modifiée du fait de l’abolition de la taxe professionnelle municipale, par référence à laquelle cette même assiette était auparavant déterminée.
II
Aux termes de son statut, la FII regroupe des entreprises, des travailleurs indépendants et des associations de commerçants et de maîtres-artisans qui souhaitent poursuivre ensemble les buts communs énumérés à l’article 2 de ce même statut. Cette disposition énonce en dix points le but et le rôle de la FII, à savoir la promotion de l’industrie islandaise selon des modalités diverses et le soutien à ses membres par tous les moyens qui y sont exposés en détail. D’après les pièces produites, l’association s’investit dans des questions politiques, par exemple l’adhésion à l’Union européenne et la fiscalité dans différents domaines. Aux termes de l’article 8 de son statut, chaque membre de la FII bénéficie, lors des réunions de celle-ci, de droits de vote au prorata des cotisations versées par lui. L’article 14 prévoit que le montant des cotisations ne peut dépasser 0,15 % du chiffre d’affaires de l’année précédente mais que le conseil d’administration de la FII peut décider d’en réduire le montant. Cette disposition précise ensuite que « si les membres sont redevables d’une taxe industrielle dont le produit est alloué à la FII, celle-ci en prend acte et le montant versé à ce titre est déduit de leurs cotisations lors du calcul de celles-ci. S’ils ne le sont plus, cette déduction est supprimée de plein droit. Le droit de vote de chaque membre est calculé en fonction des cotisations versées par lui. Le pouvoir de gestion et de décision au sein de la FII est dévolu, comme dans toute association de droit commun, à son conseil d’administration et à son directeur ».
Les documents produits par la FII concernant la période sur laquelle portent les prétentions [du demandeur] n’indiquent pas clairement de quelle manière le produit de la taxe industrielle a été utilisé. Un commentaire dans les rapports de la FII sur l’usage de ce produit fiscal pour les années 2002 et 2003 indique également que cette organisation « ne distingue pas dans sa comptabilité si tel ou tel élément des opérations de la FII est financé par les sommes récoltées grâce aux cotisations, aux revenus du capital ou à la taxe industrielle ». Le rapport adressé au ministre pour l’année 2001 comporte un passage similaire mais le rapport pour l’année 2004 n’a pas été versé au dossier. Il faut ajouter que, sur d’autres points, les rapports adressés par la FII au ministre se répètent d’une année à l’autre. En fait, il semble qu’on peut déduire des pièces du dossier qu’une partie du produit de cette taxe est affectée aux dépenses de fonctionnement générales de la FII. En revanche, rien n’indique que le ministre de l’Industrie ait fait la moindre observation sur l’utilisation de cette taxe et, dans une lettre adressée à l’Association des maîtres maçons le 15 février 2002 à la suite de plaintes émises à ce sujet, il a dit ceci : « [c]omme le prescrivent clairement les dispositions de la loi sur la taxe industrielle, la FII décide de manière totalement discrétionnaire de l’usage du produit de cet impôt et le ministre de l’Industrie ne peut intervenir tant que le cadre légal est respecté ». Les rapports produits par la FII pour les périodes pertinentes en l’espèce montrent que ce système avait permis aux membres de la FII assujettis à la taxe industrielle de bénéficier d’une remise sur leurs cotisations jusqu’à concurrence du montant de la taxe dont ils avaient dû s’acquitter. Les observations suivantes faites dans le rapport de la FII adressé au ministre de l’Industrie pour l’année 2003 peuvent être citées à titre d’exemple : « [s]ignalons que les membres redevables de la taxe industrielle font déduire en intégralité de leurs cotisations à la FII le montant versé à ce titre. Il serait injuste que les sociétés membres payant cet impôt contribuent davantage aux activités de la FII que les autres sociétés membres. Ainsi, la contribution des sociétés membres de la FII, qu’elles soient soumises ou non à la taxe industrielle, est la même. En revanche, les autres sociétés, non affiliées à la FII, se contentent de s’acquitter de cet impôt, contribuant ainsi à la protection générale des intérêts de l’industrie islandaise ».
III
C’est l’article 74 de la Constitution qui régit la liberté d’association (...) Les règles qui y sont exposées en la matière sont plus détaillées que celles directement énoncées à l’article 11 de la Convention (...) L’article 74 § 2 de la Constitution dispose : « [n]ul ne peut être contraint d’adhérer à une organisation. Toutefois, la loi peut rendre pareille adhésion obligatoire si celle-ci est nécessaire à l’accomplissement par une association d’une mission d’intérêt public ou pour protéger les droits d’autrui. »
Ainsi qu’il a déjà été noté, le but de la taxe industrielle, tel que défini par la loi de 1993, est de promouvoir l’industrie islandaise. Or ce texte prévoit expressément aussi que seule la part du produit de cet impôt correspondant à son coût de perception est retenue par le trésor public. Le reliquat est alloué à la FII, qui décide de son utilisation. Il semble également qu’une part non précisée de ces sommes est affectée aux activités générales de la FII, à la discrétion de son conseil d’administration. Il ne ressort pas non plus des dispositions de la loi de 1993 que le ministre de l’Industrie dispose de pouvoirs suffisants pour s’assurer que les sommes sont employées selon les modalités prévues par ce texte. En effet, le ministre se contente de recevoir les rapports de la FII. Lesdites dispositions ne sauraient dès lors passer pour garantir l’utilisation de ces sommes aux fins prévues par la loi.
En principe, le versement d’une cotisation par les membres d’une association qui en exige le paiement est l’une de leurs obligations premières. Le demandeur est membre de l’Association des maîtres maçons. Ni lui ni cette organisation ne sont membres de la FII. Le demandeur n’approuve pas les objectifs poursuivis par la FII dans divers domaines et pense, comme il est indiqué dans le jugement attaqué, qu’elle agit contre ses intérêts, voire même contre ceux de nombreux autres industriels redevables de la taxe industrielle qui ne sont pas membres de la FII. Or la loi de 1993 le soumet à cet impôt dont le produit, ainsi qu’il a été indiqué, est alloué à une association libre qui a pour but de protéger les intérêts des acteurs de l’industrie islandaise et ceux de ses membres, de la manière dont ces intérêts sont définis à un moment donné par une décision du directeur et du conseil d’administration, sans réelle intervention des pouvoirs publics.
Compte tenu de ces éléments ainsi que des travaux préparatoires de la loi de 1993, et vu la manière dont cet impôt contribue, sans opposition, aux activités générales de la FII, le régime mis en place par ce texte doit s’analyser comme faisant concrètement obligation au demandeur de prendre une part non négligeable, sans son accord, aux activités de la FII. Les dispositions précitées de l’article 74 § 2 de la Constitution, qui prévoient le droit de chacun de ne pas adhérer à une association, doivent être interprétées comme interdisant tout régime de cette nature, sauf si celui-ci satisfait aux conditions énoncées in fine dans cet article. Or la FII n’est pas une association qui se livre à des activités du type visé dans ces dispositions. Pour ce seul motif, il y a lieu d’exonérer le demandeur au pourvoi, comme il le sollicite, de la taxe industrielle dont il était redevable pour les années 2001 à 2004 et de condamner le défendeur aux dépens engagés par la partie adverse devant le tribunal de district et la Cour suprême ».
II.  LE DROIT INTERNE PERTINENT
20.  L’article 74 §§ 1 et 2 de la Constitution islandaise dispose :
« Les associations, y compris les partis politiques et les syndicats, sont créées sans autorisation préalable, pourvu que leur objet soit licite. Elles ne peuvent être dissoutes par une décision de l’administration. Toutefois, les activités d’une association dont l’objet se révèle illicite peuvent être interdites par un jugement de dissolution rendu à l’issue d’une procédure judiciaire ouverte dans les meilleurs délais.
Nul ne peut être contraint d’adhérer à une association. Toutefois, la loi peut rendre pareille adhésion obligatoire si celle-ci est nécessaire à l’accomplissement par une association d’une mission d’intérêt public ou pour protéger les droits d’autrui. »
21.  Voici les dispositions pertinentes de la loi no 134/1993 sur la taxe industrielle :
Article 1
« Sont soumises à une taxe industrielle, dont le taux est fixé à 0,08 %, toutes les industries islandaises, telles que définies à l’article 2 de la présente loi. L’assiette de cette taxe est le chiffre d’affaires, tel que défini à l’article 11 de la loi relative à la taxe sur la valeur ajoutée, plus toute recette exempte de la taxe sur la valeur ajoutée conformément à l’article 12 de cette dernière loi.
Le calcul et la perception de la taxe industrielle sont régis par les dispositions des chapitres VII à XIV de la loi relative à l’impôt sur les bénéfices, telles qu’applicables.
Le trésor public retient 0,5 % du produit de la taxe industrielle, tel que prélevée conformément au premier paragraphe du présent article, afin de couvrir les frais de perception.
Les sommes versées au titre de la taxe industrielle sont déductibles des revenus de l’année d’exploitation sur la base desquels cet impôt est calculé. »
Article 2
« L’« industrie » se définit comme toute activité visée par les codes numériques exposés dans l’annexe à la présente loi.
