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29/12/1983 | FRANCE | N°83-164

France | France, Conseil constitutionnel, 29 décembre 1983, 83-164


Le Conseil constitutionnel a été saisi, les 20 et 21 décembre 1983, par MM Jean Arthuis, Alphonse Arzel, Jean-Pierre Blanc, André Bohl, Roger Boileau, Charles Bosson, Pierre Brantus, Louis Caiveau, Jean Cauchon, Pierre Ceccaldi-Pavard, Adolphe Chauvin, Auguste Chupin, Jean Cluzel, Jean Colin, Jean Faure, Jean Francou, Jacques Genton, Daniel Hoeffel, Jean Huchon, Louis Jung, Bernard Laurent, Edouard Le Jeune, Bernard Lemarié, Georges Lombard, Jean Machet, Jean Madelain, Guy Malé, Louis Mercier, Daniel Millaud, Claude Mont, Jacques Mossion, Dominique Pado, André Rabineau, Jean-Marie Rausc

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Le Conseil constitutionnel a été saisi, les 20 et 21 décembre 1983, par MM Jean Arthuis, Alphonse Arzel, Jean-Pierre Blanc, André Bohl, Roger Boileau, Charles Bosson, Pierre Brantus, Louis Caiveau, Jean Cauchon, Pierre Ceccaldi-Pavard, Adolphe Chauvin, Auguste Chupin, Jean Cluzel, Jean Colin, Jean Faure, Jean Francou, Jacques Genton, Daniel Hoeffel, Jean Huchon, Louis Jung, Bernard Laurent, Edouard Le Jeune, Bernard Lemarié, Georges Lombard, Jean Machet, Jean Madelain, Guy Malé, Louis Mercier, Daniel Millaud, Claude Mont, Jacques Mossion, Dominique Pado, André Rabineau, Jean-Marie Rausch, Paul Séramy, Michel Souplet, René Tinant, Pierre Vallon, Albert Vecten, Frédéric Wirth, Marcel Daunay, Alfred Gérin, Claude Huriet, Yves Le Cozannet, Amédée Bouquerel, Edmond Valcin, Maurice Schumann, Jean Chamant, Charles Descours, Claude Prouvoyeur, Arthur Moulin, Jean Natali, André Voisin, Paul d'Ornano, Paul Masson, Roger Romani, Sosefo-Makapé Papilio, Charles de Cuttoli, Raymond Bourgine, Michel Sordel, Jean Puech, Serge Mathieu, Guy de La Verpillière. Louis de La Forest, Jean Bénard Mousseaux, Jean-Pierre Tizon, Jacques Ménard, Marcel Lucotte, Richard Pouille, Michel Crucis, Pierre-Christian Taittinger, Jean Boyer, Jean-Paul Bataille, Albert Voilquin, Henri Elby, Philippe de Bourgoing, Bernard Barbier, Roland Ruet, Michel Miroudot, Jean Delaneau, Pierre Louvot, Louis Boyer, Pierre Croze, Jean-Pierre Fourcade, René Travert, Louis Lazuech, Hubert Martin, Jacques Thyraud, Roland du Luart, Michel Alloncle, Jean Amelin, Hubert d'Andigné, Henri Belcour, Paul Bénard, Jacques Braconnier, Raymond Brun, Pierre Carous, Auguste Cazalet, Jacques Chaumont, Michel Chauty, Jean Chérioux, François Collet, Henri Collette, Luc Dejoie, Jacques Delong, Franz Duboscq, Marcel Fortier, Philippe François, Michel Giraud, Adrien Gouteyron, Bernard-Charles Hugo, Roger Husson, Paul Kauss, Christian de la Malène, Jean-François Le Grand, Maurice Lombard, Paul Malassagne, Michel-Maurice Bokanowski, Geoffroy de Montalembert, Lucien Neuwirth, Charles Pasqua, Christian Poncelet, Henri Fortier, Alain Pluchet, Josselin de Rohan, Michel Ruffin, Louis Souvet, Dick Ukeiwe, Jacques Valade, Etienne Dailly, sénateurs,
et le 22 décembre 1983, par MM Jean-Claude Gaudin, Jean-Marie Caro, Germain Gengenwin, Francisque Perrut, Jean Rigaud, Marcel Bigeard, Paul Pernin, Albert Brochard, Philippe Mestre, Raymond Barre, Gilbert Gantier, Charles Deprez, Jean Brocard, Jacques Blanc, Jacques Barrot, Roger Lestas, Joseph-Henri Maujoüan du Gasset, Francis Geng, Georges Mesmin, Jean-Paul Fuchs, Charles Fèvre, Pierre Méhaignerie, Alain Madelin, Pascal Clément, Victor Sablé, Adrien Zeller, Claude Wolff, Jean Briane, Loïc Bouvard, Edmond Alphandery, Charles Million, Jean-Pierre Soisson, Claude Labbé, Jacques Chirac, Bernard Pons, Philippe Séguin, Serge Charles, René La Combe, Régis Perbet, Alain Peyrefitte, Jean-Paul de Rocca Serra, Michel Péricard, Pierre Bachelet, Gérard Chasseguet, Roger Corrèze, Mme Nicole de Hauteclocque, MM Didier Julia, Roland Nungesser, Camille Petit, Yves Lancien, Pierre Messmer, Daniel Goulet, Pierre-Charles Krieg, Rolland Vuillaume, Emmanuel Aubert, Marc Lauriol, Robert-André Vivien, Hyacinthe Santoni, Pierre Mauger, Pierre Bas, Jacques Toubon, Jacques Marette, Jean Foyer, Olivier Guichard, Gabriel Kaspereit, Maurice Couve de Murville, Georges Gorse, Jean de Lipkowski, Pierre Godefroy, Jean-Paul Charié, Jacques Chaban-Delmas, Jacques Godfrain, Etienne Pinte, René André, Robert Galley, Pierre-Bernard Cousté, Claude-Gérard Marcus, Michel Debré, députés, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi de finances pour 1984 ;

Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Vu l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ;
Le rapporteur ayant été entendu ;

