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20/01/1993 | FRANCE | N°92-316

France | France, Conseil constitutionnel, 20 janvier 1993, 92-316


Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 21 décembre 1992, par MM Bernard Pons, Alain Cousin, Claude-Gérard Marcus, Robert Pandraud, François Grussenmeyer, Bernard Schreiner, Arnaud Lepercq, Mme Suzanne Sauvaigo, MM Jean-Louis Masson, Jean-Marie Demange, Gérard Léonard, Pierre Raynal, Pierre-Rémy Houssin, Jean-Louis Goasduff, Mme Christiane Papon, MM Roland Nungesser, René Galy-Dejean, Mme Michèle Alliot-Marie, MM Jean de Lipkowski, Robert-André Vivien, Georges Tranchant, Arthur Dehaine, Pierre Pasquini, Pierre Bachelet, Jacques Boyon, René Couveinhes, Gérard Chasseguet, Pierre

Mauger, Jean Kiffer, Olivier Dassault, Gautier Audinot, Jean...

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 21 décembre 1992, par MM Bernard Pons, Alain Cousin, Claude-Gérard Marcus, Robert Pandraud, François Grussenmeyer, Bernard Schreiner, Arnaud Lepercq, Mme Suzanne Sauvaigo, MM Jean-Louis Masson, Jean-Marie Demange, Gérard Léonard, Pierre Raynal, Pierre-Rémy Houssin, Jean-Louis Goasduff, Mme Christiane Papon, MM Roland Nungesser, René Galy-Dejean, Mme Michèle Alliot-Marie, MM Jean de Lipkowski, Robert-André Vivien, Georges Tranchant, Arthur Dehaine, Pierre Pasquini, Pierre Bachelet, Jacques Boyon, René Couveinhes, Gérard Chasseguet, Pierre Mauger, Jean Kiffer, Olivier Dassault, Gautier Audinot, Jean-Claude Mignon, Richard Cazenave, Jean Ueberschlag, Mme Roselyne Bachelot, MM Jean-Louis Debré, Eric Raoult, Guy Drut, Charles Paccou, Jean-Paul Charié, Robert Galley, Dominique Perben, Didier Julia, Roland Vuillaume, Jacques Toubon, Patrick Ollier, Mme Françoise de Panafieu, MM Bernard Debré, Jean-Paul de Rocca-Serra, Michel Giraud, Mme Nicole Catala, MM Jean-Luc Reitzer, Christian Estrosi, Gabriel Kaspereit, Charles Millon, André Santini, Jean-Yves Haby, Mme Louise Moreau, MM Roger Lestas, Raymond Marcellin, Jean Brocard, Michel Meylan, Alain Moyne-Bressand, Marc Laffineur, Jean-Luc Préel, Jean Rigaud, Francisque Perrut, Maurice Ligot, Jean Begault, Georges Mesmin, Pierre-André Wiltzer, Yves Coussain, Francis Saint-Ellier, René Garrec, Michel Pelchat, Jean-Marc Nesme, Francis Delattre, Alain Griotteray, Jean Briane, Germain Gengenwin, Gérard Grignon, Michel Jacquemin, Christian Kert, Adrien Durand, Adrien Zeller, Jean-Jacques Hyest, Pierre Mazeaud, députés, et le 22 décembre 1992, par MM Etienne Dailly, Pierre Jeambrun, François Giacobbi, Georges Mouly, Jacques Bimbenet, Ernest Cartigny, Raymond Soucaret, Paul Girod, François Lesein, Pierre Laffitte, Max Lejeune, Jean Bernard, Paul Blanc, Jean-Pierre Camoin, Jean Chamant, Désiré Debavelaere, Philippe François, Daniel Goulet, Adrien Gouteyron, Roger Husson, Lucien Lanier, René-Georges Laurin, Jean-François Le Grand, Guy Lemaire, Joseph Ostermann, Soséfo Makapé Papilio, Alain Pluchet, Roger Romani, Jean Simonin, Martial Taugourdeau, Serge Vinçon, Jean Arthuis, Alphonse Arzel, Bernard Barraux, François Blaizot, Jean-Pierre Blanc, André Bohl, Paul Caron, Louis de Catuélan, Marcel Daunay, André Egu, Jacques Golliet, Daniel Hoeffel, Claude Huriet, Pierre Lacour, Bernard Laurent, Edouard Le Jeune, Marcel Lesbros, Daniel Millaud, Michel Souplet, Georges Treille, Pierre Vallon, Xavier de Villepin, Marcel Lucotte, Christian Bonnet, Roger Chinaud, Bernard Barbier, Jean-Pierre Fourcade, Jean Clouet, Henri de Raincourt, André Bettencourt, Joël Bourdin, Jacques Larché, Pierre Louvot, Henri Revol, Mme Anne Heinis, MM James Bordas, Michel Poniatowski, Charles Jolibois, Michel Crucis, Jean-Paul Chambriard, Joseph Caupert, Guy Poirieux, Jean-Pierre Tizon, Charles-Henri de Cossé-Brissac, sénateurs, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques ;

Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Vu la loi n° 72-619 du 5 juillet 1972 modifiée portant création et organisation des régions ;
Vu la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 modifiée d'orientation du commerce et de l'artisanat ;
Vu la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 modifiée relative à la protection des occupants de locaux à usage d'habitation, notamment son article 6 ;
Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;
Vu la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 modifiée relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions ;
Vu la loi n° 83-597 du 7 juillet 1983 modifiée relative aux sociétés d'économie mixte ;
Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée relative à la liberté des prix et de la concurrence ;