Sont exemptes de la taxe industrielle les entreprises détenues en totalité par l’Etat ou dont l’Etat détient une part significative du capital en vertu de lois particulières, sauf si celles-ci en disposent autrement. »
Article 3
« Le produit de la taxe industrielle est alloué à la Fédération des industries islandaises. Il est affecté à la promotion de l’industrie et du développement industriel en Islande. La Fédération soumet chaque année au ministère de l’Industrie un rapport sur son utilisation. »
Article 7
« Le bureau de l’auditeur général peut exiger des institutions, associations, fonds et autres parties qui reçoivent un financement ou des garanties de l’Etat de lui communiquer leurs livres comptables, ces entités étant tenues de lui fournir tous les documents sollicités. Il peut en outre accéder aux pièces et rapports originaux produits concomitamment aux factures adressées à l’Etat ou aux organes de l’Etat pour des travaux ou prestations payables, en totalité ou pour une large part, par le trésor public en vertu de la loi ou de contrats ou accords de travail sur la base de tarifs convenus avec toute personne physique ou morale. Il peut par ailleurs examiner ces documents, ce afin de vérifier le contenu des factures et l’obligation de paiement pesant sur le trésor public (...)
Tout différend se rapportant au droit de vérification conféré au bureau de l’auditeur général par le présent article doit être porté devant le tribunal de district. »
III.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNATIONAUX PERTINENTS
A.  La position du Comité européen des droits sociaux
22.  Le Comité européen des droits sociaux a examiné à plusieurs reprises la question des cotisations et contributions syndicales sous l’angle de l’article 5 de la Charte sociale européenne, notamment dans les documents suivants :
Confédération des entreprises suédoises c. Suède, réclamation no 12/2002, décision sur le bien-fondé rendue le 15 mai 2003
« 39.  Le Comité observe en premier lieu que les redevances prélevées sur les salaires des travailleurs en vertu de la convention collective conclue entre le SBWU et la Fédération suédoise du bâtiment le sont, aux termes de cette convention, en vue de pourvoir à l’observation continue des rémunérations. Il estime qu’une telle mission peut, selon la nature des traditions nationales, être assurée soit par des administrations publiques, soit, en vertu de la permission, explicite ou implicite, du législateur par les organisations professionnelles ou syndicales, et dans cette dernière hypothèse, peut légitimement donner lieu à rémunération.
40.  Le Comité considère par conséquent que le prélèvement en faveur d’une organisation syndicale d’une redevance destinée à financer l’exercice par celle-ci d’une mission d’observation permanente des rémunérations ne peut être regardé comme en soi injustifié. Il estime qu’il ne peut non plus être regardé comme une atteinte à la liberté d’affiliation du travailleur à une organisation syndicale dès lors que le versement de cette redevance n’entraîne pas automatiquement l’affiliation au SBWU, et qu’il n’est au surplus pas exigé des travailleurs membres d’un syndicat autre que le SBWU.
41.  Cependant, le Comité considère que des doutes existent sur la réalité de l’affectation alléguée du prélèvement effectué et que, dans les circonstances de l’espèce, s’il s’agissait de financer d’autres activités que l’observation des rémunérations, ce prélèvement serait, pour les motifs indiqués au paragraphe 39, effectué au moins pour partie en violation de l’article 5.
42.  En l’espèce, le Comité n’est pas en mesure de vérifier l’affectation du prélèvement, et notamment dans quelle mesure le montant de la redevance est proportionné au coût du travail effectué et aux avantages que cela procure aux travailleurs, circonstance qui détermine l’existence ou non d’une violation de l’article 5 ainsi qu’expliqué aux paragraphes 39 et 40 ou 41. Il considère dès lors qu’il incombe aux juridictions nationales de se prononcer à ce sujet à la lumière des principes qu’il a dégagés en la matière et, le cas échéant, au législateur de les mettre à même d’en tirer les conséquences en ce qui concerne la conformité à la Charte et la légalité des dispositions incriminées.
43.  Le Comité se réserve la possibilité de contrôler qu’il en a bien été ainsi par la procédure de rapports et, le cas échéant, par la procédure de réclamations collectives (...) »
Conclusions 2002 pour la Roumanie, p. 133
« Selon le rapport, il n’est pas rare que les syndicats exigent des travailleurs non affiliés au sein d’une entreprise qu’ils versent une certaine somme et « remplissent une demande ou souscrivent un engagement » en contrepartie de la négociation d’une convention collective. Il apparaît, à l’examen des informations complémentaires fournies par le Gouvernement à la demande du Comité, que cette pratique s’appuie sur la convention collective nationale unique 2001-2002, qui dispose que le montant du prélèvement ne peut être inférieur à 0,3 % de la rémunération et ne doit pas excéder le montant des cotisations syndicales. Le Comité observe qu’en application de la loi no 130/1996 sur les conventions collectives, celles-ci s’appliquent à tous les travailleurs de l’entreprise, indépendamment de leur ancienneté ou de leur appartenance syndicale. Dans ces conditions, le fait de réclamer une certaine somme à des travailleurs qui ne sont pas affiliés à un syndicat constitue une pratique de sécurité syndicale contraire au droit à la liberté syndicale.
Le Comité demande que le prochain rapport indique clairement si, en plus du versement d’une certaine somme au syndicat, les travailleurs non syndiqués sont tenus, comme le laisse entendre le rapport, de demander leur affiliation. »
Conclusions 2004 pour la Roumanie, p. 484-485
« (...) Le Comité a conclu que la situation de la Roumanie n’est pas conforme à l’article 5 en raison de l’obligation faite aux travailleurs non syndiqués de verser une certaine somme à l’organisation syndicale qui a négocié la convention collective applicable, même si de telles conventions s’appliquent en vertu de la loi à tous les travailleurs affiliés ou non (la situation est décrite dans les Conclusions 2002, pp. 136 et 137).
Le Comité réexamine la situation sur la base des explications contenues dans le rapport et à la lumière des principes qu’il a développés dans la réclamation no 12/2002 (Confédération des entreprises suédoises contre la Suède, décision sur le bien-fondé du 15 mai 2003). Il observe premièrement que cette contribution est prélevée en vue de contribuer au financement d’une mission intéressant l’ensemble des travailleurs : la négociation de conventions collectives. Il relève ensuite que la convention collective nationale unique 2001-2002, sur laquelle se base cette pratique, ne prévoit pas que le versement de cette somme soit obligatoire ni qu’elle soit perçue pour le compte d’un syndicat. Il n’est pas non plus prévu, dans le texte, d’affiliation automatique à un syndicat. Partant, le Comité considère que le versement de cette somme ne peut pas être regardé en soi comme une atteinte à la liberté d’affiliation du travailleur à une organisation syndicale. »
Conclusions XVIII-1, Hongrie, p. 400
« Dans sa conclusion précédente, le Comité a demandé si la législation interdit les retenues automatiques sur les salaires de tous les travailleurs, même ceux qui ne sont pas syndiqués. Le rapport indique que, selon des règles relatives à la déduction des cotisations syndicales, les cotisations sont payées uniquement par les personnes qui ont accepté de payer de telles cotisations, ce qui signifie qu’elles doivent être membres d’un syndicat.
Le versement des cotisations syndicales peut être effectué de deux manières. Les employés syndiqués peuvent soit payer leur cotisation directement à la trésorerie des syndicats, soit demander à l’employeur de déduire les cotisations du salaire, et ce dernier doit s’y conformer. En 2002, le Parlement a adopté, avec le soutien des syndicats, une loi chargeant les employeurs de déduire et transférer les cotisations syndicales. Auparavant, il s’agissait d’une démarche nécessitant l’accord volontaire du salarié et de l’employeur. Le Comité considère que la procédure de prélèvement à la source des cotisations syndicales sur les salaires ne peut être prohibée, ni rendue obligatoire par une législation nationale. Si cette procédure est utilisée à des fins abusives (par exemple pour obtenir des informations sur l’appartenance syndicale), des sanctions doivent être prévues. »
B.  Les normes de l’Organisation internationale du travail
23.  Le chapitre 5 du Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale du Conseil d’administration de l’Organisation internationale du travail (« le Recueil de décisions et de principes » ; « l’OIT ») comporte des éléments sur le droit pour les employés et employeurs de constituer les organisations de leur choix et de s’y affilier.
Dans la section intitulée « Unité et pluralisme syndical », il est notamment souligné que si les travailleurs peuvent avoir généralement avantage à éviter la multiplication du nombre des organisations syndicales concurrentes, l’unité du mouvement syndical ne doit pas être imposée par une intervention directe ou indirecte de l’Etat (Recueil de décisions et de principes, 2006, § 319). Une situation de monopole imposée par la loi est en contradiction avec le principe du libre choix des organisations de travailleurs et d’employeurs (ibidem, § 320). Le gouvernement ne devrait ni soutenir ni entraver les efforts déployés légalement par un syndicat pour évincer une organisation en place. Les travailleurs devraient être libres de choisir le syndicat qui, à leur avis, défendra le mieux leurs intérêts professionnels, sans ingérence des autorités (ibidem, § 322). Le pouvoir d’obliger tous les travailleurs d’une branche professionnelle intéressée à verser des cotisations au syndicat national unique, dont la constitution est autorisée par branche professionnelle et par district, n’est pas compatible avec le principe selon lequel les travailleurs devraient avoir le droit de s’affilier aux organisations « de leur choix » (ibidem, § 325).