Sur l'article 14-I relatif à la taxe foncière sur les propriétés bâties :
1. Considérant que l'article 14-I de la loi de finances ramène à quinze ans à compter de 1984 la durée des exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties prévues à l'article 1385 du code général des impôts, sauf en ce qui concerne certaines catégories de logements sociaux à usage locatif ;
2. Considérant que les députés auteurs de la saisine soutiennent que ces dispositions méconnaissent "le principe de la continuité de l'État" en ce qu'elles remettent en cause une exonération alors que "la durée déterminée de l'avantage fiscal octroyé lui donne le caractère d'un engagement contractuel" ; qu'ils soutiennent, en outre, qu'elles méconnaissent le principe d'égalité dès lors que la durée des exonérations aura été différente selon la date de construction des immeubles.
3. Considérant, d'une part, qu'aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle n'interdit à la loi de revenir sur une exonération fiscale acquise sous l'empire d'une loi antérieure ou d'en réduire la durée ; que, d'autre part, le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que la loi soumette à des règles identiques des situations qui ne diffèrent qu'en ce qu'elles ont été régies par des législations antérieures pendant une durée plus ou moins longue ;
Sur l'article 19-VI-1 relatif à l'impôt sur les grandes fortunes :
4. Considérant que l'article 19-VI-1 de la loi de finances pour 1984 exclut de l'assiette de l'impôt sur les grandes fortunes "les biens professionnels définis aux articles 885 N, 885 O, 885 P et 885 Q" du code général des impôts ; qu'en vertu de l'article 885 O du code général des impôts sont des biens professionnels, notamment "les parts d'une société à responsabilité limitée détenues par un gérant minoritaire si elles représentent 25 p 100 du capital de la société" ainsi que "les actions de sociétés lorsque leur propriétaire possède plus de 25 p 100 du capital de la société et y exerce effectivement des fonctions de direction, de gestion ou d'administration" à la condition que les propriétaires de ces parts ou actions "exercent leurs fonctions professionnelles dans la société à titre principal".
5. Considérant que les députés et certains sénateurs auteurs de la saisine soutiennent que ces dispositions sont contraires au principe d'égalité exprimé par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en son article 6 et, plus spécialement en ce qui concerne la fiscalité, en son article 13 qui dispose que la contribution aux charges publiques" doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés" ; qu'en effet, selon eux : "la nécessaire différence de situation n'existe pas et se trouve même inversée (seuls les dirigeants et gérants minoritaires petits porteurs sont assujettis à l'impôt sur les grandes fortunes), ensuite et surtout, la règle posée est incompatible avec la finalité de toute loi de finances telle que posée par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen" ;
6. Considérant que l'article 19 de la loi de finances pour 1984 dispose que les biens nécessaires à l'exercice de certaines professions par leur propriétaire sont des "biens professionnels" qui n'entrent pas dans le calcul de l'assiette de l'impôt sur les grandes fortunes ; qu'il considère comme "biens professionnels" les parts ou actions d'une société à la condition qu'elles représentent 25 p 100 au moins du capital de la société où leur propriétaire exerce effectivement des fonctions de gestion, d'administration ou de direction qui constituent son activité professionnelle principale ;
7. Considérant qu'il appartient au législateur de décider si les biens nécessaires à l'exercice d'une profession doivent ou non être pris en compte pour l'assiette de l'impôt sur les grandes fortunes ;
8. Considérant que les parts sociales ou actions, par le pouvoir qu'elles confèrent à leur propriétaire dans la société où il jouit de l'influence liée à une fonction de gestion de direction ou d'administration donnent à celui-ci une maîtrise telle de son instrument de travail qu'elles peuvent être considérées comme des biens professionnels dès lors qu'elles représentent une part substantielle du capital lors des votes sociaux ;
9. Considérant que la fixation au quart du capital social du seuil à partir duquel les parts ou actions ont, dans les conditions définies par l'article 19, la nature de biens professionnels ne procède pas d'une appréciation manifestement erronée ;
10. Considérant que pour poser les règles d'établissement de l'assiette de l'impôt sur les grandes fortunes, le législateur a fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en cette matière ; que, dès lors, cet impôt est établi d'une façon régulière au regard des règles et principes de valeur constitutionnelle, et notamment de la prise en compte nécessaire des facultés contributives des citoyens ;
Sur l'article 42 et l'état A relatifs à la taxe intérieure sur les produits pétroliers :
11. Considérant que les députés auteurs de la saisine soutiennent que l'ordonnance du 18 mai 1983, qui a modifié le tarif de la taxe intérieure sur les produits pétroliers tel qu'il avait été fixé par la loi de finances pour 1983, méconnaît l'avant-dernier alinéa de l'article 2 de l'ordonnance 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, en vertu duquel seules les lois de finances dites rectificatives peuvent, en cours d'année, modifier les dispositions de la loi de finances de l'année ; que, selon eux, l'article 42 de la loi de finances pour 1984 et l'état A qui y est annexé qui, pour évaluer les recettes de l'État, prennent en compte les conséquences financières de l'ordonnance du 18 mai 1983 l'ont implicitement validée et sont ainsi entachés de l'inconstitutionnalité qui affecte cette ordonnance ;
12. Considérant que l'article 42 et l'état A se bornent, pour évaluer les ressources de l'État, à traduire l'incidence des dispositions, notamment d'ordre fiscal, actuellement en vigueur, que les éléments contenus dans l'annexe "Voies et moyens" de la loi de finances concernant ces évaluations n'ont pas la nature de dispositions ayant pour objet d'édicter ou de modifier des règles relatives aux impositions ; que l'inclusion dans cet état de l'évaluation du produit attendu pour 1984 de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, telle qu'elle résulte de l'ordonnance du 18 mai 1983, n'est qu'un élément de sincérité de cet article et de cet état ;
13. Considérant que les dispositions critiquées ne constituent ni une validation ni une ratification de l'ordonnance du 18 mai 1983 ; qu'ainsi le moyen manque en fait ;
Sur l'article 44 et les annexes au budget de l'éducation nationale :
14. Considérant que, dans l'annexe "Services votés et mesures nouvelles" de l'éducation nationale qui constitue le développement pour ce ministère de l'état B auquel renvoie l'article 44 de la loi de finances, figurent deux chapitres nouveaux, n° 31-60 et 31-62 ; que leur intitulé est pour le chapitre 31-60 "Personnels enseignants précédemment rémunérés sur le chapitre 43-01. - Rémunérations principales" et pour le chapitre 31-62 "Personnels enseignants précédemment rémunérés sur le chapitre 43-01. - Heures supplémentaires d'enseignement" ; que ces chapitres nouveaux ne comportent aucune évaluation de crédits mais portent simplement la mention Mémoire ; qu'il ressort des discussions au Parlement qu'ils sont destinés à rémunérer, dans la limite de quinze mille, des agents exerçant actuellement une activité d'enseignement dans des établissements privés sous contrat pour le cas où ils seraient titularisés ;
15. Considérant que certains sénateurs auteurs de la saisine font valoir que l'inscription de ces deux chapitres est contraire aux règles de la procédure budgétaire et porte atteinte au droit de contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ; qu'elle permettrait la création de postes de fonctionnaire par la voie réglementaire ou bien ne saurait avoir d'effet avant l'entrée en vigueur d'une loi de finances ultérieure ; qu'ils demandent que la création de ces deux chapitres soit déclarée contraire à la Constitution et à l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ;
16. Considérant que les députés auteurs de la saisine font valoir que la création de ces deux chapitres ne saurait constituer une création de postes ; que, de plus, elle ne pourrait avoir d'effet sans que soient méconnues les dispositions des articles 1er, 14, 32 et 43 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ; qu'en effet, en vertu du cinquième alinéa de l'article 1er de cette ordonnance, les transformations et créations d'emplois ne peuvent résulter que de dispositions prévues par une loi de finances ; que, s'agissant d'une mesure nouvelle, il y aurait eu lieu, par application des articles 32 et 43 de l'ordonnance, d'en préciser le coût et les modalités ; qu'en outre, en l'absence d'emplois créés, ces chapitres ne sauraient être régulièrement dotés par transferts ou virements de crédits ; qu'ainsi qu'il a été admis par le Gouvernement devant le Sénat, les chapitres 31-60 et 31-62 ne sauraient être d'aucune utilité avant l'intervention d'une nouvelle loi de finances et que, par suite, il convient d'annuler l'inscription de ces chapitres dans les annexes de l'éducation nationale et, par voie de conséquence, l'article 44 relatif aux mesures nouvelles concernant les dépenses ordinaires des services civils, l'article 42 relatif à l'équilibre général du budget et l'ensemble de la loi de finances ;
17. Considérant qu'aux termes du cinquième alinéa de l'article 1er de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances "les créations et transformations d'emplois ne peuvent résulter que de dispositions prévues par une loi de finances" ; qu'aux termes de l'article 32 de cette ordonnance "le projet de loi de finances de l'année est accompagné d'annexes explicatives faisant connaître notamment : 1° par chapitre les mesures nouvelles qui justifient les modifications proposées au montant antérieur des services votés et notamment les crédits afférents aux créations, suppressions et transformations d'emplois " ; qu'enfin le dernier alinéa de l'article 43 de l'ordonnance dispose : "les créations, suppressions et transformations d'emplois résultent des modifications de crédits correspondantes, dûment explicitées par les annexes" ;
18. Considérant qu'aucune disposition de la loi de finances ou de ses annexes ne mentionne la création des emplois envisagée dans le titre des chapitres 31-60 et 31-62, ni ne contient, d'ailleurs, aucune indication de nature à permettre d'en déterminer le nombre, la nature et les caractéristiques ; que, dans ces conditions, l'inscription dans une annexe de la loi de finances de ces deux chapitres dotés pour mémoire ne saurait tenir lieu d'une création d'emplois, laquelle ne pourrait résulter que de dispositions expresses d'une loi de finances ;
19. Considérant que, si les transferts ou virements de crédits en cours d'année nécessitent l'existence préalable des chapitres entre lesquels ils sont opérés, la seule création des chapitres 31-60 et 31-62 ne suffit pas à rendre leur dotation possible par de telles procédures ; qu'en effet, si un prélèvement de crédits était opéré sur le chapitre 43-01 auquel il est fait renvoi par l'intitulé des chapitres contestés, un transfert modifierait la nature de la dépense et un virement devrait intervenir entre deux titres différents, c'est-à-dire que, dans les deux cas, les dispositions de l'article 14 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 seraient méconnues ; que ces chapitres ne pourraient pas davantage être dotés par voie de transformation d'emplois selon la procédure prévue au cinquième alinéa de l'article 1er de l'ordonnance du 2 janvier 1959 qui ne saurait permettre d'affecter à la rémunération d'emplois publics des crédits de subvention ;
20. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la création des chapitres 31-60 et 31-62 ne saurait avoir aucune portée juridique ou financière sans l'intervention d'une nouvelle loi de finances ; que, si le caractère inopérant d'une disposition d'une loi ordinaire empêche qu'elle puisse être déclarée contraire à la Constitution, l'article 1er de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 définit limitativement la nature des dispositions que peut contenir une loi de finances et qu'ainsi une indication de nomenclature budgétaire se bornant à énoncer une intention d'action future ne saurait trouver place dans une loi de finances ; que, dès lors, il y a lieu de déclarer que la création, à l'annexe "Services votés et mesures nouvelles" de l'éducation nationale, des chapitres 31-60 et 31-62 n'est pas conforme à la Constitution ;
21. Considérant que l'inscription de ces chapitres non dotés, n'ayant aucune incidence sur les crédits ouverts par l'article 44 ou sur l'équilibre des ressources et des charges fixé par l'article 42, est séparable de toutes les autres dispositions de la loi de finances pour 1984 ;
Sur l'article 82 relatif à l'imposition des bénéfices agricoles :
