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05/04/2011 | CEDH | N°6130/09

CEDH | AFFAIRE PESMATZOGLOU ET PESMATZOGLOU-FITSIOULA c. GRECE


PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE PESMATZOGLOU ET PESMATZOGLOU-FITSIOULA c. GRÈCE
(Requête no 6130/09)
ARRÊT
STRASBOURG
5 avril 2011
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Pesmatzoglou et Pesmatzoglou-Fitsioula c. Grèce,
La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en un Comité composé de :
Anatoly Kovler, président,   Christos Rozakis,   George Nicolaou, juges,  et de André Wampach, greffier adjoint de section,
Après en avoir délibéré en chambre du co

nseil le 15 mars 2011,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  A l’origine de...

PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE PESMATZOGLOU ET PESMATZOGLOU-FITSIOULA c. GRÈCE
(Requête no 6130/09)
ARRÊT
STRASBOURG
5 avril 2011
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Pesmatzoglou et Pesmatzoglou-Fitsioula c. Grèce,
La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en un Comité composé de :
Anatoly Kovler, président,   Christos Rozakis,   George Nicolaou, juges,  et de André Wampach, greffier adjoint de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 15 mars 2011,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 6130/09) dirigée contre la République hellénique et dont deux ressortissants de cet Etat, M. Evaggelos Pesmatzoglou et Mme Amalia-Freideriki Pesmatzoglou-Fitsioula (« les requérants »), ont saisi la Cour le 9 janvier 2009 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2.  Les requérants ont été représentés par Mes A. Anagnostakis et A. Anagnostakis, avocats au barreau d’Athènes. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par les délégués de son agent, Mme G. Papadaki, assesseure auprès du Conseil juridique de l’Etat et Mme M. Germani, auditrice auprès du Conseil juridique de l’Etat.
3.  Le 19 mars 2010, la présidente de la première section a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. En application du Protocole no 14, la requête a été attribuée à un Comité.
EN FAIT
LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
4.  Les requérants sont nés respectivement en 1946 et 1943 et résident à Athènes. Ils sont mari et femme.
5.  Le 29 octobre 1987, les requérants saisirent le tribunal de grande instance d’Athènes d’une action contre deux personnes, vendeuse et acquéreuse respectivement d’un immeuble, pour lequel ils avaient signé un compromis de vente. Ils demandaient notamment l’annulation du contrat de vente à l’encontre de l’acquéreuse et le transfert de propriété à leur profit.
6.  Par jugement avant dire droit no 2571/1988, le tribunal ordonna un complément d’instruction. Après l’achèvement de cette procédure, l’audience eut lieu le 22 mai 1997. Le 30 novembre 1997, le tribunal accueillit partiellement l’action des requérants et ordonna à la vendeuse de leur transférer la propriété de l’immeuble litigieux lorsque le jugement serait devenu définitif (jugement no 8653/1997).
7.  Le 3 mars 1998, la partie adverse interjeta appel contre ce jugement. L’audience eut lieu, après un ajournement, le 11 mars 1999. Le 25 mai 1999, la cour d’appel d’Athènes rejeta l’appel (arrêt no 4486/1999).
8.  Le 19 décembre 2000, la partie adverse se pourvut en cassation. L’audience eut lieu le 27 mai 2002. Le 12 juin 2002, la première chambre de la Cour de cassation renvoya l’affaire devant la formation plénière de celle-ci (arrêt no 1409/2002). L’audience eut lieu le 21 novembre 2002.
9.  Le 21 janvier 2003, la formation plénière de la Cour de cassation cassa l’arrêt no 4486/1999 et renvoya l’affaire devant la cour d’appel composée différemment (arrêt no 6/2003). L’audience eut lieu le 1er avril 2004.
10.  Le 3 juin 2004, la cour d’appel d’Athènes infirma le jugement no 8653/1997 du tribunal de grande instance et rejeta l’action des requérants (arrêt no 3823/2004).
11.  Le 24 août 2004, les requérants se pourvurent en cassation. L’audience eut lieu le 5 novembre 2007. Le 27 juin 2008, la première chambre de la Cour de cassation cassa l’arrêt no 3823/2004 et renvoya l’affaire devant la cour d’appel composée différemment (arrêt no 1493/2008). L’audience fut fixée au 28 mai 2009.
12.  Le 29 octobre 2009, la cour d’appel rejeta l’appel de la partie adverse des requérants (arrêt no 6130/2009).
EN DROIT
I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
13.  Les requérants allèguent que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
14.  Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.
15.  La période à considérer a débuté le 29 octobre 1987, avec la saisine du tribunal de grande instance d’Athènes par les requérants et s’est terminée le 29 octobre 2009, avec l’arrêt no 6130/2009 de la cour d’appel d’Athènes statuant sur renvoi. Elle a donc duré vingt-deux ans pour six instances.
A.  Sur la recevabilité
