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17/01/1989 | FRANCE | N°88-248

France | France, Conseil constitutionnel, 17 janvier 1989, 88-248


Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 22 décembre 1988, par MM Bernard Pons, Claude Labbé, Jacques Chirac, Alain Juppé, Pierre Mazeaud, Mme Elisabeth Hubert, M Jean Ueberschlag, Mme Suzanne Sauvaigo, MM Jean Kiffer, Jean-Louis Goasduff, Pierre Pasquini, Mme Roselyne Bachelot, MM Michel Cointat, Philippe Auberger, Roland Nungesser, Patrick Ollier, Franck Borotra, Christian Estrosi, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM Robert-André Vivien, Patrick Balkany, Lucien Guichon, Régis Perbet, Claude-Gérard Marcus, Mme Michèle Alliot-Marie, MM Robert Pandraud, Eric Raoult, Jean-Michel Dubernard,

Bernard Debré, Martial Taugourdeau, Arnaud Lepercq, Jea...

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 22 décembre 1988, par MM Bernard Pons, Claude Labbé, Jacques Chirac, Alain Juppé, Pierre Mazeaud, Mme Elisabeth Hubert, M Jean Ueberschlag, Mme Suzanne Sauvaigo, MM Jean Kiffer, Jean-Louis Goasduff, Pierre Pasquini, Mme Roselyne Bachelot, MM Michel Cointat, Philippe Auberger, Roland Nungesser, Patrick Ollier, Franck Borotra, Christian Estrosi, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM Robert-André Vivien, Patrick Balkany, Lucien Guichon, Régis Perbet, Claude-Gérard Marcus, Mme Michèle Alliot-Marie, MM Robert Pandraud, Eric Raoult, Jean-Michel Dubernard, Bernard Debré, Martial Taugourdeau, Arnaud Lepercq, Jean-Yves Chamard, François Fillon, Jacques Godfrain, Mme Nicole Catala, MM Jacques Baumel, Jean-Paul Charié, Alain Jonemann, Patrick Devedjian, Nicolas Sarkozy, Georges Gorse, Edouard Balladur, Michel Barnier, Etienne Pinte, Mme Michèle Barzach, MM Pierre Raynal, Jean-Claude Gaudin, Philippe Mestre, André Rossi, Gilbert Gantier, Pierre Lequiller, Marc Reymann, Francisque Perrut, Henri Bayard, Michel Pelchat, Jean-Marie Caro, José Rossi, Maurice Ligot, René Beaumont, Jean Brocard, Maurice Dousset, Gilles de Robien, Alain Mayoud, Léonce Deprez, députés, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ;

Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ;
Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les auteurs de la saisine visent à faire déclarer contraires à la Constitution les articles 5, 8, 11, 13, 19 et 30 de la loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ;
- SUR L'ARTICLE 5 RELATIF AU REGIME DU PERSONNEL ET AUX CREDITS DE FONCTIONNEMENT DU CONSEIL SUPERIEUR DE L'AUDIOVISUEL :
2. Considérant que l'article 5 de la loi comporte deux paragraphes qui modifient l'article 7 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ; que le paragraphe I de l'article 5 de la loi déférée a pour objet d'étendre, au cas de la société susceptible d'être chargée de la programmation d'émissions de télévision diffusées par satellite, des interdictions destinées à garantir l'indépendance de l'instance de régulation de l'audiovisuel ; qu'en vertu du paragraphe II, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui remplace la Commission nationale de la communication et des libertés, "propose, lors de l'élaboration du projet de loi de finances de l'année, les crédits nécessaires à l'accomplissement de ses missions" ; qu'il est spécifié que ces crédits sont inscrits au budget général de l'État ; que les dispositions de la loi du 10 août 1922 relative à l'organisation du contrôle des dépenses engagées ne sont pas applicables à leur gestion et qu'enfin, le président du Conseil supérieur est ordonnateur des dépenses et qu'il est chargé de présenter les comptes du Conseil au contrôle de la Cour des comptes ;
3. Considérant que les auteurs de la saisine ne mettent en cause la constitutionnalité que d'une partie de ces dispositions ; qu'ils font valoir uniquement que le fait pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel de proposer "lors de l'élaboration du projet de loi de finances de l'année" les crédits nécessaires à l'accomplissement de ses missions a pour conséquence de soumettre ces crédits à l'arbitrage du Premier ministre ; qu'il y aurait par là-même un risque d'arbitraire ; que l'indépendance de l'organe de régulation de l'audiovisuel pourrait s'en trouver affectée, ce qui serait contraire à la liberté d'expression reconnue par l'article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme ;
4. Considérant qu'aux termes du cinquième alinéa de l'article 34 de la Constitution, "les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique" ; qu'il ressort de l'article 39 de la Constitution que l'initiative des lois de finances appartient au Premier ministre ; que l'article 37 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances dispose que "sous l'autorité du Premier ministre, le ministre des finances prépare les projets de loi de finances qui sont arrêtés en Conseil des ministres" ;
5. Considérant qu'en prévoyant que le Conseil supérieur de l'audiovisuel propose, lors de l'élaboration du projet de loi de finances de l'année, les crédits nécessaires à l'accomplissement de ses missions, l'article 5-II de la loi déférée a entendu consacrer expressément au profit de cet organisme un pouvoir de proposition, tout en se conformant aux règles constitutionnelles et organiques régissant la préparation des projets de loi de finances ; qu'il n'a en rien méconnu le principe de la libre communication des pensées et des opinions proclamé par l'article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen ;
- SUR L'ARTICLE 8 RELATIF AUX COMPETENCES DU CONSEIL SUPERIEUR DE L'AUDIOVISUEL A L'EGARD DU SECTEUR PUBLIC :
6. Considérant que l'article 8 de la loi confère une nouvelle rédaction à l'article 13 de la loi du 30 septembre 1986 ; qu'en premier lieu, il est affirmé que le Conseil supérieur de l'audiovisuel "assure le respect de l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion dans les programmes des sociétés nationales de programme et notamment pour les émissions d'information politique" alors qu'antérieurement l'instance de régulation veillait au respect du pluralisme ; qu'en deuxième lieu, il est prévu qu'en cas de manquement grave aux obligations qui s'imposent aux sociétés nationales de programme ou à l'Institut national de l'audiovisuel en vertu de la loi, le Conseil supérieur pourra, outre des observations publiques adressées au conseil d'administration, désigner l'un de ses membres pour en exposer le contenu audit conseil et recueillir sa réponse ; qu'en troisième lieu, il est spécifié qu'en cas de manquement grave aux dispositions d'un cahier des charges ou aux décrets en Conseil d'État pris en application de l'article 27 de la loi du 30 septembre 1986, dans sa rédaction résultant de l'article 11 de la loi présentement soumise à l'examen du Conseil constitutionnel, le Conseil supérieur de l'audiovisuel "peut également, par décision motivée, enjoindre au président de l'organisme de prendre, dans un délai fixé dans la décision, les mesures nécessaires pour faire cesser le manquement" ; qu'en pareille hypothèse "les mesures prises en exécution de ces décisions ne peuvent en aucun cas engager la responsabilité personnelle du président de l'organisme" ;
7. Considérant que les auteurs de la saisine soutiennent qu'"en se bornant à évoquer le cas du manquement grave", sans en préciser le contenu, le législateur laisse la place à l'arbitraire ; qu'ils font valoir également que le fait pour la loi de préciser que les mesures prises en exécution de la décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel "ne peuvent en aucun cas engager la responsabilité personnelle du président de l'organisme" est contraire "aux principes qui régissent l'exercice de l'autorité et à la liberté du commerce et de l'industrie" ;
. En ce qui concerne la référence à la notion de"manquement grave" :
8. Considérant qu'en se référant au concept de "manquement grave" par les organismes du secteur public de l'audiovisuel aux obligations qui leur sont imposées en vertu de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, des décrets en Conseil d'État prévus en son article 27, ou des cahiers des charges, le législateur a entendu exclure, pour des manquements sans gravité, la mise en oeuvre d'une procédure contraignante à l'égard des sociétés nationales de programme ou de l'Institut national de l'audiovisuel ; qu'il appartiendra au Conseil supérieur de l'audiovisuel de se conformer, sous le contrôle du juge de la légalité, à la distinction faite par la loi selon le degré de gravité du manquement ; qu'ainsi, il ne saurait être fait grief au législateur d'être resté en deçà de la compétence qui est la sienne en vertu de la Constitution et notamment de son article 34 ;
. En ce qui concerne l'exonération de la responsabilité personnelle du président de l'organisme :
9. Considérant que nul ne saurait, par une disposition générale de la loi, être exonéré de toute responsabilité personnelle quelle que soit la nature ou la gravité de l'acte qui lui est imputé ; qu'ainsi, doivent être déclarées contraires au principe constitutionnel d'égalité les dispositions de la dernière phrase de l'article 13 de la loi du 30 septembre 1986, dans leur rédaction résultant de l'article 8 de la loi déférée, et qui sont ainsi rédigées : "Les mesures prises en exécution de ces décisions ne peuvent en aucun cas engager la responsabilité personnelle du président de l'organisme" ;
- SUR L'ARTICLE 11 RELATIF AUX DISPOSITIONS COMMUNES AUX SECTEURS PUBLIC ET PRIVE DE LA COMMUNICATION AUDIOVISUELLE :
10. Considérant que l'article 11 de la loi déférée substitue au texte de l'article 27 de la loi du 30 septembre 1986 une nouvelle rédaction ainsi libellée : "Compte tenu des missions d'intérêt général des organismes du secteur public et des différentes catégories de services de communication audiovisuelle diffusés par voie hertzienne terrestre ou par satellite, des décrets en Conseil d'État fixent les principes généraux définissant les obligations concernant : 1° la publicité, sous réserve des dispositions du dernier alinéa du présent article ; 2° la diffusion, en particulier aux heures de grande écoute, d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles en majorité d'expression originale française et originaires de la Communauté économique européenne ; 3° la contribution au développement de la production cinématographique et audiovisuelle et les dépenses minimales consacrées à l'acquisition de droits de diffusion d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles ainsi que l'indépendance des producteurs à l'égard des diffuseurs.- Ces décrets sont pris après avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Cet avis motivé est publié au Journal officiel de la République française, ainsi que le rapport de présentation du décret.- Les règles déontologiques concernant la publicité et les règles applicables à la communication institutionnelle, au parrainage et aux pratiques analogues à celui-ci sont fixées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel" ;
