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19/06/2012 | CEDH | N°001-112084

CEDH | CEVIK c. TURQUIE


DEUXIÈME SECTION
DÉCISION
Requête no 16817/08Mehmet Ata ÇEVİKcontre la Turquie
La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant le 19 juin 2012 en un comité composé de :
Dragoljub Popović, président, András Sajó, Paulo Pinto de Albuquerque, juges,et de Françoise Elens-Passos, greffière adjointe de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 31 mars 2008 ;
Vu la déclaration déposée par le gouvernement défendeur le 28 octobre 2011 et invitant la Cour à rayer la requête du rôle, ainsi que la réponse de la partie requérant

e à cette déclaration ;
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requér...

DEUXIÈME SECTION
DÉCISION
Requête no 16817/08Mehmet Ata ÇEVİKcontre la Turquie
La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant le 19 juin 2012 en un comité composé de :
Dragoljub Popović, président, András Sajó, Paulo Pinto de Albuquerque, juges,et de Françoise Elens-Passos, greffière adjointe de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 31 mars 2008 ;
Vu la déclaration déposée par le gouvernement défendeur le 28 octobre 2011 et invitant la Cour à rayer la requête du rôle, ainsi que la réponse de la partie requérante à cette déclaration ;
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant, M. Mehmet Ata Çevik, est un ressortissant turc né en 1975 et résidant à Samsun. Il a été représenté devant la Cour par Me E. Beytar, avocat à Ankara. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent.
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
Le 27 octobre 1998, le requérant fut arrêté avec vingt-cinq autres personnes, et placé en garde à vue dans le cadre d’opérations menées contre le Hizbullah, une organisation illégale armée.
Le 5 novembre 1998, il fut placé en détention provisoire par un juge habilité.
Par un acte d’accusation du 27 novembre 1998, il fut accusé d’appartenir à une organisation illégale armée, de soutenir celle-ci et d’avoir participé à des activités terroristes.
Il fut remis en liberté provisoire huit mois plus tard, pendant la procédure pénale devant la cour de sûreté de l’Etat de Diyarbakır. Il fut représenté par un avocat au cours de la procédure judiciaire.
Le 16 mars 2007, la cour d’assises de Diyarbakır condamna le requérant à six ans et trois mois d’emprisonnement et à une interdiction d’exercer des fonctions publiques.
Le 26 juillet 2007, le procureur général auprès de la Cour de cassation déposa son avis. Cet avis fut notifié au représentant du requérant le 22 août 2007. Conformément l’article 293 § 3 du code de procédure pénal, le requérant avait le droit d’y répondre dans un délai de sept jours suivant la notification.
Par un arrêt du 9 octobre 2007, la Cour de cassation confirma le jugement du 16 mars 2007.
Le 24 janvier 2008, le requérant fut arrêté et placé en prison.
Le 22 avril 2008, la Cour de cassation rejeta le recours en rectification introduit contre l’arrêt du 9 octobre 2007.
GRIEFS
Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint d’une durée excessive de la procédure et d’un défaut d’équité du jugement de condamnation. Il se plaint également de l’absence de communication de l’avis du procureur général près la Cour de cassation.
Invoquant l’article 5 de la Convention, il allègue, sans étayer son grief, qu’il n’y avait pas de raisons plausibles justifiant sa détention provisoire.
EN DROIT
A. Sur la durée de la procédure
La partie requérante se plaignait tout d’abord de la durée de procédure.
Après l’échec des négociations de règlement amiable, par une lettre du 28 octobre 2011, le Gouvernement a informé la Cour qu’il envisageait de formuler une déclaration unilatérale afin de résoudre la question soulevée par la requête. Il a en outre invité la Cour à rayer celle-ci du rôle en application de l’article 37 de la Convention.
La déclaration était ainsi libellée :
« Je déclare que le Gouvernement de la République de Turquie offre de verser au requérant (...) la somme de 4 800 EUR (quatre mille huit cents euros) couvrant tout préjudice moral et 500 EUR (cinq cents euros) couvrant l’ensemble des frais et dépens, somme qu’il considère comme appropriée à la lumière de la jurisprudence de la Cour.
Cette somme sera convertie en livres turques au taux applicable à la date du paiement, et exempte de toute taxe éventuellement applicable. Elle sera payée dans les trois mois suivant la date de la notification de la décision de la Cour rendue conformément à l’article 37 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme. A défaut de règlement dans ledit délai, le Gouvernement s’engage à verser, à compter de l’expiration de celui-ci et jusqu’au règlement effectif des sommes en question, un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne, augmenté de trois points de pourcentage. Ce versement vaudra règlement définitif de l’affaire.
Le Gouvernement considère que la procédure interne engagée par le requérant a connu une durée excessive au sens de la jurisprudence bien établie de la Cour (Daneshpayeh c. Turquie, no 21086/04, 16 juillet 2009). Il invite respectueusement la Cour à dire qu’il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la requête et à la rayer du rôle conformément à l’article 37 de la Convention »
Par une lettre du 8 décembre 2011, le requérant s’est opposé à l’offre du Gouvernement et a prié la Cour de poursuivre l’examen de l’affaire.
La Cour rappelle qu’en vertu de l’article 37 de la Convention, à tout moment de la procédure, elle peut décider de rayer une requête du rôle lorsque les circonstances l’amènent à l’une des conclusions énoncées aux alinéas a), b) ou c) du paragraphe 1 de cet article. L’article 37 § 1 c) lui permet en particulier de rayer une affaire du rôle si :
