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15/07/1976 | FRANCE | N°76-67

France | France, Conseil constitutionnel, 15 juillet 1976, 76-67


Le Conseil constitutionnel,

Saisi le 2 juillet 1976 par MM André LEBON, André DELEHEDDE, Louis MEXANDEAU, Pierre JOXE, Robert AUMONT, Maurice BRUGNON, Jean-Pierre COT, Jacques HUYGUES des ETAGES, Gilbert SENES, Michel CREPEAU, Nicolas ALFONSI, Gérard HOUTEER, François ABADIE, Michel SAINTE-MARIE, Charles NAVEAU, Alain SAVARY, Edmond VACANT, Jean BASTIDE, Pierre LAGORCE, Jean LABORDE, Arsène BOULAY, Raoul BAYOU, Louis LONGEQUEUE, André DELELIS, André BILLOUX, Georges FILLIOUD, Louis DARINOT, Fernand BERTHOUIN, Louis LE PENSEC, Jean-Pierre CHEVENEMENT, Jean POPEREN, André BOULLOCH

E, Alex RAYMOND, Yves ALLAINMAT, Mme Jacqueline THOME-PATENOT...

Le Conseil constitutionnel,

Saisi le 2 juillet 1976 par MM André LEBON, André DELEHEDDE, Louis MEXANDEAU, Pierre JOXE, Robert AUMONT, Maurice BRUGNON, Jean-Pierre COT, Jacques HUYGUES des ETAGES, Gilbert SENES, Michel CREPEAU, Nicolas ALFONSI, Gérard HOUTEER, François ABADIE, Michel SAINTE-MARIE, Charles NAVEAU, Alain SAVARY, Edmond VACANT, Jean BASTIDE, Pierre LAGORCE, Jean LABORDE, Arsène BOULAY, Raoul BAYOU, Louis LONGEQUEUE, André DELELIS, André BILLOUX, Georges FILLIOUD, Louis DARINOT, Fernand BERTHOUIN, Louis LE PENSEC, Jean-Pierre CHEVENEMENT, Jean POPEREN, André BOULLOCHE, Alex RAYMOND, Yves ALLAINMAT, Mme Jacqueline THOME-PATENOTRE, MM Alain VIVIEN, Daniel BENOIST, Jean BERNARD, Charles JOSSELIN, Yves LE FOLL, Guy BECK, Arthur CORNETTE, Louis MERMAZ, Robert CAPDEVILLE, Henri DARRAS, André GRAVELLE, Jacques-Antoine GAU, Jean MASSE, Albert DENVERS, Louis PHILIBERT, Francis LEENHARDT, Christian LAURISSERGUES, Georges FRECHE, René GAILLARD, Gilbert FAURE, Antoine GAYRAUD, Arthur NOTEBART, Emile LOO, Raoul JARRY, Henri LAVIELLE, Henri DESCHAMPS, Antonin VER, Jean ZUCCARELLI, Alain BONNET, députés à l'Assemblée nationale, dans les conditions prévues à l'article 61 de la Constitution, du texte de la loi portant modification de l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires, telle qu'elle a été adoptée par le Parlement, et notamment de ses articles 2, 3 et 4 ;

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;

Ouï le rapporteur en son rapport ;

1. Considérant que, si les articles 19 et 28 de l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959, dans la rédaction nouvelle qui leur est donnée par les articles 2 et 3 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel, prévoient la possibilité pour les jurys de compléter leur appréciation par la consultation des dossiers individuels des candidats, il résulte du texte même de ces articles que, dans les cas où les jurys décideront d'y recourir, cette consultation devra obligatoirement porter sur les dossiers de tous les candidats ; que, dès lors, ces dispositions ne portent pas atteinte au principe d'égalité de traitement des fonctionnaires ;

2. Considérant que le principe de l'égalité de traitement dans le déroulement de la carrière des fonctionnaires n'est susceptible de s'appliquer qu'entre les agents appartenant à un même corps ; que, dès lors, ce principe ne fait pas obstacle à ce que, en application des dispositions de l'article 28, alinéa 3, de l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires tel qu'il résulte de l'article 3 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel, la consultation par les jurys des dossiers individuels des candidats puisse n'être prévue par les décrets portant statuts particuliers que pour un certain nombre de catégories d'emplois publics et non pour l'ensemble d'entre elles ; que c'est encore en conformité avec la Constitution, et notamment avec son article 34, que la loi dont il s'agit laisse à des dispositions de caractère réglementaire le soin de fixer les modalités selon lesquelles les dossiers individuels pourront être consultés par les jurys ;

3. Considérant qu'en vertu de l'article 13 de l'ordonnance n° 59-244 du 4 janvier 1959, portant statut général des fonctionnaires, aucune mention faisant état des opinions politiques, philosophiques ou religieuses des intéressés, ne peut figurer aux dossiers des fonctionnaires ; que, dès lors, la faculté qui est ouverte aux jurys par la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel de consulter les dossiers individuels ne saurait avoir pour effet de méconnaître les dispositions de l'article 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 ;

4. Considérant que les autres dispositions de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles de mettre en cause aucun principe de valeur constitutionnelle ;

Décide :

Article premier :

Sont déclarées conformes à la Constitution les dispositions de la loi portant modification de l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires, soumise à l'examen du Conseil constitutionnel.

Article 2 :

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.


Synthèse
Numéro de décision : 76-67
Date de la décision : 15/07/1976
Loi modifiant l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires
Sens de l'arrêt : Conformité
Type d'affaire : Contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires, lois organiques, des traités, des règlements des Assemblées

Saisine

Conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, nous avons l'honneur de déférer au Conseil Constitutionnel la loi portant modification de l'ordonnance n 59-244 du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires, telle qu'elle a été adoptée le 30 juin 1976 par l'Assemblée Nationale et le Sénat.

