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31/05/2012 | CEDH | N°001-111134

CEDH | AFFAIRE LAZAR c. ROUMANIE


TROISIÈME SECTION
AFFAIRE LAZAR c. ROUMANIE
(Requête no 23395/05)
ARRÊT
STRASBOURG
31 mai 2012
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Lazăr c. Roumanie,
La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en un comité composé de :
Egbert Myjer, président,
Luis López Guerra,
Kristina Pardalos, juges,et de Marialena Tsirli, greffière adjointe de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 10 mai 2012,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDUR

E
1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 23395/05) dirigée contre la Roumanie et dont un ressortissan...

TROISIÈME SECTION
AFFAIRE LAZAR c. ROUMANIE
(Requête no 23395/05)
ARRÊT
STRASBOURG
31 mai 2012
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Lazăr c. Roumanie,
La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en un comité composé de :
Egbert Myjer, président,
Luis López Guerra,
Kristina Pardalos, juges,et de Marialena Tsirli, greffière adjointe de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 10 mai 2012,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 23395/05) dirigée contre la Roumanie et dont un ressortissant de cet Etat, M. Andrei Lazăr (« le requérant »), a saisi la Cour le 21 juin 2005 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Le requérant est représenté par Me T. Barbacioru, avocat à Bucarest. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, Răzvan-Horaţiu Radu, du ministère des Affaires étrangères.
3. Le 3 janvier 2008, la requête a été communiquée au Gouvernement. Comme le permet l’article 29 § 1 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.
4. Suite à l’entrée en vigueur du Protocole no 14, la présente requête a été attribuée à un comité de trois juges.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
5. Le requérant est né en 1974 et réside à Bucarest.
6. Le 20 juin 2003, le requérant fut arrêté sous l’accusation d’appartenir à un réseau international de trafic de drogues. Le procureur délivra un mandat de détention provisoire valable trente jours qui précisait qu’entre 2000 et 2003, le requérant avait facilité le transport sur le territoire roumain de diverses quantités de drogues. Le procureur estima que le requérant présentait un danger pour l’ordre public et qu’il y avait un risque qu’il commît d’autres infractions.
7. L’enquête visait également vingt-cinq autres personnes, dont quinze furent arrêtées, les autres étant poursuivis par contumace.
8. Le 23 juin 2003, le tribunal départemental de Bucarest confirma la légalité du placement en détention provisoire du requérant.
9. Les 15 juillet, 4 et 28 septembre 2003, le tribunal départemental prolongea la détention provisoire des seize accusés détenus au motif qu’il y avait des indices de culpabilité, que les peines encourues étaient supérieures à quatre ans, que leur remise en liberté présentait un danger pour l’ordre public et que l’instruction du dossier n’était pas terminée.
10. Par un réquisitoire du 25 septembre 2003, le requérant et les quinze autres personnes en détention furent renvoyés en justice devant le tribunal départemental de Bucarest du chef d’accusation principal de trafic international de drogues. Le parquet ordonna également la disjonction d’instance à l’égard des accusés poursuivis par contumace.
11. Le 23 octobre 2003, eut lieu la première audience sur le fond devant le tribunal départemental. Ce dernier contrôla la légalité du maintien en détention des inculpés et jugea que la poursuite de la détention était nécessaire dès lors qu’il existait des indices de culpabilité et que leur mise en liberté pouvait entraver les poursuites. Il ajouta que la nature des infractions, le grand nombre des participants et le fait qu’ils avaient agi en réseau, démontraient le danger pour l’ordre public de leur mise en liberté.
12. La détention provisoire de tous les inculpés fut par la suite prolongée par le tribunal, les 20 novembre 2003, 15 janvier, 11 mars, 7 mai, 14 juin, 4 août, 30 septembre, 14 octobre, 24 novembre 2004, 19 janvier, 14 mars et 21 avril 2005. Le tribunal jugea chaque fois que le maintien de la détention provisoire était justifié tant que les motifs à l’origine de la mesure subsistaient.