24.  Dans la section intitulée « Favoritisme ou discrimination à l’égard d’organisations déterminées », il est notamment indiqué ceci (les références, à la fin de chaque paragraphe, au Recueil de décisions et de principes ont été omises ici) :
« 339.  Etant donné les fonctions limitées qui étaient reconnues par une législation à certaines catégories de syndicats, le comité a considéré que la distinction opérée par la législation nationale entre les syndicats pouvait indirectement avoir pour effet de peser sur la liberté des travailleurs d’adhérer aux organisations de leur choix. Les raisons qui ont amené le comité à adopter cette position sont les suivantes ; de manière générale, la possibilité, pour un Gouvernement, d’accorder un avantage à une organisation déterminée ou de la lui retirer pour en faire bénéficier une autre, par exemple, risque, même si tel n’est pas son dessein, d’aboutir à favoriser ou à défavoriser un syndicat par rapport aux autres et à constituer par là un acte de discrimination. Plus précisément, en favorisant ou en défavorisant une organisation par rapport aux autres, un Gouvernement peut influencer directement ou indirectement ce choix des travailleurs en ce qui concerne l’organisation à laquelle ils entendent appartenir, tant il est vrai que ces derniers seront enclins à adhérer au syndicat le plus apte à les servir, alors que, pour des raisons d’ordre professionnel, confessionnel, politique ou autre, leurs préférences les auraient portés à s’affilier à une autre organisation. Or la liberté de choix des intéressés en la matière constitue un droit expressément consacré par la Convention no 87.
340.  En favorisant ou en défavorisant une organisation donnée par rapport aux autres, un Gouvernement pourra influencer le choix des travailleurs en ce qui concerne l’organisation à laquelle ils entendent appartenir. En outre, un Gouvernement qui, sciemment, agirait de la sorte porterait aussi atteinte au principe établi dans la Convention no 87, selon lequel les autorités publiques doivent s’abstenir de toute intervention de nature à limiter les droits consentis par cet instrument ou à en entraver l’exercice légal, de même, plus indirectement, qu’au principe qui prévoit que la législation nationale ne devra porter atteinte ni être appliquée de manière à porter atteinte aux garanties prévues par la Convention. Il serait souhaitable, si un Gouvernement désire accorder certaines facilités à des organisations syndicales, que ces organisations soient, à cet égard, placées sur un pied d’égalité.
341.  Dans un cas où existait au moins une étroite relation de travail entre un syndicat et les autorités du travail et autres, le comité a souligné l’importance qu’il attache à la résolution de 1952 concernant l’indépendance du mouvement syndical et a demandé instamment au Gouvernement de s’abstenir de faire preuve de favoritisme ou, au contraire, de discrimination à l’égard d’un syndicat donné, et d’adopter une attitude neutre lorsqu’il traite avec les organisations d’employeurs et de travailleurs afin qu’elles soient toutes placées sur un pied d’égalité.
342.  A plus d’une reprise, le comité a examiné des affaires où les autorités publiques auraient eu, selon les allégations présentées, une attitude favorable ou, au contraire, hostile à l’égard d’une ou plusieurs organisations syndicales :
1)  (...)
2)  une distribution inégale de subsides entre syndicats (...)
3)  (...)
Des discriminations par de tels procédés ou par d’autres peuvent constituer le moyen le moins formel d’influencer les travailleurs dans leur affiliation syndicale. Aussi sont-elles parfois difficiles à prouver. Il n’en reste pas moins que toute discrimination de ce genre met en cause le droit des travailleurs consacré par l’article 2 de la Convention no 87 de créer des organisations de leur choix et de s’y affilier. »
25.  Le chapitre 8 du Recueil de décisions et de principes énonce les principes suivants relatifs au financement et au contrôle publics des syndicats (les références à ce texte à la fin de chaque paragraphe ont été omises ici) :
« 466.  Le droit des travailleurs de constituer des organisations de leur choix et celui de ces organisations d’élaborer leurs statuts et règlements administratifs et d’organiser leur gestion et leur activité supposent l’indépendance financière. Celle-ci implique que les organisations de travailleurs ne sont pas financées d’une manière qui les place à la discrétion des pouvoirs publics.
467.  S’agissant des systèmes de financement du mouvement syndical qui placent les organisations syndicales sous la dépendance financière d’un organisme public, le comité a estimé que toute forme de contrôle de l’Etat est incompatible avec les principes de la liberté syndicale et devrait être abolie puisqu’elle permettait une ingérence des autorités dans la gestion financière des syndicats.
470.  Un système selon lequel les travailleurs sont tenus de verser une cotisation à un organisme de droit public qui, à son tour, assure le financement des organisations syndicales peut comporter de graves dangers pour l’indépendance de ces organisations.
473.  Les questions relatives au financement des organisations syndicales et d’employeurs, tant en ce qui concerne leurs propres budgets que les budgets des fédérations ou des confédérations, devraient être réglées par les statuts des syndicats, des fédérations et des confédérations eux-mêmes, et l’imposition de cotisations par la Constitution ou par la loi n’est pas conforme aux principes de la liberté syndicale. »
EN DROIT
I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 11 DE LA CONVENTION
26.  Le requérant voit dans l’obligation légale de payer la taxe industrielle à la FII une violation de son droit à la liberté d’association énoncé à l’article 11 de la Convention, dont voici les parties pertinentes :
« 1.  Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts.
2.  L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, (...) à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
Le requérant y voit également une violation des articles 9 (droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion) et 10 (droit à la liberté d’expression) de la Convention.
27.  Le Gouvernement récuse cette thèse.
28.  La Cour estime que ce volet de la requête se prête davantage à un examen sur le terrain de l’article 11 de la Convention, tel qu’interprété à la lumière de ses articles 9 et 10.
A.  Sur l’existence d’une restriction à l’exercice d’un droit garanti par l’article 11
1.  Thèse des parties
a)  Le requérant
29.  Le requérant estime que l’aspect négatif du droit à la liberté d’association doit être mis sur le même pied que son aspect positif. Selon lui, toute autre conclusion serait illogique et contraire au principe de la liberté d’association. En effet, la Cour aurait jugé à bon droit que, contraire au droit à la liberté d’association sous son aspect négatif, l’obligation d’être membre d’un syndicat particulier et de financer ses activités « touche à la substance même de la liberté d’association telle que la consacre l’article 11 » (Young, James et Webster c. Royaume-Uni, 13 août 1981, § 55, série A no 44, et Sørensen et Rasmussen c. Danemark [GC], nos 52562/99 et 52620/99, § 54, CEDH 2006-I).
30.  Le requérant récuse la thèse, avancée par le Gouvernement, de l’absence d’atteinte à la liberté d’association dans son aspect négatif en ce que la présente affaire aurait pour objet non pas une cotisation mais un impôt. Bien qu’ayant reconnu qu’une taxe est une contribution obligatoire versée à l’Etat que celui-ci utilise conformément à ce qu’il considère comme l’intérêt général, le Gouvernement aurait oublié que, loin de répondre à ces critères, la taxe industrielle ne serait qu’une contribution allouée à la FII, prélevée pour son compte par l’Etat. Ce serait la FII qui serait maîtresse de la destination des sommes lui revenant ainsi, en fonction de ses politiques et opinions, sans qu’elle ait à tenir compte de celles du requérant et des autres personnes astreintes par la loi à contribuer à son financement. Notamment pour les motifs exposés dans l’opinion du juge dissident de la Cour suprême, le requérant aurait été contraint, par le paiement obligatoire d’une contribution, à devenir membre de la FII et/ou à être associé à d’autres membres de celle-ci. Alors même que la taxe industrielle était obligatoire et que les membres de la FII pouvaient voir leurs cotisations réduites jusqu’à concurrence de la somme versée au titre de cet impôt, la FII se serait réservé le droit de refuser le statut de membre au requérant et à d’autres personnes dans la même situation que lui.
31.  Le requérant voit en outre dans l’obligation litigieuse de payer la taxe industrielle une restriction à l’exercice par lui de son droit à la liberté d’association sous son aspect positif. L’article 11 § 1 protégerait le droit à la liberté de s’associer avec autrui, y compris le droit de créer une entité ou association collective visant à protéger les intérêts communs de ses membres et d’y adhérer. Or le paiement de la taxe industrielle amoindrirait les ressources que l’intéressé et les autres personnes dans la même situation que lui pourraient affecter à la formation et au financement d’associations défendant leurs vues et intérêts. A tout le moins, le requérant et ces personnes seraient lésés dans leur droit positif de s’associer volontairement avec autrui pour défendre leurs intérêts et opinions communs. A cet égard, l’intéressé invoque les paragraphes 339 à 342 du Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale du Conseil d’administration de l’OIT (voir les paragraphes 23 et 24 ci-dessus). Toute discrimination du type évoqué dans ces paragraphes, y compris le traitement favorable ou défavorable dont ferait l’objet telle ou telle organisation par rapport à d’autres, compromettrait le droit de chacun de constituer les organisations de son choix et de s’y affilier.