Vu la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 modifiée relative à la transparence financière de la vie politique ;
Vu la loi n° 90-55 du 15 janvier 1990 modifiée relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des activités politiques ;
Vu la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990 modifiée relative à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment des capitaux provenant du trafic de stupéfiants ;
Vu la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 modifiée relative à la transparence et à la régularité des procédures de marché et soumettant la passation de certains contrats à des règles de publicité et de mise en concurrence ;
Vu le code électoral ;
Vu le code des douanes ;
Vu le code des communes ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu le code pénal ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le mémoire ampliatif présenté au nom des députés, auteurs de la première saisine, enregistré au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 24 décembre 1992 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les députés auteurs de la première saisine défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques en critiquant les dispositions des articles 1er à 6, 9, 11, 13, 20 à 22, 25, 32, 38, 40, 41, 49, 53, 54, 72, 73 et 86 ; que les sénateurs auteurs de la seconde saisine allèguent l'inconstitutionnalité des articles 20 à 22, 24 à 26, de la dernière phrase du premier alinéa de l'article 40 et des articles 53, 54 et 76-II de ladite loi ;
- SUR LA PROCEDURE LEGISLATIVE :
. En ce qui concerne les conditions d'adoption de l'article 11 :
2. Considérant que les députés auteurs de la première saisine font valoir que les dispositions de l'article 11 ont été introduites par voie d'amendement, en seconde délibération et en nouvelle lecture, alors qu'elles n'ont été ni examinées ni rapportées par la commission saisie au fond non plus que présentées et examinées en première délibération ;
3. Considérant d'une part qu'aucune disposition de la Constitution, notamment ses articles 43 et 44, ne proscrit, en l'absence d'opposition du Gouvernement, la discussion et le vote en séance publique d'amendements qui n'auraient pas été examinés préalablement en commission ;
4. Considérant d'autre part que le droit d'amendement est susceptible de s'exercer selon les mêmes modalités en première et en seconde délibérations qui constituent deux phases de la même lecture ; qu'ainsi n'est pas contraire à la Constitution, sous réserve des limitations prévues par les troisième et quatrième alinéas de l'article 45, lesquelles n'ont pas été méconnues en l'espèce, la présentation en seconde délibération d'un amendement qui n'a pas été examiné en première délibération ;
5. Considérant que, dès lors, l'article 11 de la loi n'a pas été adopté selon une procédure contraire à la Constitution ;
. En ce qui concerne les conditions d'adoption des articles 53, 54, 72, 73 et 86 :
6. Considérant que les députés auteurs de la première saisine soutiennent que les articles 53, 54, 72, 73 et 86 ont été adoptés en méconnaissance des limites inhérentes au droit d'amendement ; que les sénateurs auteurs de la seconde saisine font valoir le même grief à l'égard des seuls articles 53 et 54 ;
7. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 39, 44 et 45 de la Constitution que le droit d'amendement, qui est le corollaire de l'initiative législative, peut sous réserve des limitations posées aux troisième et quatrième alinéas de l'article 45, s'exercer à chaque stade de la procédure législative ; que, toutefois, les adjonctions ou modifications apportées au texte en cours de discussion ne sauraient, sans méconnaître les articles 39, alinéa 1, et 44, alinéa 1, de la Constitution, ni être sans lien avec ce dernier, ni dépasser par leur objet et leur portée les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement qui relève d'une procédure spécifique ;
8. Considérant qu'a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, le 10 septembre 1992, un projet de loi relatif à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques ; que, dans son titre Ier, ce texte comportait des dispositions relatives à la création d'un service interministériel de lutte contre la corruption ; que le titre II comprenait des dispositions relatives au financement des partis politiques et des campagnes électorales ; que le titre III comportait des dispositions relatives à la transparence des activités économiques des personnes tant publiques que privées ; que le titre IV regroupait des dispositions relatives aux collectivités locales destinées à assurer la transparence de procédures qui leur sont propres ainsi que des adaptations de différentes formes de contrôle auxquelles elles sont soumises ; qu'il était loisible au Parlement, à l'initiative soit du Gouvernement soit d'un parlementaire, d'apporter au texte des amendements se rattachant à ces matières ;
