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17/04/2012 | CEDH | N°3463/09

CEDH | AFFAIRE PETRIDOU-KATAKALIDOU c. GRECE


PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE PETRIDOU-KATAKALIDOU c. GRÈCE
(Requête no 3463/09)
ARRÊT
STRASBOURG
17 avril 2012
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Petridou-Katakalidou c. Grèce,
La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en un Comité composé de :
Anatoly Kovler, président,   Linos-Alexandre Sicilianos,   Erik Møse, juges,  et de André Wampach, greffier adjoint de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 27 mars 2012,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  A l’origine de l’affaire se trouve une re...

PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE PETRIDOU-KATAKALIDOU c. GRÈCE
(Requête no 3463/09)
ARRÊT
STRASBOURG
17 avril 2012
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Petridou-Katakalidou c. Grèce,
La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en un Comité composé de :
Anatoly Kovler, président,   Linos-Alexandre Sicilianos,   Erik Møse, juges,  et de André Wampach, greffier adjoint de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 27 mars 2012,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 3463/09) dirigée contre la République hellénique et dont une ressortissante de cet Etat, Mme Odetti Petridou-Katakalidou (« la requérante »), a saisi la Cour le 11 décembre 2008 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2.  La requérante est représentée par Me T. Tridimas, avocat à Londres. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par les délégués de son agent, Mme G. Papadaki, assesseure auprès du Conseil juridique de l’Etat et Mme R. Chatzipavlou, auditrice auprès du Conseil juridique de l’Etat.
3.  Le 4 mai 2010, la requête a été communiquée au Gouvernement.
EN FAIT
LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
4.  La requérante est née en 1939 et réside à Kavala. Elle est la présidente du conseil d’administration d’une société anonyme spécialisée dans la production et la vente de tabac.
5.  Les 2 avril et 1er juin 2001, saisi de deux plaintes pénales déposées par une banque, le procureur engagea des poursuites pénales contre la requérante pour émission de chèques sans provision. La banque se constitua partie civile.
6.  Le 21 juin 2002, le tribunal correctionnel de Kavala déclara la requérante coupable et la condamna à une peine de quatre ans d’emprisonnement et une amende de 3 000 euros. Le tribunal décida que l’appel de la requérante aurait un effet suspensif (jugement no 2278/2005). Le même jour, la requérante interjeta appel.
7.  Le 20 octobre 2005, la cour d’appel de Kavala réduisit la peine infligée à la requérante à dix-huit mois d’emprisonnement convertible en une amende (arrêt no 2452/2005).
8.  Le 9 décembre 2005, la requérante se pourvut en cassation. Elle réitéra l’argument qu’elle avait soulevé tout au long de la procédure, selon lequel la constitution de partie civile devait être déclarée irrecevable, au motif que la banque n’était pas le dernier porteur des chèques litigieux. Dès lors, elle soutint que les poursuites pénales à son encontre auraient dû être abandonnées, puisque l’émission de chèques sans provision est un délit poursuivi sur plainte uniquement. Elle affirmait enfin que la banque était au courant du défaut de provision et qu’elle l’avait poussée à émettre les chèques litigieux car elle voulait garantir ses créances et créer ainsi une responsabilité pénale dans son chef.
9.  Le 12 juin 2008, la Cour de cassation nota que le dernier porteur des chèques était en effet la banque, à travers l’un de ses employés qui était chargé de les encaisser. Par conséquent, la banque était autorisée à se constituer partie civile à la procédure. Par la suite, la Cour de cassation considéra que l’arrêt attaqué était amplement motivé et rejeta le pourvoi comme infondé (arrêt no 1562/2008). Cet arrêt fut mis au net et certifié conforme le 29 juin 2008.
EN DROIT
I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION AU REGARD DE LA DURÉE DE LA PROCÉDURE
10.  La requérante allègue que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »
11.  Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.
12.  La période à considérer a débuté le 2 avril 2001, avec les poursuites pénales engagées contre la requérante et s’est terminée le 29 juin 2008, avec la mise au net de l’arrêt no 1562/2008 de la Cour de cassation. Elle a donc duré sept ans et deux mois environ pour trois degrés de juridiction.
A.  Sur la recevabilité
13.  La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 (a) de la Convention. Elle relève en outre qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B.  Sur le fond
14.  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par la jurisprudence de la Cour, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes (voir, parmi beaucoup d’autres, Pélissier et Sassi c. France [GC], no 25444/94, § 67, CEDH 1999-II).
15.  La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d’espèce et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir Pélissier et Sassi précité).
16.  Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n’a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu’en l’espèce la durée de la procédure litigieuse est excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».
Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1.
II.  SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES
17.  Invoquant l’article 6 §§ 1 et 3 de la Convention, la requérante se plaint que son procès n’a pas été équitable, en dénonçant notamment le fait que les juridictions saisies ont accepté que le dernier porteur des chèques litigieux avait été mandaté par la banque, sans pour autant donner de motifs adéquats. Elle y voit une violation de son droit d’accès à un tribunal, du principe de l’égalité des armes et des droits de la défense. Invoquant l’article 6 § 2 de la Convention, la requérante se plaint également qu’elle a été condamnée en violation du principe de la présomption d’innocence. Elle se plaint notamment que les juridictions saisies ont refusé de prendre en considération son argument que les chèques litigieux avaient été émis à titre de garantie et non à titre de paiement. Invoquant l’article 7 de la Convention, la requérante se plaint enfin que la jurisprudence des tribunaux grecs ne fait pas de distinction entre l’émission de chèques sans provision à titre de garantie et à titre de paiement.
18.  La Cour considère qu’à travers les griefs soulevés au titre de l’article 6, la requérante conteste en réalité la manière dont les juridictions internes ont statué dans son cas. La Cour rappelle à cet égard qu’aux termes de l’article 19 de la Convention, elle a pour tâche d’assurer le respect des engagements résultant de la Convention par les Parties contractantes. En particulier, il ne lui appartient pas de connaître des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par une juridiction interne, sauf si et dans la mesure où elles pourraient avoir porté atteinte aux droits et libertés sauvegardés par la Convention (voir, García Ruiz c. Espagne [GC], nº 30544/96, § 28, CEDH 1999-I).
19.  En l’occurrence, la Cour ne décèle aucun indice d’arbitraire dans la façon dont les juridictions pénales ont interprété le droit interne et ont traité l’affaire en cause.
20.  S’agissant du grief tiré de l’article 7 de la Convention, la Cour note qu’à supposer même que la requérante l’ait soulevé devant les juridictions internes, celui-ci ne laisse apparaître aucune apparence de violation de la disposition invoquée.
21.  Il s’ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
III.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
22.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A.  Dommage
23.  La requérante réclame 400 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’elle aurait subi en raison de la prétendue iniquité de la procédure. Elle réclame en outre 20 000 EUR au titre du dommage moral relatif à la durée excessive de la procédure.
24.  Le Gouvernement invite la Cour à écarter la première demande de la requérante. Quant à sa seconde demande, il affirme que la somme réclamée est excessive. A titre alternatif, il note que la somme allouée à ce titre ne saurait dépasser 3 500 EUR.
25.  La Cour rappelle qu’elle a constaté une violation de l’article 6 de la Convention seulement au regard de la durée de la procédure. Partant, elle estime qu’il y a lieu d’octroyer à la requérante 2 000 EUR au titre du préjudice moral, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt.
B.  Frais et dépens
26.  La requérante demande 4 761,52 EUR pour les frais et dépens engagés devant les juridictions internes. Cette somme correspond à l’amende pécuniaire imposée à la requérante. Elle sollicite également 17 500 EUR pour les frais et dépens engagés devant la Cour.
27.  Le Gouvernement invite la Cour à écarter la première demande de la requérante. S’agissant des frais et dépens engagés devant la Cour, le Gouvernement conteste la somme sollicitée et souligne que la requérante ne produit pas des justificatifs suffisants. A titre alternatif, il note que la somme allouée à ce titre ne saurait dépasser 500 EUR.
28.  La Cour rappelle qu’elle a constaté une violation de l’article 6 § 1 en raison du seul dépassement du délai raisonnable de la procédure. Elle note en outre que l’allocation de frais et dépens au titre de l’article 41 présuppose que se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et, de plus, le caractère raisonnable de leur taux (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 54, CEDH 2000-XI). En l’espèce et compte tenu des documents en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour accorde à la requérante 500 EUR à cet égard, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par elle sur cette somme.
C.  Intérêts moratoires
29.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR À L’UNANIMITÉ,
1.  Déclare la requête recevable quant au grief tiré de la durée excessive de la procédure et irrecevable pour le surplus ;
2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;
3.  Dit
a)  que l’Etat défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois, les sommes suivantes :
i)  2 000 EUR (deux mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;
iii)  500 EUR (cinq cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par la requérante, pour frais et dépens ;
b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 17 avril 2012, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
André Wampach Anatoly Kovler   Greffier adjoint Président
ARRÊT PETRIDOU-KATAKALIDOU c. GRÈCE
ARRÊT PETRIDOU-KATAKALIDOU c. GRÈCE 


Type d'affaire : Arrêt (au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Violation de l'article 6 - Droit à un procès équitable (Article 6 - Procédure pénale ; Article 6-1 - Délai raisonnable)

Analyses

(Art. 6) DROIT A UN PROCES EQUITABLE, (Art. 6) PROCEDURE PENALE


Parties
Demandeurs : PETRIDOU-KATAKALIDOU
Défendeurs : GRECE

Références :

Origine de la décision
Formation : Cour (première section comité)
Date de la décision : 17/04/2012
Date de l'import : 21/06/2012

Fonds documentaire ?: HUDOC


Numérotation
Numéro d'arrêt : 3463/09
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2012-04-17;3463.09 ?

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