32.  Aux yeux du requérant, la FII, une association de droit privé, se trouve à l’évidence dans une situation avantageuse par rapport à d’autres entités du même type. La taxe industrielle serait un impôt perçu pour en financer les activités. Ni l’AMM ni aucune autre organisation privée ne bénéficieraient de son produit.
33.  Le requérant soutient que la protection de la liberté de pensée et la liberté d’expression énoncées respectivement aux articles 9 et 10 suppose une liberté de choix. Aussi, chacun devrait avoir la faculté de choisir de contribuer ou non aux dépenses engagées par autrui pour la promotion et la défense d’opinions politiques et de s’unir ou non à d’autres personnes dont on ne partage pas les idées ou à des fins que l’on n’approuve pas. Dès lors, contraindre une personne à cotiser à une association dont elle réprouve les politiques, les activités et les vues, et à participer aux dépenses engagées par cette entité aux fins de la promotion et de la défense de ces vues porterait en soi atteinte aux droits que l’article 11 garantit à cette personne.
b)  Le Gouvernement
34.  Le Gouvernement nie l’existence d’une quelconque restriction au droit d’association du requérant, tel qu’énoncé à l’article 11 de la Convention, qu’il s’agisse de son droit de créer une association professionnelle et d’y être affilié ou de son droit de ne pas y adhérer. L’intéressé ne serait pas membre de la FII et n’aurait été en aucune manière contraint de le devenir. Il ne serait que l’une des 10 000 personnes assujetties à la taxe industrielle, dans un pays comptant 300 000 habitants. Cet impôt serait d’un taux très peu élevé, s’élevant à 0,08 % du chiffre d’affaires. Il serait non pas une cotisation mais une contribution imposée dans un but bien précis énoncé par le législateur dans la loi de 1993, à savoir la promotion de l’industrie et du développement industriel en Islande. A l’instar d’autres impôts, il serait perçu par l’Etat. En vertu de cette même loi, son produit serait alloué à la FII, qui serait tenue de l’utiliser conformément au but fixé. Le Gouvernement souligne que, bien qu’elle soit une organisation non gouvernementale, la FII s’est vu attribuer par la loi un rôle précis, à savoir utiliser la taxe industrielle dans l’intérêt de l’industrie dans son ensemble, ce qui inclut le requérant, un travailleur indépendant.
35.  Si la FII œuvre expressément à l’intérêt de ses membres, des précautions seraient prises dans le cadre de ses activités de manière à indiquer séparément dans sa comptabilité de quelle façon le produit de la taxe industrielle est employé aux fins de ces intérêts particuliers, d’une part, et dans l’intérêt global de l’ensemble du secteur industriel, d’autre part. L’utilisation par la FII du produit de cet impôt serait soumise à des conditions posées par la loi et à un contrôle effectif du public. La surveillance ainsi opérée serait pleinement conforme aux exigences de transparence vis-à-vis des personnes qui, à l’instar du requérant, paient la taxe à la FII sans en être membres et sans y être affiliées d’une autre manière. En cela, la présente affaire se distinguerait de l’affaire Evaldsson et autres c. Suède (no 75252/01, 13 février 2007). La remise sur les cotisations accordée par la FII à ses membres redevables de la taxe industrielle n’aurait aucune incidence sur la situation de l’intéressé. En tant qu’organisation non gouvernementale, la FII serait parfaitement dans son droit de décider du régime applicable à ses cotisations et, ce faisant, l’article 11 la protégerait d’ailleurs contre toute immixtion de l’Etat.
36.  Le Gouvernement souligne que l’imposition de la taxe industrielle est un cas qui n’a rien à voir avec ceux évoqués par l’OIT dans la section de son Recueil de décisions et de principes intitulée « Favoritisme ou discrimination à l’égard d’organisations déterminées » (paragraphe 24 ci-dessus). Les recettes fiscales allouées à la FII ne seraient pas assimilables à une quelconque forme de subvention publique inégalement allouée à une association professionnelle mais pas à d’autres. Au contraire, elles seraient censées financer les dépenses occasionnées par la mission de promotion de l’industrie et du développement industriel en Islande dont est officiellement chargée la FII. Si aucune autre association professionnelle ne perçoit une part du produit de cet impôt, ce serait parce qu’aucune d’elles ne serait investie d’une mission de ce type. Il ne pourrait donc être question d’une discrimination entre la FII et les associations professionnelles traditionnelles, dans le sens envisagé par le Comité de l’OIT.
37.  Pour le Gouvernement, il existe une différence fondamentale entre la situation dans le cas d’espèce et celle dans les affaires antérieurement tranchées par la Cour concernant les aspects négatifs de la liberté d’association, notamment Young, James et Webster, précitée, Sigurður A. Sigurjónsson c. Islande, 30 juin 1993, série A no 264, et Sørensen et Rasmussen, précitée. En effet, contrairement à ces dernières affaires, le refus de paiement de la taxe industrielle par le requérant n’aurait pas conduit en l’espèce à la perte de son emploi ou de ses moyens de subsistance et n’aurait pas eu la moindre incidence sur ce terrain-là. Il s’agirait ici non pas d’une cotisation mais seulement d’un impôt.
38.  Le Gouvernement soutient que le défaut de versement de la taxe industrielle n’aurait eu pour le requérant aucune conséquence personnelle, tant sur le plan du droit du travail que sur le plan du droit pénal, et ne l’aurait pas contraint à cesser son activité, comme le prévoient les règles spéciales applicables à la perception de la taxe sur la valeur ajoutée. Selon lui, tout arriéré aurait donné lieu à l’adoption des mesures de recouvrement de droit commun employées par les autorités fiscales, à savoir le redressement et la saisie de biens (loi no 90/1989 sur les voies d’exécution) et leur adjudication forcée (loi no 90/1991). Dès lors, les seules conséquences pour l’intéressé dans ce cas de figure auraient été des pressions financières du même type que celles ordinairement appliquées en matière fiscale. De toute manière, le taux de la taxe prélevée sur les activités du requérant serait minime (0,08 %), soit de l’ordre de 66 EUR seulement pour toute l’année 2004. Une somme aussi peu élevée n’aurait pas pu le grever et distinguerait la présente affaire de l’affaire Evaldsson et autres précitée.
39.  Par ailleurs, le Gouvernement récuse les conclusions du requérant sur le terrain des articles 9 et 10 de la Convention. La FII ne nourrirait aucun dessein politique quant au fonctionnement ou à la stratégie d’un parti politique quelconque. Jamais elle n’aurait affiché son soutien ni ne se serait dite affiliée à un parti politique, par exemple en en finançant un directement ou indirectement. Le Gouvernement rejette donc énergiquement la thèse de l’intéressé selon laquelle la FII prend part à des activités politiques. Il admet que, parfois, cette organisation participe inévitablement à des débats publics consacrés aux intérêts de l’industrie et aux meilleurs moyens d’établir des conditions d’exploitation adéquates pour le secteur. Or ces activités seraient conduites indépendamment du ou des partis politiques au pouvoir au moment en question. A cet égard aussi, la situation de l’intéressé diffère de celle des requérants dans les affaires Young, James et Webster et Sørensen et Rasmussen, où il existait des liens clairement affichés entre certains partis politiques et les syndicats auxquels ces personnes avaient été contraintes d’adhérer.
40.  Les circonstances de l’espèce ne seraient pas davantage comparables à celles de l’affaire Chassagnou et autres c. France ([GC], nos 25088/94, 28331/95 et 28443/95, CEDH 1999-III). En sa qualité d’organisation la plus représentative de l’ensemble du secteur industriel en Islande, la FII aurait, après mûre réflexion, émis l’avis que l’Union européenne (« l’UE ») était globalement bénéfique à ce secteur et que les industriels des pays membres de l’UE jouissaient de meilleures conditions d’exploitation qu’en Islande. Or cet avis n’aurait aucunement impliqué la prise d’une position ou l’expression d’une conviction politique particulière à laquelle le requérant aurait pu s’estimer associé contre son gré. La FII représenterait un groupe extrêmement large et disparate d’entreprises et d’employeurs dans un grand nombre de secteurs industriels et son seul but serait non pas de soutenir les visées d’un ou de plusieurs partis politiques ni de prendre part à une quelconque activité politique, mais d’œuvrer aux intérêts de l’industrie elle-même.
41.  Le Gouvernement conclut de ces éléments que les faits dénoncés par le requérant ne sont en aucun cas assimilables à une forme de coercition qui aurait atteint dans leur substance même les droits garantis par l’article 11. Il ne ressortirait pas non plus de la jurisprudence de la Cour que l’aspect négatif du droit à la liberté d’association doive être mis sur le même pied que son aspect positif.