9. Considérant que peuvent être regardées comme ayant un lien avec le texte en discussion destiné à prévenir la corruption et à favoriser la transparence des activités économiques les dispositions des articles 72 et 73 ayant pour objet d'étendre la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment des capitaux provenant du trafic des stupéfiants au blanchiment des capitaux provenant de l'activité d'organisations criminelles, et modifiant les modalités des déclarations auxquelles ces organismes sont tenus ;
10. Considérant en revanche que l'article 53 de la loi a trait aux obligations des propriétaires dans leurs relations avec les preneurs de locaux d'habitation en cas de résiliation d'un bail ou d'un droit d'occupation en cours de validité ; que l'article 54 aménage par plusieurs modifications l'ensemble du régime juridique du permis de démolir ; que ces dispositions qui n'ont trait ni à la prévention de la corruption ni à la transparence des activités économiques et concernent des matières qui n'ont pas fait l'objet de dispositions du texte soumis à la délibération des assemblées sont dépourvues de lien avec ce texte ;
11. Considérant également que l'article 86, qui a trait aux conditions d'examen devant le juge d'instance au regard de la charge de la preuve des contestations par le préfet des inscriptions sur les listes électorales, ne se rattache à aucune des matières faisant l'objet du projet de loi ; qu'ainsi cet article est dépourvu de lien avec le texte soumis à la délibération des assemblées ;
12. Considérant que dès lors les articles 53, 54 et 86 ont été adoptés selon une procédure irrégulière ;
- AU FOND :
. SUR LES ARTICLES 1er A 6 RELATIFS AU SERVICE CENTRAL DE PREVENTION DE LA CORRUPTION :
13. Considérant que les députés auteurs de la première saisine invoquent à l'encontre de ces articles qui, créant un service central de prévention de la corruption, régissent son organisation et son fonctionnement, plusieurs griefs d'inconstitutionnalité ; qu'ils soutiennent que dès lors que les missions et les pouvoirs de ce service administratif l'assimilent à la police judiciaire, le principe de séparation des pouvoirs affirmé par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen est méconnu ainsi que la liberté individuelle faute d'intervention de l'autorité judiciaire ; qu'en outre les modalités prévues de communication de documents de toute nature à ce service portent atteinte au droit de propriété ;
14. Considérant que si en vertu des trois premiers alinéas de l'article 1er de la loi, il revient au service de centraliser les informations nécessaires à la détection et à la prévention de certaines infractions limitativement énumérées, il ne ressort pas de ces dispositions qu'il est habilité à opérer lui-même la constatation desdites infractions ; qu'en lui confiant cette mission, le législateur n'a pas entendu déroger aux dispositions protectrices de la liberté individuelle prévues par la législation relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; qu'en vertu de l'article 2 de la loi, le service est tenu de saisir le procureur de la République dès que les informations qu'il aurait ainsi réunies mettraient en évidence des faits susceptibles de constituer des infractions ; que l'article 3 prescrit son dessaisissement dès qu'une procédure judiciaire d'enquête ou d'information relative à de tels faits est ouverte ; que dès lors et sous réserve des interprétations qui précèdent, les dispositions ci-dessus analysées ne portent atteinte ni à la séparation des pouvoirs ni à la liberté individuelle ;
15. Considérant cependant qu'en prévoyant par le cinquième alinéa de l'article 1er que le service peut recourir à des personnes qualifiées pour des "investigations", le législateur, même en qualifiant ces mesures de techniques, ne les a pas définies de manière suffisamment claire et précise en les limitant à celles qui relèvent d'enquêtes administratives ; que dès lors cette formulation est susceptible d'entraîner des atteintes à la liberté individuelle sans garantie de l'autorité judiciaire ; que, par suite, le 5ème alinéa de l'article 1er de la loi doit être déclaré contraire à la Constitution ;
