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10/06/2010 | CEDH | N°25762/07

CEDH | AFFAIRE SCHWIZGEBEL c. SUISSE


PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE SCHWIZGEBEL c. SUISSE
(Requête no 25762/07)
ARRÊT
STRASBOURG
10 juin 2010
DÉFINITIF
10/09/2010
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme. 
En l'affaire Schwizgebel c. Suisse,
La Cour européenne des droits de l'homme (première section), siégeant en une chambre composée de :
Christos Rozakis, président,   Nina Vajić,   Khanlar Hajiyev,   Dean Spielmann,   Sverre Erik Jebens,   G

iorgio Malinverni,   George Nicolaou, juges,  et de Søren Nielsen, greffier de section,
Après en avoir ...

PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE SCHWIZGEBEL c. SUISSE
(Requête no 25762/07)
ARRÊT
STRASBOURG
10 juin 2010
DÉFINITIF
10/09/2010
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme. 
En l'affaire Schwizgebel c. Suisse,
La Cour européenne des droits de l'homme (première section), siégeant en une chambre composée de :
Christos Rozakis, président,   Nina Vajić,   Khanlar Hajiyev,   Dean Spielmann,   Sverre Erik Jebens,   Giorgio Malinverni,   George Nicolaou, juges,  et de Søren Nielsen, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 20 mai 2010,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 25762/07) dirigée contre la Confédération suisse et dont une ressortissante de cet Etat, Mme Ariane Schwizgebel (« la requérante »), a saisi la Cour le 15 juin 2007 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
La requérante a été représentée par Me C. Nebel, avocate à Genève. Le gouvernement suisse (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. F. Schürmann, chef de la section des droits de l'homme et du Conseil de l'Europe à l'Office fédéral de la justice.
2.  La requérante alléguait en particulier que les autorités suisses lui avaient interdit d'adopter un second enfant à cause de son âge.
3.  Le 17 février 2009, la Cour a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Se prévalant de l'article 29 § 3 de la Convention, elle a en outre résolu que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé de la requête.
EN FAIT
I.  LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE
4.  La requérante est née le 29 juillet 1957 et réside à Genève. Elle est célibataire et titulaire d'un diplôme de maîtrise en musique. La musique constitue sa source de revenus.
5.  Selon les dires de la requérante, quand elle avait environ trente ans, l'homme avec lequel elle avait entretenu une relation pendant une dizaine d'années mourut dans un accident. Depuis lors, elle n'a plus rencontré personne avec qui elle aurait souhaité fonder une famille. Toutefois, mue par le désir d'élever des enfants, elle décida, après mûre réflexion, d'adopter un premier enfant.
6.  Le 16 avril 1996, elle sollicita du service de protection de la jeunesse du canton de Genève l'autorisation d'accueillir un enfant en vue de son adoption.
7.  La requérante explique qu'ayant été informée qu'un avis défavorable serait probablement émis en raison de son état civil, elle retira sa demande par une lettre du 4 octobre 1996.
8.  Après s'être installée à Delémont (canton du Jura), elle y déposa en janvier 1998 une nouvelle demande d'autorisation d'accueil d'un enfant, qui fut accordée à la suite de l'avis préalable favorable donné par le service de l'aide sociale.
9.  Le 8 janvier 2000, elle accueillit une petite fille, Violaine, née au Vietnam le 30 avril 1999.
10.  Sur la base d'un rapport d'enquête sociale du 12 décembre 2001 qui recommandait cette adoption, l'autorité tutélaire de Delémont prononça l'adoption le 26 juin 2002.
11.  Le 9 juillet 2002, la requérante sollicita une autorisation d'accueil d'un second enfant en vue de son adoption.
12.  Le service de l'action sociale de la République et Canton du Jura rejeta cette requête par une décision du 5 septembre 2002, qui fut maintenue sur opposition le 7 novembre 2002.
13.  La chambre administrative du tribunal cantonal du canton du Jura confirma ce refus le 25 août 2003.
14.  Le 19 janvier 2004, la requérante – qui avait de nouveau déménagé à Genève en novembre 2003 – sollicita derechef l'autorisation d'accueillir un deuxième enfant, originaire d'Amérique du Sud, et âgé de un à trois ans, en vue de son adoption.
15.  Par une décision du 19 juillet 2004, le service de protection de la jeunesse rejeta la requête.
16.  La requérante forma contre cette décision un recours qui fut déclaré tardif – et partant irrecevable – le 28 septembre 2004 par la cour de justice du canton de Genève.
17.  Le 20 janvier 2005, elle présenta une nouvelle requête d'autorisation de placement aux fins d'adoption que l'office de la jeunesse du canton de Genève écarta par une décision du 12 septembre 2005.
18.  Le 7 décembre 2005, entendue en comparution personnelle devant l'autorité cantonale, la requérante déclara vouloir accueillir un enfant âgé de 5 ans au maximum, exprimant son désir de se voir confier un enfant du Vietnam, comme son premier enfant adopté, tout en étant ouverte à l'adoption d'enfants d'autres pays.
19.  Par une décision du 24 avril 2006, la cour de justice du canton de Genève débouta la requérante et confirma le refus d'autorisation de placement provisoire d'un enfant en vue de son adoption. Elle ne mit pas en question les qualités éducatives de la requérante, fondées sur l'amour, le respect et les valeurs chrétiennes, sa capacité à prendre soin de Violaine étaient reconnues. Par ailleurs, la cour considéra que la requérante disposait de ressources suffisantes grâce à ses emplois salariés. Elle estima néanmoins que l'adoption d'un deuxième enfant pourrait porter une atteinte inéquitable à la situation de Violaine. Par ailleurs, la requérante aurait sous-estimé les difficultés propres à l'adoption, et en particulier à l'adoption internationale. La cour exprima en outre des réserves à propos de la disponibilité de la requérante et de l'aide que pourraient apporter son père et son frère à la prise en charge d'un second enfant. Elle conclut donc que l'ensemble des circonstances ne permettait pas de prévoir que l'adoption servirait le bien de l'enfant.
20.  Par un arrêt du 5 décembre 2006, notifié au représentant de la requérante le 22 janvier 2007, le Tribunal fédéral rejeta le recours de droit administratif de l'intéressée, dans les termes et pour les motifs suivants :
2.1 Aux termes de l'art. 264 CC [code civil] – dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2003 –, un enfant peut être adopté si les futurs parents adoptifs lui ont fourni des soins et ont pourvu à son éducation pendant au moins un an, et si toutes les circonstances permettent de prévoir que l'établissement d'un lien de filiation servira au bien de l'enfant sans porter une atteinte inéquitable à la situation d'autres enfants des parents adoptifs. Toute adoption doit ainsi être précédée d'un placement, d'un lien nourricier d'une certaine durée. Condition impérative de l'adoption, cette mesure constitue une justification de l'établissement ultérieur d'un rapport de filiation, un délai d'épreuve pour les intéressés, ainsi qu'une occasion et un moyen de s'assurer que l'adoption servira au bien de l'enfant (ATF 125 III 161 consid. 3a p. 162 et les citations). En vertu de l'art. 316 CC, le placement d'enfants auprès de parents nourriciers est soumis à l'autorisation et à la surveillance de l'autorité tutélaire ou d'un autre office du domicile des parents nourriciers, désigné par le droit cantonal (al.1er) ; lorsque l'enfant est placé en vue de son adoption, une autorité cantonale unique est compétente (al. 1bis, dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2003) ; le Conseil fédéral édicte des prescriptions d'exécution (al. 2).
Conformément à l'art. 11b de l'Ordonnance du Conseil fédéral réglant le placement d'enfants à des fins d'entretien et en vue d'adoption du 19 octobre 1977 (OPEE ; RS 211.222.338), dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2003, l'autorisation de placement n'est délivrée que lorsque les qualités personnelles, l'état de santé et les aptitudes éducatives des futurs parents adoptifs et des autres personnes vivant dans leur ménage, ainsi que les conditions de logement, offrent toute garantie que l'enfant placé bénéficiera de soins, d'une éducation et d'une formation adéquats et que le bien-être des autres enfants vivant dans la famille sera sauvegardé (al. 1er let. a), et qu'il n'existe aucun empêchement légal s'opposant à la future adoption et que l'ensemble des circonstances, notamment les mobiles des futurs parents adoptifs, permettent de prévoir que l'adoption servira au bien de l'enfant (al. 1er let. b). L'autorité doit prendre tout particulièrement en compte l'intérêt de l'enfant lorsque la différence d'âge entre celui-ci et le futur parent adoptif est de plus de 40 ans (art. 11b al. 3 let. a OPEE ; cf. sur cette problématique : ATF 125 III 161 consid. 7a p. 167/168).
Cette condition primordiale de l'adoption – le bien de l'enfant (art. 264 CC) – n'est pas aisée à vérifier. L'autorité doit rechercher si l'adoption est véritablement propre à assurer le meilleur développement possible de la personnalité de l'enfant et à améliorer sa situation ; cette question doit être examinée à tous égards (affectif, intellectuel, physique), en se gardant d'attribuer un poids excessif au facteur matériel (ATF 125 III 161 consid. 3a in fine p. 163 et les citations).