13. Le requérant forma des pourvois contre plusieurs de ces jugements. Il dénonça notamment la durée de la détention provisoire et argua que rien ne justifiait sa prolongation. La cour d’appel de Bucarest rejeta les pourvois par des arrêts des 6 octobre et 9 décembre 2004, 4 février, 4 et 28 avril 2005.
14. Le 15 juin 2005, le tribunal ordonna la libération de l’ensemble des inculpés au motif que l’instruction du dossier était presque terminée et que les preuves de l’accusation avaient déjà été administrées. Analysant la situation personnelle des inculpés, le tribunal constata que certains était âgés et malades et que d’autres, dont le requérant, avaient des enfants en bas âge qui avaient besoin de leur soutien moral et matériel.
15. Enfin, compte tenu de la durée de la détention, le tribunal estima que la libération des inculpés ne représentait plus un danger pour l’ordre public et leur imposa l’obligation de ne pas quitter le pays au cours de la procédure.
16. Le parquet ayant formé un pourvoi, le requérant demeura en détention. Par un arrêt du 17 juin 2005, la cour d’appel de Bucarest accueillit le pourvoi. Elle jugea qu’au regard de la complexité du dossier et du nombre d’inculpés, le délai raisonnable de la détention n’avait pas été dépassé. Quant aux circonstances spécifiques à chaque inculpé, la cour d’appel considéra que ces éléments avaient été pris en considération lors du placement en détention et que, par conséquent, ils n’étaient pas pertinents pour l’examen de l’opportunité de la prolongation de la mesure.
17. Enfin, s’agissant au danger pour l’ordre public, la cour d’appel estima que nonobstant le passage du temps, celui-ci demeurait tant que les motifs qui avaient justifiés le placement en détention subsistaient.
18. Par un jugement du 4 octobre 2005, le requérant fut condamné à une peine de huit ans de prison pour trafic international de drogues, assortie de la peine accessoire d’interdiction pendant la détention des droits parentaux et électoraux. Le tribunal retint comme circonstance atténuante le fait que durant l’enquête, le requérant avait coopéré avec les enquêteurs permettant ainsi l’identification d’autres personnes qui avaient participé au trafic. Le tribunal ordonna également la mise sous séquestre d’un immeuble appartenant au requérant.
19. Les autres inculpés, à l’exception de trois personnes qui furent acquittées, furent condamnés à des peines de prison de six à vingt et un ans.
20. L’appel du requérant fut accueilli partiellement par la cour d’appel de Bucarest qui, par un arrêt du 7 juin 2006, annula le séquestre de l’immeuble.
21. Le pourvoi du requérant fut accueilli partiellement par un arrêt définitif du 14 juin 2007 de la Haute Cour de cassation et de Justice qui limita la peine accessoire aux seuls droits électoraux.
II. LE DROIT INTERNE PERTINENT
22. Les dispositions pertinentes de la Constitution et du code de procédure pénale tel qu’en vigueur à l’époque des faits sont décrites dans les affaires Konolos c. Roumanie, (no 26600/02, 7 février 2008, §§ 19 et 24), Samoila et Cionca c. Roumanie (no 33065/03, 4 mars 2008, §§ 36-40) et Calmanovici c. Roumanie, (no 42250/02, § 40, 1 juillet 2008).
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 3 DE LA CONVENTION
23. Invoquant l’article 5 § 3 de la Convention, le requérant se plaint de la durée de sa détention provisoire et du défaut de justification du maintien de cette mesure par les tribunaux internes, en méconnaissance de l’article 5 § 3 de la Convention, ainsi libellé dans sa partie pertinente :
« Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1 c) du présent article (...) a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l’intéressé à l’audience. »
A. Sur la recevabilité
24. La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Elle relève par ailleurs qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B. Sur le fond
1. Arguments des parties
25. Le requérant souligne qu’il a été maintenu en détention provisoire pendant plus de deux ans et estime que cette période était excessive. Il conteste la motivation du tribunal départemental qui aurait utilisé des motifs d’ordre général, comme la complexité du dossier ou le nombre d’inculpés, sans faire de distinction quant à leur situation personnelle.