42.  Pour ce qui est la liberté d’association positive du requérant, l’obligation de payer la taxe industrielle n’aurait aucune incidence sur son droit d’adhérer au syndicat ou à l’association de son choix. L’AMM, dont l’intéressé est membre, ne serait pas liée par les conventions collectives négociées par la Confédération des employeurs islandais, à laquelle la FII est affiliée. Aussi, la liberté de négocier de l’intéressé ne serait pas compromise. L’AMM serait en droit de veiller, en l’absence de toute ingérence, aux intérêts particuliers de ses membres et de leur imposer à cette fin le versement d’une cotisation. L’allégation du requérant selon laquelle les activités de la FII sont contraires à ses propres intérêts ou convictions ne serait pas étayée. L’AMM et la FII seraient toutes deux des associations d’employeurs et l’intéressé n’aurait fait nulle part mention des intérêts qui, à cet égard, leur seraient antagoniques. Au contraire, les intérêts des entreprises du bâtiment, tout comme ceux des autres sociétés industrielles, coïncideraient en tous points avec ceux défendus par la FII. Le requérant lui-même bénéficierait des activités de promotion de l’industrie islandaise conduites par la FII.
43.  Si la FII a certes participé à des débats publics consacrés aux conditions d’exploitation des sociétés industrielles islandaises, et notamment à l’opportunité de l’adhésion de l’Islande à l’Union européenne, le requérant, à l’instar de l’AMM, serait resté libre de se démarquer des opinions exprimées par cette organisation.
44.  S’appuyant sur les considérations ci-dessus, le Gouvernement prie la Cour de dire qu’il n’a pas été porté atteinte aux droits du requérant découlant de l’article 11 de la Convention.
2.  Appréciation de la Cour
45.  La Cour rappelle que le droit de fonder des syndicats et de s’y affilier constitue un aspect particulier de la liberté d’association et qu’une certaine liberté de choix quant à l’exercice d’une liberté est inhérente à la notion de celle-ci (Young, James et Webster, précité, § 52). Dès lors, l’article 11 de la Convention doit également être regardé comme englobant un droit négatif d’association ou, en d’autres termes, un droit de ne pas être forcé d’être membre d’une association (Sigurður A. Sigurjónsson, précité, § 35). Si contraindre quelqu’un à s’inscrire à un syndicat déterminé peut ne pas se heurter toujours à la Convention, une forme de contrainte qui dans une situation donnée touche à la substance même de la liberté d’association telle que la consacre l’article 11 porte atteinte à ladite liberté (Gustafsson c. Suède, 25 avril 1996, § 45, Recueil des arrêts et décisions 1996-II, ainsi que Young, James et Webster, § 55 ; Sigurður A. Sigurjónsson, § 36, et Sørensen et Rasmussen, § 54, précités).
46.  De plus, il faut également tenir compte dans ce contexte du fait que la protection des opinions personnelles offerte par les articles 9 et 10 compte parmi les objectifs de la garantie de la liberté d’association et qu’une telle protection ne peut être assurée de manière effective que par la garantie d’un droit d’association positif et d’un droit d’association négatif (Chassagnou et autres, § 103 ; Young, James et Webster, § 57 ; Sigurður A. Sigurjónsson, § 37, et Sørensen et Rasmussen, § 54, précités).
A cet égard, la notion d’autonomie personnelle reflète un principe important qui sous-tend l’interprétation des garanties de la Convention. Cette notion doit donc être considérée comme un corollaire essentiel de la liberté de choix de l’individu implicite dans l’article 11, ainsi que comme un élément confirmant l’importance que revêt l’aspect négatif de cette disposition (Sørensen et Rasmussen, ibidem).
47.  Le requérant en l’espèce, un employeur du secteur du bâtiment membre de l’AMM, a été obligé en vertu de la loi de 1993 de verser une taxe industrielle à la FII, dont il n’est pas membre et à laquelle l’AMM n’est pas affiliée. La première question qu’il y a lieu de trancher est de savoir si, comme le soutient l’intéressé mais comme le conteste le Gouvernement, pareille obligation s’analyse en une adhésion forcée portant atteinte à la liberté d’association de l’intéressé dans son aspect négatif, autrement dit à sa liberté de ne pas « s’affilier » à une organisation professionnelle contre son gré, selon l’interprétation retenue par la Cour dans sa jurisprudence.
48.  La Cour constate que les circonstances de la présente espèce diffèrent de celles des affaires auparavant examinées par elle en ce que ni le requérant ni l’AMM, dont il est membre, n’ont été contraints à « s’affilier » à la FII, c’est-à-dire à y adhérer. Toutefois, bien qu’elle n’impliquât aucune adhésion formelle, l’obligation à laquelle l’intéressé a été astreint partage avec l’affiliation un point commun important, à savoir la contribution aux ressources financières de la FII (Sørensen et Rasmussen, précité, § 63). Ce point commun est d’autant plus important que les membres de la FII redevables de la taxe industrielle ont droit à une remise sur leur cotisation jusqu’à concurrence du montant payé au titre de cet impôt.
49.  Il est vrai que, contrairement aux cotisations versées à une association, la taxe industrielle est payée non pas directement à la FII mais indirectement, par le biais du trésor public qui, après déduction des frais de perception, alloue à la FII le produit de cet impôt, qui est comptabilisé séparément par rapport aux cotisations. Bien que, à ce titre, elle puisse être considérée comme présentant les caractéristiques d’un impôt affecté, la taxe industrielle est unique en son genre en ce qu’elle est prélevée sur un groupe restreint de personnes et alloué à une association de droit privé qui fait usage de son produit sans immixtion ni contrôle réels des pouvoirs publics.
50.  Il est tout aussi vrai que, comme le souligne le Gouvernement, les montants annuels que le requérant a dû payer, calculés sur la base de son chiffre d’affaires au taux fixé par la loi à 0,08 %, sont relativement modestes et que tout manquement par l’intéressé à son obligation légale de s’acquitter de cet impôt n’aurait donné lieu qu’à des sanctions civiles ou administratives, notamment le recouvrement de toute somme due par voie de saisie et d’adjudication de ses biens. En cela, le degré de contrainte auquel le requérant a été soumis doit être considéré comme bien moins élevé que dans certaines autres affaires examinées par la Cour, où le refus d’affiliation à un syndicat avait entraîné la perte pour le requérant de son emploi ou de sa licence professionnelle, donc de ses moyens de subsistance (Young, James et Webster, § 55, et Sigurður A. Sigurjónsson, §§ 36-37, précités). La Cour constate en revanche que, de la même manière, des conséquences bien moins graves d’un refus d’obéir à une obligation d’adhérer à un syndicat ont été jugées propres à atteindre dans leur substance même la liberté de choix et l’autonomie personnelle inhérentes au droit à la liberté d’association protégé par l’article 11 de la Convention (voir, par exemple, Sørensen et Rasmussen, précité, § 61).
51.  Toujours est-il que, en l’espèce, le requérant a été astreint par la loi à apporter un soutien financier à une organisation de droit privé qu’il n’avait pas personnellement choisie et qui, de surcroît, défend des politiques – notamment l’adhésion à l’Union européenne – qu’il juge fondamentalement contraires à ses propres vues et intérêts politiques. Aussi le grief qu’il soulève sur le terrain de l’article 11 doit-il être examiné à la lumière des articles 9 et 10, la protection des opinions personnelles étant également l’une des finalités de la liberté d’association garantie par l’article 11 (Sørensen et Rasmussen ; Sigurður A. Sigurjónsson, § 37, et Young, James et Webster, § 57, précités).
52.  La Cour relève par ailleurs que, malgré la modicité d’un point de vue individuel des contributions annuelles en question, le régime de la taxe industrielle a des répercussions considérables du fait de son caractère systématique, ample et continu. Astreignant pas moins de 10 000 entités à verser cet impôt à une organisation comportant un peu plus de 1 100 membres et à ainsi assurer une bonne part de son financement (paragraphe 12 ci-dessus), ce régime consiste à prélever à grande échelle des sommes d’argent et à les allouer à un seul destinataire, la FII. Aucune autre organisation, pas même l’AMM, dont le requérant est membre, ne perçoit une quelconque part du produit de la taxe industrielle. Contrairement aux membres de la FII, les personnes qui, à l’instar de l’intéressé, sont affiliées aux autres organisations n’ont pas la possibilité de faire déduire les montants versés au titre de la taxe industrielle de leurs cotisations à leurs organisations respectives. Comme le Gouvernement le fait valoir, le produit de cet impôt est certes affecté à la promotion et au développement de l’industrie islandaise dans sa globalité, mais il ne fait aucun doute que la FII et ses membres sont traités plus favorablement que, par exemple, l’AMM et ses membres, dont le requérant.
53.  A cet égard, la Cour tient également compte des conclusions respectivement tirées par le Comité européen des droits sociaux (concernant l’article 5 de la Charte sociale européenne) et par le Comité de la liberté syndicale du Conseil d’administration de l’OIT (concernant la Convention no 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical), dont il ressort que l’obligation pesant sur les personnes non membres d’un syndicat de verser des cotisations à celui-ci et les mesures gouvernementales favorisant ou discriminant un syndicat peuvent, dans certaines circonstances, passer pour incompatibles avec leur droit de constituer les organisations de leur choix et de s’y affilier (paragraphes 22-24 ci-dessus).