22. Considérant que les députés auteurs de la saisine soutiennent que l'article 82 de la loi de finances pour 1984, qui abaisse pour les seuls exploitants agricoles la limite des recettes au-dessous de laquelle l'impôt sur les bénéfices est établi d'après le régime du forfait, institue à l'encontre de ces exploitants une discrimination en ce qui concerne l'imposition des plus-values professionnelles ; qu'ils rappellent que, en vertu de l'article 151 septies du code général des impôts, les plus-values réalisées dans le cadre d'une activité agricole, artisanale, commerciale ou libérale par des contribuables dont les recettes n'excèdent pas la limite du forfait sont exonérées de l'imposition sur les plus-values ; que, par suite, la limite de l'application du forfait n'étant abaissée que pour les exploitants agricoles, ceux-ci se verront soumis à l'imposition sur les plus-values alors que, à recettes égales, d'autres catégories et notamment les commerçants y échapperont ; qu'ainsi le principe d'égalité serait méconnu à l'encontre des exploitants agricoles ;
23. Considérant que le principe d'égalité n'interdit pas au législateur de tenir compte de la nature particulière de l'activité des diverses catégories de travailleurs indépendants pour édicter les règles fiscales qui leur sont applicables ; qu'ainsi peuvent différer selon les catégories professionnelles les règles relatives au forfait ; qu'il en est de même des règles relatives au régime fiscal des plus-values professionnelles ; que dans ces conditions, l'article 82 de la loi de finances pour 1984, qui se borne à aménager le régime fiscal applicable à une catégorie de contribuables se trouvant tous dans la même situation, n'est pas contraire au principe de l'égalité devant l'impôt ;
Sur l'article 89 relatif à la recherche d'infractions en matière d'impôts sur le revenu et de taxes sur le chiffre d'affaires :
24. Considérant que l'article 89 permet à certains agents de l'administration des impôts spécialement habilités à cet effet de procéder, assistés d'un officier de police judiciaire, à des investigations comportant des perquisitions et des saisies pour la recherche des infractions en matière d'impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires, à la condition d'y être autorisés par ordonnance du président du tribunal de grande instance ou du juge d'instruction qu'il a désigné pour le suppléer ; que ces opérations doivent être effectuées en présence de l'occupant des lieux ou du représentant qu'il aura été invité à désigner par l'officier de police judiciaire ou, à défaut, de deux témoins requis par ce dernier en dehors des personnes relevant de son autorité ou de celle de l'administration fiscale ; que ces témoins doivent signer le procès-verbal de saisie ; que la visite d'un lieu servant exclusivement à l'habitation doit faire l'objet d'une autorisation spéciale du juge ;
25. Considérant que, selon les députés et certains sénateurs auteurs de la saisine, l'article 89 est rédigé de façon imprécise et générale en ce qui concerne la nature des infractions poursuivies et les pouvoirs qu'il confère aux agents de l'administration des impôts ; qu'en outre, il laisse les perquisitions qu'il prévoit à la discrétion de fonctionnaires qui peuvent y procéder alors même qu'il n'existe aucun indice d'infraction ; qu'en conséquence ils estiment ces dispositions contraires à la liberté individuelle dont l'article 66 de la Constitution confie la garde à l'autorité judiciaire ;
26. Considérant que l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen proclame : "Pour l'entretien de la force publique et pour les dépenses d'administration une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés" ;
27. Considérant qu'il découle nécessairement de ces dispositions ayant force constitutionnelle que l'exercice des libertés et droits individuels ne saurait en rien excuser la fraude fiscale ni en entraver la légitime répression ; qu'ainsi, dans leur principe, les dispositions de l'article 89 ne peuvent être critiquées ;
28. Considérant cependant que, si les nécessités de l'action fiscale peuvent exiger que des agents du fisc soient autorisés à opérer des investigations dans des lieux privés, de telles investigations ne peuvent être conduites que dans le respect de l'article 66 de la Constitution qui confie à l'autorité judiciaire la sauvegarde de la liberté individuelle sous tous ses aspects, et notamment celui de l'inviolabilité du domicile ; que l'intervention de l'autorité judiciaire doit être prévue pour conserver à celle-ci toute la responsabilité et tout le pouvoir de contrôle qui lui reviennent ;
29. Considérant que, quelles que soient les garanties dont les dispositions de l'article 89 entourent les opérations qu'elles visent, ces dispositions ne précisent pas l'acceptation du terme "infraction" qui peut être entendu en plusieurs sens et ne limitent donc pas clairement le domaine ouvert aux investigations en question ; qu'elles n'assignent pas de façon explicite au juge ayant le pouvoir d'autoriser les investigations des agents de l'administration la mission de vérifier de façon concrète le bien-fondé de la demande qui lui est soumise ; qu'elles passent sous silence les possibilités d'intervention et de contrôle de l'autorité judiciaire dans le déroulement des opérations autorisées ; qu'enfin elles n'interdisent pas une interprétation selon laquelle seules les visites effectuées dans des locaux servant exclusivement à l'habitation devraient être spécialement autorisées par le juge, de telle sorte que, a contrario, les visites opérées dans d'autres locaux pourraient donner lieu à des autorisations générales ;
30. Considérant qu'ainsi, pour faire pleinement droit de façon expresse tant aux exigences de la liberté individuelle et de l'inviolabilité du domicile qu'à celles de la lutte contre la fraude fiscale, les dispositions de l'article 89 auraient dû être assorties de prescriptions et de précisions interdisant toute interprétation ou toute pratique abusive et ne sauraient dès lors, en l'état, être déclarées conformes à la Constitution ;
Sur l'article 90 relatif au règlement de biens ou de services :
31. Considérant que l'article 90 de la loi de finances pose l'obligation pour les particuliers non commerçants d'effectuer tout règlement de biens ou services d'un montant supérieur à 10000 F soit par chèque répondant aux caractéristiques de barrement d'avance et de non-transmissibilité par voie d'endossement mentionnées à l'article L 96 du livre des procédures fiscales, soit par virement bancaire ou postal, soit par carte de paiement ou de crédit ; qu'il prévoit, toutefois, que les particuliers non commerçants n'ayant pas leur domicile fiscal en France peuvent continuer d'effectuer leurs paiements d'un montant supérieur à 10000 F en chèques de voyage ou en billets, après relevé par le vendeur du bien ou le prestataire de service de leur identité et domicile justifiés ;
32. Considérant que certains sénateurs auteurs de la saisine soutiennent que ces dispositions instituent en matière de paiement une discrimination arbitraire entre les particuliers non commerçants selon qu'ils ont ou n'ont pas leur domicile fiscal en France ;
33. Considérant que les dispositions critiquées ont pour objet de lutter contre la fraude fiscale ; qu'il n'est pas arbitraire d'établir, à cet égard, une distinction entre des personnes qui sont soumises à des régimes fiscaux ne comportant pas des modes de déclarations et de contrôle semblables ; que le régime fiscal applicable aux personnes n'ayant pas leur domicile fiscal en France diffère notamment sur ces points de celui applicable aux personnes ayant leur domicile fiscal en France ; que, dès lors, les dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe d'égalité ;
Sur l'article 93-III relatif au secret fiscal :
34. Considérant que l'article 93-III de la loi de finances dispose que les créanciers d'aliments dont la qualité est reconnue par une décision de justice peuvent consulter la liste détenue par la direction des services fiscaux dans le ressort de laquelle l'imposition du débiteur est établie ;
35. Considérant que, selon certains sénateurs auteurs de la saisine, ces dispositions méconnaissent la liberté individuelle qui implique le droit au secret de la vie privée, notamment en matière fiscale, en ce qu'elles instituent au profit de créanciers d'aliments une dérogation aux règles du secret fiscal dont elles ne définissent pas la portée avec précision ;
36. Considérant que le texte critiqué, qui permet à certaines personnes, dans des conditions clairement définies, de connaître des documents dont l'accès leur était interdit par la législation antérieure en matière de secret fiscal, ne méconnaît aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle ;
Sur l'article 108 relatif à la modification d'une taxe instituée par la loi de finances pour 1983 :
37. Considérant que les députés auteurs de la saisine reprochent aux dispositions de l'article 108 de la loi de finances pour 1984, qui rendent applicable au 1er janvier 1983 la modification apportée par l'article 107 à une disposition contenue dans la loi de finances pour 1983, de méconnaître l'alinéa de l'article 2 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances aux termes duquel : "seules les lois de finances, dites rectificatives, peuvent, en cours d'année, modifier les dispositions de la loi de finances de l'année";
38. Considérant que l'article 1er de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 a prévu qu'en plus des dispositions qui ne peuvent figurer que dans les lois de finances, celles-ci "peuvent également contenir" des dispositions relatives aux impositions ; qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution, "la loi fixe les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature" alors que "les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'État " ; qu'on ne saurait, dès lors, sans méconnaître les compétences définies par la Constitution, opposer à la modification de dispositions fiscales des règles qui ne sont pas obligatoires qu'au regard des matières réservées à la compétence exclusive des lois de finances ; qu'ainsi les pouvoirs du législateur ne sont pas limités par le fait qu'il inclut, comme il en a la faculté, de telles dispositions dans la loi de finances de l'année ;
39. Considérant que l'article 107, rendu applicable au 1er janvier 1983 par l'article 108 qui lui donne valeur interprétative, modifie les éléments de calcul d'une taxe et que de telles dispositions n'entrent pas dans le champ d'application de la règle organique invoquée par les auteurs de la saisine ;
Sur l'article 114 relatif à la publicité de l'impôt :
40. Considérant que l'article 114 de la loi de finances prévoit qu'une liste des personnes assujetties à l'impôt sur le revenu, à l'impôt sur les sociétés ou à l'impôt sur les grandes fortunes est dressée de manière à distinguer les trois impôts par commune ; qu'elle est complétée par l'indication des personnes non assujetties dans la commune à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés mais qui y possèdent une résidence ; que la liste concernant l'impôt sur le revenu comporte, outre la mention du montant de l'impôt et du nombre des parts du quotient familial, l'indication du revenu imposable et de l'avoir fiscal ; qu'enfin, pour l'impôt sur les grandes fortunes, la liste est complétée par l'indication de la valeur du patrimoine déclaré et du montant de l'impôt mis à la charge de chaque redevable ;
41. Considérant que, selon les députés auteurs de la saisine, ces dispositions auraient été adoptées, sur amendement d'origine parlementaire, contrairement aux règles de recevabilité posées par les articles 40 de la Constitution et 42 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 ; qu'elles méconnaissent l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en ce qu'elles portent atteinte à la fois au "respect de la vie privée" et à la "sûreté des citoyens" ; qu'elles sont contraires aux prescriptions de l'article 1er de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances en ce qu'elles n'ont pas une portée financière ou fiscale ;
42. Considérant que le reproche de méconnaissance par l'amendement dont elles tirent leur origine des conditions de recevabilité posées par les articles 40 de la Constitution et 42 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 ne saurait être invoqué devant le Conseil constitutionnel dès lors qu'une exception d'irrecevabilité n'a pas été soulevée selon la procédure prévue par le règlement de celle des assemblées du Parlement devant laquelle cet amendement a été déposé ;
43. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen" le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression" ; que les dispositions de l'article 114 ne portent aucune atteinte à ces principes non plus qu'à aucune autre règle ou principe de valeur constitutionnelle ;
44. Considérant que ces dispositions sont de nature à améliorer la sincérité des déclarations fiscales et, comme telles, sont au nombre de celles qui peuvent trouver place dans une loi de finances ;
Sur l'ensemble de la loi :
45. Considérant qu'en l'espèce il n'y a pas lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi soumise à son examen,

