Le Conseil constitutionnel,
Vu la requête présentée par Monsieur Kamilo GATA, demeurant à Wallis, déposée auprès de l'administrateur supérieur de Wallis-et-Futuna le 23 juin 1988 et enregistrée au Secrétariat général du Conseil constitutionnel le 4 juillet 1988 et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 5 et 12 juin 1988 dans la circonscription de Wallis-et-Futuna pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale;
Vu les observations en défense présentées par Monsieur Benjamin BRIAL, député, enregistrées comme ci-dessus les 18 et 29 juillet 1988;
Vu les mémoires en réplique présentés par Monsieur Kamilo GATA et la réponse à ces mémoires, présentée par Monsieur Benjamin BRIAL, enregistrés comme ci-dessus les 22 août, 5 et 21 octobre 1988 ;
Vu les observations présentées par le Ministre des départements et territoire d'outre-mer et les réponses à ces observations, présentées par Messieurs Kamilo GATA et Benjamin BRIAL, enregistrées comme ci-dessus les 26 août, 26 septembre et 21 octobre 1988 ;
Vu l'article 59 de la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code électoral ;
Vu le décret n° 86-170 du 6 février 1986 relatif à l'élection des députés des territoires d'outre-mer, de la collectivité territoriale de Mayotte et de la collectivité territoriale de Saint-Pierre et Miquelon, modifié par le décret n° 87-709 du 12 août 1987 ;
Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que Monsieur Kamilo GATA soutient qu'environ 30 pour 10 des électeurs inscrits sur les listes électorales du territoire de Wallis et Futuna ont en fait quitté ce territoire pour demeurer en Nouvelle-Calédonie; qu'il en déduit que cette situation a permis le développement d'une manoeuvre de nature à influer sur le résultat du scrutin ;
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'absence de mise à jour de listes, d'une part, a permis, lors du premier tour de scrutin à au moins 3 électeurs de voter à la fois à Nouméa et dans le territoire de Wallis-et-Futuna d'autre part, a favorisé l'établissement d'au moins 122 fausses procurations ;
3. Considérant en outre, qu'au moins 70 mandataires, en violation de l'article R.76-1 du code électoral, ont été autorisés à voter à Wallis, sans que le maire ait reçu les volets de procuration correspondant; que par ailleurs, au moins 134 procurations ont été délivrées à Futuna sans production des attestations, justifications, demandes ou certificats prévus à l'article R. 73 du même code ;
4. Considérant qu'eu égard à l'écart de 281 voix qui sépare les deux candidats restés en présence au second tour, les irrégularités susmentionnées, par leur diversité et leur importance, ont été de nature à influer sur l'issue du scrutin ;
qu'ainsi, et sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre grief invoqué, il convient d'annuler l'élection de Monsieur BRIAL ;
Décide :
Article premier :
L'élection de Monsieur Benjamin BRIAL, en qualité de député de Wallis-et-Futuna, est annulée.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée à l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 23 novembre 1988, où siégeaient: MM. Robert BADINTER, Président, Louis JOXE, Robert LECOURT, Daniel MAYER, Léon JOZEAU-MARIGNE, Georges VEDEL, Robert FABRE, Francis MOLLET-VIEVILLE, Jacques LATSGHA.