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01/02/2011 | CEDH | N°2344/02

CEDH | DRITSAS ET AUTRES c. ITALIE


DEUXIÈME SECTION
DÉCISION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 2344/02  présentée par Theodoros DRITSAS  contre l’Italie
La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant le 1er février 2011 en une chambre composée de :
Françoise Tulkens, présidente,   Danutė Jočienė,   Ireneu Cabral Barreto,   Dragoljub Popović,   Giorgio Malinverni,   Işıl Karakaş,   Guido Raimondi, juges,  et de Stanley Naismith, greffier de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 9 décembre 2001,
Vu

les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par les requérants,
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DEUXIÈME SECTION
DÉCISION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 2344/02  présentée par Theodoros DRITSAS  contre l’Italie
La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant le 1er février 2011 en une chambre composée de :
Françoise Tulkens, présidente,   Danutė Jočienė,   Ireneu Cabral Barreto,   Dragoljub Popović,   Giorgio Malinverni,   Işıl Karakaş,   Guido Raimondi, juges,  et de Stanley Naismith, greffier de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 9 décembre 2001,
Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par les requérants,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Les quarante-six requérants (voir la liste en annexe) sont tous des ressortissants grecs. Ils ont été représentés devant la Cour par Me A. Christodoulopoulou et I. Kourtovik, avocats à Athènes.
Le gouvernement italien (« le Gouvernement ») a été représenté successivement par ses agents, M. I.M. Braguglia, M. R. Adam et Mme E. Spatafora, et ses coagents, MM. V. Esposito et F. Crisafulli, ainsi que par ses coagents adjoints, M. N. Lettieri et Mme P. Accardo.
Par un courrier du 27 septembre 2004, le greffe de la Cour a informé le Gouvernement grec de la possibilité de présenter des observations écrites sur l’affaire, conformément aux articles 36 § 1 de la Convention et 44 du règlement de la Cour. Le Gouvernement grec n’a pas donné suite à cette lettre.
A.  Les circonstances de l’espèce
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
Le 18 juillet 2001, les requérants, avec environ huit cents ressortissants helléniques membres du Comité grec pour la manifestation à Gênes (ci-après, « le Comité »), embarquèrent à bord du ferry Blue Star II à Patras afin de rejoindre Ancône, puis Gênes, pour participer au contre-sommet du G8.
Quant à la suite des événements, les parties ont fourni deux versions différentes des faits, qui peuvent être résumées comme suit.
1. La version des faits des requérants
a) L’éloignement des requérants du port d’Ancône
Arrivés au port d’Ancône le 19 juillet 2001, suite à la demande de la police italienne, les requérants se soumirent au contrôle de leurs pièces d’identité, en même temps que l’autre millier de personnes faisant partie de leur Comité.
Ils montèrent ensuite avec d’autres personnes dans les trois derniers des dix-huit cars formant un convoi dans lequel l’ensemble des membres du Comité s’était distribué pour rejoindre Gênes.
Soudainement, la police arrêta les trois cars où les requérants avaient pris place et les obligea à faire demi-tour en direction du bateau.
Les requérants descendirent donc des véhicules, demandèrent sans succès à la police des explications quant à leur détournement et refusèrent de regagner le bateau. Les requérants attendirent sur la rampe d’accès du bateau et demandèrent l’intervention du consul grec à Ancône.
La police italienne, à l’aide de forces spéciales, encercla alors les requérants puis les attaqua en les frappant, les traînant par terre afin qu’ils montent dans le bateau. Une fois traînés jusqu’à l’emplacement du bateau réservé aux voitures - et à l’abri du regard des équipes de télévision qui se trouvaient sur place - les requérants furent de nouveau battus. De nombreuses personnes ont été blessées, dont certaines gravement. Les requérants ont produit cinq certificats médicaux attestant différentes blessures et contusions.
Ils furent finalement contraints de retourner à Patras.
b) La suspension des accords de Schengen
Les requérants affirment que les accords de Schengen, visant à supprimer les contrôles aux frontières des Etats signataires, n’ont pas été suspendus à l’occasion du G8.
2. La version des faits du Gouvernement
a) L’éloignement des requérants du port d’Ancône
Dans le cadre d’une enquête effectuée par différents Gouvernements européens en vue de garantir la sécurité lors du sommet de Gênes, le 18 juillet 2001, l’officier de police italienne de liaison à Athènes, M. D., envoya une note au service Interpol de la Direction centrale de la police criminelle italienne attestant que, d’après les informations résultant de ses contacts assidus avec la police grecque, un groupe redoutable (temibile) de manifestants, constitué d’éléments anarchiques d’extrême gauche, était dirigé à Gênes. L’officier communiqua que ce groupe s’était réparti dans quinze cars et il fournit une liste de leurs numéros de plaque. Il signala ensuite que trois de ces cars, dont il indiqua les numéros de plaque respectifs, étaient occupés par les éléments les plus enflammés (accesi) du groupe.
Par une note du jour suivant, la D.I.G.O.S. (Division des investigations générales et des opérations spéciales) informa les forces de police italiennes de ce qu’environ cent-cinquante personnes parmi les huit cents se trouvant à bord du ferry Blue Star II étaient des militants de groupes anarchiques internationaux. Selon la D.I.G.O.S., ces individus étaient considérés comme étant des éléments extrémistes potentiellement dangereux pour la sécurité interne.
Sur la base des indications du ministère de l’Intérieur, à 8h30 le 19 juillet 2001, la Direction centrale de la police de prévention ordonna à la Direction du service de l’immigration et de la police des frontières de repousser ces personnes et de prendre à leur encontre des mesures d’éloignement (« provvedimenti di respingimento »), au sens de l’article 6 du décret du Président de la République no 1656 du 30 décembre 1965 (ci-après, « D.P.R. no 1656/1965 »). Le Gouvernement a fourni la copie des documents attestant cet ordre, à savoir, deux notes rédigées par le directeur de la police des frontières d’Ancône le 20 juillet 2001.
Entre-temps, environ cent-quarante policiers furent déployés sur place afin de garantir la sécurité et le respect de l’ordre public lors du débarquement.
Une fois les cars débarqués (et garés sur le quai), entre 10h30 et 12h00, la police procéda au contrôle des pièces d’identités de l’ensemble des occupants du ferry dans des locaux provisoires (campers) organisés à cette fin par la police aux pieds du ferry. Ce contrôle consista en la vérification de la correspondance entre la photographie figurant sur le document d’identité et la personne présentant ce dernier. Au courant de ce contrôle, un ressortissant marocain, en possession d’un faux passeport, fit l’objet d’une mesure d’éloignement (respingimento).
Chacun regagna ensuite sa place dans les cars. Douze cars partirent donc, escortés par la police. Par contre, les trois cars où le groupe dont les requérants faisaient partie avait pris place furent reconduits à l’intérieur du bateau. Le groupe des passagers descendit donc des cars, puis du navire. Ensuite, la police invita le groupe à regagner le bateau. Les personnes faisant partie du groupe en question refusèrent d’obtempérer et se couchèrent sur la rampe d’accès du bateau en signe de protestation.