Décide :
Article premier :
L'inscription des chapitres 31-60 et 31-62 portée à l'annexe "Services votés et mesures nouvelles" du ministère de l'éducation nationale ainsi que l'article 89 de la loi de finances pour 1984 sont déclarés non conformes à la Constitution.
Article 2 :
Les autres dispositions de la loi de finances pour 1984 sont déclarées conformes à la Constitution.
Article 3 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.


Synthèse
Numéro de décision : 83-164
Date de la décision : 29/12/1983
Loi de finances pour 1984
Sens de l'arrêt : Non conformité partielle
Type d'affaire : Contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires, lois organiques, des traités, des règlements des Assemblées

Saisine

SAISINE DEPUTES

Les soussignés, députés à l'Assemblée nationale, défèrent à la censure du Conseil constitutionnel la loi de finances pour 1984 que l'Assemblée nationale a adoptée définitivement au cours de sa séance du 19 décembre 1983.

Ils concluent que cette loi, ou à défaut, certaines de ses dispositions, soit déclarée non conforme à la Constitution par les moyens ci-après développés :

ci-après développés :

I : Non-conformité à l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances de certaines dispositions inscrites au budget de l'éducation nationale.

tes au budget de l'éducation nationale.

Le projet de budget de l'éducation nationale (bleu budgétaire p 9, 42 et 129) prévoit de créer au titre III deux chapitres nouveaux, 31-60 et 31-62 dotés pour mémoire : "Personnels enseignants précédemment rémunérés sur le chapitre 43-01", destinés à permettre "la titularisation éventuelle, sur leur demande, dans la limite de 15000, de maîtres de l'enseignement privé sous contrat rétribués par référence aux échelles indiciaires des enseignants de l'enseignement public".

Cette mesure nouvelle n° 011208 est sans incidence budgétaire, les deux chapitres nouvellement créés n'étant dotés que pour "mémoire". Elle ne comporte pas la création des postes budgétaires des agents titulaires qui seraient recrutés.

Non-conformité aux articles 1er, 32 et 43 de la loi organique.

on-conformité aux articles 1er, 32 et 43 de la loi organique.

La mesure nouvelle contrevient aux dispositions de l'article premier, alinéa 5, de l'ordonnance, aux termes duquel "les créations et transformations d'emplois ne peuvent résulter que de dispositions prévues par une loi de finances. Toutefois, des transformations d'emplois peuvent être opérées par décret pris en conseil des ministres, après avis du Conseil d'Etat".

Or, il est clair, en l'espèce, que la seule création de chapitres budgétaires, c'est-à-dire de simples réceptacles de crédits, ne saurait suffire. Comme l'indique l'article 32 de la loi organique, une nouvelle création d'emploi est, par définition, une mesure nouvelle. Il convient alors d'en préciser non seulement le coût, mais aussi les modalités : nombre exact de postes créés, indices de rémunération applicables, corps dans lesquels les recrutements devront intervenir. La seule mention de 15000 postes ne peut avoir valeur d'autorisation de recrutement. L'article 43 de la loi organique précitée dispose en effet que "les créations, suppressions et transformations d'emplois résultent des modifications de crédits correspondantes dûment explicitées par les annexes".

La nécessité d'une autorisation législative précise pour l'intégration dans l'enseignement public d'agents précédemment en service dans l'enseignement privé peut être vérifiée dans la loi de finances pour 1984 elle-même. En son article 108, celle-ci prévoit explicitement cette intégration pour les agents de deux établissements de la Meurthe-et-Moselle et de la Martinique et ceci, "dans la limite des emplois budgétaires créés à cet effet".

On observera également que la seule exception à la nécessité d'une autorisation législative prévue par l'article premier de la loi organique s'applique aux transformations d'emplois. Encore faut-il, en la matière, avoir recours à la procédure solennelle d'un décret pris en Conseil des ministres, après avis du Conseil d'Etat. A fortiori, une création d'emploi public ne saurait résulter d'un décret simple de virement ou d'un arrêté de transfert, procédures, on le verra ci-dessous, implicitement prévues dans le texte de la loi de finances pour 1984.

Non-conformité à l'article 14 de la loi organique.

on-conformité à l'article 14 de la loi organique.

Le dispositif mis en place par la loi de finances, consistant à maintenir les crédits destinés à la rémunération des enseignants intéressés au titre IV en vue d'abonder en cours d'année les deux chapitres nouveaux du titre III, est manifestement contraire aux dispositions de l'article 14 de l'ordonnance susvisée en matière de transferts et de virements de crédits.

Il apparaît en effet que pour alimenter ces nouveaux chapitres, le Gouvernement ne saurait procéder par un décret de virement, celui-ci étant, aux termes de l'article 14, alinéa 3, prohibé entre titres budgétaires différents.

Il ne saurait davantage utiliser la procédure de l'arrêté de transfert, puisqu'un tel arrêté n'est autorisé que s'il ne modifie pas la nature de la dépense.

Or le transfert de crédits du chapitre 43-01, titre IV (Interventions publiques), destiné à la rémunération d'agents non titulaires, aux nouveaux chapitres figurant au titre III (Moyens des services), pour la rémunération d'enseignants, par hypothèse titularisés, apparaît bien comme une modification de la nature de la dépense.

Dans le débat en première lecture à l'Assemblée nationale (JO, AN, p 5231), le Gouvernement n'a pas cru devoir contester l'analyse reprise ci-dessus, se bornant à indiquer que le Conseil constitutionnel aurait, le cas échéant, à apprécier la régularité des dispositions en cause.

En revanche, lors de la discussion au Sénat (JO, Sénat, p 3690 à 3730), le Gouvernement a très justement indiqué, par la voix du ministre de l'éducation nationale, que "la mise en oeuvre de cette faculté de titulariser nécessite le recours préalable à une loi de finances rectificative".

Cependant, cette déclaration d'intention n'a pas été suivie d'une modification du texte de la loi de finances. Le Gouvernement s'est opposé devant l'Assemblée nationale au maintien d'un article 108 bis, introduit par le Sénat, tendant à faire figurer explicitement dans la loi l'engagement pris en séance par le Gouvernement. Et comme, en application de l'article 43 de la loi organique, les décrets de répartition des crédits ouverts par loi de finances "ne peuvent apporter aux chapitres ou comptes, par rapport aux dotations correspondantes de l'année précédente, que les modifications proposées par le Gouvernement dans les annexes explicatives, compte tenu des votes du Parlement", les dispositions inconstitutionnelles, prévues au départ pour être directement applicables, et dont le Gouvernement a reconnu ensuite qu'elles nécessitaient, pour être mises en oeuvre, intervention d'une autre loi de finances, demeureront inchangées.

Il appartient donc, semble-t-il, au Conseil constitutionnel, de ne pas laisser subsister dans la loi de finances initiale des dispositions contraires aux spécifications de la loi organique. Leur suppression implique que soit déclaré non conforme à la Constitution l'article 41 de la loi de finances pour 1984, puisque la mesure nouvelle qu'il aurait fallu prendre pour pouvoir directement titulariser des enseignants actuellement sous contrat n'a pas été suivie de l'ouverture des crédits nécessaires au titre III.

L'annulation de l'article 41 entraîne celle de l'article 39 relatif à l'équilibre des ressources et des charges et, par voie de conséquence, celle de l'ensemble de la loi.

Procédant à cette annulation, le Conseil contribuera à conforter le voeu émis par la Cour des comptes, dans son rapport public pour 1983, qui a rappelé avec vigueur la nécessité de ne pas abuser de la procédure du transfert, en précisant : "il importe qu'à l'avenir, les dispositions de la loi organique soient strictement respectées".

II : Non-conformité de l'article 13 à la Constitution, en ce qu'il méconnaît gravement les principes généraux de la non-rétroactivité des lois et de l'égalité.

is et de l'égalité.

Afin de favoriser le développement de la construction, le législateur a, dans l'immédiat après guerre, exonéré les constructions nouvelles de taxe foncière sur les propriétés bâties pour une durée de vingt-cinq ans lorsqu'elles sont affectées pour au moins trois quarts de leur superficie à l'habitation ou de quinze ans dans le cas contraire.

La loi n° 71-583 du 16 juillet 1971 a supprimé le bénéfice de cette exonération pour les immeubles construits postérieurement au 31 décembre 1972 et n'a donc disposé que pour l'avenir. A l'époque, le Parlement avait refusé de donner à cette suppression un caractère rétroactif.

L'article 13 de la loi de finances prévoit au contraire que, à compter de 1984, la durée des exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties prévues à l'article 1385 du code général des impôts est ramenée à quinze ans sauf en ce qui concerne certaines catégories de logements locatifs sociaux.

Non-conformité au principe de la continuité de l'Etat.

on-conformité au principe de la continuité de l'Etat.

Le principe de la continuité de l'Etat est l'un des plus forts de la Constitution. Le Président de la République, aux termes de l'article 5, en a la charge. Ce principe implique qu'il soit veillé au fonctionnement régulier des pouvoirs publics, que soit maintenue la continuité du service public (décision du 25 juillet 1979, droit de grève à la radio et à la télévision) mais aussi que soient tenus les engagements pris par l'Etat par voie législative et réglementaire notamment dans le cas où il en est résulté la création de véritables droits acquis.