Nous estimons que les articles 2, 3 et 4 de cette loi ne sont pas conformes à la Constitution, pour les motifs suivants.

En vertu de l'article 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789, reprise et confirmée par le Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 et dont le Conseil Constitutionnel a affirmé à plusieurs reprises la valeur constitutionnelle, la loi "doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents." Il apparait que l'avant-dernier alinéa de l'article 2 de la loi déférée à votre examen, ainsi que la dernière phrase du 7ème alinéa de l'article 3 de la même loi, sont contraires à cette disposition et que leur non conformité à la Constitution entraîne, par voie de conséquence, la non conformité de l'article 4 de la même loi.

Selon l'avant-dernier alinéa de l'article 2, lorsqu'il y a lieu à examen professionnel dans le cadre de la promotion interne prévue par l'article 19 de l'ordonnance n 59-244 du 4 février 1959, relative au statut général des fonctionnaires, "le jury pourra compléter son appréciation par la consultation des dossiers individuels des candidats".

Or, outre que l'anonymat des épreuves ne sera plus respecté, l'égalité entre les candidats se trouvera rompue par le fait que le jury aura la possibilité mais non l'obligation de consulter les dossiers individuels. Et comme il est de fait que le jury ne disposera pas du temps matériel nécessaire pour examiner tous les dossiers individuels, seuls certains candidats bénéficieront -ou pâtiront- de l'examen de leur dossier. En outre, la structure des épreuves sera remise en cause par l'absence de toute pondération de l'examen du dossier individuel par rapport à l'ensemble des autres épreuves.

Des considérations analogues nous conduisent à contester la conformité à la Constitution du 7ème alinéa de l'article 3 de la même loi, en tant qu'il prévoit que les statuts particuliers pourront comporter la possibilité pour le jury de consulter les dossiers individuels des candidats à un avancement de grade prévu par l'article 28 de l'ordonnance précitée du 4 février 1959. Mais cette disposition étant facultative, il peut en résulter par ailleurs une inégalité de traitement entre les diverses catégories d'emplois publics selon que les statuts particuliers autoriseront ou non le jury à se reporter au dossier individuel.

Mais outre qu'ils méconnaissent le principe constitutionnel d'égalité des citoyens devant la loi, les articles 2 et 3 de la loi déférée à votre examen nous paraissent également contraires à la dernière phrase de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen du 26 aout 1789.

En effet, il peut arriver que les dossiers individuels des candidats comportent -bien que les textes en vigueur l'interdisent- des appréciations sur les opinions politiques, philosophiques ou religieuses des candidats à une promotion interne ou à un avancement de grade dans la fonction publique.

Dans cette hypothèse, le jury pourrait être amené à tenir compte de ces appréciations ou indications pour statuer sur le cas qui lui est soumis. Ses délibérations porteraient alors sur d'autres éléments que la capacité des candidats et apporteraient, entre les candidats, des distinctions autres que celles prévues par l'article 6 précité de la Déclaration de 1789.

Pour ces divers motifs, nous estimons que les articles 2 et 3 de la loi déférée à votre examen ne sont pas conformes à la Constitution en tant qu'ils comportent la possibilité, pour le jury, de consulter les dossiers individuels des candidats à une promotion interne ou à un avancement de grade dans la Fonction Publique.

Dans une décision n 63-23 L du 19 février 1963 le Conseil Constitutionnel a estimé que les concours de la Fonction Publique constituaient l'une des garanties fondamentales pour les citoyens qui sont candidats à un emploi public, au sens de l'article 34 de la Constitution. Or, la garantie fondamentale qu'apporte le concours se trouverait vidée de sa substance si tous les candidats n'étaient pas traités également par les jurys et si des éléments de jugements autres que ceux visés à l'article 6 de la Déclaration de 1789 devaient être pris en considération.

C'est pourquoi nous estimons que les dispositions adoptées par le Parlement et modifiant les articles 19 et 28 de l'ordonnance du 4 février 1959 ne sont pas conformes à la Constitution, d'autant qu'elles laissent le soin au Pouvoir réglementaire de fixer des règles de mise en oeuvre de garanties fondamentales qui, aux termes de l'article 34 de la Constitution ne peuvent être fixées que par la loi. (cf votre décision du 29 juillet 1975 sur l'affaire du juge unique).

La non-conformité des dispositions précitées entraine, par voie de conséquence, la non conformité de l'article 4 de la loi déférée à votre examen. Cet article valide, en effet, à titre rétroactif et par référence aux articles 2 et 3 de la loi qui vous est soumise, certaines dispositions réglementaires déclarées illégales par les juridictions administratives parce que contraires au texte actuel des articles 19 et 28 de l'ordonnance du 4 février 1959. Une telle validation ne serait possible sous réserve du principe de non rétroactivité des lois, qu'à la condition que la nouvelle rédaction des articles 19 et 28 précités ne soit pas elle-même contraire à la Constitution.

Nous chargeons Maître ARNAUD LYON-CAEN, Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation de nous représenter auprès de vous dans la procédure de cette affaire.


Références :

DC du 15 juillet 1976 sur le site internet du Conseil constitutionnel

Texte attaqué : Loi modifiant l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires (Nature : Loi ordinaire, Loi organique, Traité ou Réglement des Assemblées)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°76-67 DC du 15 juillet 1976
Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:1976:76.67.DC
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