11. Considérant que les auteurs de la saisine estiment que l'article 11, en laissant toute liberté à l'exécutif pour régir des domaines aussi fondamentaux "que le financement des services de communication audiovisuelle, ainsi que le contenu de leur programme", est contraire à la Constitution à un double titre ; d'une part, il contrevient à l'article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme qui réserve à la loi le soin de déterminer les cas dans lesquels il y a "abus" de la liberté de communication des pensées et des opinions ; d'autre part, il méconnaît les dispositions de l'article 34 de la Constitution qui laissent au législateur le soin de fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ;
12. Considérant que la portée de cette argumentation doit être appréciée en fonction tant du contenu propre de l'article 27 nouveau de la loi du 30 septembre 1986 que des autres dispositions de cette loi, telles qu'elles sont modifiées et complétées par la loi déférée ;
. En ce qui concerne le renvoi a des décrets en Conseil d'État :
13. Considérant que la loi du 30 septembre 1986 a fixé elle-même des dispositions qui limitent la compétence dévolue dans son article 27, alinéa 1, au Gouvernement agissant par voie de décret en Conseil d'État ; que l'article premier de la loi précitée dispose, dans sa rédaction issue de l'article premier de la loi déférée, que "la communication audiovisuelle est libre" et que "l'exercice de cette liberté ne peut être limité que dans la mesure requise, d'une part, par le respect de la dignité de la personne humaine, de la liberté et de la propriété d'autrui, du caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion et, d'autre part, par la sauvegarde de l'ordre public, par les besoins de la défense nationale, par les exigences de service public, par les contraintes techniques inhérentes aux moyens de communication, ainsi que par la nécessité de développer une industrie nationale de production audiovisuelle" ; qu'en outre, l'article 70 de la loi du 30 septembre 1986 et l'article 73, tel qu'il est modifié par l'article 12 de la loi présentement examinée, définissent les règles générales applicables à la diffusion des oeuvres cinématographiques par les services de communication audiovisuelle ainsi qu'à l'interruption publicitaire dont cette diffusion peut faire l'objet ; que l'article 27, alinéa 1, de la loi du 30 septembre 1986, dans sa rédaction résultant de la loi déférée, circonscrit le domaine d'application des mesures réglementaires qu'il énonce ; qu'au surplus, il subordonne leur élaboration au respect de garanties essentielles ; que, dans les hypothèses mentionnées au premier alinéa de l'article 27 nouveau, le Gouvernement devra se prononcer en Conseil d'État après avoir recueilli l'avis public et motivé du Conseil supérieur de l'audiovisuel comme il est dit au deuxième alinéa du même article ; qu'il suit de là que les dispositions des premier et deuxième alinéas de l'article 27 de la loi du 30 septembre 1986, dans leur rédaction résultant de l'article 11 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel, ne méconnaissent ni l'article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, ni l'article 34 de la Constitution ;
. En ce qui concerne l'attribution de compétences réglementaires au Conseil supérieur de l'audiovisuel :
14. Considérant que les deux premiers alinéas de l'article 21 de la Constitution sont ainsi conçus : "Le Premier ministre dirige l'action du Gouvernement. Il est responsable de la défense nationale. Il assure l'exécution des lois. -Sous réserve des dispositions de l'article 13, il exerce le pouvoir réglementaire et nomme aux emplois civils et militaires. Il peut déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres" ;
15. Considérant que ces dispositions confèrent au Premier ministre, sous réserve des pouvoirs reconnus au Président de la République, l'exercice du pouvoir réglementaire à l'échelon national ; que si elles ne font pas obstacle à ce que le législateur confie à une autorité de l'État autre que le Premier ministre le soin de fixer des normes permettant de mettre en oeuvre une loi, c'est à la condition que cette habilitation ne concerne que des mesures de portée limitée tant par leur champ d'application que par leur contenu ;
16. Considérant que la loi habilite le Conseil supérieur de l'audiovisuel à fixer seul par voie réglementaire non seulement les règles déontologiques concernant la publicité mais également l'ensemble des règles relatives à la communication institutionnelle, au parrainage et aux pratiques analogues à celui-ci ; qu'en raison de sa portée trop étendue cette habilitation méconnaît les dispositions de l'article 21 de la Constitution ; qu'il suit de là que doivent être déclarées contraires à celle-ci les dispositions du troisième alinéa de l'article 27 de la loi du 30 septembre 1986, dans leur rédaction issue de l'article 11 de la loi déférée ; que sont inséparables du troisième alinéa de l'article 27 de la loi de 1986, les mots : "sous réserve des dispositions du dernier alinéa du présent article" qui figurent au 1° du premier alinéa dudit article ;
- SUR L'ARTICLE 13 RELATIF AUX CONVENTIONS PASSEES POUR L'EXPLOITATION DES SERVICES PRIVES DE COMMUNICATION AUDIOVISUELLE PAR VOIE HERTZIENNE TERRESTRE OU PAR SATELLITE :
17. Considérant que l'article 13 de la loi déférée substitue à l'article 28 de la loi du 30 septembre 1986 une nouvelle rédaction ; que le premier alinéa de l'article 28 nouveau subordonne la délivrance des autorisations d'usage des fréquences pour chaque nouveau service de radiodiffusion sonore ou de télévision diffusé par voie hertzienne terrestre ou par satellite, autres que ceux exploités par les sociétés nationales de programme, à la conclusion d'une convention passée entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel, agissant au nom de l'État, et la personne qui demande l'autorisation ;que le deuxième alinéa du même article énonce que, dans le respect de l'honnêteté et du pluralisme de l'information et des programmes et des règles générales fixées en application de la loi, "cette convention fixe les règles particulières applicables au service, compte tenu de l'étendue de la zone desservie, de la part du service dans le marché publicitaire, du respect de l'égalité de traitement entre les différents services et des conditions de concurrence propres à chacun d'eux" ; qu'indépendamment de ces règles, le troisième alinéa de l'article 28 nouveau dispose que la convention "porte notamment sur un ou plusieurs" des points qu'il énumère ; que le quatrième alinéa de l'article 28 nouveau précise que la convention définit également les prérogatives dont dispose le Conseil supérieur de l'audiovisuel pour assurer le respect des obligations conventionnelles et en fixe le régime juridique ;
18. Considérant que selon les auteurs de la saisine l'article 13 de la loi déférée serait contraire au principe d'égalité à un double point de vue ; d'un côté, en ce qu'il prévoit que les règles particulières applicables au service autorisé sont fixées par la convention "compte tenu... de la part du service dans le marché publicitaire", alors que cette part ne peut être appréciée qu'après un certain délai de fonctionnement et est, au surplus, fluctuante ; d'un autre côté, en ce qu'il dispose que la convention "porte notamment sur un ou plusieurs" points, car cela sous-entend que les différentes conventions pourront, sans que cela soit clairement justifié, prévoir des contraintes de degré et d'intensité variables ;
19. Considérant que le fait pour le législateur de subordonner l'octroi d'une autorisation pour l'exploitation d'un service privé de radiodiffusion sonore ou de télévision diffusé par voie hertzienne terrestre ou par satellite à la passation d'une convention, répond au souci de permettre au Conseil supérieur de l'audiovisuel d'adapter à chaque situation particulière les règles de portée générale définies par la loi du 30 septembre 1986 modifiée ou sur son fondement ; que, dans le même esprit, l'article 28 nouveau établit une distinction entre, d'une part, des exigences qui comme celles tenant au respect de l'honnêteté et du pluralisme de l'information ont un caractère impératif et, d'autre part, des éléments d'appréciation qui revêtent un caractère indicatif, non limitatif et même pour certains d'entre eux, évolutif ; qu'il est expressément spécifié par l'article 28 nouveau que doivent être respectées "l'égalité de traitement entre les différents services" ainsi que les "conditions de concurrence propres à chacun d'eux" ; que les règles ainsi posées, loin de méconnaître le principe d'égalité, permettent, tout au contraire, d'en assurer la mise en oeuvre ;
- SUR L'ARTICLE 19 RELATIF AUX POUVOIRS DE SANCTION DU CONSEIL SUPERIEUR DE L'AUDIOVISUEL :
20. Considérant que l'article 19 de la loi déférée substitue au texte initial de l'article 42 de la loi du 30 septembre 1986, des dispositions nouvelles sous la forme d'un article 42 nouveau et d'articles 42-1 à 42-11 ajoutés à la loi de 1986 ;