A deux reprises, respectivement à environ 14h00 et 14h50, la police demanda de nouveau aux personnes faisant partie du groupe en question de fournir leurs pièces d’identité. Selon les informations fournies par le commissariat de police d’Ancône, les demandes visaient cette fois-ci à recueillir les informations concernant l’identité de ces personnes en vue d’examiner la position de chaque individu et de rédiger, le cas échéant, des mesures d’éloignement. Les personnes sollicitées s’y refusèrent. Un procès verbal relatif à ce double refus fut rédigé le même jour. La police se trouva partant dans l’impossibilité de prendre les mesures d’éloignement requises. Plusieurs services du Gouvernement (le ministère de l’Intérieur, la Direction du service de l’immigration et de la police des frontières, le directeur et son adjoint du service de police présents sur place pendant les événements) ont fourni, de façon univoque, cette version des faits. Les copies des documents pertinents (y compris du procès verbal) ont été envoyées à la Cour.
Plus tard, les manifestants communiquèrent au consul grec à Ancône et au commissaire de police de cette ville, qui s’étaient rendus entre-temps sur place, leur intention de retourner en Grèce « à condition de pouvoir opposer une résistance passive à la police, afin de donner plus de visibilité à leur action ».
Une vingtaine d’agents monta alors sur la rampe d’accès et, après avoir invité sans succès les manifestants à regagner le bateau, les soulevèrent et les conduisirent à l’intérieur du navire. Une fois rentrés, ces derniers commencèrent d’abord à pousser et à donner des coups de pieds aux agents. Ils lancèrent enfin plusieurs objets dans leur direction, parmi lesquels des extincteurs, des clés anglaises (dont une en fer plein d’une longueur de 50 centimètres et d’environ 2 kilos), des boulons, des bouteilles, des chaises et une bille en acier. Une partie de ce matériel fut saisie. Quatre agents de police furent légèrement blessés. Un traumatisme crânien, des blessures et des contusions furent notamment relevés. Les agents blessés furent donc conduits à l’hôpital. Le Gouvernement a fourni à la Cour la copie des certificats médicaux les concernant.
Compte tenu de l’état de tension croissant, la pression de la police se fit plus importante, jusqu’au moment où tous les manifestants furent à l’intérieur du bateau et que le portail put être fermé.
A une date non précisée, le commissaire de police d’Ancône ouvra une enquête ayant pour objet les actes de violence perpétrés à l’encontre des agents de police. Cette enquête fut par la suite classée, les auteurs des faits étant restés inconnus.
b) La suspension des accords de Schengen
Par décision du Comité national de l’ordre et de la sécurité publique du 3 juillet 2001, les accords de Schengen ont été suspendus dans le but de limiter l’entrée d’individus dangereux pour la sécurité publique. Cette mesure, prise sur la base de l’article 2 de la Convention d’application des ces accords, a eu une durée d’une semaine (du 14 au 21 juillet 2001). Le Gouvernement a été dans l’impossibilité de fournir la copie de cette décision car celle-ci est contenue dans une communication classée confidentielle selon le droit national.
3. Les documents fournis par les requérants
En annexe aux observations en réponse à celles du Gouvernement, le 24 février 2006, les requérants ont envoyé des documents rédigés en grec. La traduction en anglais de ceux-ci, effectuée par les requérants, a été certifiée par un avocat. Les parties pertinentes de ces documents, telles que traduites par les requérants, se lisent ainsi.
a) Les témoignages déposés devant la police de Patras
i. M. V.K., témoignage du 29 août 2001
« I’m an officer of the merchant navy and I work on the Blue Star II (...)
[On] 19 July 2001 (...) at 11.20 approximately we started debarking passengers and vehicles. At 13.05 the procedure of debarkation had been completed (...). I would like to add at this point that during the debarking of passengers and vehicles, a large police force escorted the 18 buses of the Greek Committee [for the International demonstration in Genoa] to an area that was shut off by the police, right next to the ship. (...)
At 13.45 approximately, the Italian police informed the captain that 3 of the 18 buses with 132 passengers on them, were not accepted in Italy (...) and without explaining the reasons, escorted them back in the ship with patrol cars. The 132 passengers sat and protested at the right part of the catapult from which the vehicles were debarking and refused to return. They protested quietly without creating any problem. (...)
The demonstrators protested peacefully, by sitting on to the ramp. In the dock, police forces had been deployed, just in front of the ramp (...). At 18.20 the port’s pilot, the presence of whom is obligatory for the ship departure, boarded on the ship without having been warned by us. (...)
At 18.30 the police forces, without any previous warning and without the captain permission, got on the ramp and they tried to push away 132 demonstrators to the interior of the ship by lifting them up. They managed to push away about 15 demonstrators. At this moment, the demonstrators reacted by throwing plastic bottles of water. The violent pushing of the demonstrators to the garage continued despite their reaction. This way, half of the demonstrators were pushed into the interior of the ship. As far as it concerns the rest of them, their resistance was stronger. They laid down on the ramp and they were trying to keep their position without attacking the policemen. During the violent pushing it is possible that there were violent reactions from both sides but I wasn’t able to confirm it, because of the general confusion at the specific part of the ship. When all the demonstrators were pushed to the interior of the ship, I saw two of them throwing a fire extinguisher and an iron crowbar but they didn’t hit any policeman. (...). At this point, (...) I was ordered by the captain to close the ramp and begin the sailing of the ship. Just after the departure, seven people, the names of whom are reported to the diary of the ship, came to the ship’s surgery, where they were given assistance. I saw one of them being slightly injured to his eyebrow, another one had bruising to his back, a lady was wounded to the leg and another man had a lesion to his arm and to his shoulder. The medical assistance was given by a passenger (...) who declared being a doctor (...) [and who] wrote the medical certifications. »
ii. M. G.K., témoignage du 31 août 2001
« (...) I’m working as a captain of the car-ferry Blue Star II (...). When we arrived at the port of Ancona, I noticed the presence of a large police force at the dock no 16 where the ship was stationed. I also noticed the presence of patrol crafts and other subsidiary once. (...) [B]ecause of the presence of the large police force the disembarkation of vehicles and passengers was very difficult. The whole task was fulfilled under the instruction of the Italian authorities. At 13.30 we were notified by our local agent that the shipping could begin. (...) It was obvious from the beginning that it would be a difficult task because of the presence of the large police force who blocked up, in a way, the procedure.
At 13.45 approximately, I was informed by our local shipping agent, that the Italian police forced 3 buses (...) and their 132 passengers to embark again the ship, with destination the port of Patra. When I asked our agent about the reason which imposed the prohibition to these passengers and vehicles to enter the Italian territory, he did not give me a clear explanation and said that this was the decision of the Italian authorities. (...) [T]he 3 vehicles with their passengers in, boarded the ship. After the shipping of the vehicles, their passengers, who in the meanwhile had got out of them, gathered the right ramp of the ship and blocked it. Because of that, the shipping continued by the left ramp, even more slowly than before.
The crowd gathered to the right ramp, about 130 people began to protest against the decision of the Italian police not to allow them to enter the Italian territory, and yielded political slogans in Greek language, holding flags of red colour. At the same time, (...) a group of Special Forces of the Italian police deployed in front of the right ramp of the ship just against the demonstrators. At 16.30 the Greek consul, K.S., arrived to the port. We discussed and I made her a briefing about the situation.