2.2 Selon l'art. 264b al. 1 CC, une personne non mariée – célibataire, veuve ou divorcée – peut adopter seule si elle a 35 ans révolus. Par cette forme d'adoption, le lien de filiation n'est établi qu'avec un seul parent. En raison de cette situation, l'adoptant doit assumer seul les exigences qui répondent aux besoins de l'enfant et être disponible pour s'en occuper dans une mesure dépassant celle qui est demandée de chacun des parents qui adoptent conjointement. Aussi, l'autorité doit prendre tout particulièrement en compte l'intérêt de l'enfant lorsque la requérante ou le requérant n'est pas marié, ou qu'elle ou il ne peut pas adopter conjointement avec son époux ou son épouse (art. 11b al. 3 let. b OPEE). Dans l'intention du législateur, l'adoption conjointe est la règle, et l'adoption par une personne seule l'exception (ATF 111 II 233 consid. 2cc p. 234/235). On peut, en effet, concevoir que l'intérêt de l'enfant, qui est déterminant, consiste a priori à vivre dans une famille complète. Il n'en demeure pas moins que la loi permet expressément l'adoption par une personne seule, sans la subordonner – contrairement à l'adoption d'un majeur ou d'un interdit (art. 266 al. 1 ch. 3 CC) – à de « justes motifs ». De toute manière, lorsque les conditions nécessaires au bien de l'enfant sont remplies, et que l'adoption par une personne seule répond à toutes les exigences de son plein épanouissement et du développement de sa personnalité, elle sera prononcée ; dans cette éventualité, au stade du placement préalable, les conditions posées à l'art. 11b OPEE sont réalisées, et l'autorisation de placement doit être accordée (ATF 125 III 161 consid. 4b p. 165 et les citations).
3.1 La juridiction précédente a constaté que la recourante dispose des qualités éducatives adéquates. Elle peut compter sur un large réseau de personnes qui la soutiennent dans son projet et se déclarent prêtes à lui apporter leur appui pour la prise en charge des enfants lorsqu'elle sera occupée. Depuis le refus qui lui a été opposé par les autorités du canton du Jura (supra, let. B.a), elle a modifié l'organisation de sa vie, en s'installant à Genève, où elle exerce ses activités professionnelles ; depuis novembre 2004, elle a pris à bail un logement dans un quartier proche de la paroisse dont elle est maître de chapelle et dans l'immeuble des bureaux et du secrétariat du festival de musique dont elle est directrice artistique. Enfin, ses ressources financières sont suffisantes (7 000 [francs suisses – CHF] par mois). Ces points étant acquis, il n'y a pas lieu d'y revenir.
3.2 Dans sa requête du 19 janvier 2004, la recourante avait demandé l'autorisation d'accueillir « un deuxième enfant, originaire d'Amérique du Sud, âgé entre un et trois ans » ; il ne ressort pas de la requête déposée l'année suivante que ces critères auraient été modifiés. Or, entendue en comparution personnelle devant l'autorité cantonale le 7 décembre 2005, l'intéressée a déclaré vouloir accueillir un enfant « jusqu'à l'âge de 5 ans » ; rappelant que A. [le premier enfant adopté par la requérante] est originaire du Vietnam, elle a émis le désir de se voir confier un enfant « né dans ce pays », tout en étant « bien évidemment ouverte à d'autres pays ».
Comme l'a jugé la Cour de céans dans une affaire récente, ce procédé ne saurait être admis (cf. arrêt 5A.11/2005 du 3 août 2005, consid. 3.1, in : FamPra.ch 2006 p. 177). Le rapport d'évaluation (art. 268a CC et 11d OPEE) est établi en fonction de l'âge et de l'origine de l'enfant, que le requérant doit préciser (art. 11g al. 2 let. a et c OPEE). C'est donc à juste raison que, dans ses déterminations sur le recours cantonal, l'Office de la jeunesse a relevé que ce document « a[vait] été établi sur la base d'une demande tendant à l'adoption d'un enfant âgé entre 1 et 3 ans au moment de son arrivée ». Admettre le contraire permettrait de transformer la requête au gré des besoins de la cause, en l'occurrence de réduire la différence d'âge. Il s'ensuit que le reproche adressé à la cour cantonale de ne pas avoir donné une « autorisation pour un enfant plus âgé, afin de réduire l'écart d'âge » se révèle mal fondé. Le fait que la Convention entre la Suisse et le Vietnam relative à la coopération en matière d'adoption d'enfants est entrée en vigueur alors que la cause était pendante en appel, c'est-à-dire le 9 avril 2006 (RO 2006 p. 1767), n'y change rien ; du reste, la recourante ne démontre nullement qu'elle remplirait les conditions prévues par cet accord, ni même – nonobstant l'avis de la représentante de l'Office de la jeunesse (cf. procès-verbal de comparution personnelle du 5 avril 2006) – que son projet serait par ailleurs réalisable.
3.3 Née en 1957, la recourante a 49 ans ; par rapport à un enfant entre un et trois ans – en faisant abstraction des délais d'attente en matière d'adoption internationale –, la différence d'âge se situerait entre 46 et 48 ans. Au regard de la jurisprudence du Tribunal fédéral, un tel écart apparaît excessif (cf. arrêt 5A.6/2004 du 7 juin 2004, consid. 3.2, publié in : FamPra.ch 2004 p. 710 : célibataire ayant « près de 50 ans » désirant adopter une « fille de moins de 5 ans » ; cf. aussi les références citées dans l'arrêt paru aux ATF 125 III 161 consid. 7a p. 167/168). Comme le souligne à juste titre l'autorité cantonale, même une différence d'âge de 45 ans est trop importante. En effet, l'intéressée va se retrouver, à plus de 60 ans, l'unique parent de deux adolescent(e)s ; aux problèmes liés à cette période de la vie, risquent de s'ajouter les difficultés propres aux adoptés (cf. par exemple : arrêt 5A.21/1999 du 21 décembre 1999, consid. 3d, publié in : FamPra.ch 2000 p. 546), d'autant que l'enfant à venir pourrait avoir des besoins spécifiques. C'est à tort, à cet égard, que la recourante invoque l'ATF 125 III 161 (différence d'âge comprise entre 44 et 46 ans), où, au demeurant, l'adoption d'un seul enfant était en jeu (infra, consid. 3.4).
3.4 L'opinion de la juridiction précédente, selon laquelle la recourante sous-estime la charge représentée par un deuxième enfant, n'est pas contestable. Si l'on peut admettre, d'un point de vue théorique, que la présence d'une sœur ou d'un frère comporte des aspects bénéfiques sur les plans affectif et social (cf. arrêt 5A.25/1996 du 1er mai 1997, consid. 6b, non publié in : SJ 1997 p. 597 ss), cette appréciation mérite d'être nuancée s'agissant d'enfants adoptés. Le rapport d'évaluation a noté que A., après avoir profité sans partage de l'attention de sa mère adoptive, court le risque de « réactiver un sentiment d'abandon » ; les effets positifs d'une nouvelle adoption sur sa situation (art. 264 in fine CC, 9 let. b LF-CLaH et 11b al. 1 let. a in fine OPEE) ne sont donc nullement acquis (cf. en général : Lücker-Babel, Adoption internationale et droits de l'enfant, Fribourg 1991, p. 44, qui relève que « [c]'est dans les familles comprenant plusieurs enfants adoptifs ou plusieurs enfants biologiques [et un seul enfant adoptif] que le taux d'échec est le plus élevé »). Par surcroît, on ne peut exclure que le second enfant présente des difficultés liées aux carences dont souffrent les enfants ayant été abandonnés (arrêt 5A.9/1997 du 4 septembre 1997, consid. 4b, publié in : RDT 1998 p. 118), ce qui est de nature à compliquer l'organisation mise sur pied par la recourante. Ces conclusions rejoignent celles que le Service de l'action sociale jurassien avait émises dans son rapport complémentaire du 11 juin 2003.
La recourante conteste cette appréciation ; elle affirme, déclarations de tierces personnes à l'appui, que la seconde adoption serait « bénéfique à A. » et reproche aux magistrats cantonaux de s'être perdus en « conjectures théoriques ». Ces critiques apparaissent injustifiées. Etant donné que l'autorisation de placement précède le prononcé d'adoption, l'autorité doit, par la force des choses, se livrer à un pronostic. Compte tenu des caractéristiques de l'adoption par une personne seule et des conséquences dramatiques pour l'enfant d'un échec de l'adoption (cf. à ce sujet : Lücker-Babel, in : RDT 1994 p. 86 ss), on ne saurait faire grief à la juridiction inférieure de s'être montrée rigoureuse (cf. Breitschmid, op. cit., n. 19 ad art. 264 CC et la doctrine mentionnée), comme le lui impose du reste l'art. 11b al. 3 OPEE (« tout particulièrement »). La Cour de céans n'a pas à substituer sa propre conception du bien de l'enfant à celle de l'autorité cantonale et des enquêteurs (cf. FamPra.ch 2006 p. 178 consid. 3.2 in fine et les citations), mais uniquement d'examiner si des circonstances pertinentes n'ont pas été prises en considération ou, à l'inverse, des éléments déterminants ont été omis. Nonobstant les dénégations péremptoires de la recourante, tel n'est pas le cas ici.