16.  La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Elle relève en outre qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B.  Sur le fond
17.  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement des requérants et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII
18.  La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d’espèce et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir Frydlender précité).
19.  En l’espèce, la Cour note que la procédure devant le tribunal de grande instance d’Athènes a duré dix ans environ, soit du 29 octobre 1987 au 30 novembre 1997. La procédure relative au deuxième pourvoi en cassation a duré quatre ans environ, soit du 24 août 2004 au 27 juin 2008. Sur une période totale de vingt-deux ans, il a donc fallu quatorze ans pour seulement deux instances pour une affaire portant sur l’annulation d’un contrat de vente d’un immeuble. Le Gouvernement ne fournit aucune explication pertinente pour ces délais.
20.  Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu’en l’espèce la durée de la procédure litigieuse est excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».
Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1.
II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION
21.  Les requérants se plaignent également du fait qu’en Grèce il n’existe aucune juridiction à laquelle l’on puisse s’adresser pour se plaindre de la durée excessive de la procédure. Ils invoquent l’article 13 de la Convention.
22.  La Cour relève que ce grief est lié à celui examiné ci-dessus et doit donc aussi être déclaré recevable.
23.  La Cour rappelle que l’article 13 garantit un recours effectif devant une instance nationale permettant de se plaindre d’une méconnaissance de l’obligation, imposée par l’article 6 § 1, d’entendre les causes dans un délai raisonnable (voir Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 156, CEDH 2000-XI).
24.  Par ailleurs, la Cour a déjà eu l’occasion de constater que l’ordre juridique hellénique n’offre pas aux intéressés un recours effectif au sens de l’article 13 de la Convention leur permettant de se plaindre de la durée d’une procédure (Konti-Arvaniti c. Grèce, no 53401/99, §§ 29-30, 10 avril 2003, Tsoukalas c. Grèce, no 12286/08, §§ 37-43, 22 juillet 2010). La Cour n’aperçoit aucune raison de s’écarter de cette jurisprudence en l’espèce.
25.  Dès lors, la Cour estime qu’en l’espèce, il y a eu violation de l’article 13 de la Convention en raison de l’absence en droit interne d’un recours qui aurait permis aux requérants d’obtenir la sanction de leur droit à voir leur cause entendue dans un délai raisonnable, au sens de l’article 6 § 1 de la Convention.
III.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
26.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A.  Dommage
27.  Les requérants réclament 15 000 euros (EUR) chacun au titre du préjudice moral qu’ils auraient subi.
28.   Le Gouvernement conteste ces prétentions.
29.  La Cour estime qu’il y a lieu d’octroyer conjointement aux requérants 24 000 EUR au titre du préjudice moral, plus tout montant pouvant être dû par eux à titre d’impôt.
B.  Frais et dépens
30.  Les requérants n’ont présenté aucune demande au titre des frais et dépens. Partant, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu de leur octroyer de somme à ce titre.
C.  Intérêts moratoires
31.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR À L’UNANIMITÉ,
1.  Déclare la requête recevable ;
2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;
3.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 13 de la Convention ;
4.  Dit
a)  que l’Etat défendeur doit verser aux requérants, dans les trois mois, 24 000 EUR (vingt-quatre mille euros), pour dommage moral, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt ;
b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
5.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 5 avril 2011, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
André Wampach Anatoly Kovler   Greffier adjoint Président
ARRÊT PESMATZOGLOU ET PESMATZOGLOU-FITSIOULA c. GRÈCE
ARRÊT PESMATZOGLOU ET PESMATZOGLOU-FITSIOULA c. GRÈCE 


Synthèse
Formation : Cour (première section comité)
Numéro d'arrêt : 6130/09
Date de la décision : 05/04/2011
Type d'affaire : Arrêt (au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Violation de l'art. 6-1 ; Violation de l'art. 13

Analyses

(Art. 10-1) LIBERTE D'EXPRESSION, (Art. 10-1) LIBERTE DE COMMUNIQUER DES INFORMATIONS, (Art. 10-2) GARANTIES CONTRE LES ABUS, (Art. 10-2) NECESSAIRE DANS UNE SOCIETE DEMOCRATIQUE, (Art. 10-2) PREVISIBILITE, (Art. 10-2) PREVUE PAR LA LOI, (Art. 35-1) EPUISEMENT DES VOIES DE RECOURS INTERNES, (Art. 6) PROCEDURE CIVILE


Parties
Demandeurs : PESMATZOGLOU ET PESMATZOGLOU-FITSIOULA
Défendeurs : GRECE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2011-04-05;6130.09 ?

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