26. Le Gouvernement s’oppose à cette thèse et estime que la durée de la détention provisoire n’était pas déraisonnable.
27. Il souligne le caractère extrêmement complexe de l’affaire, attesté par le type et la gravité des faits reprochés aux inculpés, l’ampleur des investigations effectuées et le nombre d’inculpés. Selon lui, les juridictions nationales ont justifié régulièrement avec des motifs pertinents et suffisants la nécessité de prolonger la détention provisoire.
28. Pour ce qui est de la manière dont les autorités nationales ont mené l’enquête, le Gouvernement note que les autorités judiciaires ont fait preuve de diligence, en procédant à l’administration de nombreuses preuves et à l’audition d’un nombre important de témoins. Selon lui, l’absence à certaines audiences de plusieurs inculpés, de leurs avocats et des témoins a contribué au prolongement de cette période, mais les autorités internes auraient fait preuve de diligence dans la conduite de la procédure.
2. Appréciation de la Cour
a) La période à prendre en considération
29. La Cour rappelle que la période couverte par l’article 5 §§ 1 c) et 3 de la Convention prend fin à la date où il est statué sur le bien‑fondé de l’accusation portée contre l’intéressé, fût-ce seulement en première instance (Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 104, CEDH 2000‑XI) et Svipsta c. Lettonie, no 66820/01, § 107, CEDH 2006‑III (extraits)). La Cour relève d’emblée que, dans la présente affaire, la période visée par l’article 5 § 3 a commencé le 20 juin 2003, date de l’arrestation du requérant, et a pris fin le 4 octobre 2005, date de sa condamnation en première instance. Cette période a donc duré deux ans, trois mois et deux semaines. La Cour estime que ce délai est suffisamment long pour pouvoir poser problème sous l’angle de l’article 5 § 3.
b) La justification de la détention provisoire
30. La Cour renvoie aux principes fondamentaux se dégageant de sa jurisprudence et déterminant le caractère raisonnable d’une détention, au sens de l’article 5 § 3 de la Convention (voir, mutatis mutandis, Calmanovici, §§ 90-94).
31. En particulier, la Cour a développé quatre raisons fondamentales acceptables pour la détention provisoire d’un accusé suspecté d’avoir commis une infraction : le danger de fuite de l’accusé (Stögmuller c. Autriche, arrêt du 10 novembre 1969, série A no 9, § 15) ; le risque que l’accusé, une fois remis en liberté, n’entrave l’administration de la justice (Wemhoff c. Allemagne, arrêt du 27 juin 1968, série A no 7, § 14), ne commette de nouvelles infractions (Matzenetter c. Autriche, arrêt du 10 novembre 1969, série A no 10, § 9) ou ne trouble l’ordre public (Letellier c. France, arrêt du 26 juin 1991, série A no 207, § 51 et Hendriks c. Pays‑Bas (déc.), no 43701/04, 5 juillet 2007).
32. La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une détention ne se prête pas à une évaluation abstraite (Patsouria c. Georgie, no 30779/04, § 62, 6 novembre 2007) et qu’il doit être examiné dans chaque cas en tenant compte des conditions concrètes. La poursuite de la détention ne se justifie donc dans une espèce donnée que si des indices concrets révèlent une véritable exigence d’intérêt public prévalant, nonobstant la présomption d’innocence, sur la règle du respect de la liberté individuelle (Smirnova c. Russie, nos 46133/99 et 48183/99, § 61, CEDH 2003‑IX (extraits)).
33. La Cour note qu’en l’occurrence les juridictions nationales ont prolongé périodiquement la détention provisoire du requérant. Cependant, elle remarque le caractère succinct et abstrait de la motivation de ces jugements, qui se bornaient à mentionner certains critères prévus par le code de procédure pénale mais omettaient de spécifier comment ces critères entraient en jeu dans le cas du requérant (voir, mutatis mutandis, Calmanovici précité, §§ 97-98). La Cour constate également que les tribunaux ont maintenu la détention par des formules similaires, pour ne pas dire stéréotypées, répétant au fil du temps les mêmes critères (voir, mutatis mutandis, Mihuţă c. Roumanie, no 13275/03, § 28, 31 mars 2009 et Tiron c. Roumanie, no 17689/03, § 39, 7 avril 2009).