16. Considérant en outre que l'article 5 de la loi confère à ce service le droit d'obtenir communication de tout document sans l'assortir d'une obligation de motivation et sans aucune restriction non seulement quant à la nature mais aussi quant à l'ancienneté de ces documents ; que ce droit n'étant pas limité à une prise de connaissance et, le cas échéant, de copie, peut autoriser des rétentions dont le terme n'est pas fixé ; que le droit de convocation de toute personne dont dispose le service peut être assorti d'un délai limité à 48 heures, sans égard aux déplacements qu'il implique ni à d'éventuelles circonstances particulières ; qu'il n'est pas précisé que la personne convoquée peut se faire accompagner du conseil de son choix ni qu'un procès-verbal doit être dressé contradictoirement ; que le service peut ainsi, y compris de sa propre initiative, intervenir dans des domaines très divers de la vie professionnelle et privée ; que le refus de délivrer les documents demandés ou de se prêter aux auditions provoquées par le service est punissable d'une amende correctionnelle de 50 000 F. ; que les dispositions de l'article 5 sont de nature à méconnaître le respect de la liberté personnelle et à porter des atteintes excessives au droit de propriété ; que, dès lors, l'article 5 de la loi doit être déclaré contraire à la Constitution ;
- SUR LE FINANCEMENT DES CAMPAGNES ELECTORALES ET DES PARTIS POLITIQUES :
. En ce qui concerne les articles 9 et 13 :
17. Considérant que les députés auteurs de la première saisine soutiennent qu'en établissant une obligation de publication des dons consentis par les personnes morales aux candidats et aux partis politiques, les articles 9 et 13 contreviennent à l'article 4 de la Constitution et à la libre communication des pensées et des opinions et, qu'en outre, ces dispositions portent atteinte à l'égalité des candidats et des partis ;
18. Considérant d'une part que l'article 4 de la Constitution dispose que : "Les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie." ;
19. Considérant qu'en prescrivant la publication de la liste des personnes morales qui ont consenti des dons à des candidats ou à des partis, le législateur a entendu assurer une meilleure information des citoyens et une plus grande transparence de la vie publique ; qu'il n'a ainsi porté atteinte ni à la liberté de communication des pensées et des opinions ni à l'activité des partis et groupements politiques garantie par les dispositions constitutionnelles précitées ;
20. Considérant d'autre part qu'en prévoyant l'application de ces dispositions à la date d'entrée en vigueur de la loi, le législateur a entendu soumettre à compter de cette date tous les dons de personnes morales à un régime identique et qu'il n'a pas ainsi porté atteinte au principe d'égalité ;
21. Considérant que dès lors les articles 9 et 13 ne sont pas contraires à la Constitution ;
. En ce qui concerne l'article 11 :
22. Considérant que les députés auteurs de la première saisine font valoir que le législateur serait resté en-deçà de sa compétence en renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de fixer la composition, les règles de fonctionnement et les attributions de la commission instituée par le présent article, composée de représentants des partis politiques et chargée de procéder à l'audition, deux fois par an, de la commission des comptes de campagne et des financements politiques ;
23. Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : "La loi fixe également les règles concernant... le régime électoral des assemblées parlementaires et des assemblées locales" ; qu'au nombre de ces règles relevant de la compétence du législateur figurent celles qui régissent le fonctionnement de la commission des comptes de campagne et des financements politiques, autorité administrative, ainsi que la disposition qui prévoit que celle-ci est auditionnée par une commission composée de représentants de partis politiques ;
24. Considérant cependant que le législateur, en prévoyant que la commission des partis politiques procède à ces auditions deux fois par an, a limité à cette seule activité les missions de la commission, en excluant tout pouvoir d'instruction et de contrôle ; que dès lors les règles de désignation des représentants de partis politiques et de fonctionnement des auditions ne relèvent pas de la compétence du législateur ;
25. Considérant que sous cette réserve d'interprétation l'article 11 de la loi n'est pas contraire à la Constitution ;
- SUR LES ARTICLES 20 A 29 RELATIFS AUX PRESTATIONS DE PUBLICITE :