(...) At about 18.30, (...) we noticed a group of about thirty Italian policemen of the Special Forces to invade the ship and head towards the demonstrators, who were sitting on the ramp. The policemen began to push the demonstrators violently against their will and they carried them to the inner part of the ship. The demonstrators reacted with calmness, and they only tried to remain to their places using their hands to hold (...).
From where I was standing, I saw a fire extinguisher and an iron crowbar being thrown towards the policemen, from the part of the ship where the demonstrators stood, but I don’t know if they hit them. From where I was standing, the visibility was rather bad because of the people gathered in the ship’s garage. After the throw of these objects, the demonstrators conflicted with the police forces, who had already entered the ship, but I can’t define the extent of the conflict, because I couldn’t see very well (...). At about 18.45 the policemen left the ship after they had pushed in all the demonstrators and they deployed again outside the ship just in front of the ramp (...). On board I was informed by the first mate that seven passengers-demonstrators went to the ship surgery, declared that they were injured and were given assistance with the collaboration of a private doctor who was on board as a passenger [and who] (...) gave to all injured persons written certifications about their injuries (...). »
iii. M. S.K., témoignage du 18 septembre 2001
« I’m an honorary Consul of Greece at Ancona, Italy. [On] the 19th of July (...) 2001, at 14.00 approximately, I received a telephone call and I was informed by mister V. from the embassy [in] Rome, that a problem was created at the port of Ancona, and specifically that the Italian authorities had forbidden the entrance in the country to three tourist buses with Greek travellers in them. Because of that, he asked me to go to the port and find out what had happened, and to inform him about the incident. (...) As soon as I arrived [at the port] there was a large concentration of persons, vehicles and Italian police forces that gave me the impression of a general disturbance. (...) Together [with the president of the port of Ancona] we directed to the part of the port where a Greek car-ferry had debarked. The first thing I saw was a group of persons that had taken over the right catapult of the ship by sitting on it, without being able to define the exact number of them. (...) [W]e spoke to the head officer of the Italian police that was wearing civil clothes (...). [He] seemed unwilling to inform us in detail and he just said that the authorities had been informed without giving any further information. (...) [He] was constantly moving between the boat and the base where a big force of Italian policemen was deployed. At that time approximately I saw a big piece of ice falling to the part of the Italian policemen, and after that a glass bottle and a plastic chair. Some smithereens of the bottle injured an Italian policeman while others got in danger as well. I heard some insulting slogans from the upper deck, in Italian language, against the Italian policemen, and I saw coins thrown at them. After that, (...) I drew away (...) to an area right next to [the catapult of the ship where] there was a group of leading figures of the Italian authorities and between them I saw the harbour master of Ancona and the senator M.M. At some point (...) I asked [the director of the Italian police of Ancona] the reason [why] the persons that were sitting on the catapult were not allowed to enter the Italian territory. He started to say that he was in contact with the Italian authorities without explaining whom exactly did he mean and that, in a while, the problem would [have been] solved. (...) Despite my efforts I did not manage to get informed officially by the Italian policemen who were present at the port, or other leading figures of the Italian authorities, about the reason that the Greek citizens that sat on the catapult were not allowed to enter the country. (...) At some point, (...) I saw the Greek captain being escorted by another official of the ship, heading to the ship and almost immediately the ship lifted up the catapult of the passengers. There was a slight confusion created in the area (...). A group of Italian policemen that were close to [the] catapult since the beginning, headed towards the catapult of the ship (...). In less than five minutes, I saw the catapult of the vehicles of the ship closing up and the ship sailed off. (...) I’m not in the position to describe in details what exactly happened at the crucial moment of five minutes approximately between the closing of the catapult of passengers and the closing of the catapult of vehicles, between the Italian policemen and the Greek demonstrators. As far as it concerns the existence of injured persons, I was informed by a passenger demonstrator (...) [that there have been] 3 (injured) persons. (...) »
b) Les certificats médicaux
i. Les certificats rédigés par un médecin présent à bord le 19 juillet 2001
Les requérants ont produit quatre certificats médicaux (concernant les requérants indiqués aux nos 1, 5, 22 et 44 dans la liste en annexe) attestant un diagnostic libellé respectivement comme suit :
« [Requérant no 1]: Injury – possible dislocation of the left shoulder and lesion of the right little finger ;
[Requérant no 5]: Injury of the crus ;
[Requérant no 22]: Injury on the shoulder-blade and the cervix ;
[Requérant no 44]: Troubles in breathing after a fall. »
ii. Le certificat concernant M. Theodoros Dritsas (requérant no 1 dans la liste en annexe), daté du 28 août 2001
« The undersigned forensic surgeon D.M., assistant professor in the laboratory of forensic and toxicology of the medicine school of Athens University (...) [has examined] today, 27 July 2001, Theodoros Dritsas (...).
a. From the objective examination the following has been found out:
- the left upper limb is immobilized;
- subcutaneous haematoma, in the left shoulder blade space as far as partly in the left thoracic space, of yellow green colour, dimension 11 x 16 cm. In the part below of the hematoma a bruise exists, dimension 5 x 5 cm more or less;
- two parallel subcutaneous bruises to the left sidelong and front inner side of the thorax, in the height of the lumbar of the vertebral, dimension: about 6 x 2 cm;
- extended haematoma to the right back side and upper side of the thigh (dimension: about 19 x 16 cm);
He was wearing dressing of the right arm and a splint to the small finger;
- two parallel subcutaneous haematomas dimensions of 112 x 1 cm each, in the front side of the left thigh.
b. He has brought x ray and expert opinion from a specialised radiologist doctor from Metropolitan Clinic, according which he has “fracture of the peripheric part of the phalanx of the 5th finger. The radiation in the upper side of the left shoulder blade could be a fracture”. On the 7 of August 2001, he has brought a new expert opinion of the same radiologist in which it is mentioned that “New control of the fracture of the upper side of the left shoulder without remarkable changes in comparison with the precedent examination” [...].
c. The aforementioned injuries have the form of being provoked by hit and they are characterized as heavy body injuries in the meaning of art. 310 of the penal code. The age of these injuries (about 10 days) is compatible with the referred time of the events.
d. Because of these injuries the above will be out of his work for 20 day about, in the exception of a complication or posterior aggravation. »
c) Les requérants ont également produit plusieurs communiqués de presse dans lesquels il ressort que les manifestants ont été contraints de quitter le sol italien. Dans un des communiqués, il est fait état d’une « attaque brutale » et d’une « répression extrêmement violente » des manifestants de la part de la police italienne.
d) Le 31 août 2001, le lieutenant du ferry a rédigé une attestation relatant les faits suivants :
« [On the 19 July 2001] 12h02, start of disembarkation of passengers from the port police of Ancona.
13h48: the Italian police inform us that 132 passengers who are on board of 3 buses are not accepted to the port of Ancona and they embark them to the ship.
13h50: The passengers above occupy the right ramp of loading. Loading-embarkation is going slowly from the left ramp. Presence of many police forces on the dock loading.
15h00: Boarding is going on, passengers remain on the right ramp.
15h45: end of loading – disembarkation.
16h00: Sail is delaying because of the presence of the passengers on the ramp of the ship;
18h00: passengers still remain to the same place;
18h20 boarding of the pilot;
18h30: Italian police push violently passengers to the interior of the ship, clashes follow between them. The following passengers are wounded: [il suit une liste de sept personnes parmi lesquelles figurent les requérants nos 1, 5, 22 et 44 dans la liste en annexe].