3.5 L'autorité cantonale a retenu que l'aide que pourrait fournir le père de la recourante n'est pas une solution à la prise en charge de A. et d'un second enfant ; la présence à domicile d'un père âgé de 85 ans représente, au contraire, un handicap à plus ou moins long terme, car sa fille sera elle-même amenée à lui prodiguer, à un moment ou à un autre, aide et soutien. Le frère de la recourante, qui n'a pas d'enfant et dont on ignore si l'épouse exerce une activité professionnelle, pourrait certes l'assister pour le futur enfant comme il le fait déjà pour A. ; toutefois, l'intéressé est domicilié à Lausanne. De même, la personne pressentie pour devenir le parrain de l'enfant à adopter est domiciliée à Lyon. Enfin, le soutien des voisines de son immeuble et de son amie très proche ainsi que la présence des parrain et marraine de A. ne changent rien à l'affaire, le critère essentiel étant la disponibilité de la requérante elle-même ; au demeurant, l'éducation des enfants repose toujours sur les parents, et il est plus facile de manifester des volontés d'assistance dans le cadre abstrait d'une procédure que dans la vie de tous les jours et pendant une vingtaine d'années.
Cette opinion est conforme à la jurisprudence de la Cour de céans et à la doctrine (FamPra.ch 2006 p. 178 consid. 3.2 ; Meier/Stettler, Droit de la filiation, vol. I, 3e éd., no 263, avec d'autres citations). Quoi qu'en dise la recourante, l'autorité cantonale n'a pas minimisé l'engagement de sa famille et de ses proches au profit d'« affirmations théoriques ». La Cour de céans a pu le constater dans une cause récente, où, en dépit de sa « famille élargie », la candidate à une deuxième adoption avait dû confier sa fille adoptive à une voisine à l'occasion d'une hospitalisation (FamPra.ch 2006 ibidem). Quant à la prise en charge de son père, elle se borne à affirmer que son frère « serait présent », déclaration qui n'est nullement corroborée par l'intéressé, lequel est, en outre, censé pallier les carences éventuelles de la recourante. De toute façon, l'intérêt de l'enfant ne saurait se mesurer uniquement à l'aune de la disponibilité du parent qui demande à l'adopter seul (Meier/Stettler, ibidem). Quoi qu'il en soit, les motifs qui précèdent suffisent à maintenir la décision attaquée.
4.  En conclusion, vu le pouvoir d'appréciation dont jouissent les autorités de placement (RDT 1998 p. 118 consid. 4b), la décision entreprise ne prête pas le flanc à la critique. Partant, le recours doit être rejeté, aux frais de la recourante (art. 156 al. 1 OJ). »
II.  LES DROITS INTERNE, COMPARÉ ET INTERNATIONAL PERTINENTS
A.  Le droit interne
21.  Les dispositions du code civil, pertinentes en l'espèce, sont ainsi libellées :
« Chapitre IV : De l'adoption
A.  Adoption des mineurs
Article 264 (Condition générale)
Un enfant peut être adopté si les futurs parents adoptifs lui ont fourni des soins et ont pourvu à son éducation pendant au moins un an et si toutes les circonstances permettent de prévoir que l'établissement d'un lien de filiation servira au bien de l'enfant sans porter une atteinte inéquitable à la situation d'autres enfants des parents adoptifs.
Article 264b (Adoption par une personne seule)
Une personne non mariée peut adopter seule si elle a 35 ans révolus.
Article 268a (Enquête)
L'adoption ne peut être prononcée avant qu'une enquête portant sur toutes les circonstances essentielles n'ait été faite, au besoin avec le concours d'experts.
L'enquête devra porter notamment sur la personnalité et la santé des parents adoptifs et de l'enfant, sur leur convenance mutuelle, l'aptitude des parents adoptifs à éduquer l'enfant, leur situation économique, leurs mobiles et leurs conditions de famille, ainsi que sur l'évolution du lien nourricier.
Lorsque les parents adoptifs ont des descendants, leur opinion doit être prise en considération.
Article 316 (Surveillance des enfants placés chez des parents nourriciers)
Le placement d'enfants auprès de parents nourriciers est soumis à l'autorisation et à la surveillance de l'autorité tutélaire ou d'un autre office du domicile des parents nourriciers, désigné par le droit cantonal.
Lorsqu'un enfant est placé en vue de son adoption, une autorité cantonale unique est compétente.
Le Conseil fédéral édicte des prescriptions d'exécution. »
22.  Les dispositions pertinentes de l'ordonnance du Conseil fédéral réglant le placement d'enfants à des fins d'entretien et en vue d'adoption (ci-après l'« OPEE ») du 19 octobre 1977 sont ainsi libellées :
« Article 11b (Conditions d'octroi de l'autorisation)
L'autorisation ne peut être délivrée que si :
a. les qualités personnelles, l'état de santé et les aptitudes éducatives des futurs parents adoptifs et des autres personnes vivant dans leur ménage, ainsi que les conditions de logement offrent toute garantie que l'enfant placé bénéficiera de soins, d'une éducation et d'une formation adéquats et que le bien-être des autres enfants vivant dans la famille sera sauvegardé ; et si
b. il n'existe aucun empêchement légal s'opposant à la future adoption et que l'ensemble des circonstances, notamment les mobiles des futurs parents adoptifs, permettent de prévoir que l'adoption servira au bien de l'enfant.
Les aptitudes des futurs parents adoptifs feront l'objet d'une attention particulière s'il existe des circonstances pouvant rendre leur tâche difficile, notamment :
a. lorsqu'il est à craindre, au vu de l'âge de l'enfant, en particulier lorsqu'il a plus de 6 ans, ou de son développement, qu'il puisse avoir des difficultés à s'intégrer dans son nouveau milieu ;
b. lorsque l'enfant est handicapé physiquement ou mentalement ;
c. lorsqu'il s'agit de placer simultanément plusieurs enfants dans la même famille ;
d. lorsque la famille comprend déjà plusieurs enfants.
L'autorité prendra tout particulièrement en compte l'intérêt de l'enfant lorsque :
a. la différence d'âge entre l'enfant et le futur père adoptif ou la future mère adoptive est de plus de 40 ans ;
b. la requérante ou le requérant n'est pas marié ou qu'elle ou il ne peut adopter conjointement avec son époux ou son épouse.
Article 11g (Autorisation provisoire d'accueillir un enfant ayant vécu jusqu'alors à l'étranger)
Lorsque les futurs parents adoptifs remplissent les conditions prévues aux articles 11b et 11c, al. 1, l'autorisation provisoire d'accueillir un enfant ayant vécu jusqu'alors à l'étranger, en vue de son adoption, peut leur être délivrée même si cet enfant n'est pas encore déterminé.
Dans leur requête, les futurs parents adoptifs doivent indiquer :
a. le pays d'origine de l'enfant ;
b. le service ou la personne en Suisse ou à l'étranger dont l'aide sera requise pour chercher l'enfant ;
c. les conditions qu'ils posent en ce qui concerne l'âge de l'enfant ;
d. éventuellement, les conditions qu'ils posent en ce qui concerne le sexe ou l'état de santé de l'enfant.
L'autorisation provisoire peut être limitée dans le temps et assortie de charges et de conditions.
L'enfant ne peut être accueilli en Suisse par ses futurs parents adoptifs qu'une fois que le visa a été accordé ou que l'octroi de l'autorisation de séjour a été assuré.
Après que l'enfant est entré sur le territoire suisse, l'autorité statue sur l'octroi d'une autorisation définitive. »
B.  Le droit comparé
1.  L'adoption par des personnes seules 23.  La plupart des législations européennes autorisent l'adoption par une personne seule. Il existe toutefois plusieurs cas de figure. Les dispositions législatives de certains Etats permettent à toute personne, homme ou femme, avec ou sans précision relative à son état civil, de demander l'adoption. C'est le cas notamment des pays suivants : Belgique, Espagne, Estonie, ex-République yougoslave de Macédoine, Finlande, France, Hongrie, Irlande, Malte, Pays-Bas, Portugal, République tchèque, Royaume-Uni, Russie, Suède et Turquie. Certains Etats, comme l'Allemagne ou la Lettonie, subordonnent l'adoption par une personne seule au respect d'autres conditions. Dans la législation allemande, l'adoption est considérée comme légitime si elle contribue au bien-être physique et moral de l'enfant et si l'établissement d'un lien de filiation peut effectivement être attendu.
24.  D'autres Etats imposent des restrictions à l'adoption d'un enfant par une personne seule. A titre d'exemple, en Slovaquie et en Croatie, l'adoption par une telle personne demeure une exception. Cette possibilité n'est envisageable que lorsqu'il peut être démontré que l'adoption est dans l'intérêt de l'enfant (en Slovaquie et Croatie). Dans le même sens, les législations serbe et monténégrine admettent l'adoption par une personne seule uniquement en présence de raisons suffisantes la justifiant. Le droit luxembourgeois établit une distinction entre l'adoption simple et l'adoption plénière, et énonce que seule l'adoption simple, et non l'adoption plénière, est ouverte à une personne célibataire. A la différence de la France et de la Belgique, qui distinguent également l'adoption simple de l'adoption plénière, mais qui permettent toutefois aux personnes seules de demander l'adoption dans les deux cas, au Luxembourg et au Monténégro, les personnes seules ne peuvent pas demander l'adoption plénière.
