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18/11/2010 | CEDH | N°38187/08

CEDH | AFFAIRE WAGNER c. ALLEMAGNE


CINQUIÈME SECTION
AFFAIRE WAGNER c. ALLEMAGNE
(Requête no 38187/08)
ARRÊT
STRASBOURG
18 novembre 2010
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Wagner c. Allemagne,
La Cour européenne des droits de l'homme (cinquième section), siégeant en un Comité composé de :
Mark Villiger, président,   Isabelle Berro-Lefèvre,   Ganna Yudkivska, juges,  et de Stephen Phillips, greffier adjoint,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 19 octobre 2010,
Rend l'arrêt que v

oici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 3818...

CINQUIÈME SECTION
AFFAIRE WAGNER c. ALLEMAGNE
(Requête no 38187/08)
ARRÊT
STRASBOURG
18 novembre 2010
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Wagner c. Allemagne,
La Cour européenne des droits de l'homme (cinquième section), siégeant en un Comité composé de :
Mark Villiger, président,   Isabelle Berro-Lefèvre,   Ganna Yudkivska, juges,  et de Stephen Phillips, greffier adjoint,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 19 octobre 2010,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 38187/08) dirigée contre la République fédérale d'Allemagne et dont un ressortissant de cet Etat, M. Udo Wagner (« le requérant »), a saisi la Cour le 5 août 2008 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2.  Le gouvernement allemand (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, Mme Almut Wittling-Vogel, du ministère fédéral de la Justice.
3.  Le 16 novembre 2009, le président de la cinquième section a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. En application du Protocole 14, la requête a été attribuée à un Comité.
EN FAIT
LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE
4.  Le requérant est né en 1944 et réside à Mönchengladbach.
5.  Le 6 février 1996, le requérant fit une demande tendant à obtenir une pension pour incapacité professionnelle. Le 1er juillet 1996, la caisse fédérale d'assurance pour les salariés lui la accorda à compter du 8 mai 1996. Du montant de la pension (environ 1 200 euros) furent déduits environ 380 EUR à titre de la répartition compensatoire des droits à la retraite (Versorgungsausgleich) que le tribunal d'instance de Krefeld avait accordée à l'ancienne épouse du requérant par un jugement du 24 octobre 1995 prononçant le divorce des époux.
6.  Le 4 avril 2000, le requérant demanda pour la première fois aux autorités sociales de lui payer la totalité de sa pension, sans déduction de la répartition compensatoire. La demande fut refusée le 31 août 2000. Une deuxième demande fut rejetée en avril 2004. Le recours administratif du requérant fut rejetée le 11 avril 2005.
7.  Le 22 avril 2005, le requérant introduisit une action contre l'assurance vieillesse devant le tribunal social de Düsseldorf en vue de faire constater qu'il avait eu droit à la pension d'invalidité professionnelle avant le prononcé du divorce et qu'il pouvait de ce fait prétendre au versement de la totalité de sa pension.
8.  Le tribunal demanda un avis au médecin traitant du requérant.
9.  Le 03 novembre 2005, eut lieu une réunion des parties avec le juge rapporteur (Erörterungstermin) au cours de laquelle l'affaire fut discutée. Le procès-verbal de la réunion comporta la mention « La suite de l'affaire sera décidée d'office ». Par une lettre du même jour, comme il l'avait déjà fait lors de la réunion, le juge rapporteur invita le requérant de nouveau de retirer son action. Le requérant refusa.
10.  Le 30 décembre 2005, le juge s'adressa aux parties et leur fit part de son avis que la demande n'avait pas de chance d'aboutir et leur demanda si elles consentirent à terminer la procédure par un jugement sans tenue d'audience et sans la participation des (deux) juges assesseurs (Gerichtsbescheid). Le requérant ne donna pas son accord.
11.  Le 24 avril 2006, eut lieu une audience publique au cours de laquelle le tribunal informa les parties qu'il avait l'intention de demander des renseignements supplémentaires au médecin traitant du requérant.
12.  Par une lettre du 28 février 2007, le président de la chambre du tribunal chargée de l'affaire informa le requérant qu'il avait réexaminé l'affaire, qu'il avait décidé de ne pas entendre un expert et qu'en raison d'un changement de présidence de la chambre à partir du 1er mars 2007, il n'était pas en mesure de dire quand une audience pouvait avoir lieu.
13.  Entre mars 2007 et juillet 2008, le requérant demanda à plusieurs reprises au tribunal d'avancer son affaire. Le tribunal social lui répondit dans un premier temps que la chambre était tenue de traiter une multitude d'autres affaires plus anciennes ou prioritaires, puis, dans un deuxième temps (à partir de l'année 2008), que le président de la chambre était tombé malade.
14.  Le 4 décembre 2008, le tribunal informa les parties que le président de la chambre était revenu et fixa une audience au 26 février 2009.
15.  Par un jugement du 26 février 2009, le tribunal social confirma les décisions administratives et débouta le requérant de sa demande. Le jugement fut notifié aux parties le 17 mars 2009.