21. Considérant que, dans sa rédaction résultant de l'article 19 de la loi déférée, l'article 42 dispose notamment que le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut mettre en demeure les titulaires d'autorisation pour l'exploitation d'un service de communication audiovisuelle de respecter les obligations qui leur sont imposées par les textes législatifs et réglementaires et par les principes définis à l'article premier modifié de la loi du 30 septembre 1986 ; que, selon l'article 42-1 ajouté à cette même loi, si le titulaire d'une autorisation ne respecte pas les obligations ci-dessus mentionnées ou ne se conforme pas aux mises en demeure qui lui ont été adressées, le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut prononcer à son encontre, compte tenu de la gravité du manquement, une des quatre sanctions suivantes : "1° la suspension, après mise en demeure, de l'autorisation ou d'une partie du programme pour un mois au plus ; 2° la réduction de la durée de l'autorisation dans la limite d'une année ; 3° une sanction pécuniaire assortie éventuellement d'une suspension de l'autorisation ou d'une partie du programme, si le manquement n'est pas constitutif d'une infraction pénale ; 4° le retrait de l'autorisation." ; que le premier alinéa de l'article 42-2 ajouté à la loi de 1986 précise que "le montant de la sanction pécuniaire doit être fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages tirés du manquement par le service autorisé, sans pouvoir excéder 3 pour cent du chiffre d'affaires hors taxes, réalisé au cours du dernier exercice clos calculé sur une période de douze mois. Le maximum est porté à 5 pour cent en cas de violation de la même obligation" ; que l'article 42-3 ajouté à la loi de 1986, s'inspirant sur ce point des dispositions du quatrième alinéa de l'article 42 dans sa rédaction antérieure, prévoit que l'autorisation peut être retirée, sans mise en demeure préalable, en cas de modification substantielle des données au vu desquelles l'autorisation avait été délivrée ; qu'en vertu de l'article 42-4 ajouté à la loi de 1986, dans tous les cas de manquement aux obligations incombant aux titulaires d'autorisation pour l'exploitation d'un service de communication audiovisuelle, le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut ordonner l'insertion dans les programmes d'un communiqué dont il fixe les termes et les conditions de diffusion, le refus du titulaire de l'autorisation de se conformer à cette décision étant passible d'une sanction pécuniaire ;
22. Considérant que les règles de procédure et les voies de recours applicables aux sanctions prises par le Conseil supérieur de l'audiovisuel font l'objet des articles 42-5, 42-6, 42-7, 42-8 et 42-9 qui sont ajoutés à la loi du 30 septembre 1986 ; que l'article 42-10 reprend, moyennant des aménagements, les dispositions du septième alinéa de l'article 42 de la loi de 1986 en vertu desquelles en cas de manquement aux obligations résultant des dispositions de cette loi et pour l'exécution des missions du Conseil supérieur de l'audiovisuel, son président peut demander en justice que soit ordonné, sous astreinte, à la personne qui en est responsable de se conformer à ces dispositions, de mettre fin à l'irrégularité ou d'en supprimer les effets ; qu'enfin, suivant l'article 42-11 ajouté à la loi du 30 septembre 1986, le Conseil supérieur de l'audiovisuel saisit le procureur de la République de toute infraction aux dispositions de cette loi ;
23. Considérant que les auteurs de la saisine soutiennent en premier lieu que les sanctions administratives sont inconstitutionnelles dans leur principe ; qu'ils font valoir en deuxième lieu que, même si le principe de telles sanctions est admis, les sanctions prévues par la loi déférée ne satisfont pas aux exigences constitutionnelles ; qu'en tout état de cause, la sanction énoncée au 1° de l'article 42-1 est attentatoire à la liberté d'expression ;
. En ce qui concerne le principe même de l'institution de sanctions administratives :
24. Considérant que les auteurs de la saisine font valoir tout d'abord que les articles 42-1 et 42-2 ajoutés à la loi du 30 septembre 1986, en ce qu'ils confèrent à une autorité administrative et non à une autorité juridictionnelle le pouvoir d'infliger des sanctions, méconnaissent le principe de la séparation des pouvoirs affirmé par l'article 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme ; que le respect de ce principe s'impose d'autant plus qu'est en cause la libre communication des pensées et des opinions garantie par l'article 11 de la Déclaration de 1789 ;
25. Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen : "La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la loi" ;
26. Considérant qu'il appartient au législateur, compétent en vertu de l'article 34 de la Constitution pour fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques, de concilier, en l'état actuel des techniques et de leur maîtrise, l'exercice de la liberté de communication telle qu'elle résulte de l'article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme, avec, d'une part, les contraintes techniques inhérentes aux moyens de la communication audiovisuelle et, d'autre part, les objectifs de valeur constitutionnelle que sont la sauvegarde de l'ordre public, le respect de la liberté d'autrui et la préservation du caractère pluraliste des courants d'expression socioculturels auxquels ces modes de communication, par leur influence considérable, sont susceptibles de porter atteinte ;
27. Considérant que, pour la réalisation de ces objectifs de valeur constitutionnelle, il est loisible au législateur de soumettre les différentes catégories de services de communication audiovisuelle à un régime d'autorisation administrative ; qu'il lui est loisible également de charger une autorité administrative indépendante de veiller au respect des principes constitutionnels en matière de communication audiovisuelle ; que la loi peut, de même, sans qu'il soit porté atteinte au principe de la séparation des pouvoirs, doter l'autorité indépendante chargée de garantir l'exercice de la liberté de communication audiovisuelle de pouvoirs de sanction dans la limite nécessaire à l'accomplissement de sa mission ;
28. Considérant qu'il appartient au législateur d'assortir l'exercice de ces pouvoirs de mesures destinées à sauvegarder les droits et libertés constitutionnellement garantis ;
29. Considérant que, conformément au principe du respect des droits de la défense, lequel constitue un principe fondamental reconnu par les lois de la République, aucune sanction ne peut être infligée sans que le titulaire de l'autorisation ait été mis à même tant de présenter ses observations sur les faits qui lui sont reprochés que d'avoir accès au dossier le concernant ; qu'en outre, pour les sanctions prévues aux 2°, 3° et 4° de l'article 42-1 ainsi que dans le cas du retrait de l'autorisation mentionné à l'article 42-3, le législateur a prescrit le respect d'une procédure contradictoire qui est diligentée par un membre de la juridiction administrative suivant les modalités définies à l'article 42-7 ; qu'il ressort de l'article 42-5 que le Conseil supérieur de l'audiovisuel ne peut être saisi de faits remontant à plus de trois ans, s'il n'a été accompli "aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction" ;
30. Considérant que le pouvoir d'infliger les sanctions énumérées à l'article 42-1 est conféré au Conseil supérieur de l'audiovisuel qui constitue une instance indépendante ; qu'il résulte des termes de la loi qu'aucune sanction ne revêt un caractère automatique ; que, comme le prescrit l'article 42-6, toute décision prononçant une sanction doit être motivée ; que la diversité des mesures susceptibles d'être prises sur le fondement de l'article 42-1 correspond à la volonté du législateur de proportionner la répression à "la gravité du manquement" reproché au titulaire d'une autorisation ; que le principe de proportionnalité doit pareillement recevoir application pour l'une quelconque des sanctions énumérées à l'article 42-1 ; qu'il en va ainsi en particulier des sanctions pécuniaires prévues au 3° de cet article ; qu'à cet égard, l'article 42-2 précise que le montant de la sanction pécuniaire doit être fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages tirés du manquement par le service autorisé ; qu'un même manquement ne peut donner lieu qu'à une seule sanction administrative, qu'elle soit légale ou contractuelle ; qu'il résulte du libellé de l'article 42-1 (3°) qu'une sanction pécuniaire ne peut se cumuler avec une sanction pénale ;