25.  La législation italienne est semblable à celles du Luxembourg et du Monténégro, les personnes seules n'étant autorisées à adopter des mineurs que dans le cadre de « l'adoption dans des circonstances spéciales ». En effet, la définition de « l'adoption dans des circonstances spéciales » correspond à celle de l'adoption simple, puisqu'elle permet à l'adopté de conserver des liens légaux avec sa famille d'origine.
2.  Les conditions relatives à l'âge minimum et maximum des personnes voulant adopter
26.  La plupart des législations des Etats membres du Conseil de l'Europe imposent aux personnes désireuses d'adopter un âge minimum. Cet âge n'a cessé de baisser au cours du XXe siècle. La majorité des systèmes juridiques européens fixe aujourd'hui un âge minimum variant entre dix-huit et trente ans. L'ex-République yougoslave de Macédoine, la Hongrie, la République tchèque et la Roumanie figurent parmi les rares Etats membres qui ne prévoient pas d'âge minimum aux personnes souhaitant adopter un enfant.
27.  Certaines législations, peu nombreuses toutefois, prévoient explicitement un âge maximum pour les personnes souhaitant adopter un enfant. A titre d'exemple, la Croatie, l'ex-République yougoslave de Macédoine, la Grèce, le Monténégro, les Pays-Bas et le Portugal imposent une limite d'âge maximale variant de trente-cinq ans à soixante ans (pour ce dernier cas, voir notamment la Grèce et le Portugal). Des raisons spécifiques peuvent exceptionnellement justifier le non-respect des règles imposant l'âge maximum. C'est le cas, par exemple, en Croatie, au Monténégro et aux Pays-Bas, où il peut être dérogé à la condition de l'âge maximum lorsqu'il existe des raisons suffisantes justifiant une telle exception ou des circonstances spécifiques. Au Monténégro et dans l'ex-République yougoslave de Macédoine, lorsqu'une dérogation à l'âge maximum est possible, une condition supplémentaire, relative à la différence d'âge entre l'adoptant et l'adopté, est imposée.
28.  Dans un deuxième groupe d'Etats, où aucun âge maximum n'est prévu, les autorités nationales compétentes en matière d'adoption prennent toutefois en considération l'âge de la personne désireuse d'adopter lorsqu'elles examinent sa situation personnelle. C'est ce qui ressort des informations disponibles sur les systèmes juridiques de la Belgique, de l'Espagne, de la France, de l'Irlande, de la Roumanie, du Royaume-Uni, de la Slovaquie et de la Suède.
3.  Les conditions concernant la différence d'âge entre l'adoptant et l'adopté
29.  Il apparaît que les législations de la plupart des Etats membres renferment également des dispositions relatives à la différence d'âge entre l'adoptant et l'adopté.
30.  Plusieurs systèmes juridiques – Autriche, Belgique, Bulgarie, Croatie, Espagne, ex-République yougoslave de Macédoine, France, Grèce, Hongrie, Italie, Luxembourg, Malte, Monténégro, Pays-Bas, Russie, Serbie et Turquie – imposent une différence d'âge minimale entre l'adoptant et l'adopté. Cette différence d'âge minimale, lorsqu'elle est exigée, varie entre quatorze et vingt et un ans. Il convient cependant de noter que les législations de ces Etats autorisent des dérogations au principe de la différence d'âge minimale dans certaines situations.
31.  Dans un deuxième groupe de systèmes juridiques, englobant notamment l'Allemagne, le Danemark, l'Estonie, la Finlande, l'Irlande, le Portugal, la République tchèque, la Roumanie, le Royaume-Uni, la Slovaquie, la Suède et l'Ukraine, aucune différence d'âge minimale n'est prévue par la loi. Dans ces cas, il arrive que la législation énonce expressément que la différence d'âge doit être « adéquate », « ni trop forte, ni trop faible » ou « raisonnable ».
32.  Certaines législations fixent une différence d'âge maximale entre l'adoptant et l'adopté, à savoir quarante ans au Danemark, en Finlande et aux Pays-Bas (dans ce pays, uniquement en ce qui concerne l'adoption d'enfants étrangers), quarante-cinq ans en Croatie, en Italie, en ex-République yougoslave de Macédoine, en Hongrie, à Malte, en Serbie et en Ukraine et cinquante ans en Grèce et, dans des circonstances exceptionnelles, au Monténégro et au Portugal. Toutefois, des dérogations aux dispositions relatives à la différence d'âge maximale sont possibles dans des circonstances spécifiques, qui coïncident largement avec celles relatives à la différence d'âge minimale.
C.  Le droit international
33.  Un nombre important d'instruments qui réglementent l'adoption, surtout afin de protéger l'intérêt de l'enfant, imposent diverses conditions. En revanche, peu de textes énoncent expressément des exigences liées à la possibilité d'adoption par des personnes seules et des conditions relatives à l'âge de l'adoptant ou à la différence d'âge entre l'adoptant et l'adopté. Certains textes internationaux relatifs à l'adoption renvoient à l'application des règles du droit interne des Etats parties aux conventions concernées.
1.  La Convention européenne en matière d'adoption des enfants, du 24 avril 1967
34.  La Convention européenne en matière d'adoption des enfants, du 24 avril 1967, demeure le principal instrument du Conseil de l'Europe dans le domaine de l'adoption. Elle est entrée en vigueur le 26 avril 1968. A ce jour, dix-huit Etats membres, dont la Suisse, l'ont ratifiée et trois l'ont signée.
35.  En vertu de l'article premier de cet instrument, les Etats membres du Conseil de l'Europe, Parties contractantes à cette Convention, s'engagent à assurer la conformité de leurs législations aux dispositions de la partie II de la Convention. Celle-ci contient un minimum de principes essentiels auxquels les Parties contractantes s'engagent à donner effet et vise à l'unification de ces principes et des pratiques européennes en matière d'adoption.
36.  S'agissant des personnes pouvant adopter un enfant, l'article 6 énonce que la législation des Parties contractantes peut permettre l'adoption d'un enfant par un seul adoptant. Mais la Convention n'impose pas aux Etats qui ne connaissent que l'adoption par un couple de se doter de dispositions permettant l'adoption par une personne seule.
37.  Quant à la limite d'âge des parents adoptifs et à la différence d'âge entre eux et les enfants, l'article 7 dispose « qu'un enfant ne peut être adopté que si l'adoptant a atteint l'âge minimum prescrit à cette fin, cet âge n'étant ni inférieur à vingt et un ans ni supérieur à trente-cinq ans. Toutefois, la législation peut prévoir la possibilité de déroger à la condition d'âge minimum si l'adoptant est le père ou la mère de l'enfant, ou en raison de circonstances exceptionnelles ».
38.  En vertu de l'article 8, « l'autorité compétente ne prononcera une adoption que si elle a acquis la conviction que l'adoption assurera le bien de l'enfant. Dans chaque cas, l'autorité compétente attachera une particulière importance à ce que cette adoption procure à l'enfant un foyer stable et harmonieux. En règle générale, l'autorité compétente ne considérera pas comme remplies les conditions précitées si la différence d'âge entre l'adoptant et l'enfant est inférieure à celle qui sépare ordinairement les parents de leurs enfants ».
2.  La Convention européenne en matière d'adoption des enfants (révisée), du 27 novembre 2008
39.  Les changements juridiques et sociaux intervenus en Europe depuis l'adoption de la première Convention du Conseil de l'Europe en matière d'adoption des enfants ont incité une grande partie des Etats parties à réviser leur législation en matière d'adoption. Par conséquent, certaines dispositions de la Convention de 1967 se sont trouvées progressivement dépassées. Ces considérations ont présidé à l'élaboration d'une Convention révisée, qui répond à l'évolution de la société et du droit tout en tenant compte de l'intérêt supérieur de l'enfant.
40.  La Convention européenne du Conseil de l'Europe en matière d'adoption des enfants (révisée), qui a été ouverte à la signature le 27 novembre 2008, n'est pas encore entrée en vigueur ; quatorze Etats membres l'ont signée à l'heure actuelle. Elle aura pour effet, s'agissant des Etats qui y seront Parties, de remplacer la Convention de 1967 en matière d'adoption des enfants.
41.  Selon l'article 7 de cette convention (conditions de l'adoption), la législation nationale « permet l'adoption d'un enfant (...) par une seule personne. » L'article 9, relatif à « l'âge minimum de l'adoptant », énonce :
« 1.  Un enfant ne peut être adopté que si l'adoptant a atteint l'âge minimum prescrit par la législation à cette fin, cet âge minimum n'étant ni inférieur à 18 ans ni supérieur à 30 ans. Il doit exister une différence d'âge appropriée entre l'adoptant et l'enfant, eu égard à l'intérêt supérieur de l'enfant, cette différence devant de préférence être d'au moins 16 ans.