34. La Cour reconnaît que, par leur gravité particulière et par la réaction du public à leur accomplissement, les infractions dont était accusé le requérant pouvaient susciter un trouble social de nature à justifier une détention provisoire, au moins pendant un temps. Toutefois, elle note qu’un tel danger décroît nécessairement avec le temps et que, dès lors, les autorités judiciaires doivent présenter des motivations encore plus spécifiques pour justifier la persistance des raisons de la détention (I.A. c. France, 23 septembre 1998, § 104-105, Recueil des arrêts et décisions 1998‑VII).
35. La Cour constate qu’en l’espèce les juridictions nationales ont justifié la détention provisoire du requérant par la persistance des raisons initiales, le fait que sa remise en liberté présentait un danger pour l’ordre public et par la nécessité de poursuivre l’enquête. Certes, les besoins de préserver l’ordre public et d’assurer un bon déroulement de l’enquête ont déjà été reconnus par la Cour comme un motif pouvant justifier la continuation d’une privation de liberté (Letellier précité, § 39 et Garycki c. Pologne, no 14348/02, § 48, 6 février 2007). Cependant, en l’espèce, les tribunaux n’ont fourni aucune explication pour justifier, avec le passage du temps, en quoi la remise en liberté du requérant aurait un impact négatif sur la société ou aurait entravé l’enquête.
36. Le bref renvoi à la gravité des faits commis, à la manière dont l’accusé les aurait perpétrés et la perspective d’une peine sévère ne saurait suppléer le défaut de motivation susmentionnée, car il est de nature à soulever encore plus de questions que de réponses quant au rôle de ces éléments dans l’existence alléguée d’un danger pour l’ordre public en l’espèce (voir, mutatis mutandis, Calmanovici précité, § 99). En particulier, la Cour rappelle avoir déjà jugé qu’il incombe aux tribunaux internes de motiver de manière concrète, sur la base des faits pertinents, les raisons pour lesquelles l’ordre public serait effectivement menacé dans le cas où l’accusé comparaitrait libre (Letellier, précité, § 51). Sachant que les juridictions internes doivent respecter la présomption d’innocence lors de l’examen de la nécessité de prolonger la détention provisoire d’un accusé, il convient de rappeler que le maintien en détention ne saurait servir à anticiper sur une peine privative de liberté en s’appuyant essentiellement et de manière abstraite sur la gravité des faits commis (voir, mutatis mutandis, Patsouria précité, § 72).
37. La Cour rappelle par ailleurs que l’article 5 § 3 de la Convention demande aux juridictions nationales, lorsqu’elles sont confrontées à la nécessité de prolonger une mesure de détention provisoire, de prendre en considération les mesures alternatives prévues par la législation nationale (Jabłoński c. Pologne, no 33492/96, § 83, 21 décembre 2000 et Patsouria précité, §§ 75‑76, 6 novembre 2007).
38. Dans la présente affaire, le seul jugement qui s’est rapporté à la situation concrète de chaque inculpé et a envisagé le remplacement de la détention par une mesure alternative a été annulé par l’arrêt du 17 juin 2005 de la cour d’appel de Bucarest au motif que les circonstances spécifiques à chaque inculpé n’étaient pas pertinents pour l’examen de l’opportunité de la prolongation de la détention et que, nonobstant le passage du temps, la privation de liberté devait continuer tant que les motifs qui avaient justifié le placement en détention subsistaient. Or, la Cour estime qu’une telle motivation n’est par conforme aux garanties de l’article 5 § 3 de la Convention.
39. Eu égard aux considérations qui précèdent, la Cour estime que les autorités n’ont pas fourni des motifs « pertinents et suffisants » pour justifier la nécessité de maintenir le requérant en détention provisoire.