31. Considérant qu'il convient de relever également que toute décision infligeant une sanction peut faire l'objet devant le Conseil d'État d'un recours de pleine juridiction, comme le précise l'article 42-8 ; que ce recours est suspensif d'exécution en cas de retrait de l'autorisation mentionné à l'article 42-3 ; que, dans les autres cas, le sursis à l'exécution de la décision attaquée peut être demandé en application de l'article 48 de l'ordonnance n° 45-1078 du 31 juillet 1945 et du décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 ; que le droit de recours étant réservé à la personne sanctionnée, son exercice ne peut, conformément aux principes généraux du droit, conduire à aggraver sa situation ;
32. Considérant que, s'agissant de manquements à des obligations attachées à une autorisation administrative et eu égard aux garanties prévues, qui sont d'ailleurs également applicables aux pénalités contractuelles et à la sanction susceptible d'être infligée en vertu de l'article 42-4, les articles 42-1 et 42-2 ajoutés à la loi du 30 septembre 1986 par l'article 19 de la loi déférée, ne sont pas contraires, dans leur principe, aux articles 11 et 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen ;
. En ce qui concerne les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la Déclaration des Droits de 1789 et de l'article 34 de la Constitution :
33. Considérant que selon les auteurs de la saisine, même si le principe des sanctions administratives est admis, les articles 42-1 et 42-2 n'en sont pas moins contraires à l'article 8 de la Déclaration de 1789 qui impose que nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et légalement appliquée ainsi qu'à l'article 34 de la Constitution qui réserve à la loi le soin de fixer les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ; qu'en effet, la loi a fixé au cas présent des limites financières maximales sans définir de manière précise les infractions pouvant donner lieu à de telles sanctions ;
34. Considérant que l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen dispose que "la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée" ;
35. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, comme des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, qu'une peine ne peut être infligée qu'à la condition que soient respectés le principe de légalité des délits et des peines, le principe de nécessité des peines, le principe de non-rétroactivité de la loi pénale d'incrimination plus sévère ainsi que le principe du respect des droits de la défense ;
36. Considérant que ces exigences ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions répressives mais s'étendent à toute sanction ayant le caractère d'une punition même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non judiciaire ;
37. Considérant toutefois, qu'appliquée en dehors du droit pénal, l'exigence d'une définition des infractions sanctionnées se trouve satisfaite, en matière administrative, par la référence aux obligations auxquelles le titulaire d'une autorisation administrative est soumis en vertu des lois et règlements ;
38. Considérant qu'il résulte du rapprochement de l'article 42 nouveau et de l'article 42-1 de la loi du 30 septembre 1986 que les pouvoirs de sanction dévolus au Conseil supérieur de l'audiovisuel ne sont susceptibles de s'exercer, réserve faite du cas régi par les articles 42-3 et 42-9, qu'après mise en demeure des titulaires d'autorisation pour l'exploitation d'un service de communication audiovisuelle "de respecter les obligations qui leur sont imposées par les textes législatifs et réglementaires et par les principes définis à l'article premier" de la loi précitée, et faute pour les intéressés de respecter lesdites obligations ou de se conformer aux mises en demeure qui leur ont été adressées ; que les obligations susceptibles d'être sanctionnées sont uniquement celles résultant des termes de la loi ou celles dont le respect est expressément imposé par la décision d'autorisation prise en application de la loi et des textes réglementaires qui, dans le cadre déterminé par le législateur, fixent les principes généraux définissant les obligations des différentes catégories de services de communication audiovisuelle ;
39. Considérant que, sous les réserves d'interprétation ci-dessus mentionnées, les articles 42-1 et 42-2 ne sont contraires aux dispositions ni de l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme, ni de l'article 34 de la Constitution qui définissent l'étendue de la compétence du législateur ;
. En ce qui concerne la sanction énoncée au 1° de l'article 42-1 :
40. Considérant que les auteurs de la saisine font valoir que la sanction énoncée au 1° de l'article 42-1, dans la mesure où elle permet au Conseil supérieur de l'audiovisuel de prononcer la suspension d'une partie du programme d'un service, est contraire au principe de la liberté d'expression ; que si elle est infligée à tort aucune réparation adéquate ne pourra être accordée au titulaire de l'autorisation ;
41. Considérant qu'au nombre des sanctions susceptibles d'être prononcées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel "compte tenu de la gravité du manquement", figure "la suspension, après mise en demeure, de l'autorisation ou d'une partie du programme pour un mois au plus", alors que sous l'empire du troisième alinéa de l'article 42 de la loi du 30 septembre 1986, dans sa rédaction antérieure, l'instance de régulation pouvait suspendre l'autorisation pour une durée d'un mois au plus ;
42. Considérant qu'il résulte des débats parlementaires qui ont précédé l'adoption du 1° de l'article 42-1 que le législateur a entendu proportionner aussi bien la durée que l'ampleur de la suspension à la gravité du manquement commis par le titulaire de l'autorisation ; que, dans cet esprit, la partie du programme qui peut faire l'objet d'une mesure de suspension temporaire n'excédant pas un mois doit être en relation directe avec le manquement relevé ; que par là-même, la sanction qui vise à le réprimer n'est pas contraire au principe constitutionnel de libre communication des pensées et des opinions ; qu'au surplus, toute décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel qui interviendrait en violation des dispositions législatives ou réglementaires serait susceptible d'entraîner la mise en jeu de la responsabilité de la puissance publique ;
- SUR L'ARTICLE 30 EN CE QU'IL REND LA LOI APPLICABLE A LA POLYNESIE FRANCAISE :
43. Considérant que l'article 30 est ainsi rédigé : "La présente loi est applicable aux territoires d'outre-mer et à la collectivité territoriale de Mayotte" ;
44. Considérant que les auteurs de la saisine soutiennent que ces dispositions, en tant qu'elles rendent la loi applicable à la Polynésie française, méconnaissent l'article 74 de la Constitution ; qu'en effet, le Sénat, lorsqu'il a délibéré en première lecture sur le projet de loi, n'était pas en possession de l'avis rendu par l'Assemblée territoriale de Polynésie ; qu'ils estiment que cette irrégularité affecte aussi bien l'intégralité de l'article 30 que les autres articles de la loi qui constituent un ensemble inséparable ;
45. Considérant qu'aux termes de l'article 74 de la Constitution l'organisation des territoires d'outre-mer "est définie et modifiée par la loi après consultation de l'assemblée territoriale intéressée" ; qu'il résulte de cette disposition que l'avis émis en temps utile par l'assemblée territoriale, consultée avec un préavis suffisant, doit être porté à la connaissance des parlementaires, pour lesquels il constitue un élément d'appréciation nécessaire, avant l'adoption en première lecture du projet de loi par l'assemblée dont ils font partie, mais qu'aucune disposition de valeur constitutionnelle n'exige que cet avis soit demandé avant le dépôt du projet de loi devant le Parlement ;
46. Considérant que la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 est applicable à l'ensemble des territoires d'outre-mer, conformément à son article 108 ; que le projet de loi modifiant la loi précitée a été adressé à la date du 18 octobre 1988 par le Haut-Commissaire de la République en Polynésie française au Président de l'Assemblée territoriale à l'effet de recueillir l'avis de cette assemblée ; que, lors de l'examen en première lecture du projet de loi, le Sénat, après avoir relevé que l'avis sollicité n'avait pas été émis, a exclu la Polynésie française du champ d'application du texte ; que l'Assemblée nationale, appelée à se prononcer en première lecture, a considéré que, du fait de l'expiration du délai d'un mois imparti à l'Assemblée territoriale par l'article 72 de la loi n° 84-820 du 6 septembre 1984 pour rendre son avis, celui-ci devait être réputé favorable ; qu'en conséquence, elle a étendu le texte à la Polynésie française ; que le Sénat s'est par la suite prononcé dans le même sens ; que, dans ces circonstances particulières, l'irrégularité de procédure relevée par les auteurs de la saisine au stade de l'examen du projet de loi en première lecture ne saurait, faute de revêtir un caractère substantiel, conduire à ce que l'article 30 de la loi déférée soit déclaré contraire à la Constitution ;
47. Considérant qu'en l'espèce il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi soumise à son examen ;