2.  Toutefois, la législation peut prévoir la possibilité de déroger à la condition de l'âge minimum ou de la différence d'âge eu égard à l'intérêt supérieur de l'enfant :
a)  si l'adoptant est le conjoint ou le partenaire enregistré du père ou de la mère de l'enfant ;
b)  ou en raison de circonstances exceptionnelles ».
42.  Cet article n'interdit pas à la législation nationale d'imposer à l'adoptant un âge minimum supérieur à dix-huit ans. La tranche supérieure de l'âge minimum doit toutefois respecter le principe de l'adoption tel que le conçoit la Convention et, dès lors, cet âge ne peut dépasser trente ans. La limite supérieure de l'âge minimum que la Convention de 1967 fixait à trente-cinq ans semble aujourd'hui trop élevée ; ainsi, elle est désormais fixée à trente ans. Par ailleurs, la Convention ne prescrit pas d'âge maximum pour l'adoptant (Rapport explicatif relatif à la Convention révisée, §§ 50-52).
EN DROIT
I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 14 COMBINÉ AVEC L'ARTICLE 8 DE LA CONVENTION
43.  Invoquant l'article 12, en combinaison avec l'article 14 de la Convention, la requérante, célibataire et âgée de quarante-sept ans et demi au moment de sa demande d'accueil d'un enfant en vue de son adoption, se plaint de ce que les autorités suisses lui ont interdit d'adopter un deuxième enfant à cause de son âge. A cet égard, elle se prétend notamment victime d'une discrimination par rapport aux femmes qui peuvent de nos jours avoir des enfants biologiques à cet âge. L'article 14 est ainsi libellé :
« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la (...) Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »
44. L'article 12 de la Convention est libellé comme il suit :
« A partir de l'âge nubile, l'homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l'exercice de ce droit. »
45.  La requête a été communiquée au Gouvernement le 17 février 2009. Il a été invité à soumettre ses observations sur une éventuelle violation de l'article 14, combiné avec l'article 8 de la Convention. Cette dernière disposition est libellée comme il suit :
« 1.  Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2.  Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
A.  Les thèses des parties
1.  Le Gouvernement
a.  Sur la recevabilité
46.  Le Gouvernement soutient que la requérante n'a jamais soulevé devant les instances internes le grief tiré de la discrimination dont elle se prétend victime par rapport aux femmes qui pourraient de nos jours avoir des enfants biologiques à son âge. En particulier, elle n'aurait invoqué ni les dispositions pertinentes de la Convention ni celles de la Constitution fédérale. Par conséquent, elle n'aurait pas épuisé les voies de recours internes en ce qui concerne le grief tiré de l'article 14 de la Convention.
47.  En outre, le Gouvernement relève que, devant la Cour, la requérante invoque l'article 14 combiné avec l'article 12, mais ne se place pas sur le terrain de l'article 8. L'intéressée aurait estimé que l'arrêt du Tribunal fédéral portait atteinte à son droit de fonder une famille. La Cour, lors de la communication de la présente affaire au Gouvernement, aurait toutefois posé la question de la discrimination sous l'angle de l'article 14 combiné avec l'article 8. S'agissant d'affaires comme le cas d'espèce, il s'interroge sur l'opportunité pour la Cour d'examiner d'office des griefs qui ne lui ont pas été soumis.
b.  Sur le fond
48.  Les différents motifs retenus par les autorités nationales pour rejeter la demande d'autorisation de placement en vue d'une adoption s'inscrivent dans le cadre d'une appréciation globale de la situation de la requérante, ainsi que le veut la jurisprudence de la Cour. Il ressort des décisions des instances internes que c'est au vu de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce, examinées avec soin par diverses autorités et à plusieurs reprises, que les autorités nationales ont conclu que « l'ensemble de ces circonstances ne permet[tait] pas de prévoir que l'adoption servira[it] au bien de l'enfant, d'autant qu'il pourrait porter une atteinte inéquitable à la situation de Violaine. » (décision de la cour de justice du canton de Genève du 24 avril 2006, p. 8, consid. 4). Par ailleurs, selon le Gouvernement, même s'il fallait considérer que le refus d'autorisation reposait exclusivement ou principalement sur l'âge de la requérante, il n'y aurait aucune discrimination à son égard, dans la mesure où le seul élément pris en compte est l'intérêt de l'enfant à adopter et les critères mis en œuvre à cette fin ont été à la fois objectifs et raisonnables.
49.  D'après le Gouvernement, il est manifeste qu'il n'est pas question en l'espèce d'une différence de traitement opérée par l'Etat dans des situations comparables ou analogues. En effet, l'Etat n'a aucune influence sur la possibilité ou non pour une femme d'avoir des enfants biologiques. En outre, le cas d'espèce ne permettrait nullement de conclure qu'il existe en Suisse une attitude discriminatoire générale fondée sur l'âge des personnes souhaitant adopter un enfant. La jurisprudence du Tribunal fédéral le montrerait bien, dans la mesure où dans un autre cas une différence d'âge de quarante-quatre ans, voire de quarante-six ans n'avait pas été jugée excessive au vu des circonstances de l'affaire (ATF 125 III 161).
50.  Le Gouvernement expose également qu'en 2007 l'âge moyen de la maternité était en Suisse de 30,8 ans. En outre, à quarante ans, plus de 35 % des femmes qui désirent avoir des enfants n'en auront pas, « même avec l'aide de la science » (voir l'article « Mère après quarante ans : les vrais risques », http://doctissimo.fr). En ce qui concerne la procréation médicalement assistée, l'âge moyen des femmes ayant débuté un traitement en 2007 était de 35,7 ans. En 2007, près de 5 400 couples auraient suivi un traitement de procréation médicalement assistée, qui aurait abouti à une grossesse chez 37 % des femmes (voir le communiqué de presse de l'Office fédéral de la statistique du 29 septembre 2008).
51.  Selon le Gouvernement, il ressort de ces chiffres que, contrairement à ce que prétend la requérante, il est erroné d'affirmer qu'une femme de cinquante ans et plus peut encore avoir des enfants biologiques. Un tel événement serait plutôt rare. En outre, le nombre de femmes qui ne peuvent pas avoir d'enfants biologiques du tout serait élevé et augmenterait proportionnellement à l'âge de la femme.
52.  Par ailleurs, le Gouvernement soutient que si l'on suit la thèse de la requérante, on en vient à créer un véritable droit à avoir un enfant, sans égard pour l'intérêt de ce dernier, puisque la simple possibilité théorique qu'une femme, même âgée, puisse donner naissance à un enfant impliquerait que toute femme du même âge aurait le droit de devenir mère par le biais de l'adoption.
53.  Le Gouvernement argue ensuite que le rejet de la demande d'autorisation en vue de l'adoption poursuivait un but légitime, à savoir protéger la santé et les droits des enfants éventuellement concernés par une procédure d'adoption.
54.  Il découlerait de la jurisprudence de la Cour que l'objectif d'une adoption est de « donner une famille à un enfant et non un enfant à une famille ». L'Etat devrait veiller à ce que les personnes choisies comme adoptantes soient celles qui puissent offrir, sur tous les plans, les conditions d'accueil les plus favorables à l'enfant adopté. Les Etats disposeraient d'une grande marge d'appréciation dans ce domaine (Fretté c. France, précité, § 42).
55.  Le Gouvernement rappelle que les aptitudes des futurs parents adoptifs doivent faire l'objet d'une attention particulière lorsque la différence d'âge entre l'enfant et le père nourricier ou la mère nourricière est de plus de quarante ans. Dans son message, le Conseil fédéral aurait déjà souligné que la raison d'être de l'adoption exige que l'enfant ait des parents adoptifs dont l'âge corresponde à peu près à celui des parents biologiques (FF [Feuille fédérale] 1971 I 1242). De ce fait, ce n'est pas en fonction d'un âge précis, mais d'une différence d'âge déterminée entre l'enfant et les futurs parents adoptifs qu'il y a lieu d'examiner si ceux-ci auront la force et la faculté d'adaptation nécessaires pour éduquer l'enfant ; ils devraient avoir ces capacités non seulement au moment où ils présentent leur demande, mais aussi durant la minorité de l'enfant, en particulier lors de sa puberté.
56.  Le Gouvernement expose également que, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il convient d'éviter tout schématisme ; la différence admissible doit être dictée par le bien de l'enfant. Même lorsque la différence d'âge entre l'enfant et les futurs parents adoptifs est supérieure à quarante ans, l'établissement d'un rapport normal de filiation n'est pas exclu. Les autorités doivent rechercher si l'adoption est véritablement propre à assurer le meilleur développement possible de la personnalité de l'enfant et à améliorer sa situation ; on doit examiner cette question sous tous les aspects (affectif, intellectuel, physique), en se gardant d'attribuer un poids excessif au facteur matériel (arrêt du Tribunal fédéral du 5 décembre 2006, consid. 2.2 et références).
