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17/04/2012 | CEDH | N°45602/09

CEDH | AFFAIRE MITRELIS c. GRÈCE


PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE MITRELIS c. GRÈCE
(Requête no 45602/09)
ARRÊT
STRASBOURG
17 avril 2012
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Mitrelis c. Grèce,
La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en un Comité composé de :
Anatoly Kovler, président,   Linos-Alexandre Sicilianos,   Erik Møse, juges,  et de André Wampach, greffier adjoint de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 27 mars 2012,
Rend l’arrêt que v

oici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 45602/09) dir...

PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE MITRELIS c. GRÈCE
(Requête no 45602/09)
ARRÊT
STRASBOURG
17 avril 2012
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Mitrelis c. Grèce,
La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en un Comité composé de :
Anatoly Kovler, président,   Linos-Alexandre Sicilianos,   Erik Møse, juges,  et de André Wampach, greffier adjoint de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 27 mars 2012,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 45602/09) dirigée contre la République hellénique et dont un ressortissant de cet Etat, M. Konstantinos Mitrelis (« le requérant »), a saisi la Cour le 3 août 2009 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2.  Le requérant est représenté par Me V. Chirdaris, avocat au barreau d’Athènes. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») est représenté par les délégués de son agent, M. I. Bakopoulos et Mme G. Kotta, auditeurs auprès du Conseil juridique de l’Etat.
3.  Le 3 novembre 2010, la requête a été communiquée au Gouvernement.
EN FAIT
LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
4.  Le requérant, notaire de profession, est né en 1925 et réside à Athènes.
5.  Le 15 mai 2000, il fut cité à comparaître devant le juge d’instruction près le tribunal correctionnel d’Athènes afin de répondre des accusations de complicité à une tentative de fraude contre l’Etat, infraction qualifiée de crime.
6.  Le 24 mai 2001, la chambre d’accusation de la cour d’appel d’Athènes le renvoya en jugement devant la cour d’assises d’Athènes.
7.  L’audience, qui débuta le 31 octobre 2005, fut interrompue et ajournée à dix reprises. Le 5 décembre 2005, la cour d’assises condamna le requérant à une peine de réclusion de sept ans (arrêt no 3491, 3582/2005). Le même jour, le requérant interjeta appel.
8.  L’audience devant la cour d’appel d’Athènes débuta le 11 février 2009, mais fut interrompue et ajournée aux 12, 13 et 19 février 2009. A cette dernière date, la cour d’appel acquitta le requérant (arrêt no 549/2009). L’arrêt devint irrévocable.
EN DROIT
I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
9.  Le requérant allègue que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »
10.  Le Gouvernement n’a pas soumis d’observations.
11.  La période à considérer a débuté le 15 mai 2000 avec la comparution du requérant devant le juge d’instruction et s’est terminée le 19 février 2009 avec l’arrêt no 549/2009 de la cour d’appel d’Athènes. Elle a donc duré huit ans et neuf mois environ pour deux degrés de juridiction.
A.  Sur la recevabilité
12.  La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 (a) de la Convention. Elle relève en outre qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B.  Sur le fond
13.  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par la jurisprudence de la Cour, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes (voir, parmi beaucoup d’autres, Pélissier et Sassi c. France [GC], no 25444/94, § 67, CEDH 1999-II)
14.  La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d’espèce et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir Pélissier et Sassi précité).
15.  Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu’en l’espèce la durée de la procédure litigieuse est excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».
Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1.
II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION
16.  Le requérant se plaint également du fait qu’en Grèce il n’existe aucun recours effectif pour se plaindre de la durée excessive de la procédure. Il invoque l’article 13 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »
A.  Sur la recevabilité
17.  La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. La Cour relève par ailleurs que celui-ci ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B.  Sur le fond
18.  La Cour rappelle que l’article 13 garantit un recours effectif devant une instance nationale permettant de se plaindre d’une méconnaissance de l’obligation, imposée par l’article 6 § 1, d’entendre les causes dans un délai raisonnable (voir Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 156, CEDH 2000-XI).
19.  Par ailleurs, la Cour a déjà eu l’occasion de constater que l’ordre juridique hellénique n’offre pas aux intéressés un recours effectif au sens de l’article 13 de la Convention leur permettant de se plaindre de la durée d’une procédure pénale (voir mutatis mutandis, Konti-Arvaniti c. Grèce, no 53401/99, §§ 29-30, 10 avril 2003 et Tsoukalas c. Grèce, no 12286/08, §§ 37-43, 22 juillet 2010). La Cour ne distingue en l’espèce aucune raison de s’écarter de cette jurisprudence, d’autant plus que le Gouvernement n’affirme pas que l’ordre juridique hellénique fût entre-temps doté d’une telle voie de recours.
20.  Dès lors, la Cour estime qu’en l’espèce il y a eu violation de l’article 13 de la Convention en raison de l’absence en droit interne d’un recours qui aurait permis au requérant d’obtenir la sanction de son droit à voir sa cause entendue dans un délai raisonnable, au sens de l’article 6 § 1 de la Convention.
III.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
21.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A.  Dommage
22.  Le requérant réclame 20 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’il aurait subi.
23.   Le Gouvernement estime que la somme réclamée est excessive et qu’un constat de violation constituerait une satisfaction équitable suffisante.
24.  La Cour estime qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 4 000 EUR au titre du préjudice moral, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt.
B.  Frais et dépens
25.  Le requérant n’a présenté aucune demande au titre des frais et dépens. Partant, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu de lui octroyer de somme à ce titre.
C.  Intérêts moratoires
26.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR À L’UNANIMITÉ,
1.  Déclare la requête recevable ;
2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;
3.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 13 de la Convention ;
4.  Dit
a)  que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois,  4 000 EUR (quatre mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;
b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
5.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 17 avril 2012, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
André Wampach Anatoly Kovler   Greffier adjoint Président
ARRÊT MITRELIS c. GRÈCE
ARRÊT MITRELIS c. GRÈCE 


Type d'affaire : Arrêt (au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Violation de l'article 6 - Droit à un procès équitable (Article 6 - Procédure pénale ; Article 6-1 - Délai raisonnable) ; Violation de l'article 13 - Droit à un recours effectif (Article 13 - Recours effectif)

Analyses

(Art. 13) DROIT A UN RECOURS EFFECTIF, (Art. 13) RECOURS EFFECTIF, (Art. 6) DROIT A UN PROCES EQUITABLE, (Art. 6) PROCEDURE PENALE


Parties
Demandeurs : MITRELIS
Défendeurs : GRÈCE

Références :

Origine de la décision
Formation : Cour (première section comité)
Date de la décision : 17/04/2012
Date de l'import : 21/06/2012

Fonds documentaire ?: HUDOC


Numérotation
Numéro d'arrêt : 45602/09
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2012-04-17;45602.09 ?

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