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28/12/1985 | FRANCE | N°85-201

France | France, Conseil constitutionnel, 28 décembre 1985, 85-201


Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 20 décembre 1985, par MM Jean Arthuis, Alphonse Arzel, Jean-Pierre Blanc, Roger Boileau, Louis Caiveau, Jean Cauchon, Pierre Ceccaldi-Pavard, Adolphe Chauvin, Auguste Chupin, Jean Colin, Marcel Daunay, Jean Faure, Jean Francou, Daniel Hoeffel, Jean Huchon, Pierre Lacour, Henri Le Breton, Yves Le Cozannet, Jacques Machet, Jean Madelain, Guy Male, Louis Mercier, Dominique Pado, Raymond Poirier, André Rabineau, Paul Séramy, Pierre Sicard, Pierre Vallon, Charles Zwickert, Louis de Catuelan, Sosefo Makapé Papilio, Charles Pasqua, Christian Poncelet,

Henri Portier, Alain Pluchet, Claude Prouvoyeur, Joss...

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 20 décembre 1985, par MM Jean Arthuis, Alphonse Arzel, Jean-Pierre Blanc, Roger Boileau, Louis Caiveau, Jean Cauchon, Pierre Ceccaldi-Pavard, Adolphe Chauvin, Auguste Chupin, Jean Colin, Marcel Daunay, Jean Faure, Jean Francou, Daniel Hoeffel, Jean Huchon, Pierre Lacour, Henri Le Breton, Yves Le Cozannet, Jacques Machet, Jean Madelain, Guy Male, Louis Mercier, Dominique Pado, Raymond Poirier, André Rabineau, Paul Séramy, Pierre Sicard, Pierre Vallon, Charles Zwickert, Louis de Catuelan, Sosefo Makapé Papilio, Charles Pasqua, Christian Poncelet, Henri Portier, Alain Pluchet, Claude Prouvoyeur, Josselin de Rohan, Roger Romani, Michel Rufin, Maurice Schumann, Louis Souvet, Dick Ukeiwé, Jacques Valade, Edmond Valcin, André-Georges Voisin, Michel d'Aillières, Jean-Paul Bataille, Jean Bénard Mousseaux, André Bettencourt, Philippe de Bourgoing, Jean Boyer, Louis Boyer, Pierre Croze, Henri Elby, Jean-Pierre Fourcade, Yves Goussebaire-Dupin, Paul Guillaumot, Charles Jolibois, Guy de La Verpillière, Louis Lazuech, Modeste Legouez, Pierre Louvot, Roland du Luart, Marcel Lucotte, Hubert Martin, Jacques Ménard, Michel Miroudot, Jean-François Pintat, Richard Pouille, Jean Puech, Michel Sordel, Pierre-Christian Taittinger, Jean-Pierre Tizon, Henri Torre, sénateurs, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi de finances pour 1986,

Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Vu l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ;
Le rapporteur ayant été entendu ;

Sur l'article 82 :
1. Considérant que cet article a pour objet de réduire le taux de la participation obligatoire des employeurs à l'effort de construction de 0,9 p 100 à 0,77 p 100 du montant des salaires payés et, corrélativement, de créer au profit du Fonds national d'aide au logement une contribution égale à 0,13 p 100 de la totalité des salaires à la charge des employeurs occupant plus de neuf salariés ;
2. Considérant que les auteurs de la saisine soutiennent que la participation des employeurs à l'effort de construction n'a pas un caractère fiscal et ne constitue pas une ressource de l'Etat ; que la disposition qui en réduit le taux ne saurait trouver place dans une loi de finances et est, dès lors, entachée d'inconstitutionnalité ; que la réduction de la participation des employeurs à l'effort de construction formant un tout avec la création de la contribution de 0,13 p 100, l'inconstitutionnalité qui atteint la première mesure s'étend à l'ensemble de l'article 82 ;
3. Considérant que les deux mesures ainsi prévues par l'article 82 sont les éléments indivisibles d'un dispositif financier qui a pour objet d'alléger les charges de l'Etat en réduisant le montant de la subvention que celui-ci verse au Fonds national d'aide au logement ; que, dans ces conditions, ces mesures sont au nombre de celles qui, en vertu de l'article 1er de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, peuvent figurer dans une loi de finances ;
Sur les autres dispositions de la loi :
4. Considérant que l'article 74 de la loi de finances pour 1986 prévoit que les personnels enseignant dans les classes bilingues d'associations qu'il énumère seront intégrés dans le corps des instituteurs à des conditions qui seront précisées par décret en Conseil d'Etat ; que la loi de finances pour 1986 ne comporte, pour l'application de cette disposition, ni création d'emplois ni ouverture de crédits ; qu'une telle disposition, qui n'a pas de caractère financier au sens de l'article 1er de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, n'est pas au nombre de celles qui peuvent figurer dans une loi de finances ; que, par suite, elle a été adoptée selon une procédure non conforme à la Constitution ;
5. Considérant qu'en l'espèce il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi soumise à son examen,