57.  Le Gouvernement est convaincu que c'est après avoir procédé à un examen soigneux de toutes les circonstances du cas d'espèce que les autorités nationales ont estimé que l'autorisation de placement en vue d'une adoption n'était pas dans l'intérêt de l'enfant. Elles auraient considéré, entre autres, que la différence d'âge qui séparerait la requérante de son deuxième enfant adoptif – entre quarante-six et quarante-huit ans – était excessive. Elles auraient conclu que même une différence d'âge de quarante-cinq ans serait trop importante, et auraient pris en compte le fait que l'intéressée se retrouverait, à plus de soixante ans, l'unique parent de deux adolescentes et qu'aux problèmes liés à cette période de vie risquaient de s'ajouter les difficultés propres aux enfants adoptés, d'autant que l'enfant à venir pourrait avoir des besoins spécifiques.
58.  Le Gouvernement souligne que la plupart des Etats européens prévoient, du moins en pratique, un âge maximum pour l'adoption d'un enfant et/ou une différence d'âge maximale entre l'adoptant et l'adopté. L'âge maximum prévu se situerait en principe autour de quarante-cinq ans. Quant à la différence d'âge maximale avec l'enfant, les Etats la prévoyant la fixeraient à quarante ou quarante-cinq ans (voir le rapport du Conseil fédéral sur les adoptions en Suisse du 1er février 2006, p. 8, annexe 5). De même, d'après la Convention européenne en matière d'adoption des enfants (révisée), il devrait exister une différence d'âge appropriée entre l'adoptant et l'enfant, eu égard à l'intérêt supérieur de l'enfant (article 9 alinéa 1).
59.  Compte tenu de ce qui précède, le Gouvernement est d'avis que la présente affaire a été examinée de manière approfondie et sérieuse, à la lumière du critère du bien-être de l'enfant, par plusieurs autorités qui ont rendu des décisions raisonnables et appropriées eu égard aux circonstances de l'espèce. De l'avis du Gouvernement, la Cour ne saurait substituer sa propre appréciation à celle des autorités nationales. Il estime que le grief soulevé par la requérante devant la Cour est manifestement mal fondé.
2.  La requérante
a.  Sur la recevabilité
60.  La requérante observe que, dans son arrêt du 5 décembre 2006, le Tribunal fédéral s'est référé à sa propre jurisprudence, aux termes de laquelle une différence d'âge de quarante-six à quarante-huit ans est trop importante. Il y aurait dès lors bien eu discrimination entre la situation d'une mère adoptive et celle d'une femme qui décide d'avoir un enfant biologique à cet âge. Ce grief aurait été exposé tant devant la cour de justice du canton de Genève que devant le Tribunal fédéral.
61.  Par ailleurs, la requérante est convaincue que la Cour peut examiner « d'office » la question sous l'angle de l'article 8 combiné avec l'article 14.
b.  Sur le fond
62.  La requérante soutient que la notion d'intérêt de l'enfant doit aussi être appréciée à la lumière des accords internationaux, notamment de la Convention sur les droits de l'enfant, ainsi que de la loi fédérale relative à la Convention de La Haye sur l'adoption et aux mesures de protection de l'enfant en cas d'adoption internationale, dont l'article 16 est ainsi libellé : l'« autorité centrale de l'Etat d'origine considère que l'enfant est adoptable notamment si elle constate, en se fondant notamment sur les rapports concernant l'enfant et les futurs parents adoptifs, que le placement envisagé est dans l'intérêt supérieur de l'enfant (lit. d) ». D'après elle, ces deux textes indiqueraient de manière parfaitement claire que l'intérêt supérieur de l'enfant est avant tout, et en priorité, déterminé par le pays d'origine de l'enfant. Il ne serait pas approprié que l'intérêt de l'enfant soit essentiellement évalué par les services sociaux du pays d'accueil, puisque l'enfant, à ce stade, n'est pas encore connu. L'on ne pourrait envisager l'évolution de la situation d'un enfant que l'on ne connaît pas encore.
63.  La requérante allègue également que, avec son établissement à Genève, ses conditions matérielles et environnementales se sont très fortement améliorées par rapport à ce qu'elles étaient dans le canton du Jura : ses revenus ont sensiblement augmenté et elle a loué un appartement de cinq pièces. Sa nouvelle demande d'autorisation d'accueillir un deuxième enfant aurait dès lors été justifiée.
64.  La requérante indique qu'elle avait quarante-six ans au moment où elle a déposé sa demande d'adoption d'un enfant de cinq ans. La différence d'âge aurait donc été de quarante et un ans, alors que les services sociaux se seraient basés sur une différence de plus de quarante-cinq ans. Partant, le Tribunal fédéral se serait fondé sur un faux calcul.
65.  Par ailleurs, la requérante soutient que la question de la procréation médicalement assistée n'est pas pertinente ici, car la présente requête a trait à l'âge. Le seul élément pertinent serait celui de l'âge maximum pour une procréation médicalement assistée. Si l'on considère le chiffre de 37 % de grossesses relevant de ce cas de figure qui ont abouti sans indication de l'âge maximum de la mère, il serait parfaitement envisageable que la femme la plus âgée traitée ait pu avoir la joie de mettre au monde un enfant. Quoi qu'il en soit, dans la mesure où le Gouvernement soutient qu'il est erroné d'affirmer qu'une femme de cinquante ans et plus peut encore avoir des enfants biologiques, la requérante estime que sur un total de 207 naissances indiqué par le Gouvernement, le pourcentage de femmes de cinquante ans est égal à 2,4 %, ce qui est loin d'être négligeable.
66.  En outre, la requérante soutient que la prétendue atteinte inéquitable à la situation de Violaine n'est pas de voir arriver un frère ou une sœur, mais, au contraire, de l'en priver. En effet, en matière d'adoption, l'arrivée d'un autre enfant se trouvant dans une situation équivalente conforterait et sécuriserait le premier, ce que les services sociaux auraient reconnu en accordant des autorisations à des adoptants de cinquante ans et plus. De surcroît, on ne saurait préjuger la situation telle qu'elle se présentera lorsque la requérante aura soixante ans.
67.  La requérante soutient également que si la loi entend prendre en compte l'intérêt supérieur de l'enfant, il y a lieu de noter que les accords internationaux, tout comme le droit suisse, ne fixent aucune limite d'âge supérieure. La Convention de La Haye serait également muette concernant une différence d'âge éventuelle.
68.  La requérante met enfin en doute la crédibilité du site www.doctissimo.fr. Elle juge surprenant que le Gouvernement accorde de l'importance à un site commercial défendant des intérêts privés et qu'il ne soit pas en mesure de citer des travaux cliniques plus fiables à l'appui de sa thèse, alors que le pays compte six facultés de médecine.
B.  L'appréciation de la Cour
69.  La Cour est consciente du fait que la requérante, non représentée devant la Cour lorsqu'elle a introduit la présente requête, a invoqué l'article 14 combiné avec l'article 12 de la Convention. Toutefois, étant maîtresse de la qualification juridique des faits de la cause (voir, par exemple, Guerra et autres c. Italie, 19 février 1998, § 44, Recueil des arrêts et décisions 1998-I, et Glor c. Suisse, no 13444/04, § 48, CEDH 2009), elle considère plus opportun, à la lumière de l'ensemble des circonstances de l'espèce, d'examiner la présente affaire sous l'angle de l'article 8.
1.  Sur la recevabilité
70.  S'agissant de l'exception de non-épuisement des voies de recours internes soulevée par le Gouvernement, la Cour estime que la requérante a allégué devant les instances internes, au moins en substance, un traitement discriminatoire dans la jouissance de ses droits découlant de l'article 8. Elle partage l'avis de l'intéressée selon lequel le Tribunal fédéral s'est prononcé sur le fond de l'affaire (Verein gegen Tierfabriken Schweiz (VgT) c. Suisse (no 2) [GC], no 32772/02, § 43, CEDH 2009). Il s'ensuit que le grief tiré de l'article 14 combiné avec l'article 8 ne saurait être rejeté pour non-épuisement des voies de recours internes.
71.  Même si l'applicabilité de l'article 14 combiné avec l'article 8 de la Convention au cas d'espèce n'a pas véritablement été mise en question par le Gouvernement, la Cour estime que cette question mérite d'être soulevée d'office.
72.  Pour que l'article 14 trouve à s'appliquer, il suffit que les faits du litige tombent sous l'empire de l'une au moins des dispositions de la Convention (Fretté c. France, no 36515/97, § 27, CEDH 2002-I, avec les références citées). Or, la Convention ne garantit pas, en tant que tel, le droit d'adopter. Par ailleurs, le droit au respect d'une vie familiale présuppose l'existence d'une famille et ne protège pas le simple désir d'en fonder une (voir, parmi d'autres, Fretté, précité, §§ 31 et suiv.). Elle rappelle également que, dans une affaire récente jugée par la Grande Chambre, elle a laissé ouverte la question de savoir si le droit d'adopter entre ou non dans le champ d'application de l'article 8 pris isolément (E.B. c. France [GC], no 43546/02, § 46, CEDH 2008-...).