54.  En somme, la Cour conclut que l’obligation légale pour le requérant de payer la taxe industrielle a entravé sa liberté de choix quant à la protection de ses intérêts professionnels en sa qualité de membre d’un syndicat et a porté atteinte à sa liberté d’association telle que garantie par le paragraphe 1 de l’article 11.
B.  Sur la justification de l’atteinte au regard du paragraphe 2 de l’article 11
1.  Thèse des parties
a)  Le requérant
55.  S’il reconnaît que l’obligation faite à lui de payer la taxe industrielle était « prévue par la loi », le requérant estime, contrairement à ce que soutient le Gouvernement, que l’atteinte à son droit à la liberté d’association ne poursuivait pas de but légitime.
56.  Le requérant considère en outre qu’assujettir à la taxe industrielle les personnes qui, comme lui, ne sont pas membres de la FII ne pouvait passer pour nécessaire au sens du paragraphe 2 de l’article 11 de la Convention, lequel devrait être interprété à la lumière des articles 9 et 10. L’atteinte à son droit (négatif) à la liberté d’association, à la liberté de conscience et à la liberté d’expression qui résulte de l’obligation pour lui d’adhérer à la FII et/ou d’être associé à d’autres personnes au sein de cette organisation en versant une contribution à celle-ci ne serait justifiée par aucun besoin impérieux et proportionné. Cette contribution permettrait notamment à la FII de financer ses activités de défense et de promotion de ses opinions politiques, qui seraient contraires à celles de l’intéressé et à celles d’autres personnes dans la même situation que lui, contraintes de participer significativement aux activités de cette organisation en payant obligatoirement cette taxe à la FII, ce qui pour lui et pour d’autres serait contraire à leurs intérêts et aux intérêts nationaux. Les autorités islandaises n’auraient pas été en mesure de démontrer qu’il n’existait pas d’autre moyen de promouvoir les intérêts de l’industrie islandaise, tels que représentés par la FII, que d’obliger le requérant et d’autres personnes à payer cette taxe et à contribuer ainsi aux dépenses de la FII pour la défense et la promotion de vues auxquelles ils sont opposés. A cet égard, le requérant invoque l’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire Evaldsson et autres, précitée.
57.  Le requérant souligne en outre que la FII décide seule de l’utilisation du produit de la taxe industrielle, sans qu’aucune autorité publique ne s’en mêle. Comme le Gouvernement l’aurait dit dans sa lettre du 15 février 2000 (citée dans la partie II de l’exposé de l’opinion du juge dissident de la Cour suprême – voir paragraphe 19 ci-dessus), cette organisation serait seule maîtresse de l’emploi des sommes ainsi allouées à elle et le ministère de l’Industrie ne pourrait intervenir.
58.  En outre, la FII se livrerait indiscutablement à des activités politiques, militant par exemple en faveur de l’adhésion de l’Islande à l’Union européenne.
59.  Loin de conforter la thèse du Gouvernement, le fait que c’est l’Etat et non la FII qui est chargé de percevoir de la taxe industrielle renforcerait au contraire la thèse du requérant selon laquelle, bien que cet impôt soit perçu et recouvré par l’Etat, son produit est ensuite alloué à la FII, qui l’attribue comme bon lui semble sans contrôle des pouvoirs publics.
60.  Contrairement à ce qu’aurait dit le Gouvernement, la taxe industrielle serait prélevée dans l’intérêt non pas de la société mais d’une association de droit privé, la FII.
61.  Le Gouvernement invoque l’arrêt précité Evaldsson et autres, or celui-ci confirmerait plutôt la thèse du requérant. Alors que, dans cette affaire, l’obligation de payer dénoncée aurait été imposée en vertu d’une convention collective, l’obligation ici en cause serait imposée par la loi. Dès lors, la position adoptée par la Cour dans la précédente affaire s’imposerait d’autant plus ici. Par ailleurs, à l’instar de la situation dans l’affaire Evaldsson, il y aurait un manque d’information et de transparence en ce qui concerne les activités de contrôle et l’utilisation des fonds par la FII.
62.  En outre, tout comme l’affaire Evaldsson, la présente affaire concernerait le versement par le requérant contre son gré de sommes d’argent à une organisation dont il ne partage pas les vues politiques. Or, contrairement aux requérants dans la précédente affaire, le requérant en l’espèce n’aurait reçu aucune contrepartie pour sa contribution.
63.  Au vu de ce qui précède, le requérant estime que les autorités islandaises n’ont pas ménagé un « juste équilibre » entre les intérêts concurrents en jeu.
b)  Le Gouvernement
64.  Dans l’hypothèse où, malgré les arguments avancés par lui ci-dessus, la Cour conclurait à l’existence d’une atteinte au droit à la liberté d’association du requérant tel que garanti par le paragraphe 1 de l’article 11, le Gouvernement soutient que cette atteinte satisfaisait aux conditions énoncées au paragraphe 2 de ce même article. La taxe industrielle serait manifestement prévue par la loi et poursuivrait le but légitime de la « protection des droits et libertés d’autrui ». Par ailleurs, du fait qu’elle vise à promouvoir l’un des secteurs les plus vitaux de l’économie islandaise, elle servirait d’importants intérêts publics.
65.  Quant au caractère nécessaire de l’atteinte, le Gouvernement souligne que, pour le législateur, le meilleur moyen de poursuivre l’objectif de promotion de l’industrie islandaise est de confier cette tâche à la FII, sous un contrôle des pouvoirs publics encadré par la loi, et en attribuant le produit de la taxe industrielle à cette seule organisation, plutôt qu’en le dispersant entre de nombreuses entités de plus petite taille. La FII serait une organisation regroupant une grande variété d’entreprises, d’individus et d’associations de toutes les branches de l’industrie pour qu’elles œuvrent de concert avec le Gouvernement à l’accomplissement de cet objectif. Elle défendrait les intérêts de tous les types d’industries, tant en Islande qu’à l’étranger, en exerçant une influence sur les politiques du Gouvernement, sur les établissements financiers, sur les organes de l’Etat et sur d’autres acteurs des opérations industrielles. Son but serait de garantir aux sociétés islandaises un cadre professionnel leur permettant d’être compétitives sur les marchés nationaux et étrangers, sans entraves et de manière profitable.
66.  Reprenant les différents arguments qu’il a avancés pour démontrer qu’il n’y avait pas eu atteinte au droit à la liberté d’association du requérant (paragraphes 34-44 ci-dessus), le Gouvernement soutient que, en tout état de cause, l’atteinte que la taxe industrielle aurait portée à ce droit n’est pas disproportionnée. Loin d’avoir grevé le requérant, cet impôt n’aurait représenté qu’une part infime (0,08 %) de son chiffre d’affaires. En cela, la présente affaire se démarquerait de l’affaire Evaldsson et autres (précitée).
67.  Par l’article 3 de la loi sur la taxe industrielle, le législateur aurait chargé l’exécutif de vérifier que les fonds sont bien utilisés dans l’intérêt général, comme le prévoit ce texte, et au bénéfice du secteur industriel dans son ensemble. Ce contrôle serait opéré de manière totalement transparente, ce qui constituerait une autre différence par rapport à l’affaire Evaldsson et autres (précitée). En outre, ces fonds étant des deniers publics, le bureau de l’auditeur général aurait tout pouvoir pour enquêter sur les opérations et la comptabilité de la FII.
68.  Le Gouvernement soutient par ailleurs que, dans sa décision rendue le 15 mai 2003 en l’affaire Confédération des entreprises suédoises c. Suède, qui avait pour objet une redevance prélevée sur les salaires de travailleurs et versée à un syndicat dont ils n’étaient pas membres, le Comité européen des droits sociaux a interprété l’article 5 de la Charte sociale européenne d’une manière qui ne ferait qu’étayer sa thèse en l’espèce. Il estime que quatre points d’une importance particulière pour la présente affaire peuvent s’en dégager. Premièrement, le versement d’une contribution pourrait être imposé par la loi, voire par une convention collective, dès lors qu’il vise à servir d’importants intérêts communs à l’ensemble des travailleurs du secteur concerné. Deuxièmement, et il s’agirait d’un un point capital, le paiement d’une contribution allouée à une association particulière ne vaudrait pas de plein droit adhésion à celle-ci. Troisièmement, les sommes ainsi perçues devraient être utilisées dans le but qui préside à leur prélèvement. Quatrièmement, le montant de la contribution ne devrait pas être disproportionné aux prestations fournies par l’association. Toutes les conditions posées par la décision Confédération des entreprises suédoises seraient satisfaites en l’espèce.