Décide :
Article premier :
L'article 74 de la loi de finances pour 1986 est déclaré non conforme à la Constitution.
Article 2 :
Les autres dispositions de la loi de finances pour 1986 sont déclarées conformes à la Constitution.
Article 3 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.


Synthèse
Numéro de décision : 85-201
Date de la décision : 28/12/1985
Loi de finances pour 1986
Sens de l'arrêt : Non conformité partielle
Type d'affaire : Contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires, lois organiques, des traités, des règlements des Assemblées

Saisine

Les soussignés, sénateurs, défèrent à la censure du Conseil constitutionnel la loi de finances pour 1986 que l'Assemblée nationale a adoptée définitivement.

Ils concluent notamment que l'article 71 de la loi de finances pour 1986 soit déclaré non conforme à la Constitution par le moyen ci-après développé et tout autre que le Conseil constitutionnel jugera bon de soulever d'office.

1 L'article 71 de la loi de finances pour 1986 modifie le taux de la participation des employeurs à l'effort de construction, usuellement désigné par commodité comme le "1 p 100 logement". Ce taux, actuellement fixé à 0,9 p 100 de la masse salariale par l'article L 313-1 du code de la construction et de l'habitation, est ramené à 0,77 p 100, ceci valant à partir des investissements devant être réalisés pour la première fois en 1986 à raison des salaires versés en 1985.

2 Il n'est pas inutile, pour éclairer le grief d'inconstitutionnalité qui est développé ci-après, d'indiquer d'un mot les conditions dans lesquelles cette disposition du projet de loi aujourd'hui adopté par le Parlement a été préparée et arrêtée par le Gouvernement.

A la date du 19 mai 1983 est intervenu un protocole d'accord entre l'Etat et l'Union nationale interprofessionnelle du logement (UNIL), signé par le ministre de l'urbanisme et du logement pour l'Etat et par le président de l'UNIL. Ce protocole décide, au niveau national, la création d'un "Comité national du 1 p 100", présidé par le ministre de l'urbanisme et du logement et comprenant des représentants des partenaires sociaux, des organismes collecteurs ainsi que des personnalités qualifiées. Toujours d'après le protocole, "le comité sera saisi de tous les projets de textes législatifs et réglementaires concernant la participation des employeurs à l'effort de construction".

En méconnaissance de cet engagement écrit, l'article 71 du projet de loi de finances n'a pas été adressé pour avis au Comité national du 1 p 100.

C'est peut-être une des raisons, mais certainement pas la seule, qui explique les réticences qui se sont exprimées à propos de cette disposition du projet de loi de finances, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. La consultation des débats parlementaires est en effet révélatrice du peu de satisfaction de parlementaires de toutes tendances à souscrire à une disposition dont plusieurs ont souligné les dangers et qui n'a finalement été adoptée que par discipline majoritaire (voir not les interventions du rapporteur général à l'Assemblée nationale en première lecture, compte rendu analytique séance du 14 novembre 1985, p 11 et s).

Ce contexte défavorable est dû au fait que l'article 71 de la loi de finances décide l'affectation autoritaire d'une partie du 1 p 100 logement au fonds national d'aide au logement créé par la loi n° 71-582 du 16 juillet 1971.

3 Cette affectation autoritaire de sommes d'argent qui ne sont pas des ressources de l'Etat n'a pas sa place dans une loi de finances. Et c'est pour ce motif de droit que la censure du Conseil constitutionnel doit s'exercer.

L'ordonnance organique relative aux lois de finances du 2 janvier 1959 énumère de façon limitative les dispositions qui peuvent figurer dans une loi de finances. A plusieurs reprises, le Conseil constitutionnel a écarté, comme ne pouvant figurer dans des lois de finances, des dispositions dont il constatait qu'elles n'étaient pas au nombre de celles retenues par l'ordonnance du 2 janvier 1959 (voir encore récemment les motifs de principe de la décision du 29 décembre 1984, à propos de la loi de finances pour 1985, RDP 1985, p 678, note L Philip).