En l'espèce, en liant l'octroi d'un avantage fiscal clairement défini et délimité dans sa durée à la réalisation d'un effort d'investissement contribuant à sa politique de reconstruction, l'Etat a pris un engagement de nature quasi contractuelle auquel il ne saurait se soustraire unilatéralement.

Cet allégement fiscal est en tout point assimilable à une subvention dont le versement serait différé. L'Etat, qui a pu justement supprimer l'octroi de telles incitations pour l'avenir, à compter du 1er janvier 1973, ne saurait se dispenser de verser celles qui, la partie privée ayant rempli ses obligations, étaient dues par lui aux personnes ayant construit avant cette date.

A cet égard, une distinction doit être faite entre le cas considéré et la suppression ou la réduction d'un avantage fiscal consécutif, par exemple, à la souscription d'un emprunt pour l'habitation principale ou d'un contrat d'assurance vie.

Dans les derniers cas, le contribuable s'efforce de bénéficier d'une disposition légale existante sans que, pour autant, l'Etat ait pris à son égard un engagement quant à son maintien ou à sa durée. Dans le cas d'espèce, en revanche, c'est la durée déterminée de l'avantage fiscal octroyé qui lui donne le caractère d'engagement contractuel.

Violation du principe d'égalité devant la loi.

iolation du principe d'égalité devant la loi.

Ce principe est contenu dans l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, réaffirmé dans le préambule de la Constitution de 1958 et repris dans l'article 2 de la Constitution.

La jurisprudence du Conseil constitutionnel a précisé à plusieurs reprises la portée de ce principe. C'est ainsi qu'a été déclarée non conforme à la Constitution l'attribution d'un vote plural à certaines catégories d'employeurs dans les élections des conseils de prud hommes (décision du 17 janvier 1979) ; de même, l'exclusion de la nationalisation des banques dont la majorité du capital social appartient directement ou indirectement à des sociétés à caractère mutualiste ou coopératif (décision du 16 janvier 1982).

Il est vrai que la portée de ce principe ne peut être absolue. "Le principe d'égalité ne peut faire obstacle à ce qu'une loi établisse des règles non identiques à l'égard de catégories de personnes se trouvant dans des situations différentes, mais il ne peut en être ainsi que lorsque cette non-identité est justifiée par la différence de situation et n'est pas incompatible avec la finalité de la loi". (Décision précitée du 16 janvier 1982).

Parmi l'abondante jurisprudence existante, il est possible de relever que la source de différenciation peut être géographique (statut de la région de Corse, décision du 25 février 1982 ; tarif privilégié sur un pont à péage pour les habitants riverains, décision du 12 juillet 1979). Elle peut résulter des fonctions exercées (décision du 17 juillet 1980) ou de la bonne ou mauvaise foi des contribuables (décision du 31 décembre 1981).

Dans le cas d'espèce, il est sans doute possible de considérer qu'un sort spécial peut, en conformité avec la Constitution, être réservé aux organismes constructeurs de logements sociaux.

En revanche, on ne saurait admettre la rupture d'égalité introduite par l'article 13 entre les personnes bénéficiant jusqu'ici de l'exonération. L'inégalité de traitement est ici manifeste : selon la date d'origine de la construction, la durée totale de l'exonération variera de vingt-cinq années pour ceux qui ont construit avant 1959, à quinze ans pour ceux qui ont construit entre le 1er janvier 1969 et le 31 décembre 1972.

Or ce traitement non identique affecte des catégories de personnes dont on cherche en vain quelle différence de situation, justifiée par la finalité de la loi, légitimerait l'inégalité de sort qui leur est faite : toutes ont, de bonne foi, au moment où elles ont construit, cru à l'engagement pris par l'Etat de leur assurer vingt-cinq années d'exonération de taxe foncière. Placées en situation identique par une loi incitative conférant des avantages de durée déterminée, elles seront, selon les dates d'origines différentes de leur construction, traitées inégalement du point de vue de la durée de l'exonération de taxe foncière.

Tels sont les motifs pour lesquels l'article 13, notamment dans son alinéa premier, nous paraît susceptible d'être déclaré non conforme à la Constitution.

III : Non conformité à la Constitution de l'article 83.

II : Non conformité à la Constitution de l'article 83.

Cet article est contraire à la Constitution comme attentatoire à la liberté individuelle, qui, selon le Conseil constitutionnel, est "l'un des principes fondamentaux garantis par les lois de la République et proclamés par le préambule de la Constitution de 1946, confirmé par le préambule de la Constitution de 1958", lequel principe est "(réaffirmé par) l'article 66 de la Constitution (qui) en confie la garde à l'autorité judiciaire" (décision du 12 janvier 1977 sur la fouille des véhicules automobiles, Dalloz 1978, p 173, note Hamon et Léauté).

En effet, l'article 83 permet à des agents des impôts de faire des perquisitions dans des conditions qui violent doublement ce principe :

1° Parce que les perquisitions en cause sont abandonnées à la décision de ces fonctionnaires ;

2° Parce qu'ils peuvent les décider, alors même qu'il n'existe aucun indice qu'une infraction ait été commise.

1° Inconstitutionnalité découlant de ce que les perquisitions en cause sont abandonnées à la décision des agents de l'administration des impôts mentionnés par l'article 83.

pôts mentionnés par l'article 83.

Suivant ce texte, "les agents peuvent faire application des articles 7, 15, 16, deuxième et cinquième alinéas, et 17 de l'ordonnance n° 45-1484 du 30 juin 1945".

Or, l'article 16, alinéa 2, de cette ordonnance, donne aux fonctionnaires compétents "libre accès dans les magasins bureaux et, d'une façon générale, en quelque lieu que ce soit", sous réserve, en ce qui concerne les locaux d'habitation, des dispositions de l'alinéa 5. En d'autres termes, il s'agit d'un droit de perquisition de jour et de nuit que ces fonctionnaires exercent à leur gré (voir Francis Lefebvre, Réglementation économique, concurrence, consommation, 1983 ; n° 3707).

Un tel droit de perquisition, qui ne dépend pas de l'autorité judiciaire est, par là même, attentatoire à la liberté individuelle - comme le montre la décision du 12 janvier 1977, qui relève, parmi les motifs d'inconstitutionnalité de la fouille des véhicules, le fait que le texte adopté par le Parlement laissait aux officiers de police judiciaire le soin d'apprécier l'opportunité d'une visite des véhicules.

Certes, on ne peut, aujourd hui invoquer l'inconstitutionnalité de l'ordonnance du 30 juin 1945, en son article 16, alinéa 2. Mais on doit, à tout le moins, refuser d'étendre le domaine d'application dudit article qui, si l'article 83 était adopté, engloberait non plus seulement la recherche des infractions économiques, mais aussi : et c'est là une novation importante : celles des infractions fiscales.

Il ne faut pas se laisser abuser à cet égard par l'autorisation judiciaire prévue par l'article 83, car on est bel et bien en présence d'une autorisation générale donnée à l'avance par les juges, aux fonctionnaires considérés, de procéder à des perquisitions. La différence de rédaction entre la première phrase de l'article et sa seconde phrase, concernant les perquisitions dans les habitations privées pour lesquelles une autorisation spéciale est nécessaire (comme dans l'article 16, alinéa 5, de l'ordonnance précitée) est tout à fait édifiante sur ce point. En somme, "l'autorisation" de l'article 83, première phrase, ne présente pas plus de garanties pour la protection des libertés individuelles que l'habilitation d'un officier de police judiciaire par le procureur général prévue par le code de procédure pénale.

2° Inconstitutionnalité découlant de ce que les agents de l'administration des impôts peuvent décider les perquisitions en cause, alors qu'aucune infraction n'a été commise.

alors qu'aucune infraction n'a été commise.

On peut admettre, dans des circonstances exceptionnelles, essentiellement dans le cas de crime ou délit flagrant où il existe des "indices apparents", suivant la Cour de cassation, qu'une infraction est en train de se commettre ou vient d'être commise en un lieu privé, que la police perquisitionne sans mandat du juge : le code de procédure pénale le prévoit par des dispositions dont la constitutionnalité n'est pas douteuse.

Mais l'article 83 ne se réfère aucunement à pareilles circonstances exceptionnelles. Comme le texte censuré par le Conseil constitutionnel en 1977, il se borne à énoncer que le droit de perquisition est attribué à des fonctionnaires "pour rechercher les infractions sans qu'aucune présomption d'infraction ne doive exister.

Or, c'est ce genre de formule que la décision de 1977 réprouve, en déclarant : "les pouvoirs (sont) attribués aux officiers de police judiciaire alors même qu'aucune infraction n'aura été commise en raison de l'étendue des pouvoirs conférés aux officiers de police judiciaire du caractère très général des cas dans lesquels ces pouvoirs pourraient s'exercer et de l'imprécision de la portée des contrôles auxquels ils seraient susceptibles de donner lieu, (le) texte porte atteinte aux principes essentiels sur lesquels repose la protection de la liberté individuelle".

IV : Inconstitutionnalité de l'article 18, alinéa VI-I, de la loi de finances pour 1984.

ances pour 1984.

La règle posée par l'article en cause :

Exonération de l'assiette de l'IGF des participations des gérants minoritaires et des dirigeants d'entreprises qui possèdent un pourcentage du capital de leur société égal ou supérieur à 25 p 100 se heurte à une règle de valeur constitutionnelle dont la matérialité a déjà été posée et constatée par le Conseil constitutionnel.