26. Considérant que les députés auteurs de la première saisine font valoir que les dispositions des articles 20, 21 et 22 relatifs aux rapports contractuels entre les annonceurs, les intermédiaires et les vendeurs d'espaces publicitaires ou de prestations ayant pour objet l'édition ou la distribution d'imprimés publicitaires restreignent la liberté contractuelle dans des conditions qui portent des atteintes abusives et arbitraires à la liberté d'entreprendre en la dénaturant ; que la lourdeur des sanctions prévues en cas de méconnaissance de ces obligations par l'article 25 de la loi méconnaît le principe de nécessité des peines ; qu'ils soutiennent également que ces dispositions sont par leur effet conjugué de nature à porter atteinte à la liberté de la presse et de communication des opinions ; que les sénateurs auteurs de la seconde saisine allèguent pour leur part que la loi porte atteinte à la liberté du commerce qui est un des éléments constitutifs de la liberté d'entreprendre à laquelle les articles 20, 21 et 22 apporteraient des restrictions abusives et arbitraires ; que les articles 24, 25 et 26 seraient indissociables de ces dernières dispositions ;
27. Considérant que l'article 20, dans son premier alinéa, prévoit que tout achat d'espace publicitaire ou de prestation ayant pour objet l'édition ou la distribution d'imprimés publicitaires ne peut être réalisé par un intermédiaire que pour le compte d'un annonceur et dans le cadre d'un contrat écrit de mandat ; que, dans son second alinéa, il détermine le contenu du contrat et précise, notamment, que celui-ci doit mentionner les autres prestations fournies par l'intermédiaire en dehors du contrat de mandat et le montant global de leur rémunération ; qu'il ajoute que tout rabais ou avantage tarifaire accordé par le vendeur doit figurer sur la facture délivrée à l'annonceur et ne peut être conservé en tout ou partie par l'intermédiaire qu'en vertu d'une stipulation expresse du contrat de mandat ; que, dans son troisième alinéa, il prévoit que, même si les achats mentionnés au premier alinéa ne sont pas payés directement par l'annonceur au vendeur, la facture est communiquée directement par ce dernier à l'annonceur ;
28. Considérant que l'article 21 interdit au mandataire de recevoir d'autre paiement que celui qui lui est versé par son mandant ni aucune rémunération ou avantage quelconque de la part du vendeur ; qu'en vertu de l'article 22 le prestataire qui fournit des services de conseil en plan média ou de préconisation de support d'espace publicitaire ne peut recevoir aucune rémunération ni aucun avantage de la part du vendeur d'espace ;
. En ce qui concerne la liberté d'entreprendre :
29. Considérant que la liberté d'entreprendre qui a valeur constitutionnelle n'est toutefois ni générale ni absolue ; qu'il est loisible au législateur d'y apporter des limitations qui lui paraissent exigées par l'intérêt général à la condition que celles-ci n'aient pas pour conséquence de dénaturer la portée de cette liberté ;
30. Considérant que les dispositions des articles 20 et 21 imposent dans les domaines qu'elles visent des modalités contraignantes à l'activité d'achat ou de prestations de l'intermédiaire ; que l'article 22 interdit aux prestataires de services de conseil en plan média ou de préconisation de support d'espace publicitaire fournis aux annonceurs de recevoir des rémunérations ou avantages quelconques de la part des vendeurs d'espace ; que ces dispositions restrictives ont été prises par le législateur, compte tenu des particularités des activités publicitaires, en vue d'atteindre l'objectif général de transparence économique que celui-ci poursuit ; qu'en dépit des contraintes qu'elles comportent, elles ne restreignent pas la liberté d'entreprendre des agents économiques concernés au point d'en dénaturer la portée ;
. En ce qui concerne les sanctions encourues :
31. Considérant que l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose : "La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires..." ;
32. Considérant qu'en l'absence de disproportion manifeste entre les infractions et les sanctions concernées, il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer sa propre appréciation à celle du législateur en ce qui concerne la nécessité des peines sanctionnant les infractions définies par celui-ci ; qu'eu égard à la nature des activités économiques et des intérêts commerciaux en cause, en punissant les infractions aux dispositions relatives aux prestations de publicité d'une peine d'amende dont le maximum est, selon la nature de l'infraction, fixé à 200 000 F. ou à 2 000 000 F., le législateur n'a pas édicté de sanctions qui revêtiraient un caractère manifestement disproportionné par rapport à ces infractions ;
. En ce qui concerne la liberté de communication des pensées et des opinions :