18h45: First aid is given to them by the crew and the Doctor D.G. Italian police officers are removed from the ship’s ramp.
18h50: Closing the catapult. Sailing.
19h00: Out of the port of Ancona. »
B.  Le droit interne pertinent
1. L’article 6 du D.P.R. no 1656/1965 (« Normes sur la circulation et le séjour des citoyens des Etats membres de la C.E.E. ») dispose:
« Il peut être dérogé aux dispositions concernant l’entrée et le séjour des citoyens d’autres Etats de la Communauté Economique Européenne sur le territoire italien ainsi que leur éloignement pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. Les mesures d’ordre public et de sécurité publique doivent être prises exclusivement en relation avec le comportement personnel de chaque individu (...) ».
2. L’article 2 de la Convention d’application de l’accord de Schengen du 14 juin 1985, signée par l’Italie le 25 juin 1991, se lit ainsi :
« 1. Les frontières intérieures peuvent être franchies en tout lieu sans qu’un contrôle des personnes soit effectué.
2. Toutefois, lorsque l’ordre public ou la sécurité nationale l’exigent, une Partie Contractante peut, après consultation des autres Parties Contractantes, décider que, durant une période limitée, des contrôles frontaliers nationaux adaptés à la situation seront effectués aux frontières intérieures. Si l’ordre public ou la sécurité nationale exigent une action immédiate, la Partie Contractante concernée prend les mesures nécessaires et en informe le plus rapidement possible les autres Parties Contractantes. (...) »
GRIEFS
1. Invoquant l’article 3 de la Convention, les requérants dénoncent avoir été victimes de traitements inhumains et dégradants.
2. Ils se plaignent ensuite d’avoir subi une privation de liberté pendant quatre heures durant lesquelles la police les a privés de la liberté de mouvement sans les informer des raisons d’une telle limitation. Ils invoquent dans ce contexte l’article 5 de la Convention.
3. Les requérants dénoncent également la violation des articles 9 et 10 de la Convention, car la police aurait commis des actes répréhensibles à leur encontre en raison des leurs idées politiques, ainsi que des articles 10 et 11 de la Convention, car ils n’ont pas pu participer au contre-sommet du G8.
4. Se plaçant sur le terrain de l’article 13 de la Convention, les requérants se plaignent de ne pas avoir disposé d’un recours effectif contre l’obligation forcée de regagner le bateau et de rentrer en Grèce.
5. Ils estiment avoir subi une discrimination en raison de leur origine et convictions idéologiques, en violation de l’article 14 de la Convention.
6. Invoquant l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention, les requérants se plaignent des dommages matériels subis lors de l’intervention de la police italienne et des frais de rapatriement qu’ils ont été obligés de payer.
7. Enfin, ils invoquent l’article 4 du Protocole no 4 à la Convention qui interdit les expulsions collectives.
EN DROIT
1. Invoquant l’article 3 de la Convention, les requérants dénoncent avoir été victimes de traitements inhumains et dégradants ainsi que d’avoir été traités de « personnes dangereuses » en l’absence de toute preuve à l’appui de cette thèse.
Cet article est ainsi libellé :
« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
a) La position des parties concernant l’épuisement des voies de recours internes
Le Gouvernement argue d’emblée que les requérants ont omis d’épuiser les voies de recours qui leurs étaient ouvertes en droit interne. Il estime que les requérants auraient pu introduire une plainte pour coups et blessures, « soit immédiatement, soit après leur retour en Grèce », ainsi qu’une action en dommages-intérêts devant les autorités compétentes.
Les requérants estiment que, compte tenu des conditions de leur éloignement, la règle du non-épuisement des voies de recours internes ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce. Ils indiquent avoir été dans l’impossibilité d’introduire tout recours car ils n’ont pas eu connaissance de la décision ordonnant leur éloignement et, de toute manière, ce dernier a été effectué sur-le-champ. De plus, selon les requérants, même après leur départ toute voie de recours aurait été inefficace « car les violations étaient déjà intervenues et les dommages ne pouvaient plus être réparés ».
Les requérants font valoir aussi que le fait d’entamer une affaire devant les juridictions italiennes à partir de l’étranger présenterait des difficultés disproportionnées et exigerait des dépens considérables, autant financiers qu’en terme de temps.
Les requérants ont produit et traduit en anglais une lettre envoyée par le consul de l’Ambassade de Grèce à Rome au ministère de la Marine grec datée du 3 février 2003. Cette lettre répond à une demande du même ministère du 31 janvier 2003 (dont les requérants n’ont pas produit de copie), et a pour objet « les coups et blessures subis par M. Dritsas ». Dans ce courrier, le consul indique qu’en droit italien, une plainte pour coups et blessures ne peut être introduite que par la victime (et non pas ex officio) et que l’autorité compétente de l’enquête est le procureur d’Ancône, les autorités grecques n’ayant pas de pouvoir en la matière.
b) L’appréciation de la Cour
La Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle le simple fait de nourrir des doutes quant aux perspectives de succès d’un recours donné qui n’est de toute évidence pas voué à l’échec ne constitue pas une raison valable pour justifier la non-utilisation de recours internes (Akdivar et autres c. Turquie, 16 septembre 1996, § 71, Recueil des arrêts et décisions 1996-IV).
La Cour relève que les versions des faits produites par les deux parties ne diffèrent pas concernant les temps et le lieu des affrontements entre manifestants et forces de police. Ceux-ci ont eu lieu sur le ferry même, juste avant que le bateau ne reprenne la mer. L’argument du Gouvernement selon lequel les requérants auraient pu introduire une plainte au pénal dans l’immédiat ne saurait donc être retenu.
En revanche, de l’avis de la Cour, une fois rapatriés, les requérants disposaient de la possibilité de saisir les autorités judiciaires, tant au pénal qu’au civil, pour leur soumettre le grief qu’ils soulèvent devant la Cour en nommant, à titre d’exemple, un avocat qui les représente sur place.
Elle note par ailleurs que dans la lettre du consul de l’Ambassade de Grèce à Rome, dont une copie a été envoyée par les requérants mêmes à la Cour, il est fait état de la possibilité qui leur était ouverte en droit italien d’introduire une plainte pour coups et blessures devant les juridictions internes.