Il s'agit de l'égalité des citoyens devant la loi qui, dans le cas présent, s'analyse en une nécessaire égalité de principe devant la contribution aux charges publiques.

1° Ce principe est affirmé par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, intégré au préambule de la Constitution de 1958 ; et qui, aux termes de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, a incontestablement valeur constitutionnelle.

Au reste, l'article 2 de l'actuelle Constitution réaffirme ce principe fondamental, qui est la base naturelle de tout régime démocratique.

2° Ce principe a, depuis longtemps, donné lieu à une interprétation qui rend son application concrète possible et qui affirme que seule l'égalité "relative" et "catégorielle" doit être respectée.

Cela signifie, par exemple, dans le domaine de la fiscalité, que les contribuables qui se trouvent dans une même situation, c'est-à-dire qui appartiennent à une même "catégorie", doivent impérativement être soumis à un régime juridique.

Certes, dans ces conditions, pourrait-on hâtivement penser qu'à partir du moment où tous les dirigeants et gérants minoritaires détenant moins de 25 p 100 du capital de leur société sont soumis à un régime homogène au regard de l'IGF, le principe constitutionnel est respecté.

Pourtant, tel n'est pas le cas.

3° En effet, l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen affirme que la charge fiscale : "doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés".

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel, par une décision du 17 janvier 1979 (décision n° 78-101) a déclaré :

"Considérant que si le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce qu'une loi établisse des règles non identiques à l'égard des catégories de personnes se trouvant dans des situations différentes, il n'en est ainsi que lorsque cette non-identité est justifiée par la différence de situation, et n'est pas incompatible avec la finalité de cette loi".

Or, d'un double point de vue, l'article 18 concerné ne répond pas à ces impératifs :

D'abord la nécessaire "différence de situation" n'existe pas et se trouve même inversée (seuls, les dirigeants et gérants minoritaires petits porteurs sont assujettis à l'IGF).

Ensuite et surtout, la règle posée est incompatible avec la finalité de toute loi de finances, telle que posée par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme sus-rappelée (répartition des charges publiques en raison des "facultés" des contribuables).

En conséquence, l'article 18 est contraire à la règle constitutionnelle de l'égalité des citoyens devant la loi telle qu'elle est appliquée par le Conseil constitutionnel.

C'est pourquoi le Conseil constitutionnel devra déclarer comme inconstitutionnel l'article 18 (VI, 1) de la foi de finances pour 1984.

V : Inconstitutionnalité de l'article 76 de la loi de finances pour 1984.

Cet article, en abaissant, pour les seuls exploitants agricoles, la limite du forfait à 450000 F, puis à 380000 F, institue, à l'encontre de ces seules personnes, un régime discriminatoire en ce qui concerne l'imposition des plus-values professionnelles.

En effet, l'article 151 septies du code général des impôts prévoit dans son alinéa 1er, que "les plus-values réalisées dans le cadre d'une activité agricole, artisanale, commerciale ou libérale, par des contribuables dont les recettes n'excèdent pas la limite du forfait ou de l'évaluation administrative, sont exonérées, à condition que l'activité ait été exercée pendant au moins cinq ans et que le bien n'entre pas dans le champ d'application de l'article 691".

Dès lors, en 1986, un contribuable commerçant dont les recettes seraient égales à 480000 F serait exonéré d'impôt sur le revenu à titre de ses plus-values professionnelles tandis qu'un contribuable agriculteur réalisant le même montant de recette serait taxé.

VI : Non-conformité de l'article 101 ter de la loi de finances pour 1984 au préambule de la Constitution et, subsidiairement, l'article 1er de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959.

cle 1er de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959.

Sous l'intitulé "mesure visant à permettre une meilleure transparence fiscale", l'article 101 ter de la loi de finances pour 1984 apporte à l'article L 111 du livre des procédures fiscales organisant la publicité de liste de contribuables les modifications suivantes :

Cette liste serait désormais établie par commune ;

Elle serait complétée par la liste des personnes qui, bien que non assujetties dans la commune à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés, y possèdent une résidence ;

En ce qui concerne l'impôt sur le revenu, outre la mention du montant de l'impôt et du nombre de parts, figureraient également le montant du revenu imposable et le montant de l'avoir fiscal éventuel ;

Enfin, en matière d'impôt sur les grandes fortunes, alors qu'actuellement la liste ne comprend que le nom des personnes imposables elle comprendrait désormais en outre la valeur du patrimoine déclaré et le montant de l'impôt mis à la charge du redevable.

Cet article, introduit dans la loi par un amendement d'origine parlementaire présenté en première lecture à l'Assemblée nationale dans des conditions qui ne paraissent d'ailleurs pas conformes à l'article 42 de la loi organique du 2 janvier 1959, a pour but, selon les dires mêmes de ses auteurs, de renforcer la transparence fiscale et notamment de faire en sorte que les citoyens apprécient mieux leur contribution respective aux charges publiques à un moment où se développe un néocorporatisme qui essaie de laisser croire à chaque groupe social "qu'il paie plus d'impôt que d'autres".

La faculté offerte à l'administration de prescrire l'affichage de ces documents (art L 111, 2e alinéa, du livre des procédures fiscales) et la possibilité existant actuellement pour certains tiers d'avoir accès à ces informations (art R 111-3 du même livre) porte des atteintes évidentes aux droits de l'homme tels qu'ils sont définis à l'article II de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, à laquelle se réfère le préambule de la Constitution. Cette divulgation d'information concernant le revenu et le patrimoine des individus est en effet contraire au droit de chaque citoyen au respect de sa vie privée et peut permettre à des personnes peu scrupuleuses d'obtenir les informations permettant de perpétrer, à l'encontre de certains contribuables, des agissements (chantage, enlèvement avec demande de rançon ) incompatibles avec la sûreté que reconnaît à chaque citoyen la Constitution.

Ces atteintes sont d'autant plus graves qu'aucune disposition ne permet de garantir qu'il sera possible, notamment pour les contribuables concernés, d'identifier ultérieurement les personnes ayant consulté les informations en cause. Certes, les textes précités organisent déjà certaines mesures de publicité, mais il s'agit, pour l'essentiel, de dispositions adoptées à une époque où les parlementaires ne disposaient d'aucune initiative en matière de contrôle de constitutionnalité des lois et sur lesquelles le Conseil constitutionnel n'a jamais été appelé à se prononcer. En outre, les adjonctions apportées à ces textes par les dispositions de l'article 101 ter de la loi de finances pour 1984, notamment en ce qui concerne l'impôt sur les grandes fortunes, rendent encore plus graves les atteintes ainsi portées à la liberté et à la sûreté des citoyens.

Pour le cas où le moyen pris de la violation du préambule de la Constitution ne serait pas jugé pertinent, il y aurait lieu de s'interroger sur la conformité de l'article 101 ter de la loi de finances pour 1984 à l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.

Tout d'abord, en application du dernier alinéa de l'article L 111 du livre des procédures fiscales, la publication ou la diffusion de ces listes et des indications s'y rapportant est interdite. La disposition incriminée n'a ainsi pour effet que de permettre de mieux satisfaire certaines curiosités individuelles et n'a donc aucun rapport direct ou indirect avec l'assiette, le taux ou les modalités de recouvrement des impositions.

On ne saurait, à moins de considérer que cet amendement vise à favoriser le développement de la délation, ce qui ne paraît guère conforme à l'éthique républicaine, admettre que cette disposition a pour objet d'améliorer le contrôle fiscal. D'ailleurs, lors des débats à l'Assemblée nationale, il a été clairement affirmé par l'auteur de l'amendement qu'il ne s'agissait pas de favoriser la délation (Journal officiel, Débats AN, 2e séance du 18 novembre 1983, p 5521).

On ne saurait enfin considérer que l'inscription en loi de finances de cette disposition se justifierait en raison de l'aggravation des charges de fonctionnement de l'administration fiscale qu'elle entraîne, sans admettre, par là même, que cette disposition ne pouvait résulter d'un amendement parlementaire en application des articles 40 de la Constitution et 42 de l'ordonnance organique.

Cet article ne peut donc, ni par son dispositif ni même par sa finalité, se rattacher à l'un ou l'autre des objets mentionnés à l'article 1er de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, qui énumère de façon limitative les dispositions qui doivent ou peuvent figurer dans les lois de finances.

L'objet de cet article est donc étranger à ceux qui peuvent relever d'une loi de finances en application de l'article 1er de la loi organique du 2 janvier 1959.

VII : Non-conformité à la Constitution de l'article 97 ter de la loi de finances pour 1984.

finances pour 1984.

Résultant d'un amendement parlementaire adopté en deuxième lecture par l'Assemblée nationale, l'article 97 ter tend à donner un caractère interprétatif aux dispositions de l'article 97 bis.

L'article 97 bis apporte à l'article 14 de la loi de finances pour 1983 une modification en apparence purement orthographique dont l'incidence financière serait cependant importante, selon les déclarations du rapporteur de la commission des finances de l'Assemblée nationale lors de la deuxième séance du 17 décembre 1983.

Il y a lieu de noter que, telle qu'elle est actuellement rédigée, la première phrase du deuxième alinéa du 1 du I de l'article 14 de la loi de finances pour 1983 est parfaitement applicable.

Tel qu'il est rédigé, et compte tenu des dispositions de l'article 1er (paragraphe II-2) de la loi de finances pour 1984, l'article 97 bis entrera en vigueur le 1er janvier 1984.

L'article 97 ter a donc pour objet de rendre l'article 97 bis applicable au 1er janvier 1983, puisqu'une loi interprétative prend effet à compter du jour de la prise d'effet de la loi qu'elle explique, précise ou complète.