33. Considérant enfin que les règles ci-dessus analysées qui s'imposent aux intermédiaires et prestataires de services, non plus que les sanctions dont elles sont assorties, ne sont de nature à porter atteinte à la libre communication des pensées et des opinions garantie par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
34. Considérant que dès lors les articles 20, 21, 22 et 25 de la loi ne sont pas contraires à la Constitution ;
- SUR LES DISPOSITIONS RELATIVES À L'URBANISME COMMERCIAL :
35. Considérant que les députés auteurs de la première saisine font valoir, à l'encontre de l'article 32 de la loi, que les conditions limitatives dans lesquelles les décisions des commissions départementales d'équipement commercial peuvent être contestées devant la commission nationale porteraient atteinte au principe, selon eux de valeur constitutionnelle, du double degré de juridiction ;
36. Considérant que les commissions départementales et nationale d'équipement commercial sont des organes administratifs et que les recours formés devant la commission nationale ont ainsi le caractère de recours administratif ; que d'ailleurs les décisions des commissions départementales peuvent être contestées devant le juge administratif tout comme celles qui sont le cas échéant prises par la commission nationale ; que dès lors le grief invoqué à l'encontre de l'article 32 ne saurait être retenu ;
- SUR LES DELEGATIONS DE SERVICE PUBLIC :
. En ce qui concerne l'article 38 :
37. Considérant que les députés auteurs de la première saisine font valoir qu'en organisant une procédure de publicité préalable à l'attribution des délégations de service public sans que soit observée une condition de réciprocité à la charge des autres Etats de la Communauté économique européenne, l'article 38 de la loi est constitutif d'une rupture d'égalité devant les charges publiques en méconnaissance de l'article 13 de la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen ;
38. Considérant qu'aucune disposition ni aucun principe de valeur constitutionnelle ne fait obstacle à ce qu'une loi française accorde des droits à des personnes physiques ou morales étrangères alors même que l'État dont elles dépendent ne donnerait pas les mêmes droits à des personnes physiques ou morales françaises ; que la procédure de publicité préalable prévue à l'article 38 de la loi qui a précisément pour objet de favoriser un égal accès à l'octroi de délégations de service public n'est pas de nature à porter atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques ;
. En ce qui concerne l'article 40 :
39. Considérant que les députés auteurs de la première saisine font valoir que l'ensemble des conditions dans lesquelles l'article 40 de la loi limite la durée des délégations de service public, d'une part, méconnaît la libre administration des collectivités locales, notamment en faisant obstacle à la continuité de leurs services publics, d'autre part, porte atteinte à la liberté d'entreprendre des entreprises susceptibles d'être délégataires ; que les sénateurs auteurs de la seconde saisine allèguent pour leur part que la limitation de la durée des délégations de service public à la durée normale d'amortissement des installations mises en service dont le délégataire a la charge méconnaît l'article 72 de la Constitution ;
40. Considérant d'une part que la liberté d'entreprendre n'est ni générale ni absolue ; que le législateur peut y apporter des limitations exigées par l'intérêt général à la condition que celles-ci n'aient pas pour conséquence d'en dénaturer la portée ; que les limitations prévues par l'article 40 de la loi aux conditions dans lesquelles peuvent être conclues les délégations de service public ne portent pas à la liberté d'entreprendre une atteinte telle qu'elle en dénaturerait la portée ;
41. Considérant d'autre part que si, en vertu de l'article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales "s'administrent librement par des conseils élus", chacune d'elles le fait "dans les conditions prévues par la loi" ; qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution "la loi détermine les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources" ;
42. Considérant qu'il est loisible au législateur, pour atteindre les objectifs de transparence et de concurrence qu'il s'assigne, de proscrire la conclusion de contrats de délégation de service public à durée indéterminée et d'indiquer que la durée des conventions doit tenir compte de la nature et du montant des investissements à réaliser par le délégataire ; que s'il a précisé à cette fin que la durée de la concession ne devait pas excéder la durée normale d'amortissement du bien, il a laissé ainsi sous le contrôle du juge une marge d'appréciation suffisante aux collectivités concernées pour la négociation des contrats dans chaque cas d'espèce, eu égard à la multiplicité des modes de calcul d'amortissement ainsi qu'à la diversité et à la complexité des installations susceptibles d'être concernées ; qu'en particulier, en renvoyant à un décret en Conseil d'État, il n'entendait pas permettre à l'autorité réglementaire de définir par des règles de portée générale la durée normale d'amortissement ; que, sous réserve de cette interprétation, cette disposition n'est pas contraire à la Constitution ;