De cette jurisprudence condamnant ce qu'il est convenu d'appeler la pratique (ancienne) des "cavaliers budgétaires", on rappellera notamment l'inconstitutionnalité dans une loi de finances de dispositions relatives à la composition de la commission de la concurrence (déc n° 81-136 du 31 décembre 1981, Rec 1981, p 48), à l'intégration de vacataires de l'éducation nationale (déc n° 82-154 du 29 décembre 1982, Rec 1982, p 80) ou la possibilité pour l'Etat de créer des établissements d'enseignement publics (déc du 29 décembre 1984, RDP 1985, p 678, note L Philip), mais aussi de dispositions proprement financières comme la répartition d'une dotation supplémentaire de l'Etat aux communes (déc n° 82-155 du 30 décembre 1982, Rec 1982, p 88), l'institution d'un prélèvement sur une redevance versée à la caisse des prêts aux organismes d'HLM (même décision).

Dans cette dernière décision, le Conseil constitutionnel constate que la disposition litigieuse concernant exclusivement les relations entre un établissement public et une fédération de sociétés d'économie mixte n'entre pas dans la catégorie des dispositions pouvant figurer dans une loi de finances.

Dans une décision du 28 juin 1982 (n° 82-140, Rec 1982, p 45, a contrario), il est encore jugé que seules les contributions de caractère fiscal correspondant aux "impositions de toutes natures" visées à l'article 1er, alinéa 3, de l'ordonnance du 2 janvier 1959 peuvent figurer dans une loi de finances.

Cette jurisprudence bien établie doit s'appliquer à la disposition réduisant le taux de la contribution obligatoire des employeurs à l'effort de construction. Celle-ci est étrangère par son objet à celles que l'ordonnance du 2 janvier 1959 permet d'inscrire dans une loi de finances. Elle constitue un "cavalier budgétaire", du type de ceux que le Conseil constitutionnel a censurés dans de précédentes lois de finances.

La participation des employeurs à l'effort de construction ne peut être considérée ni comme une "imposition de toutes natures" ni même plus généralement comme une ressource de l'Etat. Elle est un investissement des employeurs que l'Etat a rendu obligatoire et dont il a fixé le montant, reprenant ici, pour lui donner un caractère général et obligatoire, une initiative spontanée de certains employeurs. Il est difficile sans doute de déterminer la nature juridique exacte de cette contribution. Mais à la limite, cela importe peu ici. Il suffit de constater cette proposition négative que la contribution ne présente pas un caractère fiscal et qu'elle ne constitue pas une ressource de l'Etat. A partir de là, il faut conclure qu'une telle disposition n'a pas sa place dans une loi de finances, sauf à méconnaître les prescriptions de l'ordonnance organique relative aux lois de finances.

4 On mesure ainsi, à travers le grief de procédure qui appelle la censure du Conseil constitutionnel, le caractère de principe de la contestation ici ouverte : il n'est pas admissible qu'un investissement obligatoire des employeurs au bénéfice direct des salariés soit traité comme une ressource de l'Etat, celui-ci disposant de son affectation dans le cadre d'une loi de finances.

Cette intervention directe de l'Etat assimilant le 1 p 100 logement à une ressource fiscale est absolument contraire à l'origine de l'institution. Elle risque surtout d'en compromettre l'avenir au-delà de facilités budgétaires du moment.

Par ce moyen principal et ceux qui ont été soulevés lors du débat parlementaire, les soussignés concluent à ce qu'il plaise au Conseil constitutionnel de déclarer non conforme à la Constitution l'article 71 de la loi de finances pour 1986 en son entier.

L'amendement apporté à cet article en première lecture par l'Assemblée nationale, correspondant aux points II et III du texte voté, est en effet indissociable du texte originel (devenu le point I) réduisant le taux de la participation des employeurs à l'effort de construction : c'est cette réduction du taux de 0,13 point qui permet seule et conditionne, selon l'exposé des motifs du projet de loi lui-même, l'institution d'une contribution du même taux au Fonds national d'aide au logement. La déclaration de non-conformité à la Constitution doit ainsi atteindre l'article 71 de la loi dans la totalité de ses dispositions.


Références :

DC du 28 décembre 1985 sur le site internet du Conseil constitutionnel

Texte attaqué : Loi de finances pour 1986 (Nature : Loi ordinaire, Loi organique, Traité ou Réglement des Assemblées)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°85-201 DC du 28 décembre 1985
Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:1985:85.201.DC
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