Or, si l'article 97 bis de la loi de finances pour 1984 peut valablement modifier les règles résultant de l'article 14 de la loi de finances pour 1983, à compter du 1er janvier 1984, l'article 97 ter ne peut prévoir une telle modification à compter du 1er janvier 1983 puisque l'article 2 (pénultième alinéa) de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances dispose que "seules des lois de finances, dites rectificatives, peuvent, en cours d'année, modifier les dispositions de la loi de finances de l'année".

Le Conseil constitutionnel a certes admis certaines formes de rétroactivité des lois, mais une telle rétroactivité n'est pas admissible lorsqu'elle se heurte à des dispositions organiques auxquelles le Conseil constitutionnel a reconnu valeur constitutionnelle, conformément aux articles 34 et 47 de la Constitution.

VIII : Non-conformité à la Constitution de l'état A et de l'article 39 en tant qu'ils prennent en compte, à hauteur de 2780000000 F, les modifications du tarif de la taxe intérieure sur les produits pétroliers résultant de l'ordonnance n° 83-332 du 18 mai 1983.

iers résultant de l'ordonnance n° 83-332 du 18 mai 1983.

Ainsi qu'il est indiqué aux pages 14 et 41 du fascicule des "Voies et moyens" annexé au projet de loi de finances pour 1984, l'article 39 de la loi de finances pour 1984 et l'état A annexé tirent les conséquences, en ce qui concerne l'évaluation des recettes de l'Etat, de la modification, par l'ordonnance n° 83-332 du 18 mai 1983, du tarif de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), qui permettrait d'enregistrer, en 1984, des recettes supplémentaires de 2780000000 F.

Or, l'ordonnance du 18 mai 1983 précitée : dont aucune procédure n'a permis aux parlementaires de contester la constitutionnalité devant le Conseil constitutionnel, à défaut notamment d'examen par le Parlement du projet (n° 1724) portant ratification des ordonnances prises en application de la loi n° 83-332 du 22 avril 1983, projet sur lequel une exception d'irrecevabilité a été déposée par M Gilbert Gantier, député - méconnaît des dispositions essentielles de la loi organique.

En effet, l'article 1er de cette ordonnance dispose : "lorsque le prix international des produits pétroliers est inférieur au niveau atteint au mois de février 1983, le tarif de la taxe intérieure de consommation fixé aux articles 265 et 266 du code des douanes est majoré d'une somme calculée à partir des prix constatés sur les marchés internationaux". Un arrêté du 18 mai 1983 ainsi que des arrêtés ultérieurs, pris sur la base de cette ordonnance, ont effectivement porté le tarif de la TIPP à des niveaux différents de celui résultant de la loi de finances pour 1983, selon des modalités telles qu'il est impossible de soutenir qu'il y aurait création d'une taxe additionnelle.

Le tarif de la TIPP pour 1983, que modifient l'ordonnance et les arrêtés en cause, résultait des dispositions combinées :

De l'article 1er de la loi de finances pour 1983 (n° 82-1126 du 29 décembre 1982), qui autorise, pour 1983, la perception des impôts affectés à l'Etat "conformément aux lois et règlements" et aux dispositions de la même loi, permettant ainsi le relèvement pour 1983 du tarif de la TIPP dans les conditions fixées au 4 de l'article 266 du code des douanes (indexation sur la septième tranche du barème de l'impôt sur le revenu) ;

Et de l'article 23 de la même loi de finances, qui dispose que, pour 1983, le relèvement susmentionné du tarif de la TIPP est reporté à la deuxième semaine de mai.

En outre, en application de l'article 4 (2e alinéa) de l'ordonnance du 2 janvier 1959 exigeant l'évaluation par les lois de finances du rendement des impôts dont le produit est affecté à l'Etat, l'évaluation du produit de la TIPP pour 1983 a été effectuée à l'état A annexé à la loi de finances pour 1983 et à l'article d'équilibre en tenant compte de l'incidence des seules dispositions législatives précitées de ladite loi de finances.

Dans ces conditions, l'ordonnance n° 83-392 du 18 mai 1983 a modifié pour 1983 le tarif et le produit de la TIPP tels qu'ils ont été fixés par la loi de finances pour 1983, alors qu'en application de l'article 2, pénultième alinéa, de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances "seules des lois de finances, dites rectificatives, peuvent, en cours d'année, modifier les dispositions de la loi de finances de l'année".

Or aucune disposition de la loi n° 83-332 du 22 avril 1983, loi dépourvue du caractère de loi de finances rectificative, n'a expressément habilité le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnances des dispositions modifiant la loi de finances de l'année et rien n'indiquait dans le texte de la loi d'habilitation que la modification du tarif de la TIPP mentionnée au 3° de son article 1er pourrait s'appliquer au tarif fixé pour 1983 par la loi de finances de l'année. En tout état de cause, l'ordonnance n° 83-392 est dépourvue du caractère de loi de finances rectificative, puisque, notamment, elle n'évalue pas le rendement de la TIPP, compte tenu de la modification de son tarif, ainsi que l'aurait exigé l'article 4 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959, alors même qu'il résulte des documents présentés en annexe au projet de loi de finances pour 1984 que cette modification a dégagé, en 1983, une plus-value de 1250 millions de francs.

Il résulte de ce qui précède que la conformité de l'ordonnance n° 83-332 du 18 mai 1983 aux dispositions de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 n'est pas assurée, le Conseil constitutionnel n'ayant pas eu l'occasion de se prononcer sur ce point.

Or, en tirant les conséquences financières de l'ordonnance du 18 mai 1983, l'article 39 de la loi de finances pour 1984 et l'état A annexé constitueraient, à défaut de ratification en la forme prévue par l'article 38 de la Constitution et à défaut de l'adoption définitive d'une loi de finances rectificative pour 1983 avant l'adoption définitive de la loi de finances pour 1984, une validation implicite de cette ordonnance dont les soussignés considèrent qu'elle a été prise en violation d'un texte organique auquel le Conseil constitutionnel a reconnu valeur constitutionnelle.

SAISINE SENATEURS

Les sénateurs soussignés, conformément à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, ont l'honneur de déférer au Conseil constitutionnel le texte de la loi de finances pour 1984 tel qu'il a été définitivement adopté par le Parlement et lui demandent de bien vouloir déclarer non conformes à la Constitution le titre III (art 41 de la loi de finances pour 1984), en ce qu'il contient deux chapitres (31-60 et 31-62) nouveaux créés au budget du ministère de l'éducation nationale, et les articles 83, 84 et 87 de cette loi.

ation nationale, et les articles 83, 84 et 87 de cette loi.

I : Inconstitutionnalité du titre III.

Inconstitutionnalité du titre III.

1 La création de deux chapitres non dotés (31-60 et 31-62) est contraire aux règles de la procédure budgétaire et porte atteinte au droit de contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques.

Dans la mesure où les négociations entre le Gouvernement et l'enseignement catholique aboutiraient et permettraient ainsi la titularisation sur leur demande de 15000 maîtres de l'enseignement privé, les deux chapitres étant créés, le Gouvernement pourrait, par décret, opérer un virement de crédits provenant du chapitre 43-01 (art 14 de l'ordonnance organique portant loi de finances), échappant ainsi à tout contrôle parlementaire. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Gouvernement a adopté cette démarche, car si les transferts et virements de crédits peuvent modifier la répartition des dotations entre les chapitres, ils ne peuvent avoir pour effet de créer de nouveaux chapitres (art 14, ordonnance organique relative aux lois de finances). Les chapitres étant créés par la loi de finances, le Gouvernement pourrait ainsi, arbitrairement, les doter.

Dans ce cas, seul le vote d'une loi de finances rectificative serait conforme au droit et serait susceptible de sauvegarder le droit de contrôle des parlementaires. En effet, selon l'article 2 de l'ordonnance organique, seules des lois de finances dites rectificatives peuvent, en cours d'année, modifier les dispositions de la loi de finances de l'année. La création de postes de fonctionnaires relève bien, par ailleurs, du domaine de la loi. Le Gouvernement a d'ailleurs reconnu, en séance publique au Sénat, au cours de la séance du 3 décembre 1983, le bien-fondé de ce raisonnement.

En conséquence, les sénateurs soussignés demandent au Conseil constitutionnel de déclarer non conforme à la Constitution et à la loi organique n° 59-2 du 2 janvier 1959, relative aux lois de finances, la création de deux chapitres budgétaires soit permettant une création de postes de fonctionnaires par voie réglementaire, soit subordonnant l'utilisation de ces deux chapitres à l'entrée en vigueur d'une loi ultérieure.

II : Les dispositions de l'article 83 du projet de loi de finances pour 1984 sont contraires aux principes constitutionnels garantissant la protection de la liberté individuelle et l'inviolabilité du domicile privé.

le privé.

Elles portent atteinte à la liberté individuelle, principe à valeur constitutionnelle consacré par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 12 janvier 1977 (fouille de véhicules).

L'inconstitutionnalité de cet article est due à son caractère imprécis et général : ainsi ne sont déterminés avec précision ni la nature de l'infraction, ni les pouvoirs de l'agent chargé de la perquisition.

En raison de l'étendue des pouvoirs, dont la nature n'est, par ailleurs, pas définie, conférés aux officiers de police judiciaire et à leurs agents, du caractère très général des cas dans lesquels ces pouvoirs pourraient s'exercer et de l'imprécision de la portée des contrôles auxquels ils seraient susceptibles de donner lieu, ce texte porte atteinte aux principes essentiels sur lesquels repose la protection de la liberté individuelle (cf décision précitée).

III : L'article 84 du projet de loi de finances pour 1984, en ce qu'il modifie l'article 1649 ter F du code général des impôts porte atteinte au principe constitutionnel de l'égalité du citoyen devant la loi.