73.  Pour ce qui est du cas d'espèce, la Cour constate que la législation suisse autorise expressément l'adoption par une personne seule qui a atteint l'âge de trente-cinq ans (article 264b, alinéa premier, du code civil ; paragraphe 21 ci-dessus). Certes, en l'espèce, la procédure litigieuse ne concerne pas l'adoption d'un enfant en tant que telle, mais l'autorisation de placement d'un enfant en vue d'une adoption. La présente affaire pose donc le problème de la procédure d'accès à l'adoption plus que de l'adoption elle-même. Cependant, il n'est pas contesté qu'en pratique cette autorisation est indispensable pour qui veut adopter un enfant (voir, mutatis mutandis, E.B. c. France, précité, § 44). Dès lors, la Cour estime que les circonstances de l'espèce tombent sous l'empire de l'article 8 de la Convention (voir, mutatis mutandis, E.B. c. France, précité, § 49, avec la référence citée).
74.  Dans la mesure où la législation interne autorise l'adoption par une personne seule, l'Etat défendeur doit veiller à ce que l'application des dispositions pertinentes de mise en œuvre de ce droit ne soit pas discriminatoire au sens de l'article 14 (voir, dans ce sens, E.B. c. France, précité, § 49, avec la référence citée). En l'espèce, la requérante allègue avoir été victime d'une discrimination fondée sur son âge dans l'exercice d'un droit reconnu par la législation interne. Il découle notamment de l'arrêt du Tribunal fédéral que l'âge de l'intéressée a en effet revêtu un caractère déterminant pour le rejet de ses demandes par les instances internes. Cela étant, et rappelant que la liste que renferme l'article 14 revêt un caractère indicatif, et non limitatif (Fretté, précité, § 32, avec les références citées), la Cour est d'avis que l'article 14 combiné avec l'article 8 trouve à s'appliquer au cas d'espèce.
75.  Par ailleurs, elle constate que la requête n'est pas manifestement mal fondée au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. Enfin, elle relève que la cause ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de la déclarer recevable.
2. Sur le fond
a.  Les principes applicables
76.  La Cour rappelle que l'article 14 de la Convention offre une protection contre toute discrimination dans la jouissance des droits et libertés garantis par les autres clauses normatives de la Convention et de ses Protocoles. Toute différence de traitement n'emporte toutefois pas automatiquement violation de cet article. Il faut démontrer que des personnes placées dans des situations analogues ou comparables jouissent d'un traitement préférentiel, et que cette distinction est discriminatoire (voir, par exemple, National & Provincial Building Society, Leeds Permanent Building Society et Yorkshire Building Society c. Royaume-Uni, 23 octobre 1997, § 88, Recueil 1997-VII, et Zarb Adami c. Malte, no 17209/02, § 71, CEDH 2006-VIII).
77.  Selon la jurisprudence de la Cour, une distinction est discriminatoire au sens de l'article 14 si elle manque de justification objective et raisonnable. L'existence d'une telle justification doit s'apprécier par rapport au but et aux effets de la mesure en cause, eu égard aux principes qui prévalent généralement dans les sociétés démocratiques. Une différence de traitement dans l'exercice d'un droit consacré par la Convention ne doit pas seulement poursuivre un but légitime ; l'article 14 est également violé lorsqu'il est clairement établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (voir, par exemple, Zarb Adami, précité, § 72, Stec et autres c. Royaume-Uni [GC], no 65731/01, § 51, CEDH 2006-VI, et Lithgow et autres c. Royaume-Uni, 8 juillet 1986, § 177, série A no 102).
78.  En d'autres termes, la notion de discrimination englobe d'ordinaire les cas dans lesquels un individu ou un groupe se voit, sans justification adéquate, moins bien traité qu'un autre, même si la Convention ne requiert pas le traitement plus favorable (Abdulaziz, Cabales et Balkandali c. Royaume-Uni, 28 mai 1985, § 82, série A no 94). En effet, l'article 14 n'empêche pas une différence de traitement si elle repose sur une appréciation objective des circonstances de fait essentiellement différentes et si, s'inspirant de l'intérêt public, elle ménage un juste équilibre entre la sauvegarde des intérêts de la communauté et le respect des droits et libertés garantis par la Convention (voir, parmi d'autres, G.M.B. et K.M. c. Suisse (déc.), no 36797/97, 27 septembre 2001, et Zarb Adami, précité, § 73).
79.  Les Etats contractants jouissent d'une certaine marge d'appréciation pour déterminer si et dans quelle mesure des différences entre des situations à d'autres égards analogues justifient des différences de traitement. Son étendue varie selon les circonstances, les domaines et le contexte. La présence ou l'absence d'un dénominateur commun aux systèmes juridiques des Etats contractants peut constituer un facteur pertinent à cet égard (voir, notamment, les arrêts Rasmussen c. Danemark, 28 novembre 1984, § 40, série A no 87, Fretté, précité, § 40, Stec et autres, précitée, § 52, et Inze c. Autriche, 28 octobre 1987, § 41, série A no 126).
80.  La Convention étant avant tout un mécanisme de protection des droits de l'homme, la Cour doit tenir compte de l'évolution de la situation dans l'Etat défendeur et dans les Etats contractants en général et réagir, par exemple, au consensus susceptible d'apparaître quant aux buts à atteindre. La présence ou l'absence d'un dénominateur commun aux systèmes juridiques des Etats contractants peut à cet égard constituer un élément pertinent pour déterminer l'étendue de la marge d'appréciation des autorités (Rasmussen précité, § 40, et, mutatis mutandis, Sunday Times c. Royaume-Uni (no 1), 26 avril 1979, § 59, série A no 30).
81.  La Convention et ses Protocoles doivent aussi s'interpréter à la lumière des conditions d'aujourd'hui (Tyrer c. Royaume-Uni, 25 avril 1978, § 31, série A no 26, Airey c. Irlande, 9 octobre 1979, § 26, série A no 32, et Vo c. France [GC], no 53924/00, § 82, CEDH 2004-VIII). Enfin, la Cour réitère le principe bien établi de sa jurisprudence selon lequel le but de la Convention consiste à protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs (voir, par exemple, Artico c. Italie, 13 mai 1980, § 33, série A no 37).
b.  Application de ces principes au cas d'espèce
i.  Sur l'existence d'une différence de traitement entre des personnes placées dans des situations analogues
82.  Célibataire et âgée de quarante-sept ans et demi au moment de sa demande d'accueil d'un enfant en vue d'une adoption, la requérante soutient qu'elle s'est vu interdire par les autorités suisses l'adoption d'un deuxième enfant à cause de son âge. Elle se prétend notamment victime d'une discrimination par rapport aux femmes qui peuvent de nos jours avoir des enfants biologiques à cet âge.
83.  Le Gouvernement soutient par contre que l'on n'est pas en présence d'une différence de traitement opérée par l'Etat dans des situations comparables ou analogues, puisque l'Etat ne peut aucunement influencer la possibilité ou non pour une femme d'avoir des enfants biologiques. Par ailleurs, le Gouvernement soutient que l'on ne saurait conclure du cas d'espèce qu'il existe en Suisse une attitude discriminatoire générale fondée sur l'âge des personnes souhaitant adopter un enfant. La jurisprudence du Tribunal fédéral illustrerait le contraire, dans la mesure où une différence d'âge de quarante-quatre ans, voire de quarante-six ans n'a pas été jugée excessive dans deux affaires qu'il a jugées (voir l'arrêt cité ci-dessus, paragraphe 49).
84.  La Cour ne saurait partager l'avis de la requérante, selon lequel elle serait victime d'une discrimination par rapport aux femmes qui peuvent de nos jours avoir des enfants biologiques à cet âge. Comme le Gouvernement, elle estime qu'il n'est pas question ici d'une différence de traitement opérée par l'Etat dans des situations analogues ou comparables. En effet, comme le relève à juste titre le Gouvernement, l'Etat n'a aucune influence sur la possibilité ou non pour une femme d'avoir des enfants biologiques.
85.  La Cour est en revanche d'avis que la requérante peut estimer qu'elle a été traitée différemment par rapport à une femme seule moins âgée qui, dans les mêmes circonstances, serait susceptible d'obtenir l'autorisation d'accueillir un second enfant en vue de son adoption. Dès lors, la requérante peut se prétendre victime d'un traitement différencié entre des personnes placées dans des situations analogues.
ii.  Sur l'existence d'une justification objective et raisonnable
86.  La Cour ne doute pas que le rejet de la demande d'autorisation de placement d'un enfant aux fins d'une adoption poursuivait au moins un but légitime : protéger le bien-être et les droits de cet enfant (voir, mutatis mutandis, Fretté, précité, § 38). Il reste à déterminer si la deuxième condition – l'existence d'une justification au traitement différencié, se trouve elle aussi remplie.
87.  La Cour rappelle qu'en 1998 la requérante, alors âgée de quarante et un ans, soumit une demande d'autorisation d'accueillir un premier enfant, qui fut accordée. En janvier 2000, elle accueillit une petite fille, née au Vietnam. L'adoption fut prononcée le 26 juin 2002 (paragraphe 10 ci-dessus).