69.  Qui plus est, le paiement de la taxe industrielle se distinguerait fondamentalement des cas évoqués dans le Recueil de décisions et de principes de l’OIT sous la rubrique « [f]avoritisme ou discrimination à l’égard d’organisations déterminées ». Le produit de cet impôt alloué à la FII ne serait pas assimilable à une quelconque forme de subvention distribuée inégalement entre les associations professionnelles. Il ne serait censé financer que les dépenses de la FII occasionnées par sa mission officielle de promotion de l’industrie islandaise et du développement industriel. Aucune autre association professionnelle du secteur de l’industrie en Islande ne percevrait de revenus de ce type car, comme nul ne le contesterait, aucune autre association ne serait astreinte à des obligations légales comparables. Il n’existerait donc pas la moindre discrimination entre la FII et les associations professionnelles traditionnelles, au sens des normes de l’OIT.
70.  Juger incompatible avec l’article 11 le régime de la taxe industrielle en cause constituerait un revirement notable par rapport à la jurisprudence interprétant l’effet et la portée de cette disposition. Une telle décision aurait également de lourdes conséquences qui compromettraient la liberté d’action dont les Etats contractants devraient jouir en matière fiscale ainsi que leur liberté de choisir les moyens d’accomplir des objectifs politiques dans des domaines aussi importants que le soutien et l’encouragement au développement de certains secteurs de leur économie.
2.  Appréciation de la Cour
71.  La Cour va examiner à présent si l’obligation de payer la taxe industrielle est conforme aux exigences énoncées à la première phrase de l’article 11 § 2.
72.  Nul ne conteste que la première de ces exigences, voulant que la mesure soit « prévue par la loi », a été satisfaite. En effet, l’obligation de payer la taxe industrielle trouve manifestement son fondement dans les articles 1 à 3 de la loi de 1993. Tout en relevant que la minorité de la Cour suprême a estimé cette obligation incompatible avec l’article 74 § 2 de la Constitution, la Cour ne voit aucune raison de revenir sur la conclusion de la majorité, qui a jugé cet impôt conforme au droit national. Il appartient en effet au premier chef aux autorités nationales, et singulièrement aux juridictions, d’interpréter et d’appliquer le droit interne (Jahn et autres c. Allemagne [GC], nos 46720/99, 72203/01 et 72552/01, § 86, CEDH 2005-VI ; Wittek c. Allemagne, no 37290/97, § 49, CEDH 2002-X ; Forrer-Niedenthal c. Allemagne, no 47316/99, § 39, 20 février 2003, et Ex-roi de Grèce et autres c. Grèce [GC], no 25701/94, § 82, CEDH 2000-XII). La Cour est donc convaincue que l’atteinte dénoncée en l’espèce était « prévue par la loi ».
73.  Pour ce qui est de la deuxième exigence, la Cour estime, contrairement au requérant, que la taxe industrielle poursuit bien un but légitime. Aux termes de l’article 3 de la loi de 1993, le produit de cet impôt est censé être « affecté à la promotion de l’industrie et du développement industriel en Islande ». Pour la Cour, la mesure en question poursuit le but légitime de la protection des « droits et libertés d’autrui ».
74.  Pour ce qui est de la troisième exigence, la Cour rappelle que le critère de nécessité dans une société démocratique lui impose de déterminer si l’ingérence litigieuse répondait à un « besoin social impérieux », si elle était proportionnée au but légitime poursuivi et si les motifs invoqués par les autorités nationales pour la justifier apparaissent pertinents et suffisants (voir, par exemple, Parti communiste unifié de Turquie et autres c. Turquie, 30 janvier 1998, § 47, Recueil 1998-I).
75.  En matière de liberté syndicale, eu égard au caractère sensible des questions sociales et politiques qu’implique la recherche d’un juste équilibre entre les intérêts respectifs des employeurs et des employés et au fort degré de divergence entre les systèmes nationaux dans ce domaine, les Etats contractants bénéficient d’une ample marge d’appréciation quant à la manière d’assurer la liberté dont jouissent les syndicats quant à la protection des intérêts professionnels de leurs membres (Syndicat suédois des conducteurs de locomotives c. Suède, 6 février 1976, § 39, série A no 20 ; Gustafsson, précité, § 45 ; Schettini et autres c. Italie (déc.), no 29529/95, 9 novembre 2000 ; Wilson, National Union of Journalists et autres c. Royaume-Uni, nos 30668/96, 30671/96 et 30678/96, § 44, CEDH 2002-V, et Sørensen et Rasmussen, précité, § 58).
76.  Toutefois, ce pouvoir d’appréciation n’est pas illimité : il se double d’un contrôle européen opéré par la Cour, qui a pour tâche de se prononcer en dernier ressort sur la compatibilité d’une restriction avec la liberté d’association telle que protégée par l’article 11. Lorsqu’elle exerce ce contrôle, il échet pour la Cour non pas de se substituer aux juridictions internes compétentes, mais de vérifier sous l’angle de l’article 11, compte tenu de tous les éléments du dossier, les décisions qu’elles ont rendues en vertu de leur pouvoir d’appréciation (Parti communiste unifié de Turquie et autres, précité, § 47).
77.  Pour en revenir aux circonstances particulières de la présente affaire, la Cour prend note de l’argument du Gouvernement selon lequel le législateur islandais a estimé que le meilleur moyen de réaliser l’objectif de promotion de l’industrie islandaise était de confier cette tâche à la FII, sous un contrôle public encadré par la loi, et en attribuant le produit de la taxe industrielle à cette seule organisation, plutôt qu’en le dispersant entre de nombreuses entités de plus petite taille. Pour le Gouvernement, la FII est une vaste organisation regroupant une grande variété d’entreprises, d’individus et d’associations de toutes les branches de l’industrie, qui œuvre dans ce but de concert avec le Gouvernement. Elle défendrait les intérêts de tous les types d’industries, tant en Islande qu’à l’étranger, exerçant une influence sur les politiques du Gouvernement, sur les établissements financiers, sur les organes de l’Etat et sur d’autres parties prenantes aux opérations industrielles. Le but serait de veiller à ce que les sociétés islandaises se trouvent dans un cadre professionnel leur permettant d’être compétitives sur les marchés nationaux et étrangers. La Cour y voit des considérations pertinentes aux fins du critère de nécessité découlant de l’article 11 § 2.
78.  Quant à la question qui se pose ensuite, celle de savoir si la mesure se justifie également par des motifs suffisants, la Cour relève que le rôle et les obligations de la FII quant à l’utilisation du produit de la taxe industrielle sont définis de manière très générale et floue par l’article 3 de la loi de 1993 : les sommes doivent être affectées à « la promotion de l’industrie et du développement industriel en Islande ». Tel est aussi le cas de l’obligation énoncée dans ce même article imposant à la FII de « soumet[tre] chaque année au ministère de l’Industrie un rapport sur [l’]utilisation [du produit de cet impôt] ». Ni la loi de 1993 ni aucun autre texte porté à la connaissance de la Cour ne crée une quelconque obligation particulière vis-à-vis des non-membres de la FII qui ont contribué financièrement à celle-ci en s’acquittant de la taxe industrielle (voir, mutatis mutandis, à titre de comparaison, Evaldsson et autres, précité, § 57).
79.  Si les rapports annuels adressés par la FII au ministère de l’Industrie donnent certes des indications sur la part du produit de la taxe industrielle dans les revenus et dépenses de cette organisation, pour chaque article et sous-article, la Cour constate que, comme l’a noté le membre dissident de la Cour suprême, la FII « ne distingue pas dans sa comptabilité si tel ou tel élément des opérations de la FII est financé par les sommes récoltées grâce aux cotisations, aux revenus du capital ou à la taxe industrielle » (voir paragraphe 19 ci-dessus, dans la partie II).
80.  La Cour n’est pas non plus convaincue que, dans le cadre des rapports présentés par la FII, le ministère de l’Industrie exerce un contrôle poussé et systématique. D’après les observations adressées par le ministre à l’AMM le 15 février 2002 (citées par le membre dissident de la Cour suprême au paragraphe 19 ci-dessus, dans la partie II), « [c]omme le prescrivent clairement les dispositions de la loi sur la taxe industrielle, la FII décide de manière totalement discrétionnaire de l’affectation du produit de cet impôt et le ministre de l’Industrie ne peut intervenir tant que le cadre légal est respecté »
81.  L’élément important en l’espèce est l’absence de transparence et de responsabilité à l’égard des non-membres qui, à l’instar du requérant, sont obligés de soutenir financièrement la FII en payant de la taxe industrielle (voir, mutatis mutandis, Evaldsson et autres, précité, §§ 63-64).
82.  Dès lors, la Cour constate non seulement que les règles pertinentes du droit national définissent sans réelle précision le rôle et les responsabilités de la FII et ne l’astreignent à aucune obligation particulière, mais aussi qu’il y a un manque de transparence et de responsabilité vis-à-vis des non-membres, tels que le requérant, quant à l’affectation du produit de la taxe industrielle. Dans ces conditions, elle estime qu’il n’existe pas de garanties adéquates contre le régime litigieux accordant à la FII un statut plus favorable dans la défense des intérêts particuliers de ses membres et désavantageant le requérant et les autres non-membres par rapport aux membres.