Décide :
Article premier :
Sont déclarées contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication :
Dans le texte de l'article 8, la seconde phrase du troisième alinéa de la rédaction nouvelle de l'article 13 de la loi du 30 septembre 1986 ainsi conçue : " Les mesures prises en exécution de ces décisions ne peuvent en aucun cas engager la responsabilité personnelle du président de l'organisme " ;
Dans le texte de l'article 11, le troisième alinéa de la rédaction nouvelle de l'article 27 de la loi du 30 septembre 1986 ainsi rédigé : " Les règles déontologiques concernant la publicité et les règles applicables à la communication institutionnelle, au parrainage et aux pratiques analogues à celui-ci sont fixées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel ".
Article 2 :
Sont inséparables des dispositions de l'article 11 déclarées contraires à la Constitution par l'article 1er de la présente décision, les mots " sous réserve des dispositions du dernier alinéa du présent article " figurant au 1° de l'article 27 de la loi du 30 septembre 1986 dans sa rédaction issue dudit article 11.
Article 3 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.


Synthèse
Numéro de décision : 88-248
Date de la décision : 17/01/1989
Loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication
Sens de l'arrêt : Non conformité partielle
Type d'affaire : Contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires, lois organiques, des traités, des règlements des Assemblées

Saisine

Monsieur Robert Badinter, Président du Conseil constitutionnel

Monsieur le président,

Les députés soussignés défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à la liberté de communication, adoptée le 22 décembre 1988 par l'Assemblée nationale appelée à statuer définitivement en exécution des dispositions du quatrième alinéa de l'article 45 de la Constitution.

Les députés demandent au Conseil constitutionnel, en vertu de l'article 61 de la Constitution, de déclarer non conformes à la Constitution les articles 5, 7, 10, 11, 15 et 22 de la loi susmentionnée pour les motifs exposés dans le mémoire ampliatif ci-joint.

Je vous prie d'agréer, monsieur le président, l'expression de ma haute considération.

BERNARD PONS MEMOIRE AMPLIATIF A LA SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL TENDANT A FAIRE ANNULER LES ARTICLES 5, 7, 10, 11, 15 ET 22 DE LA LOI RELATIVE A LA LIBERTE DE COMMUNICATION ADOPTEE LE 22 DECEMBRE 1988 1 En ce qui concerne l'article 5-II, alinéa 2

Cette disposition est contraire au principe d'indépendance, élément essentiel de la liberté d'expression que veut organiser cette loi.

L'article 5-II, alinéa 2, impose une restriction nouvelle par rapport à la rédaction de l'article 7, alinéa 3, de la loi du 30 septembre 1986 puisqu'il précise : " Le Conseil supérieur de l'audiovisuel propose, lors de l'élaboration du projet de loi de finances de l'année, les crédits nécessaires à l'accomplissement de sa mission ".

Cette nouvelle disposition implique que les crédits du CSA seront désormais soumis à l'arbitrage du Premier ministre, ce qui induit un risque évident d'arbitraire. Le pouvoir exécutif pouvant être tenté d'user de mesures de rétorsion à l'encontre de cette institution pour lui imposer sa conduite.

L'indépendance de cette institution est une condition sine qua non de la liberté d'expression reconnue par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme. Elle ne saurait don être soumise par le biais financier au bon vouloir du seul pouvoir exécutif.

Cette disposition doit donc être reconnue comme contraire à la Constitution.

2 En ce qui concerne l'article 7, alinéa 4 L'article 7, alinéa 4, est contraire aux principes qui régissent l'exercice de l'autorité et à la liberté du commerce et de l'industrie.

En effet, la dernière phrase de cet alinéa précise : " Les mesures prises en exécution de ces décisions ne peuvent en aucun cas engager la responsabilité personnelle du président de l'organisme. " Cette disposition aboutit, pour les sociétés privées concernées, à transformer leur président du fait de cette exonération de responsabilité en agent public chargé d'exécuter une décision administrative alors même qu'aucune autorité publique n'a participé à sa nomination, ni même contrôlé son activité qui relève du seul conseil d'administration.

De plus, cette exonération permet au CSA d'intervenir en fait directement sur la gestion de ces sociétés, ce qui est contraire à la liberté du commerce et de l'industrie.

On peut souligner, en outre, l'absence de précision dans la formulation des conditions permettant au CSA d'user du pouvoir d'injonction. En se bornant à évoquer le cas du " manquement grave " sans préciser le contenu de ce terme, le législateur laisse la place à un arbitraire qui ne doit pas avoir sa place dans un texte régissant une liberté fondamentale.

3 En ce qui concerne l'article 10

L'article 10 du projet qui modifie l'article 27 de la loi du 30 septembre 1986 est contraire à l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme ainsi qu'à l'article 34 de la Constitution.

L'article 10, alinéa 2, du projet prévoit :

" Compte tenu des missions d'intérêt général des organismes du secteur public et des différentes catégories de services de communication audiovisuelle diffusés par voie hertzienne terrestre ou par satellite, des décrets en Conseil d'Etat fixent les principes généraux définissant les obligations concernant :

" 1° La publicité, sous réserve des dispositions du dernier alinéa du présent article ;

" 2° La diffusion, en particulier aux heures de grande écoute, d' uvres cinématographiques et audiovisuelles en majorité d'expression originale française et originaires de la Communauté économique européenne ;

" 3° La contribution au développement de la production cinématographique et audiovisuelle et les dépenses minimales consacrées à l'acquisition de droits de diffusion d' uvres cinématographiques et audiovisuelles ainsi que l'indépendance des producteurs à l'égard des diffuseurs.

" Ces décrets sont pris après avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Cet avis motivé est publié au Journal officiel de la République française ainsi que le rapport de présentation du décret.

" Les règles déontologiques concernant la publicité et les règles applicables à la communication institutionnelle, au parrainage et aux pratiques analogues à celui-ci sont fixées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel. "

Ainsi, dans des domaines aussi fondamentaux que le financement des services de communication audiovisuelle, ainsi que le contenu de leurs programmes, le législateur laisse toute liberté au pouvoir exécutif et ne fixe aucune règle précise, se réfugiant derrière la position de principe très vague arrêtée dans l'article 1er de la loi.

Ce renoncement à légiférer est non seulement inquiétant au regard de la liberté qu'il laisse au Gouvernement, il est aussi contraire à la Constitution.

L'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme prévoit que : " La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans des cas déterminés par la loi. "

Or, cette méconnaissance du Préambule justifie à elle seule l'inconstitutionnalité de ce texte, mais celle-ci est encore plus flagrante au regard de l'article 34, alinéa 2, de la Constitution.