.

En établissant une nouvelle rédaction de l'article 1649 ter F du code général des impôts, le projet de loi de finances introduit une différence de traitement entre les particuliers non commerçants selon qu'ils ont leur domicile fiscal en France ou à l'étranger, au regard des modes de règlement de tout bien ou service d'un montant supérieur à 10000 F.

Alors que dans le cas visé par le nouvel article, les particuliers non commerçants, ayant leur domicile fiscal en France, se voient imposer le règlement par chèque dans les conditions de l'article L 96 du livre des procédures fiscales, soit par versement bancaire ou postal, soit par carte de paiement ou de crédit, les particuliers appartenant à cette même catégorie conservent le droit d'effectuer un règlement en billets, dès lors qu'ils peuvent justifier que leur domicile fiscal est situé hors de France.

La valeur constitutionnelle du principe d'égalité devant la loi ressort des dispositions de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et de l'article 2 de la Constitution de 1958, ainsi que de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Il résulte de cette jurisprudence que si le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce qu'une loi établisse des règles non identiques à l'égard des catégories de personnes, il n'en est ainsi que lorsque l'absence d'identité est justifiée par leur différence de situation et n'est pas incompatible avec la finalité de cette loi.

Mais, la situation juridique des deux catégories de sujets visés dans l'article incriminé n'apparaît pas faire l'objet de différences suffisamment significatives pour qu'elles puissent justifier un traitement plus contraignant et moins favorable aux particuliers non commerçants ayant leur domicile fiscal en France.

Par ailleurs, la distinction établie par le même article de la loi de finances ne paraît pas se justifier au regard des objectifs dudit texte dont la finalité est de renforcer leurs moyens de lutte contre la fraude fiscale.

La mesure envisagée à l'égard des particuliers non commerçants doit s'appliquer à eux sans distinction de leur domicile fiscal pour respecter l'objectif poursuivi par la loi.

Il résulte des motifs ci-dessus invoqués que la différence de traitement établie par l'article 84 semble être dénuée de fondement et qu'elle est contraire au principe d'égalité devant la loi.

IV : Les dispositions envisagées par le paragraphe III de l'article 87 du projet de loi de finances pour 1984 méconnaissent le principe du nécessaire respect de la vie privée, qui a valeur constitutionnelle.

tutionnelle.

Le droit au secret de la vie privée est un des éléments constitutifs de la liberté individuelle, dont la valeur constitutionnelle a été maintes fois consacrée par votre jurisprudence.

En permettant aux créanciers d'aliments : dont la qualité est reconnue par une décision de justice : de consulter la liste détenue par la direction des services fiscaux dans le ressort de laquelle l'imposition du débiteur est établie, le paragraphe III de l'article 87 attaqué porte atteinte au principe ci-dessus.

En effet, d'une part cet article s'analyse comme une dérogation aux règles actuelles du secret fiscal. Ces dispositions auraient dû prévoir l'extension du secret fiscal aux personnes à qui l'on communique les informations détenues par les agents des services fiscaux. En l'absence de toute disposition de cette nature, cet article porte atteinte au secret de la vie privée en ne créant pas d'obligation de secret à l'égard des personnes ayant eu connaissance des renseignements portés sur les listes détenues par les services fiscaux.

D'autre part, l'imprécision rédactionnelle de cet article laisse supposer, par une référence incidente au caractère judiciaire de la démarche du créancier d'aliments auprès des services fiscaux, que celui-ci pourra utiliser le fruit de ses recherches devant les juridictions de l'ordre judiciaire en dérogation aux règles du secret de la vie privée.

Par ces motifs, et tous autres à soulever d'office, les sénateurs soussignés demandent au Conseil constitutionnel de bien vouloir déclarer le titre III (art 41 de la loi de finances pour 1984) en ce qu'il contient 2 chapitres (31-60 et 31-62) nouveaux créés au budget du ministère de l'éducation nationale, et les articles 83, 84 et 87 du projet de loi de finances pour 1984 non conformes à la Constitution.

Note relative à l'inconstitutionnalité de l'article 18, alinéa VI-1, de la loi de finances pour 1984

VI-1, de la loi de finances pour 1984

La règle posée par l'article en cause, exonération de l'assiette de l'IGF des participations des gérants minoritaires et des dirigeants d'entreprises qui possèdent un pourcentage du capital de leur société égal ou supérieur à 25 p 100, se heurte à une règle de valeur constitutionnelle dont la matérialité a déjà été posée et constatée par le Conseil constitutionnel.

Il s'agit de l'égalité des citoyens devant la loi, qui, dans le cas présent, s'analyse en une nécessaire égalité de principe devant la contribution aux charges publiques.

1 Ce principe est affirmé par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, intégré au préambule de la Constitution de 1958 et qui, aux termes de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, a incontestablement valeur constitutionnelle.

Au reste, l'article 2 de l'actuelle Constitution réaffirme ce principe fondamental, qui est la base naturelle de tout régime démocratique.

2 Ce principe a, depuis longtemps, donné lieu à une interprétation qui rend son application concrète possible et qui affirme que seule l'égalité "relative" et "catégorielle" doit être respectée.

Cela signifie, par exemple, dans le domaine de la fiscalité, que les contribuables qui se trouvent dans une même situation, c'est-à-dire qui appartiennent à une même "catégorie" doivent impérativement être soumis à un même régime juridique.

Certes, dans ces conditions pourrait-on hâtivement penser qu'à partir du moment où tous les dirigeants et gérants minoritaires détenant moins de 25 p 100 du capital de leur société sont soumis à un régime homogène au regard de l'IGF, le principe constitutionnel est respecté.

Pourtant, tel n'est pas le cas.

3 En effet, l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen affirme que la charge fiscale "doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés".

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel, par une décision du 17 janvier 1979 (Décision 78-101), a déclaré :

"Considérant que si le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce qu'une loi établisse des règles non identiques à l'égard des catégories de personnes se trouvant dans des situations différentes, il n'en est ainsi que lorsque cette non-identité est justifiée par la différence de situation et n'est pas incompatible avec la finalité de cette loi".

Or, d'un double point de vue, l'article 18 concerné ne répond pas à ces impératifs.

D'abord la nécessaire "différence de situation" n'existe pas et se trouve même inversée (seuls les dirigeants et gérants minoritaires petits porteurs sont assujettis à l'IGF) ;

Ensuite et surtout, la règle posée est incompatible avec la finalité de toute loi de finances telle que posée par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme sus-rappelée (répartition des charges publiques en raison des "facultés" des contribuables).

En conséquence, l'article 18 est contraire à la règle constitutionnelle de l'égalité des citoyens devant la loi telle qu'elle est appliquée par le Conseil constitutionnel.

C'est pourquoi le Conseil constitutionnel devra déclarer comme inconstitutionnel l'article 18 (VI-1) de la loi de finances pour 1984.

Signature et mémoire ampliatif joints de M Etienne Dailly, sénateur, à la saisine du Conseil constitutionnel en date du 20 décembre 1983 présentée par plus de soixante sénateurs.

embre 1983 présentée par plus de soixante sénateurs.

Le sénateur soussigné, à monsieur le président et messieurs les membres du Conseil constitutionnel, 2, rue Montpensier, 75001 Paris.

1° Le principe même de l'existence de chapitres budgétaires non dotés de crédits est contraire aux dispositions de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 puisque son article 1er stipule "les lois de finances déterminent la nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'Etat", ce qui n'est évidemment pas le cas des chapitres incriminés qui ne déterminent rien.

2° La création de tels chapitres "pour mémoire" ne peut avoir pour objet que de tourner deux dispositions pourtant impératives de l'ordonnance susmentionnée :

a) L'article 14 aux termes duquel "des transferts et des virements de crédits peuvent modifier la répartition des dotations entre les chapitres. Ils ne peuvent avoir pour effet de créer de nouveaux chapitres".

Un chapitre créé "pour mémoire" ne doit-il pas être considéré comme nouveau ?

b) L'article 1er, alinéa 5, aux termes duquel "les créations et transformations d'emplois ne peuvent résulter que de dispositions prévues par une loi de finances. Toutefois des transformations d'emplois peuvent être opérées par décrets pris en conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat. Ces transformations d'emplois, ainsi que les recrutements, les avancements et les modifications de rémunération ne peuvent être décidés s'ils sont de nature à provoquer un dépassement des crédits annuels préalablement ouverts".

Peut-on parler de crédits préalablement ouverts s'agissant d'une ligne "pour mémoire" ?

La titularisation dans l'enseignement public des maîtres de l'enseignement privé peut-elle être considérée comme une simple transformation d'emploi ? Ne constitue-t-elle pas une création d'emploi ?

3° La procédure utilisée a pour effet de priver le Parlement de tout contrôle.

En effet, une loi de finances ne comporte pas d'intitulé de chapitres, mais seulement des crédits globaux par ministère, dans lesquels la suppression d'un chapitre apparaît sous forme d'une minoration de tel ou tel crédit global. S'agissant de chapitres non dotés, leur suppression est à l'évidence sans effet sur le crédit global considéré.

Pour toutes ces raisons, la création par la loi de finances de chapitres non dotés est contraire aux dispositions de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959, portant loi organique relative aux lois de finances dont le Conseil constitutionnel a reconnu à diverses reprises qu'elle fait partie du "bloc" des dispositions à caractère constitutionnel.


Références :

DC du 29 décembre 1983 sur le site internet du Conseil constitutionnel

Texte attaqué : Loi de finances pour 1984 (Nature : Loi ordinaire, Loi organique, Traité ou Réglement des Assemblées)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°83-164 DC du 29 décembre 1983
Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:1983:83.164.DC
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