Le dépôt d’une plainte pénale et d’une action en dédommagement constituaient donc, dans le cas d’espèce, des voies de recours accessibles et adéquates que les requérants ont omis d’épuiser. L’exception soulevée par le Gouvernement doit partant être accueille et cette partie de la requête doit être rejetée pour non-épuisement des voies de recours internes, selon l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
2. Les requérants se plaignent ensuite d’avoir subi une privation de liberté « pendant quatre heures » lorsque la police les encercla sur le port d’Ancône et invoquent l’article 5 de la Convention, qui se lit ainsi dans ses parties pertinentes :
« 1.  Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :
a)  s’il est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent ;
b)  s’il a fait l’objet d’une arrestation ou d’une détention régulières pour insoumission à une ordonnance rendue, conformément à la loi, par un tribunal ou en vue de garantir l’exécution d’une obligation prescrite par la loi ;
c)  s’il a été arrêté et détenu en vue d’être conduit devant l’autorité judiciaire compétente, lorsqu’il y a des raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis une infraction ou qu’il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir après l’accomplissement de celle-ci ;
d)  s’il s’agit de la détention régulière d’un mineur, décidée pour son éducation surveillée ou de sa détention régulière, afin de le traduire devant l’autorité compétente ;
e)  s’il s’agit de la détention régulière d’une personne susceptible de propager une maladie contagieuse, d’un aliéné, d’un alcoolique, d’un toxicomane ou d’un vagabond ;
f)  s’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. (...) »
a) La position des parties
Le Gouvernement observe d’emblée que ce grief devrait être rejeté en tant qu’incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention, la situation décrite par les requérants ne constituant qu’une limitation de quelques heures de leur liberté motivée par une tentative d’identification de la part de la police. Loin de constituer une « privation de liberté » au sens de l’article 5 de la Convention, cette disposition ne serait donc pas applicable en l’espèce.
De toute manière, le Gouvernement estime que ce grief est manifestement mal fondé, la limitation de la liberté des requérants visant à empêcher que ceux-ci entrent irrégulièrement dans le territoire (article 5 § 1 f) de la Convention) et y commettent des infractions.
Les requérants réitèrent leur grief et observent qu’aucune décision concernant leur privation de liberté ne leur a été communiquée.
b) L’appréciation de la Cour
i. Principes généraux
La Cour rappelle tout d’abord qu’en proclamant le « droit à la liberté », le paragraphe 1 de l’article 5 vise la liberté individuelle dans son acception classique, c’est-à-dire la liberté physique de la personne. Il a pour but d’assurer que nul n’en soit dépouillé de manière arbitraire et ne concerne pas les simples restrictions à la liberté de circuler. Cela ressort à la fois de l’emploi des termes « privé de sa liberté », « arrestation » et « détention », qui figurent également aux paragraphes 2 à 5, et d’une comparaison entre l’article 5 et les autres dispositions normatives de la Convention et des Protocoles. Pour déterminer si un individu se trouve « privé de sa liberté » au sens de l’article 5, il faut partir de sa situation concrète et prendre en compte un ensemble de critères comme le genre, la durée, les effets et les modalités d’exécution de la mesure considérée (Engel et autres c. Pays-Bas, 8 juin 1976, §§ 58-59, série A no 22 et Guzzardi c. Italie, 6 novembre 1980, § 92, série A no 39).
Plus spécifiquement, pour juger de l’applicabilité de l’article 5 § 1 de la Convention, dans leur jurisprudence respective, la Commission et la Cour ont pris en compte la finalité de la mesure litigieuse (X. c. Allemagne, décision de la Commission du 19 mars 1981, Décisions et Rapports (D.R.) 24, p. 158 et Guenat c. Suisse, no 24722/94, décision de la Commission du 10 avril 1995, D.R., vol. 81, p. 130), les lieux et la durée d’exécution de celle-ci (Engel et autres, précité, §§ 61-65), la personne ou l’organisme dont cette mesure émanait (Nielsen c. Danemark, 28 novembre 1988, § 73, série A no 144) et l’existence du consentement de la personne alléguant sa privation de liberté (Storck c. Allemagne, no 61603/00, § 74, CEDH 2005-V et H.M. c. Suisse, no 39187/98, § 47, CEDH 2002-II).
La Cour observe également que « entre privation et restriction de liberté, il n’y a qu’une différence de degré ou d’intensité, non de nature ou d’essence. Le classement dans l’une ou l’autre de ces catégories se révèle parfois ardu, car dans certains cas marginaux il s’agit d’une pure affaire d’appréciation, mais la Cour ne saurait éluder un choix dont dépendes l’applicabilité ou inapplicabilité de l’article 5 » (Guzzardi, précité, § 93  et Raimondo c. Italie, 22 février 1994, § 39, série A no 281-A).
ii. Sur l’existence de privation de liberté dans le cas d’espèce
La Cour relève d’emblée que les requérants se sont limités à indiquer avoir été privés de leur liberté pendant une période de « quatre heures ». De l’avis de la Cour, afin d’établir la portée de ce grief, il y a lieu de rappeler brièvement le déroulement des faits de l’affaire dans leurs parties pertinentes en s’appuyant notamment sur les témoignages et l’attestation relatés dans l’exposé des faits au point no 3, lettres a) i, ii, iii et d) ci-dessus).
Le 19 juillet 2001, à environ 13h45, à la demande de la police italienne, les trois cars où les requérants se trouvaient, qui venaient de débarquer, furent réembarqués. Sortis de leur gré des bus, les passagers occupèrent l’une des rampes d’accès du bateau. A environ 18h30, la police intervint pour repousser les manifestants à l’intérieur du navire. Cette opération prit fin un quart d’heure plus tard, à environ 18h45. Cinq minutes après, le bateau reprit la mer.
La Cour note que les faits litigieux se sont étalés pendant un laps de temps d’environ cinq heures. Il ne ressort donc pas clairement de la formulation du grief des requérants quels sont les faits qui d’après eux ont constitué une « privation de liberté » à leur égard, au sens de l’article 5 de la Convention.
En tout état de cause, même à vouloir prendre en compte la totalité des faits décrits ci-dessus, la Cour ne peut que constater que ceux-ci se sont déroulés dans le court espace de quelques heures.
De plus, loin d’avoir été enfermés dans un lieu donné, les requérants n’ont été que temporairement arrêtés à la frontière en vue d’être éloignés du territoire italien. Il y a également lieu de relever que les requérants étaient libres de quitter volontairement l’Italie à tout moment (voir a contrario et mutatis mutandis, Amuur c. France, 25 juin 1996, § 48, Recueil des arrêts et décisions 1996-III).
Se tournant vers le but de l’opération de police, la Cour constate que celui-ci consistait, au-delà de tout doute, à garantir la sécurité interne. Cela ressort d’une part des indications fournies par la D.I.G.O.S. à la police italienne, selon lesquelles les manifestants étaient des militants de groupes anarchiques internationaux « potentiellement dangereux » et, d’autre part, de la suspension temporaire des accords de Schengen, dûment prouvée par le Gouvernement, visant à limiter l’entrée dans le territoire d’individus potentiellement dangereux pour la sécurité publique.
