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30/11/2010 | CEDH | N°39783/06

CEDH | AFFAIRE DEVHER KARABULUT c. TURQUIE


DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE DEVHER KARABULUT c. TURQUIE
(Requête no 39783/06)
ARRÊT
STRASBOURG
30 novembre 2010
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Devher Karabulut c. Turquie,
La Cour européenne des droits de l'homme (deuxième section), siégeant en un Comité composé de :
Dragoljub Popović, président,   András Sajó,   Kristina Pardalos, juges,  et de Françoise Elens-Passos, greffière adjointe de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 9 novembre

2010,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  A l'origine de l'affaire se...

DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE DEVHER KARABULUT c. TURQUIE
(Requête no 39783/06)
ARRÊT
STRASBOURG
30 novembre 2010
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Devher Karabulut c. Turquie,
La Cour européenne des droits de l'homme (deuxième section), siégeant en un Comité composé de :
Dragoljub Popović, président,   András Sajó,   Kristina Pardalos, juges,  et de Françoise Elens-Passos, greffière adjointe de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 9 novembre 2010,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 39783/06) dirigée contre la République de Turquie et dont une ressortissante de cet Etat, Mme Devher Karabulut (« la requérante »), a saisi la Cour le 22 septembre 2006 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2.  La requérante est représentée par Mes M.A. Kırdök, M. Kırdök et M. Hanbayat, avocats à Istanbul. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent.
3.  Le 9 mars 2009, la présidente de la deuxième section a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Comme le permet l'article 29 § 1 de la Convention, il a en outre été décidé que la Chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.
EN FAIT
LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE
4.  La requérante est née en 1968 et réside à Kocaeli.
5.  Par un acte d'accusation du 29 septembre 1994, le procureur de la République de Bursa engagea une action pénale à l'encontre de quinze prévenus parmi lesquels la requérante, pour appartenance à une organisation illégale (DHKP/C, Parti révolutionnaire de libération du peuple/Front).
6.  Par un arrêt du 5 novembre 1998, la cour de sûreté de l'Etat reconnut la requérante coupable des faits qui lui étaient reprochés et la condamna à une peine d'emprisonnement de douze ans.
7.  Par un arrêt du 30 septembre 1999, la Cour de cassation infirma l'arrêt du 5 novembre 1998.
8.  Par un jugement du 17 avril 2001, la cour de sûreté de l'Etat réitéra son jugement du 5 novembre 1998 et condamna la requérante à une peine d'emprisonnement de douze ans.
9.  Par un arrêt du 28 janvier 2002, la Cour de cassation infirma le jugement du 17 avril 2001.
10.  A la suite de l'abolition des cours de sûreté de l'Etat par la loi no 5190 du 30 juin 2004, le dossier fut transféré à la cour d'assises d'İstanbul.
11.  Par un arrêt du 25 mai 2006, la cour d'assises d'Istanbul mit fin à la procédure pour prescription. Faute de pourvoi, l'arrêt en question devint définitif.
EN DROIT
I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
12.  La requérante allègue que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l'article 6 § 1 de la Convention.
13.  Le Gouvernement s'oppose à cette thèse.
14.  La période à considérer a débuté le 29 septembre 1994, date de l'acte d'accusation et s'est terminée le 25 mai 2006, par l'arrêt de la cour d'assises. Elle a donc duré onze ans et huit mois, pour deux instances.
15.  La Cour constate que ce grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. Elle relève en outre qu'il ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité et est donc recevable.
16.  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d'une procédure s'apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l'affaire, le comportement de la requérante et celui des autorités compétentes ainsi que l'enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d'autres, Yusuf Büyükdağ c. Turquie, no 22920/04, §§ 17-18, 27 octobre 2009).
17.  La Cour a traité à maintes reprises d'affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d'espèce et a constaté la violation de l'article 6 § 1 de la Convention (voir Yusuf Büyükdağ précité).
18.  Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n'a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu'en l'espèce la durée de la procédure litigieuse est excessive et ne répond pas à l'exigence du « délai raisonnable ».
Partant, il y a eu violation de l'article 6 § 1.
II.  SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
19.  La requérante réclame 15 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu'elle aurait subi.
20.  Le Gouvernement conteste ces prétentions.
21.  La Cour estime que la requérante a subi un tort moral certain. Statuant en équité, elle lui accorde 7 800 EUR à ce titre.
22.  La requérante demande également 2 400 EUR pour les frais et dépens engagés devant la Cour. A cet égard, elle présente une facture relative aux honoraires de son avocate. Sans présenter aucune pièce justificative, elle réclame également 130 EUR pour frais divers tels que frais de traduction.
23.  Le Gouvernement conteste ces prétentions.
24.  Compte tenu des documents en sa possession, la Cour estime raisonnable la somme de 2 400 EUR pour la procédure devant la Cour et l'accorde à la requérante. Toutefois, compte tenu de l'absence de justificatif, elle rejette la demande relative aux frais divers.
25.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR À L'UNANIMITÉ,
1.  Déclare la requête recevable ;
2.  Dit qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention ;
3.  Dit
a)  que l'Etat défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois, les sommes suivantes à convertir en livres turques, au taux applicable à la date du versement ;
i.  7 800 EUR (sept mille huit cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt, pour dommage moral ;
ii.  2 400 EUR (deux mille quatre cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt par la requérante, pour les frais et dépens pour la procédure devant la Cour ;
b)  qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ce montant sera à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 30 novembre 2010, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Françoise Elens-Passos Dragoljub Popović   Greffière adjointe Président
ARRÊT DEVHER KARABULUT c. TURQUIE
ARRÊT DEVHER KARABULUT c. TURQUIE 


Synthèse
Formation : Cour (deuxième section comité)
Numéro d'arrêt : 39783/06
Date de la décision : 30/11/2010
Type d'affaire : Arrêt (au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Violation de l'art. 6-1

Analyses

(P1-1-1) BIENS, (P1-1-1) RESPECT DES BIENS, (P1-1-2) ASSURER LE PAIEMENT DES CONTRIBUTIONS OU AMENDES


Parties
Demandeurs : DEVHER KARABULUT
Défendeurs : TURQUIE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2010-11-30;39783.06 ?

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