88.  S'agissant, ensuite, de la procédure menée en vue de l'adoption du second enfant, la Cour rappelle que les autorités internes n'ont nullement mis en doute les qualités éducatives et les moyens financiers de la requérante nécessaires pour l'adoption d'un deuxième enfant. En revanche, le Tribunal fédéral a estimé que la différence d'âge entre la requérante, qui avait quarante-neuf ans au moment où il a rendu son arrêt, et l'enfant à adopter, se situerait entre quarante-six et quarante-huit ans, ce qu'il a considéré comme excessif et nullement dans l'intérêt de l'enfant dans les circonstances de l'espèce. La Haute Cour a ajouté, à l'instar de l'instance inférieure, que même si l'on partait de l'hypothèse de l'adoption d'un enfant âgé de cinq ans, et non d'un enfant âgé d'un à trois ans comme le souhaitait initialement la requérante, une différence d'âge de quarante-cinq ans avec l'enfant paraissait excessive.
89.  Force est de constater qu'il n'existe pas de dénominateur commun dans ce domaine. En l'espèce, la requérante veut adopter seule, en tant que personne célibataire. Sur la base des recherches effectuées, la Cour relève que ce droit n'est pas garanti dans tous les Etats membres du Conseil de l'Europe, en tout cas pas de manière absolue. Certaines législations admettent l'adoption par une personne seule à titre exceptionnel et à certaines conditions seulement (paragraphes 23-25 ci-dessus). La Convention européenne en matière d'adoption des enfants, dans sa version du 24 avril 1967, énonce que la législation des Etats parties peut permettre l'adoption d'un enfant par un adoptant seul, mais elle ne la rend pas obligatoire (paragraphe 36 ci-dessus). Il en est autrement dans la Convention (révisée) du 27 novembre 2008, dont l'article 7 § 1 b) obligera les Etats parties, une fois la Convention entrée en vigueur, à autoriser l'adoption par une personne seule.
90.  En ce qui concerne l'âge de la requérante, qui aurait été selon celle-ci le principal critère de distinction, aucun principe uniforme ne ressort des ordres juridiques des Etats contractants, ni relativement aux limites d'âge inférieur et supérieur fixées pour les personnes adoptantes, ni relativement à la différence d'âge entre celles-ci et l'enfant à adopter. La plupart des Etats membres du Conseil de l'Europe imposent aux personnes désireuses d'adopter un âge minimum, qui n'a cessé de baisser au cours du XXe siècle (paragraphe 26 ci-dessus). En outre, l'article 264 b) du code civil suisse fixe à trente-cinq ans l'âge minimum pour pouvoir adopter seul (paragraphe 21 ci-dessus), ce qui est conforme à l'article 7 de la Convention européenne en matière d'adoption des enfants du 24 avril 1967. Il ressort du rapport explicatif relatif à la Convention révisée que cette limite semblait trop élevée et que, par conséquent, elle a été fixée à trente ans dans le cadre de la Convention révisée. La Cour estime que ce développement ne joue pas en l'espèce contre le Gouvernement, étant donné que la requérante ne se plaint pas que cette limite d'âge l'ait empêchée d'adopter un deuxième enfant.
91.  En ce qui concerne l'âge maximum des personnes souhaitant adopter un enfant, la Cour constate également une grande diversité dans les solutions adoptées par les législations des Etats membres. Certes, quelques Etats fixent l'âge maximum à soixante ans (paragraphe 27 ci-dessus), mais la Cour estime qu'aucune obligation ne saurait découler pour la Suisse de ces cas isolés. Il convient également de préciser que ni la Convention de 1967 ni celle de 2008 ne prévoient d'âge maximum pour les adoptants. La Cour relève qu'il en va de même pour la différence d'âge entre l'adoptant et l'adopté. Elle rappelle que le Tribunal fédéral a estimé, à la lumière de sa propre jurisprudence, qu'une différence d'âge entre quarante-six et quarante-huit ans était en l'espèce excessive. D'après elle, cette conclusion n'est pas en soi contraire à l'article 14, même si certaines législations, plutôt rares, fixent une différence d'âge maximale encore plus élevée (paragraphe 32 ci-dessus). La Convention de 1967 n'énonce pas de règle fixe à cet égard et l'article 9, alinéa premier, de celle de 2008 pose simplement comme condition l'existence d'« une différence d'âge appropriée ».
92.  Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime qu'en l'absence d'un consensus en la matière, les autorités suisses disposaient d'une grande marge d'appréciation et que la législation ainsi que les décisions prises semblent se situer clairement dans le cadre des solutions adoptées par la majorité des Etats membres du Conseil de l'Europe et être par ailleurs en conformité avec le droit international en vigueur.
93.  Pour la Cour, il est normal que les autorités nationales, qui doivent aussi prendre en considération, dans les limites de leurs compétences, les intérêts de la société dans son ensemble, disposent d'une grande latitude lorsqu'elles sont appelées à se prononcer sur ces questions. Dès lors que les problèmes délicats soulevés en l'espèce touchent à des domaines où il n'y a guère de communauté de vues entre les Etats membres du Conseil de l'Europe et où, de manière générale, le droit paraît traverser une phase de transition, il convient de laisser une large marge d'appréciation aux autorités de chaque Etat (voir, mutatis mutandis, Manoussakis et autres c. Grèce, 26 septembre 1996, § 44, Recueil 1996-IV, et Cha'are Shalom Ve Tsedek c. France [GC], no 27417/95, § 84, CEDH 2000-VII).
94.  Pareille marge d'appréciation ne saurait cependant se transformer en reconnaissance d'un pouvoir arbitraire à l'Etat et la décision des autorités reste soumise au contrôle de la Cour, qui en vérifiera la conformité avec les exigences de l'article 14 de la Convention.
95.  Comme le soutient le Gouvernement, ce sont les intérêts concurrents de la requérante et des enfants qui sont ici en cause. L'Etat doit veiller à ce que les personnes choisies comme adoptantes soient celles qui puissent offrir, sur tous les plans, les conditions d'accueil les plus favorables à l'enfant adopté. La Cour rappelle à cet égard qu'elle a déjà considéré que, lorsqu'un lien familial est établi entre un parent et un enfant, « une importance particulière doit être attachée à l'intérêt supérieur de l'enfant qui, selon sa nature et sa gravité, peut l'emporter sur celui du parent » (E.P. c. Italie, no 31127/96, § 62, 16 septembre 1999, ainsi que Johansen c. Norvège, 7 août 1996, § 78, Recueil 1996-III).
96.  S'agissant du cas d'espèce, les décisions des autorités internes sont intervenues dans le cadre de procédures contradictoires, au cours desquelles la requérante a pu présenter ses arguments, qui ont été dûment pris en compte par ces autorités. Les décisions de celles-ci ont été amplement motivées et se fondent notamment sur des enquêtes approfondies menées par les autorités cantonales. Elles sont inspirées non seulement par l'intérêt supérieur de l'enfant à adopter, mais également par celui de l'enfant déjà adopté. Par ailleurs, la Cour considère comme important de relever que le critère de la différence d'âge entre l'adoptant et l'adopté n'est pas fixé de manière abstraite par la législation suisse, mais a été appliqué par le Tribunal fédéral de manière souple et eu égard aux circonstances de chaque cas d'espèce. La Cour ne juge notamment pas déraisonnable ou arbitraire l'argument des instances internes selon lequel la prise en charge d'un deuxième enfant, même d'un âge comparable au premier, constituerait un fardeau supplémentaire pour la requérante. Il en est de même pour la thèse selon laquelle les problèmes sont plus nombreux dans des familles comprenant plusieurs enfants adoptés (voir l'arrêt du Tribunal fédéral, consid. 3.4, paragraphe 20 ci-dessus). Il est évident dans ce type d'affaires que le recours à des données statistiques est nécessaire et qu'une part de spéculation est inévitable.
97.  Si l'on tient compte de la marge d'appréciation considérable qu'il convient de laisser aux Etats dans ce domaine et de la nécessité de protéger les intérêts supérieurs des enfants, le refus d'autoriser le placement d'un deuxième enfant n'a pas transgressé le principe de proportionnalité.
98.  En d'autres termes, la justification avancée par le Gouvernement paraît objective et raisonnable et la différence de traitement litigieuse n'est pas discriminatoire au sens de l'article 14 de la Convention.
99.  Partant, il n'y a pas eu violation de l'article 14 combiné avec l'article 8 de la Convention.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,
1.  Déclare la requête recevable ;
2.  Dit qu'il n'y a pas eu violation de l'article 14 de la Convention combiné avec l'article 8.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 10 juin 2010, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Søren Nielsen Christos Rozakis   Greffier Président
ARRÊT SCHWIZGEBEL c. SUISSE
ARRÊT SCHWIZGEBEL c. SUISSE 


Type d'affaire : Arrêt (au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Non-violation de l'art. 14+8

Analyses

(Art. 14) DISCRIMINATION, (Art. 14) SITUATION COMPARABLE, (Art. 8-1) RESPECT DE LA VIE FAMILIALE, (Art. 8-1) RESPECT DE LA VIE PRIVEE, MARGE D'APPRECIATION


Parties
Demandeurs : SCHWIZGEBEL
Défendeurs : SUISSE

Références :

Origine de la décision
Formation : Cour (première section)
Date de la décision : 10/06/2010
Date de l'import : 21/06/2012

Fonds documentaire ?: HUDOC


Numérotation
Numéro d'arrêt : 25762/07
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2010-06-10;25762.07 ?

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