Qui plus est, la Cour note que les requérants ont indiqué avoir montré à la police leurs pièces d’identité en même temps que l’autre millier de personnes faisant partie de leur Comité et avant que les trois bus où ils se trouvaient fussent séparés du reste du convoi. D’après la version des faits des requérants et les témoignages fournis par ces derniers, cet événement se situe dans le temps, au plus tard, avant 13h45 le 19 juillet 2001. Toutefois, les requérants ont omis de contester les renseignements fournis par le Gouvernement selon lesquels, dans un deuxième temps, à savoir à environ 14h00 et 14h50 (c’est-à-dire, une fois le groupe des personnes potentiellement dangereuses séparé du reste des manifestants), les mêmes pièces leur ont été demandées sans succès à deux reprises en vue de la rédaction des mesures d’éloignement les concernant. La Cour constate que le Gouvernement a fourni des preuves à l’appui de sa thèse, à savoir le procès verbal attestant le double refus des requérants de présenter leurs pièces ainsi que la copie de l’ordre de la Direction centrale de la police de prévention adressé à la Direction du service de l’immigration et de la police des frontières de repousser le groupe dont le requérants faisaient partie en rédigeant des mesures d’éloignement à leur encontre au sens de l’article 6 du D.P.R. no 1656/1965. Partant, la Cour ne voit pas de raisons de s’écarter de cette version des faits. Elle relève aussi qu’au sens de l’article précité, la police se trouvait dans l’obligation de recueillir les informations concernant l’identité des requérants en vue de leur éloignement et que cette obligation était apte à justifier leur halte.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, de l’avis de la Cour, les faits dénoncés par les requérants en l’espèce ne constituent pas une privation de liberté au sens de l’article 5 § 1 de la Convention. Ce dernier ne trouve donc pas à s’appliquer et le grief y relatif doit être rejeté en tant qu’incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention, selon l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
3. Les requérants dénoncent ensuite la violation des articles 9 et 10 de la Convention, dans la mesure où les mauvais traitements dénoncés ainsi que leur éloignement du territoire italien auraient été perpétrés par la police en raison de leurs idées politiques. Ils se plaignent aussi de la violation des articles 10 et 11 de la Convention, car ils n’ont pas pu participer au contre-sommet du G8 et ils n’ont pas pu manifester leurs opinions à cette occasion.
Les articles en question se lisent ainsi dans leurs parties pertinentes :
Article 9
« 1.  Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience (...) ; ce droit implique (...) la liberté de manifester (...) sa conviction (...) collectivement, en public (...).
2.  La liberté de manifester (...) ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
Article 10
« 1.  Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de (...) communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. (...)
2.  L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime (...). »
Article 11
« 1.  Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts.
2.  L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime (...). Le présent article n’interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l’exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l’administration de l’Etat. »
La Cour estime d’emblée que le grief tiré de l’article 9 de la Convention doit être considéré comme absorbé par celui tiré de l’article 10 de la Convention. A la Cour il ne reste donc qu’à examiner cette partie de la requête sous l’angle des articles 10 et 11 de la Convention.
a) Sur l’exception préliminaire soulevée par le Gouvernement
Le Gouvernement relève tout d’abord que les requérants ont omis d’épuiser les voies de recours qui leur étaient ouvertes en droit interne. Il estime que, quant aux articles 10 et 11 de la Convention, ils auraient pu introduire une action en référé selon l’article 700 du code de procédure civile, ce qui « aurait pu leur garantir immédiatement la possibilité de continuer leur voyage ».
Sur la question de l’épuisement des voies de recours internes, les requérants se réfèrent aux considérations avancées dans le cadre de l’article 3 de la Convention.
La Cour rappelle que, selon sa jurisprudence constante, l’article 35 § 1 de la Convention impose aux requérants l’obligation d’épuiser les recours normalement disponibles et suffisants dans l’ordre juridique interne pour leur permettre d’obtenir réparation des violations qu’ils allèguent. Cependant, elle souligne qu’elle doit appliquer cette règle en tenant dûment compte du contexte, avec une certaine souplesse et sans formalisme excessif. Cela signifie notamment que la Cour doit analyser de manière réaliste, non seulement les recours prévus en théorie dans le système juridique de la Partie contractante concernée, mais également la situation personnelle des requérants (Selmouni c. France [GC], no 25803/94, § 77, CEDH 1999-V).
Dans le cas présent, la Cour note que le l’éloignement des requérants a eu lieu, en l’espace de quelques minutes (environ de 18h30 à 18h45 le 19 juillet 2001), dans un contexte de tension indéniable. La Cour exprime donc ses doutes sur la possibilité concrète des requérants d’utiliser, en l’espèce, la voie de l’action en référé (article 700 du code de procédure civile) indiquée par le gouvernement défendeur.
Compte tenu des ces considérations, la Cour ne saurait donc faire preuve d’un formalisme excessif : l’exception préliminaire du Gouvernement ne saurait donc être retenue.
b) Sur le bien-fondé des griefs
Selon le Gouvernement, l’article 10 de la Convention ne trouverait pas à s’appliquer en l’espèce, cette disposition ne protégeant pas le droit de proclamer ses opinions par des manifestations collectives dans la rue. L’ingérence dans le droit invoqué par les requérants ferait aussi défaut : loin d’interdire l’expression des idées politiques des requérants, les autorités ont simplement empêché que ceux-ci ne se rendent à Gênes, compte tenu de leur refus de décliner leur identité.
Les requérants contestent la thèse du Gouvernement et réitèrent leur grief.
Quant à l’article 11 de la Convention, le Gouvernement fait valoir que, sur la base des informations recueillies par les autorités de police des divers Etats concernés, les autorités avaient raison de soupçonner que les requérants étaient des éléments potentiellement dangereux qui aient pu se livrer à des actes de provocation ou de violence ou commettre des infractions. L’article en question protégeant la liberté de réunion « pacifique », il ne serait pas applicable en l’espèce.
De toute façon, le Gouvernement est de l’avis que l’ingérence dénoncée serait proportionnée au but de protéger la défense de la sécurité nationale et de l’ordre public, compte tenu de ce que, une fois arrivés à destination, les requérants auraient été soustraits à toute possibilité de contrôle efficace.
Les requérants soutiennent avoir voulu manifester pacifiquement et observent que l’ingérence dans leur liberté de réunion n’a pas été proportionnée, leur « dangerosité » n’ayant pas été prouvée.
La Cour estime d’emblée que cette partie de la requête doit être examinée uniquement sous l’angle de l’article 11 de la Convention, l’article 10 s’analysant en une lex generalis par rapport à l’article 11, lex specialis. En effet, la protection des opinions personnelles, assurée par l’article 10 de la Convention, compte parmi les objectifs de la liberté de réunion pacifique telle que la consacre l’article 11 de la Convention (Ezelin c. France, 26 avril 1991, §§ 35 et 37, série A no 202).
A supposer même que ce dernier article prévoie une obligation de l’Etat d’accueillir des étrangers pour qu’ils exercent sur son territoire leur liberté de réunion (voir, mutatis mutandis, Women On Waves et autres c. Portugal, no 31276/05, §§ 36-44, CEDH 2009-...), la Cour rappelle que, ainsi que le montre le libellé de l’article 11, la Convention ne protège que la liberté de « réunion pacifique ». Cette notion ne couvre pas les manifestations dont les organisateurs et participants ont des intentions violentes (voir, mutatis mutandis, Stankov et Organisation macédonienne unie Ilinden c. Bulgarie, nos 29221/95 et 29225/95, § 77, CEDH 2001-IX ; G. c. Allemagne, no 13079/87, décision de la Commission du 6 mars 1989, DR 60, p. 256, et Chrétiens contre le racisme et le fascisme c. Royaume-Uni, no 8440/78, 16 juillet 1980, DR 21, p. 138).
Quant à l’applicabilité de cet article dans le cas d’espèce, la Cour ne saurait tirer de l’indication de la D.I.G.O.S. attestant de la « dangerosité potentielle » du groupe dont les requérants faisaient partie la conclusion que, au delà de tout doute, chacun des quarante-six requérants, en participant au contre-sommet de Gênes, était animé, aux fins de l’article 11, par des intentions violentes. La Cour estime donc que l’article 11 trouve à s’appliquer en l’espèce.