83.  Compte tenu des éléments ci-dessus, la Cour juge que la restriction à la liberté d’association du requérant résultant de l’obligation de soutenir financièrement la FII d’une manière contraire à ses propres opinions n’est pas justifiée par des motifs suffisants et n’est pas « nécessaire ». Malgré la marge d’appréciation de l’Etat défendeur, les autorités islandaises n’ont pas ménagé d’équilibre adéquat entre, d’une part, la liberté d’association du requérant et, d’autre part, le motif d’intérêt général que constituent la promotion et le développement de l’industrie islandaise.
84.  Il y a donc eu violation de l’article 11 de la Convention.
II.  SUR LES VIOLATIONS ALLÉGUÉES DE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1 ET DE L’ARTICLE 14 DE LA CONVENTION
85.  Se référant principalement aux arguments, exposés ci-dessus, qu’il avance sur le terrain de l’article 11 de la Convention (à la lumière des articles 9 et 10), le requérant allègue également une violation de l’article 1 du Protocole no 1. Il voit dans l’obligation de payer la taxe industrielle une privation de sa propriété contraire à l’article 1 du Protocole no 1. Il estime inconcevable de considérer comme justifié par l’intérêt général l’allocation à la FII, sous couvert de fiscalité, du produit de cet impôt. Ceux qui, comme lui, sont redevables de la taxe industrielle seraient surtaxés par rapport aux autres contribuables et ce, en l’absence de toute raison pertinente, par exemple l’obligation d’affecter les recettes de cette taxe à leur profit. Ce régime fiscal touchant un groupe restreint au bénéfice d’un autre ou dans l’intérêt d’autrui serait injustifiable. Pour les raisons exposées aux paragraphes 56, 61 et 62 ci-dessus sur le terrain de l’article 11, l’arrêt rendu par la Cour en l’affaire précitée Evaldsson et autres conforterait la position du requérant.
86.  Le requérant allègue par ailleurs des violations de l’article 14 en combinaison avec les dispositions précédemment invoquées. La différence de traitement entre lui et les entités non soumises à la taxe industrielle, c’est-à-dire les entreprises publiques, détenues en partie ou en totalité par l’Etat, ainsi que certaines entreprises du secteur privé, ne pourrait passer pour justifiée par une quelconque considération objective et raisonnable. Le traitement favorable dont jouirait la FII par rapport à d’autres organisations ne ferait que corroborer le caractère discriminatoire de la taxe industrielle.
87.  Le Gouvernement refuse de qualifier de privation de propriété l’imposition de la taxe industrielle, même s’il reconnaît qu’elle revient à contrôler l’usage des biens du requérant et soutient que le second paragraphe de l’article 1 du Protocole no 1 permet pareil régime. Cette mesure présenterait toutes les caractéristiques d’un régime fiscal, selon l’interprétation donnée par le droit islandais, et devrait donc s’analyser en un « impôt » au sens du second paragraphe de l’article 1 du Protocole no 1. L’atteinte dénoncée relèverait de la marge d’appréciation étendue accordée aux Etats en la matière. La taxe industrielle serait manifestement conforme à la loi et servirait les intérêts non seulement des acteurs de l’industrie mais aussi l’intérêt général de la société dans son ensemble. Pour les raisons exposées aux paragraphes 66 et 67 ci-dessus concernant le grief fondé sur l’article 11, le Gouvernement invite la Cour à distinguer le cas présent de l’affaire précitée Evaldsson et autres.
88.  En outre, le Gouvernement nie l’existence d’une quelconque discrimination entre les industries qui sont soumises à la taxe industrielle et celles qui ne le sont pas. Les règles régissant la perception de cet impôt s’appliqueraient de la même manière à toutes les entités dans la même situation que le requérant.
89.  A la lumière de ses conclusions sur le grief fondé sur l’article 11, la Cour ne juge pas nécessaire d’examiner séparément le grief fondé sur l’article 1 du Protocole no 1 ni le grief fondé sur l’article 14 en combinaison avec l’article 1 du Protocole no 1 ou avec l’article 11.
III.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
90.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A.  Frais et dépens
91.  Le requérant ne réclame aucune somme pour dommage matériel et moral mais demande le remboursement de ses frais et dépens, à savoir des sommes d’un montant de 3 920 773 ISK et de 36 392,07 livres sterling (GBP), soit environ 22 000 EUR et 42 000 EUR, respectivement, pour les prestations fournies par Mes Hálfdánarson et Child, ainsi exposées dans les demandes formulées le 28 février 2008 et le 20 mars 2009 :
a)  1 494 000 ISK (TVA incluse) pour la représentation assurée par Me Einar Hálfdánarson devant les tribunaux nationaux ;
b)  25 860 GBP pour les consultations juridiques de Me Child dans le cadre de la procédure interne et la représentation du requérant devant la Cour jusqu’au 28 février 2008 ;
c)  314 985 ISK pour frais de traduction ;
d)  281 925 ISK pour frais de déplacement ;
e)  35 863 ISK pour frais de photocopies et de retranscription (34 363 ISK et 1 500 ISK, respectivement) ;
f)  1 494 000 ISK pour le travail accompli par Me Einar Hálfdánarson aux fins de la procédure devant la Cour postérieurement au 28 février 2008 ;
g)  300 000 ISK pour diverses dépenses engagées par lui postérieurement au 28 février 2008 ;
h)  9 500 GBP pour d’autres travaux accomplis par Me Child aux fins de la procédure devant la Cour postérieurement au 28 février 2008 ;
i)  1 032,07 GBP pour les dépenses engagées par ce dernier (séjour, déplacement et traduction) postérieurement au 28 février 2008.
92.  Estimant que les honoraires exposés pour deux avocats sont excessivement élevés du point de vue tant des heures indiquées que du taux horaire facturé, le Gouvernement s’oppose aux demandes figurant aux points a) et b), qui avaient été formulées le 28 février 2008. Les frais invoqués au point d) n’auraient pas été nécessairement engagés. Quant à ceux exposés aux points f), g), h) et i), dont le remboursement avait été demandé le 20 mars 2009, ils ne seraient accompagnés d’aucune liste détaillée ni d’aucun autre justificatif et sembleraient en outre excessifs.
93.  La Cour examinera les demandes ci-dessus à la lumière des critères tirés de sa jurisprudence, à savoir que les frais et dépens dont le remboursement est réclamé doivent avoir été réellement exposés pour prévenir ou redresser la situation jugée constitutive d’une violation de la Convention, correspondre à une nécessité et être raisonnables quant à leur taux. En l’espèce, la Cour considère que les frais évoqués aux points a) et b), ainsi qu’aux points c) et e), doivent être remboursés dans leur intégralité. Les frais indiqués dans le point d) ne semblant pas avoir été réellement exposés, il n’y a pas lieu de les rembourser. Aucun reçu ni justificatif n’a été produit à l’appui des points f) à i), c’est-à-dire concernant les frais engagés postérieurement au 28 février 2008 jusqu’à l’audience tenue le 24 mars 2009, et les frais supplémentaires ne semblent pas raisonnables quant à leur taux. La Cour est néanmoins disposée à accepter que certains des frais et honoraires supplémentaires étaient réels et nécessaires aux fins de la représentation du requérant lors de l’audience tenue devant elle. Au vu des éléments dont elle dispose et des critères ci-dessus, elle juge raisonnable d’accorder au requérant 15 000 EUR au titre des prestations de Me Child et 10 000 EUR au titre des prestations de Me Einar Hálfdánarson, ainsi que 1 000 EUR et 3 000 EUR pour les frais respectifs des deux avocats.
B.  Intérêts moratoires
94.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 11 de la Convention ;
2.  Dit qu’il n’est pas nécessaire d’examiner séparément le grief fondé sur l’article 1 du Protocole no 1 ni le grief fondé sur l’article 14 en combinaison avec l’article 1 du Protocole no 1 ou avec l’article 11 ;
3.  Dit
a)  que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 16 000 EUR (seize mille euros), pour les frais et dépens réclamés par Me Child et 13 000 EUR (treize mille euros) pour ceux réclamés par Me Einar Hálfdánarson, à convertir respectivement en livres sterling et dans la monnaie nationale de l’Etat défendeur au taux applicable au jour du règlement, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt sur ces sommes ;
b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en anglais, puis communiqué par écrit le 27 avril 2010, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Fatoş Aracı Nicolas Bratza   Greffier adjoint Président
ARRÊT VÖRĐUR ÓLAFSSON c. ISLANDE
ARRÊT VÖRĐUR ÓLAFSSON c. ISLANDE 


Synthèse
Formation : Cour (quatrième section)
Numéro d'arrêt : 20161/06
Date de la décision : 27/04/2010
Type d'affaire : Arrêt (au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Violation de l'art. 11

Analyses

(Art. 11-1) LIBERTE D'ASSOCIATION, (Art. 11-2) INGERENCE, (Art. 11-2) NECESSAIRE DANS UNE SOCIETE DEMOCRATIQUE, (Art. 11-2) PROTECTION DES DROITS ET LIBERTES D'AUTRUI


Parties
Demandeurs : VORDUR OLAFSSON
Défendeurs : ISLANDE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2010-04-27;20161.06 ?

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