« pour tout autre motif dont la Cour constate l’existence, il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la requête ».
Elle rappelle aussi que, dans certaines circonstances, il peut être indiqué de rayer une requête du rôle en vertu de l’article 37 § 1 c) sur la base d’une déclaration unilatérale du gouvernement défendeur même si le requérant souhaite que l’examen de l’affaire se poursuive.
A cette fin, la Cour doit examiner de près la déclaration à la lumière des principes que consacre sa jurisprudence, en particulier l’arrêt Tahsin Acar (Tahsin Acar c. Turquie (question préliminaire) [GC], no 26307/95, §§ 75‑77, CEDH 2003‑VI, WAZA Spółka z o.o. c. Pologne (déc.) no 11602/02, 26 juin 2007, et Sulwińska c. Pologne (déc.) no 28953/03, 18 septembre 2007).
La Cour note que le grief communiqué au Gouvernement défendeur portait sur la durée d’une procédure pénale engagée devant les juridictions nationales. Elle a déjà précisé dans un certain nombre d’affaires, dont celles dirigées contre la Turquie, la nature et l’étendue des obligations des Etats défendeurs en ce qui concerne ces griefs (voir, par exemple, Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, §§ 131 et 160, CEDH 2000‑XI, Tendik et autres c. Turquie, no 23188/02, §§ 31 et 39, 22 décembre 2005, Ebru et Tayfun Engin Çolak c. Turquie, no 60176/00, §§ 81 et 107, 30 mai 2006, Ayık c. Turquie, no 10467/02, §§ 26 et 32, 21 octobre 2008, et Daneshpayeh c. Turquie, no 21086/04, §§ 29 et 38, 16 juillet 2009).
Eu égard à la nature des concessions que renferme la déclaration du Gouvernement, ainsi qu’au montant de l’indemnisation proposée – qui est conforme aux montants alloués dans des affaires similaires –, la Cour estime qu’il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la requête (article 37 § 1 c)).
En outre, à la lumière des considérations qui précèdent, et eu égard en particulier à sa jurisprudence claire et abondante à ce sujet, la Cour estime que le respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles n’exige pas qu’elle poursuive l’examen de la requête (article 37 § 1 in fine).
Enfin, la Cour rappelle que, dans le cas où le Gouvernement ne respecterait pas les termes de sa déclaration unilatérale, la requête pourrait être réinscrite au rôle en vertu de l’article 37 § 2 de la Convention (Josipovic c. Serbie (déc.), nº 18369/07, 4 mars 2008).
B. Sur le défaut de communication de l’avis du procureur général
Sur le fondement de l’article 6 de la Convention, le requérant se plaignait de l’absence de communication de l’avis du procureur générale près la Cour de cassation.
En l’espèce, la Cour observe que, le 26 juillet 2007, le procureur général a déposé son avis, lequel a été notifié au représentant du requérant le 22 août 2007. Selon l’article 293 § 3 du code de procédure pénale, la partie requérante pouvait y répondre dans un délai de sept jours suivant la notification de l’avis.
Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
C. Sur le défaut d’équité du jugement de condamnation
Le requérant, invoquant l’article 6 de la Convention, se plaignait du défaut d’équité de la procédure pénale engagée à son encontre. D’une manière générale, il se plaignait de l’administration des preuves et de la solution adoptée par les juridictions internes.
La Cour rappelle que l’article 6 § 1 de la Convention garantit le caractère équitable d’une procédure pénale dans son ensemble (voir, entre autres, Ferrantelli et Santangelo c. Italie, 7 août 1996, § 48, Recueil des arrêts et décisions 1996‑III, et Pélissier et Sassi c. France [GC], no 25444/94, § 45, CEDH 1999-II).
Il n’appartient pas à la Cour de connaître des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par une juridiction interne, sauf si et dans la mesure où elles pourraient avoir porté atteinte aux droits et libertés sauvegardés par la Convention. Par ailleurs, si la Convention garantit en son article 6 le droit à un procès équitable, elle ne réglemente pas pour autant l’admissibilité des preuves ou leur appréciation, matière qui relève dès lors au premier chef du droit interne et des juridictions nationales (voir García Ruiz c. Espagne [GC], no 30544/96, § 28, CEDH 1999-I).
En l’espèce, la Cour observe que le requérant a été représenté par un avocat devant les juridictions internes et qu’il a été en mesure de contester la légalité des preuves. Elle considère de surcroît que le dossier ne contient aucune preuve de violation de l’article 6 § 1 de la Convention (Erol Soyuer et 46 autres requêtes c. Turquie (déc.), no 49445/07, 21 juin 2011).
Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
D. Sur la détention provisoire du requérant
Le requérant, invoquant l’article 5 de la Convention, alléguait qu’il n’y avait pas de raisons plausibles justifiant sa détention provisoire.
La Cour observe que la détention provisoire du requérant s’est terminée en 1999 par sa mise en liberté provisoire, alors qu’il a introduit sa requête le 31 mars 2008.
Il s’ensuit que ce grief est tardif et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Prend acte des termes de la déclaration du gouvernement défendeur et des modalités prévues pour assurer le respect des engagements ainsi pris ;
Décide en vertu de l’article 37 § 1 c) de la Convention, de rayer l’affaire du rôle pour autant qu’elle concerne le grief tiré de la durée de la procédure ;
Déclare la requête irrecevable pour le surplus.
Françoise Elens-Passos Dragoljub Popović Greffière adjointe Président


Synthèse
Formation : Cour (deuxième section comité)
Numéro d'arrêt : 001-112084
Date de la décision : 19/06/2012
Type d'affaire : Décision
Type de recours : Partiellement radiée du rôle ; Partiellement irrecevable

Parties
Demandeurs : CEVIK, Mehmet Ata
Défendeurs : TURQUIE

Origine de la décision
Date de l'import : 24/07/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2012-06-19;001.112084 ?

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