Elle relève ensuite que l’éloignement des requérants a constitué, de toute évidence, une ingérence dans leur droit garanti par l’article 11. Cette ingérence était prévue par la loi, à savoir, l’article 6 du D.P.R. no 1656/1965 (prévoyant la possibilité de déroger aux dispositions concernant l’entrée de citoyens d’autres Pays de la C.E.E. dans le territoire italien) ainsi que la décision du Comité national de l’ordre et de la sécurité publique du 3 juillet 2001 (suspendant les accords de Schengen). La mesure litigieuse poursuivait en outre un objectif légitime consistant en l’éloignement du territoire italien d’individus ayant été considérés comme étant « potentiellement » dangereux pour la sécurité publique tel qu’il ressort de la note envoyée le 18 juillet 2001 par l’officier de police italienne de liaison à Athènes au service Interpol de la Direction centrale de la police criminelle italienne ainsi que par la note de la D.I.G.O.S. du jour suivant adressée aux forces de police italiennes.
Il reste donc à savoir si, dans les circonstances de l’espèce, l’ingérence en question a constitué une mesure qui peut être considérée comme étant nécessaire dans une société démocratique.
Quant à ce point, la Cour se réfère aux considérations énoncées dans le cadre de l’article 5 de la Convention en ce qui concerne l’objectif d’éloignement des requérants dans le cas d’espèce, à savoir la protection de la sécurité interne, ainsi qu’au fait que les requérants ont refusé deux fois (à environ 14h00 et 14h50) de présenter leurs pièces d’identité à la demande des forces de police.
Compte tenu des circonstances particulières de cette affaire et des mesures spéciales de sécurité requises en vue de garantir la sécurité de la manifestation, la Cour estime que l’éloignement des requérants n’apparaît pas disproportionné par rapport au but poursuivi, au sens de l’article 11 § 2 de la Convention (voir, mutatis mutandis, Bigliazzi c. Italie, requête no 29631/06, déc., 16 décembre 2008). Il en résulte que cette partie de la requête est manifestement mal fondée, conformément à l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
4. Invoquant l’article 13 de la Convention, les requérants se plaignent de ne pas avoir disposé d’un recours effectif pour dénoncer « les modalités de leur éloignement ». Cet article se lit ainsi :
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »
Le Gouvernement n’a pas présenté d’observations sur ce point.
Les requérants réitèrent leur grief.
La Cour rappelle que, d’après sa jurisprudence constante, l’article 13 s’applique uniquement lorsqu’une personne présente un « grief défendable » de violation d’un droit protégé par la Convention. Quant à savoir si tel ou tel grief est « défendable », il convient d’en juger à la lumière des circonstances particulières de l’espèce et de la nature des questions juridiques qui se posent (Boyle et Rice c. Royaume-Uni, 27 avril 1988, §§ 52 et 55, série A no 131). La défendabilité d’un grief est un critère distinct de son bien-fondé, et, en principe, aussi de sa recevabilité (Zavoloka c. Lettonie, no 58447/00, § 38, 7 juillet 2009).
La Cour note que les requérants se plaignent en l’espèce de ne pas avoir disposé d’un recours effectif pour dénoncer « les modalités de leur éloignement ». Elle rappelle ensuite que le grief fondé sur l’article 3 de la Convention est irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes. De l’avis de la Cour, les requérants n’ont, en l’espèce, aucun grief défendable au sens de l’article 13 de la Convention.
La Cour estime donc que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
5. Les requérants estiment que leur éloignement, les prétendus traitements inhumains subis et la privation de liberté dont ils allèguent avoir fait l’objet auraient été mis en place en raison de leurs « origines et convictions idéologiques ». Ils invoquent l’article 14 de la Convention qui est ainsi libellé :
« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la (...) Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »
Le Gouvernement, considérant qu’aucun des articles de la Convention et de ses Protocoles n’a été violé dans le cas d’espèce, estime que l’article 14 de la Convention ne trouve pas à s’appliquer. En tout état de cause, les requérants n’ont pas fait l’objet de discrimination, le fait qu’ils ont été refoulés étant lié à leur dangerosité et non pas à leur nationalité.
Les requérants n’ont pas présenté d’observations sur ce point.
La Cour note que ce grief est lié à ceux tirés des articles 3, 5, 10 et 11 de la Convention, déclarés irrecevables sur la base des motivations exposées ci-dessus.
Elle observe en outre avoir établi que, au sens de l’article 14 de la Convention, la discrimination découle du fait de traiter de manière différente, sauf justification objective et raisonnable, des personnes placées en une matière donnée dans des situations comparables (Willis c. Royaume-Uni, no 36042/97, § 48, CEDH 2002-IV, et Zarb Adami c. Malte, no 17209/02, § 71, CEDH 2006-VIII). Dans le cas d’espèce, la Cour note que les requérants se plaignent de manière abstraite des raisons qui auraient fondé les faits dénoncés, sans toutefois comparer leur situation à celle d’autres personnes. Par ailleurs, aucun élément du dossier ne permet d’étayer ce grief. La Cour estime en conséquence que cette partie de la requête doit être rejetée pour défaut manifeste de fondement en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
6. Invoquant l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention, les requérants se plaignent des dommages matériels subis lors de l’intervention de la police italienne et des frais de rapatriement. Les parties pertinentes de cet article disposent ce qui suit :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. (...)
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »
Le Gouvernement estime d’emblée que les requérants auraient pu entamer une action civile en dédommagement pour se plaindre des ces doléances. Il fait aussi valoir que les requérants n’ont fourni aucune preuve de leurs allégations et qu’ils auraient en tout cas dû payer leur voyage de retour.
Les requérants n’ont pas présenté d’observations sur ce point.
Avec le Gouvernement, la Cour reconnaît que les requérants n’ont pas fourni de preuves à l’appui de leurs griefs. En tout état de cause, la Cour renvoie aux considérations avancées dans le cadre de l’article 3 de la Convention en ce qui concerne l’épuisement des voies de recours internes et estime qu’une action en dédommagement constituait, dans le cas d’espèce, une voie de recours accessible et adéquate que les requérants ont omis d’épuiser. L’exception soulevée par le Gouvernement doit partant être accueillie et cette partie de la requête doit être rejetée pour non-épuisement des voies de recours internes, selon l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
7. Les requérants invoquent enfin l’article 4 du Protocole no 4 à la Convention, qui est libellé comme suit :
« Les expulsions collectives d’étrangers sont interdites. »
Le Gouvernement considère d’abord que cette disposition ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce : les faits litigieux n’auraient pas trait à une « expulsion » mais à un éloignement des requérants à la frontière, ces derniers, qui étaient en instance de pénétrer dans le territoire de l’Etat, ne s’y trouvaient pourtant pas encore. En tout état de cause, l’article 4 du Protocole no 4 à la Convention ne serait pas violé car les requérants, qui faisaient partie d’un groupe potentiellement dangereux, auraient volontairement regagné la Grèce après avoir refusé de décliner leur identité.