En effet, l'article 34, alinéa 2, dispose : " La loi fixe les règles concernant () les garanties fondamentales accordées au citoyen pour l'exercice des libertés publiques. "

Il appartient au législateur et à lui seul de fixer les règles, c'est-à-dire de déterminer les limites précises de l'exercice de cette liberté fondamentale qu'est la liberté d'expression.

En laissant ce soin au pouvoir réglementaire, le législateur effectue une subdélégation.

Par cette subdélégation le législateur, qui a reçu compétence pour organiser l'exercice d'une liberté, tente de déléguer cette compétence à l'exécutif.

Cette technique a été interdite d'une manière formelle par votre jurisprudence à partir de votre décision 31 DC du 26 juin 1967 sur l'indépendance des magistrats, position maintenue dans les décisions 162 DC, 164 DC, 123 DC, 191 DC, 198 DC.

Ce que vous avez sanctionné dans tous ces cas, c'est ce qu'on peut appeler une " incompétence négative ". C'est-à-dire que le législateur ne saurait restreindre de son propre chef la compétence que lui a octroyée le constituant. Ce qui est précisément le cas en l'espèce.

C'est au législateur, et à lui seul, de définir les règles évoquées dans l'article 10 de ce projet ; le fait de vouloir laisser cette compétence au pouvoir réglementaire constitue une inconstitutionnalité manifeste.

4 En ce qui concerne l'article 11, alinéas 3 et 4

L'article 11, alinéa 3, est contraire au principe d'égalité en ce qu'il indique un critère de distinction aléatoire et non quantifiable.

Il précise, en effet que : " cette convention fixe les règles particulières applicables au service, compte tenu () de la part du service dans le marché publicitaire ".

Cette part dans le marché publicitaire est un élément économique essentiellement fluctuant puisqu'il dépend de l'audience, c'est-à-dire du succès à venir du service concerné, et en tout état de cause il ne saurait être déterminé lors de la signature de la convention puisque cette part ne pourra être appréciée qu'après un certain délai de fonctionnement.

Cette disposition risque une fois de plus d'entraîner un risque d'arbitraire puisque le critère de distinction n'aura aucune matérialité au moment où il sera utilisé. Il peut donc aboutir à un traitement inégal et rompre le principe d'égalité dont doivent bénéficier tous les services concernés.

L'alinéa 4 du même article qui dispose : " La convention porte notamment sur un ou plusieurs des points suivants " introduit lui aussi un risque de rupture dans l'égalité de traitement puisqu'il sous-entend que les différentes conventions pourraient prévoir des contraintes de degré et d'intensité différentes sans que les raisons de ces différences soient clairement justifiées dans les alinéas précédents.

5 En ce qui concerne l'article 15 (art 42-1 et 42-2)

Le CSA reçoit de la loi le pouvoir de prononcer toute une série de sanctions, et notamment des sanctions pécuniaires qui peuvent aller jusqu'à 3 p 100 du chiffre d'affaires, et jusqu'à 5 p 100 en cas de récidive.

Or, le CSA est une autorité administrative et non une autorité juridictionnelle. En conséquence, il est soutenu que les dispositions des articles 42-1 et 42-2 violent le principe constitutionnel de séparation des pouvoirs, affirmé solennellement par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme : le pouvoir, en effet, d'infliger des sanctions ou des peines appartient exclusivement au juge et seule une loi constitutionnelle pourrait déroger à ce principe en le confiant à une autorité administrative et l'exigence du respect de la séparation des pouvoirs est d'autant plus forte, en l'espèce, qu'il s'agit de protéger l'une des principales libertés fondamentales, inscrite à l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme.

La " sanction administrative " n'est jusqu'en 1939 qu'une " curiosité " (cf. CA Colliard, la Sanction administrative, 1943) et l'on chercherait en vain la trace dans les manuels de droit administratif avant guerre : les seuls exemples que l'on puisse citer sont l'internement des suspects dans les prisons d'Etat du Premier Empire, et au début du XXe siècle, des procédures relatives à l'indigénat (dans les colonies) et au régime de la prostitution.

Les sanctions administratives vont, en revanche, se multiplier à partir de 1940, notamment pour assurer, concurremment avec les sanctions pénales, l'efficacité de la législation économique, et d'autres législations au contenu plus discutable. Le rétablissement de la légalité républicaine ne fait pas disparaître toutes les sanctions administratives et l'on assiste même à un certain renouveau sous la IVe République.

L'origine ainsi rappelée des sanctions administratives explique notamment qu'elles n'aient pas très bonne réputation alors surtout qu'elles constituent un " danger pour les libertés " ainsi que le souligne le professeur Marcel Waline dans son traité de droit administratif (9e édition, n° 930) : " La pratique des sanctions administratives est assez grave, parce qu'elle contribue, avec les sanctions fiscales, à la création et au développement, et les plus inquiétants, de l'évolution récente du droit, de ce que l'on peut appeler un droit pseudo-pénal. "

Depuis 1982, les choses ont cependant évolué, et votre assemblée a marqué, dans sa jurisprudence, sa réserve à l'égard de cette institution.

Une première décision du 30 décembre 1982 (n° 82-155 DC) souligne cette réserve en assimilant les sanctions administratives aux sanctions pénales pour leur appliquer le régime le plus strict (la non-rétroactivité), et en reprochant implicitement au législateur " d'avoir cru devoir laisser le soin de la prononcer (la sanction) à une autorité non judiciaire ".

Et s'il ne sanctionne pas cette entorse aux principes c'est parce que la loi qui la contenait (la loi de 1976) ne pouvait plus voir sa validité mise en cause en 1982.

Deux ans plus tard, vous prenez position de manière significative en déclarant que, même s'il s'agit de réprimer des abus, " cette répression ne saurait être confiée à une autorité administrative " (n° 84-181 DC, 10-11 octobre 1984,

80). On a pu en déduire, à juste titre, que vous avez ainsi exclu, " par une formule générale, le pouvoir de sanction des autorités administratives indépendantes (C Teitgen-Colly, in Les autorités administratives indépendantes, 1988 ; cf. dans le même sens, Favoreu et Philip, Les grandes décisions du Conseil constitutionnel, 4e édition, p 659) et le fait qu'en définitive, le Conseil constitutionnel ait annulé les dispositions litigieuses au motif qu'elles instituaient, en fait, un système d'autorisation préalable n'enlève rien à la portée de sa phrase, alors surtout qu'il n'était pas indispensable qu'il l'ajoutât.

Et si, dans votre décision du 23 janvier 1987, vous n'avez pas censuré les dispositions accordant un pouvoir de sanction au Conseil de la concurrence, c'est en raison du fait que ces dispositions étaient contenues dans une ordonnance ayant conservé son caractère réglementaire, vous n'étiez pas compétent pour en déclarer l'inconstitutionnalité : en sorte que même si on vous l'avait demandé - ce qui n'était pas le cas : vous n'auriez pu le faire.