40. Dans ces circonstances, il n’est pas nécessaire de rechercher, de surcroît, si les autorités nationales compétentes ont apporté une « diligence particulière » à la poursuite de la procédure (Dolgova c. Russie, no 11886/05, § 50 in fine, 2 mars 2006).
41. Il s’ensuit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 3 de la Convention.
II. SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES
42. Sous l’angle des articles 5 et 6 § 2 de la Convention, le requérant se plaint également de l’illégalité de son placement en détention provisoire par l’ordonnance du procureur et allègue une atteinte au droit au respect de la présomption d’innocence en raison des motifs invoqués par le tribunal pour justifier son maintien en détention.
43. S’agissant du grief concernant la prétendue illégalité du placement en détention, la Cour observe que, le 23 juin 2003, la mesure ordonnée par le procureur a été confirmée par le tribunal départemental de Bucarest. Or, la requête n’a été introduite que le 21 juin 2005. Il s’ensuit que ce grief est tardif et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
44. Quant au grief tiré de la méconnaissance alléguée du principe de la présomption d’innocence, la Cour note que les juridictions internes n’ont fait que constater l’existence des indices de culpabilité, sans pour autant se prononcer sur le bien fondé des accusations.
45. Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
III. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
46. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
47. Le requérant réclame 50 000 lei roumains (RON), à savoir environ 11 500 euros (EUR), au titre du préjudice matériel représentant les revenus qu’une société commerciale dont il était actionnaire aurait dû lui verser s’il n’était pas en détention. Il demande également 300 000 EUR au titre du préjudice moral subi en raison de sa détention provisoire. Il souligne que son fils est né en novembre 2003 et que la prolongation injustifiée de la détention l’a empêché de nouer une relation avec son enfant dans les premières années de sa vie.
48. Le Gouvernement souligne que la période de détention provisoire du requérant a été imputée en entier sur sa peine et que l’intéressé n’a pas démontré la réalité des pertes alléguées. Il estime qu’il n’y a pas de lien de causalité entre le préjudice moral prétendument subi et l’objet de la requête et qu’un éventuel constat de violation pourrait constituer en soi une satisfaction équitable. Il souligne que la somme exigée au titre du préjudice moral est excessive par rapport à la jurisprudence de la Cour en la matière.
49. La Cour rappelle qu’elle n’octroie un dédommagement au titre de l’article 41 que lorsqu’elle est convaincue que la perte ou le préjudice dénoncé résulte réellement de la violation qu’elle a constatée.
50. Quant à la demande présentée au titre du préjudice matériel, la Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage allégué et rejette cette demande.
51. La Cour estime cependant que le requérant a subi un tort moral indéniable. Statuant en équité, comme le veut l’article 41 de la Convention, elle lui alloue 3 000 EUR pour dommage moral.
B. Frais et dépens
52. Le requérant n’a présenté aucune demande de remboursement des frais et dépens. Partant, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu de lui octroyer de somme à ce titre.
C. Intérêts moratoires
53. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable quant au grief tiré de l’article 5 § 3 de la Convention concernant le maintien du requérant en détention provisoire et irrecevable pour le surplus ;
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 3 de la Convention ;
3. Dit
a) que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, 3 000 EUR (trois mille euros) pour dommage moral plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par le requérant, à convertir dans la monnaie de l’Etat défendeur au taux applicable à la date du règlement ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
4. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 31 mai 2012, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Marialena Tsirli Egbert Myjer Greffière adjointe Président


Synthèse
Formation : Cour (troisième section comité)
Numéro d'arrêt : 001-111134
Date de la décision : 31/05/2012
Type d'affaire : Arrêt (au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Violation de l'article 5 - Droit à la liberté et à la sûreté (Article 5-3 - Durée de la détention provisoire ; Caractère raisonnable de la détention provisoire)

Parties
Demandeurs : LAZAR, Andrei
Défendeurs : ROUMANIE

Origine de la décision
Date de l'import : 24/07/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2012-05-31;001.111134 ?

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