16.  En mars 2009, le requérant interjeta appel de ce jugement. Le 4 septembre 2009, après avoir tenu une audience, la cour d'appel sociale de Rhénanie-du-Nord-Westphalie ajourna l'affaire en vue de clarifier les faits litigieux. L'affaire est toujours pendante à ce jour.
EN DROIT
I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
17.  Le requérant allègue que la durée de la procédure devant le tribunal social a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l'article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
18.  Le Gouvernement s'oppose à cette thèse. Tout en reconnaissant la survenue de certains retards, il invoque la complexité de l'affaire et soutient que le tribunal social aurait dument réagi face au départ du président de la chambre chargée de l'affaire et à la maladie du nouveau président de la chambre en répartissant les affaires d'abord à d'autres juges de la chambre, puis, à la suite de la dissolution de la chambre, à d'autres chambres du tribunal social. Il précise que les retards observés doivent être appréciés dans le contexte de la surcharge actuelle des juridictions sociales due à une augmentation considérable du nombre des procédures dans le contentieux social. Par ailleurs, l'affaire ne nécessitait pas un traitement prioritaire car elle ne portait pas sur l'existence même de la pension du requérant, mais uniquement sur le montant de celle-ci.
19.  La Cour note que le requérant a précisé qu'il se plaignait uniquement de la durée de la procédure devant le tribunal social. La période à considérer a débuté le 27 avril 2005 et s'est terminée le 17 mars 2009, date à laquelle le jugement du tribunal social a été notifié au requérant. Elle a donc duré 3 ans et 10 mois et demi, pour une instance.
A.  Sur la recevabilité
20.  La Cour constate que la requête n'est pas manifestement mal fondée au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. Elle relève en outre qu'elle ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité.
B.  Sur le fond
21.  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d'une procédure s'apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l'affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l'enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d'autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII).
22.  La Cour a traité à maintes reprises d'affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d'espèce et a constaté la violation de l'article 6 § 1 de la Convention (voir Kressin c. Allemagne, no 21061/06, 22 décembre 2009).
23.  Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n'a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu'en l'espèce la durée de la procédure litigieuse est excessive et ne répond pas à l'exigence du « délai raisonnable ». Elle relève en particulier que l'affaire ne revêtait pas une complexité particulière et que les mesures prises par le tribunal social pour réagir face à l'absence des présidents de la chambre chargée de l'affaire du requérant n'ont pas été suivies d'effets en vue d'accélérer la procédure de manière effective.
24.  Partant, il y a eu violation de l'article 6 § 1.
II.  SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
25.  Aux termes de l'article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A.  Dommage
26.  Le requérant réclame 54 400 EUR au titre du préjudice matériel et 35 000 EUR pour le dommage moral qu'il aurait subi.
27.  Le Gouvernement conteste ces prétentions.
28.  La Cour n'aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué et rejette cette demande. En revanche, elle estime que le requérant a subi un tort moral certain. Statuant en équité, elle lui accorde 3 000 EUR à ce titre.
B.  Frais et dépens
29.  Le requérant demande également 200 EUR pour les frais et dépens engagés devant les juridictions internes.
30.  Le Gouvernement note l'absence de justificatifs à cet égard.
31.  Compte tenu des documents en sa possession et de sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable d'allouer au requérant, qui n'était pas représenté par un avocat, la somme de 100 EUR tous frais confondus.
C.  Intérêts moratoires
32.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR À L'UNANIMITÉ,
1.  Déclare la requête recevable ;
2.  Dit qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention ;
3.  Dit
a)  que l'Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, 3 000 EUR (trois mille euros) pour dommage moral et 100 EUR (cent euros) pour les frais et dépens engagés par le requérant, plus tout montant pouvant être dû par le requérant à titre d'impôt ;
b)  qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 18 novembre 2010, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Stephen Phillips Mark Villiger   Greffier adjoint Président
ARRÊT WAGNER c. ALLEMAGNE
ARRÊT WAGNER c. ALLEMAGNE 


Synthèse
Formation : Cour (cinquième section comité)
Numéro d'arrêt : 38187/08
Date de la décision : 18/11/2010
Type d'affaire : Arrêt (au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Violation de l'art. 6-1

Analyses

(P1-1-1) BIENS, (P1-1-1) RESPECT DES BIENS, (P1-1-2) ASSURER LE PAIEMENT DES CONTRIBUTIONS OU AMENDES


Parties
Demandeurs : WAGNER
Défendeurs : ALLEMAGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2010-11-18;38187.08 ?

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