Les requérants font valoir que leur éloignement a constitué une expulsion collective, sans qu’aucune décision officielle et individuelle ne soit prise et leur soit communiquée. Ils affirment « ne jamais avoir refusé le contrôle de leurs pièces d’identité de la part de la police et avoir présenté leurs passeports en même temps que tous les autres membres de la mission grecque ». Les requérants observent enfin que leur expulsion a constitué un acte d’intimidation visant à empêcher la participation à la manifestation des ressortissants grecs, composant la mission étrangère la plus importante.
La Cour considère d’emblée qu’il faut entendre par expulsion collective, au sens de l’article 4 du Protocole no 4, toute mesure contraignant des étrangers, en tant que groupe, à quitter un pays, sauf dans les cas où une telle mesure est prise à l’issue et sur la base d’un examen raisonnable et objectif de la situation particulière de chacun des étrangers qui forment le groupe (Andric c. Suède (déc.), no 45917/99, 23 février 1999 et Čonka c. Belgique, no 51564/99, § 59, CEDH 2002-I).
La Cour relève ensuite qu’en l’espèce, les requérants dénoncent l’absence de toute décision individuelle prise à leur encontre en vu de leur éloignement.
Or, se référant aux considérations émises dans le cadre de l’examen des griefs tirés des articles 5 et 11 de la Convention, la Cour constate que, même en admettant que les requérants aient montré leurs pièces d’identité à la police dans un premier temps (c’est-à-dire, avant que les trois bus où ils se trouvaient fussent séparés du convoi et en même temps que l’autre millier de personnes faisant partie de leur Comité ), les manifestants du groupe dont les requérants faisaient partie n’ont toutefois pas fait de même lorsque deux demandes leur ont été adressées ultérieurement, à 14h00 et 14h50 environ le 19 juillet 2001. Les pièces litigieuses avaient été demandées en l’occurrence dans l’objectif de rédiger des mesures d’éloignement, au sens de l’article 6 du D.P.R. no 1656/1965, tel que requis par le ministère de l’Intérieur aux forces de police.
Dans ces circonstances, force est de constater que l’absence de toute décision individuelle d’éloignement à l’encontre des requérants ne peut en aucun cas être mise à la charge du gouvernement défendeur.
Cette partie de la requête doit donc être rejetée pour défaut manifeste de fondement, au sens de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
8. Lors de la communication de la présente requête au Gouvernement, le 23 septembre 2004, la Cour a soulevé d’office une question visant à connaître si l’atteinte alléguée aux droits garantis aux requérants par les articles 10, 11 et 14 de la Convention s’analysait en une restriction légitime à l’activité politique des étrangers, au sens de l’article 16 de la Convention. Cet article dispose ainsi :
« Aucune des dispositions des articles 10, 11 et 14 ne peut être considérée comme interdisant aux Hautes Parties contractantes d’imposer des restrictions à l’activité politique des étrangers. »
Le Gouvernement fait valoir que la disposition litigieuse ne trouve pas application en l’espèce, compte tenu de l’irrecevabilité des griefs tirés des articles 10 et 11 de la Convention. En tout état de cause, aucune loi nationale ne limite le droit de tout individu, italien ou étranger, de s’exprimer en matière politique, qu’il s’agisse de faire de la propagande, de s’inscrire à un parti ou de prendre part à une manifestation politique.
Les requérants observent que toute restriction éventuelle d’activités politiques exercées par des ressortissants de l’Union Européenne serait illégitime.
La Cour note que, par sa recommandation no 799 (1977) (discussions du 17 septembre 1976 et 25 janvier 1977), l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a demandé au Comité des Ministres de présenter des propositions tendant à exclure les restrictions, autorisées aux termes de l’article 16 de la Convention, à l’exercice par les étrangers des libertés garanties par les articles 10 et 11 de la Convention lorsqu’il s’agit d’activités politiques. Par décision du 28 avril 1981 (CM/Dél/Concl(81)333, Point 8), le Comité des Ministres estima qu’il n’était pas opportun de modifier l’article 16 de la Convention. Il indiqua toutefois que, dans le cadre du programme d’activités intergouvernementales, différents comités directeurs auraient continué à échanger des vues sur les problèmes relatifs à l’exercice des droits politiques des étrangers.
Se tournant vers le cas d’espèce, la Cour estime que, compte tenu des conclusions concernant les griefs tirés des articles 10 et 11 de la Convention (l’article 10 ayant été analysé sous l’angle de l’article 11 et ce dernier ayant été déclaré irrecevable), aucune question distincte ne se pose à l’égard de l’article 16 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à la majorité,
Déclare la requête irrecevable.
Stanley Naismith Françoise Tulkens   Greffier Présidente
LISTE DES REQUÉRANTS
1
DRITSAS
THEODOROS
2
ADAMOPOULOS
ANASTASIOS
3
AGELOPOULOU
ATHINA-ELEFTHERIA
4
ANAGNOSTOU
OLGA
5
ANTONAKI
HELECTRA
6
BELAVILAS
NIKOLAOS
7
FARMAKIS
KONSTANTINOS
8
FARMAKIS
TAXIARHIS
9
GEORGOPOULOS
KONSTANTINOS
10
GEROU
EKATERINI
11
GIANNOPOULOS
NIKOLAOS
12
GIANNOULI
CHRISTINA
13
HARISIS
CHRISOSTOMOS
14
HARITOPOULOS
IOANNIS
15
HATZIPETROS
MICHAEL
16
KAFKALETOS
ANASTASIOS
17
KAPLANI
ANASTASIA
18
KARAGIANNIS
DIMITRIOS
19
KATERGARI
MARIA
20
KATSAKOS
DIMITRIOS
21
KOLIMENOS
KOSTAS
22
KOMITOPOULOS
DIMISTRIOS
23
KOPANARAS
VASILEIOS
24
KORONAKIS
ANASTASIOS
25
KOUTSOTHEODORIS
LAMPROS
26
KOUTSOTHEODORIS
THEODOROS
27
KOYENIS
NIKOLAOS
28
LAMPROU
PANOS
29
LEONIDOU
VASILEIOS
30
MENEGAKIS
NIKOLAOS
31
NATHANAILIDOU
KONSTANTINA
32
NIKOLEAS
DIMITRIOS
33
PAPADOPOULOS
CHRISTOFOROS
34
PAPADOPOYLOY
ANASTASIA
35
PAPAGIANNAKOS
DIMITRIS
36
PAPAIOANNOU
KONSTANTINOS
37
PENDARAKI
MARIA
38
SAMPANIKOS
IOANNIS
39
STAYROPOULOU
VASILIKI
40
TSIMPOURI
CHRISTINA
41
TSIPRAS
ALEXIS
42
TSOUKNIDAS
VISSARION
43
TSOURAKIS
GEORGE
44
VAMVOURELLI
MARIA
45
VASILIOU
DIMISTRIOS
46
ZIAKA
CHRISTINA
DÉCISION DRITSAS ET AUTRES c. ITALIE
DÉCISION DRITSAS ET AUTRES c. ITALIE 


Synthèse
Formation : Cour (cinquième section)
Numéro d'arrêt : 2344/02
Date de la décision : 01/02/2011
Type d'affaire : Décision
Type de recours : Partiellement irrecevable

Analyses

(Art. 6) PROCEDURE PENALE, (Art. 6-1) PROCES EQUITABLE


Parties
Demandeurs : DRITSAS ET AUTRES
Défendeurs : ITALIE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2011-02-01;2344.02 ?

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