Enfin, une décision n° 87-237 DC du 30 décembre 1987 a bien repris la formule utilisée en 1982 (dans la décision n° 82-155 DC) ; mais on ne peut tirer argument du fait que vous n'avez pas condamné l'attribution d'un pouvoir de sanction à une autorité administrative, car la disposition litigieuse a été annulée pour un autre motif (la violation de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme).

En définitive, vous ne manquerez pas, sans doute, d'apporter une consécration à votre jurisprudence antérieure en condamnant expressément l'attribution de pouvoirs de sanction très importants au CSA.

C'est qu'en effet le pouvoir de punir attribué au CSA est très étendu et peut avoir des conséquences considérables sur la vie des entreprises concernées.

Or, l'attribution de tels pouvoirs de sanction est d'autant plus critiquable qu'elle aboutit à mettre en cause ou à restreindre l'exercice d'une liberté fondamentale parmi les plus essentielles, la liberté d'expression et de communication, à laquelle vous aurez assuré une protection particulièrement renforcée dans vos précédentes décisions.

A supposer même que vous ne voudrez pas condamner de manière générale l'attribution, en violation du principe de séparation des pouvoirs, d'un pouvoir de sanction aux autorités administratives, vous ne pourrez pas ne pas exclure ce pouvoir, s'agissant de l'exercice d'une liberté fondamentale particulièrement protégée.

L'extension du procédé de l'attribution de compétences répressives à des autorités administratives est déjà préoccupant en soi (et il est opportun que le Conseil constitutionnel marque un coup d'arrêt à ces pratiques afin de revenir à l'état de droit existant avant guerre) ; mais l'extension de ce processus au domaine des libertés fondamentales les plus essentielles n'est même pas concevable.

La non-condamnation d'un tel phénomène, non seulement avaliserait toutes les pratiques, peu admissibles dans un Etat de droit, qui se sont développées depuis l'époque de Vichy : mais ce serait la porte ouverte à la création de telles procédures en matière de libertés fondamentales.

Dans l'hypothèse, peu envisageable, où vous admettriez tout de même le principe de ce pouvoir de sanction, les articles 42-1 et 42-2 restent en l'état contraires à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme qui précise : " nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et légalement appliquée ".

Ainsi que l'article 34, alinéa 2, de la Constitution qui dispose : " La loi fixe la règle concernant la garantie fondamentale accordée au citoyen pour l'exercice des libertés publiques. "

Or, en l'espèce, la loi s'est bornée à fixer les sanctions financières maximales sans définir nulle part de manière précise les infractions pouvant donner lieu à de telles sanctions.

Ces dispositions sont donc contraires à la Constitution, en ce que le législateur a refusé d'exercer la totalité de sa compétence. Les garanties que le législateur doit accorder aux citoyens en l'occurrence nécessitent une définition précise des infractions et des sanctions dont elles sont assorties.

Ces garanties étant absentes en l'espèce les articles 42-1 et 42-2 doivent être, en tout état de cause, reconnus non conformes à la Constitution.

6 En ce qui concerne plus précisément l'article 15 (art 42-1 [1°] et 42-10)

L'article 42-1 (1°) prévoit que le CSA pourra prononcer des suspensions d'une partie du programme d'un service.

Cette sanction qui est prononcée après mise en demeure donne un pouvoir exorbitant au CSA en ce qu'elle lui permettra de choisir au sein de chaque service le programme qu'il entend interdire, exerçant ainsi un réel pouvoir de censure ponctuel qui peut, une fois de plus, laisser la place à l'arbitraire.

Cette atteinte à la liberté d'expression est d'autant plus dangereuse qu'il n'existe aucune garantie immédiate à l'encontre de cette décision.

En effet, l'article 42-10 a réservé à la seule hypothèse du retrait, sans mise en demeure, la garantie de l'effet suspensif du recours. Face à une décision de censure partielle du CSA, le service sanctionné devra attendre que le juge se prononce au fond.

L'absence d'effet suspensif posera, en outre, le problème des réparations : particulièrement difficile à quantifier dans ce domaine : au cas où le juge invaliderait une décision du CSA prise en vertu de cette disposition.

7 En ce qui concerne l'article 22

L'article 22 est contraire à l'article 74 de la Constitution, au moins en ce qui concerne la Polynésie française.

L'article 74 dispose : " Les territoires d'outre-mer de la République ont une organisation particulière tenant compte de leurs intérêts propres dans l'ensemble des intérêts de la République. Cette organisation est définie et protégée par la loi après consultation de l'assemblée territoriale intéressée. "

Dans votre décision 82-141 DC, vous avez précisé qu'une loi concernant l'audiovisuel ressortait de l'organisation de ces territoires et les pouvoirs publics étaient donc tenus de consulter leurs assemblées territoriales avant l'examen de la loi devant le Parlement.

Il résultait, en outre, de votre décision que l'assemblée territoriale devait être consultée avec un préavis suffisant, à charge pour elle d'émettre cet avis en temps utile.

Ce préavis est d'ailleurs précisé pour la Polynésie française puisque l'article 68 de la loi statutaire prévoit que l'assemblée territoriale dispose d'un délai de trois mois, qui peut être réduit à un mois en cas d'urgence ; cette disposition n'ayant encouru aucune sanction de votre part, on doit considérer que ce délai est conforme à la Constitution.

En l'espèce, le haut commissaire de la République en Polynésie française a saisi le président de l'assemblée territoriale de cette question le 18 octobre 1988 par lettre numéro 2002/DRCL. Or, le Sénat a adopté ce texte en première lecture le 10 novembre 1988 sans que l'avis de l'assemblée territoriale n'ait été rendu.

Le Gouvernement, en inscrivant trop précipitamment ce texte à l'ordre du jour au Sénat, n'a pas respecté le délai minimum de consultation.

Dans votre décision 169 DC, vous avez précisé que l'avis des assemblées, dans le cadre de l'application de l'article 74 de la Constitution, devait être communiqué au Parlement avant que la première lecture devant la première assemblée saisie n'ait été achevée.

Cette condition n'ayant pas été remplie pour la Polynésie française, l'article 22 de la présente loi doit être annulé.

L'article 22 doit être reconnu non détachable du reste du texte pour des raisons pratiques. En effet, l'annulation de cette seule disposition amènerait à maintenir pour les TOM et Mayotte la totalité de la loi de 1986 et faire ainsi cohabiter deux institutions : le CSA pour la métropole et les DOM et la CNCL pour le reste, ce qui n'est nullement souhaitable pour des raisons de simple cohérence.


Références :

DC du 17 janvier 1989 sur le site internet du Conseil constitutionnel
DC du 17 janvier 1989 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : Loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (Nature : Loi ordinaire, Loi organique, Traité ou Réglement des Assemblées)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°88-248 DC du 17 janvier 1989
Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:1989:88.248.DC
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