43. Considérant par ailleurs que le législateur a explicitement prévu que, pour des motifs d'intérêt général qui tiennent notamment à la continuité des services publics, des prolongations de conventions pouvaient être consenties dans la limite de la durée d'une année ; qu'il a également admis des prolongations en cas de travaux non prévus au contrat initial pris en charge par le délégataire à la demande du délégant, qui seraient de nature à modifier l'économie générale de la délégation et qui ne pourraient être amortis pendant la durée de la convention restant à courir que par une augmentation des prix manifestement excessive ; que cependant en imposant alors, par surcroît, en toutes circonstances que ces prolongations ne puissent augmenter de plus d'un tiers la durée initialement prévue sans égard à la diversité et à la complexité des situations susceptibles d'être ainsi affectées, le législateur a imposé sans justification appropriée une contrainte excessive qui est de nature à porter atteinte à la libre administration des collectivités locales ; qu'ainsi doit être déclarée non conforme à la Constitution la dernière phrase du b) de l'article 40 ;
. En ce qui concerne l'article 41 :
44. Considérant que les députés auteurs de la première saisine font valoir que les dérogations prévues par l'article 41 pour certains établissements et entreprises aux dispositions de la loi relatives aux délégations de service public portent atteinte au principe d'égalité ;
45. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que dans l'un et l'autre cas la différence de traitement soit en rapport avec la loi qui l'établit ;
46. Considérant que des entreprises détenant légalement un monopole pour l'ensemble des activités correspondant aux délégations en cause ou des établissements publics qui par nature relèvent directement et exclusivement de l'État ou des collectivités territoriales sont dans des situations différentes des autres organismes susceptibles d'obtenir des délégations de service public au regard des objectifs de transparence et de concurrence poursuivis par la loi ; que, dès lors, leur exclusion du champ d'application des dispositions de la loi relatives aux délégations de service public n'est pas contraire à la Constitution ;
47. Considérant en revanche que la loi exclut de l'application de ces dispositions, à l'exception de celles des articles 40 et 42, toutes les sociétés dont le capital est directement ou indirectement majoritairement détenu par la collectivité délégante à la seule condition que l'activité déléguée figure expressément dans leurs statuts ; que ces dispositions qui portent sur la publicité préalable aux négociations, sur les formalités d'examen des offres et sur l'exigence d'un contrôle préalable de l'assemblée délibérante sur l'attribution des délégations méconnaissent le principe d'égalité ; qu'en effet elles ne peuvent se justifier ni par les caractéristiques spécifiques du statut des sociétés en cause, ni par la nature de leurs activités, ni par les difficultés éventuelles dans l'application de la loi propres à contrarier les buts d'intérêt général que le législateur a entendu poursuivre ;
48. Considérant que dès lors il y a lieu de déclarer non conformes à la Constitution au b) de l'article 41 de la loi les mots : "... ou à une société dont le capital est, directement ou indirectement, majoritairement détenu par la collectivité délégante... ou de la société. Toutefois, lorsque la délégation a lieu au bénéfice d'une société d'économie mixte, les articles 40 et 42 sont applicables" ;
- SUR LES AUTRES MISES EN CAUSE DU PRINCIPE D'EGALITE :
. En ce qui concerne l'article 48 :
49. Considérant qu'en vertu de l'alinéa premier du I de l'article 48, le législateur a entendu soumettre aux principes de publicité et de mise en concurrence prévus par le code des marchés publics, les contrats de travaux, d'études et de maîtrise d'oeuvre, conclus pour l'exécution ou les besoins du service public par les sociétés d'économie mixte, en leur nom ou pour le compte de personnes publiques ; qu'en vertu du second alinéa du I du même article, les sociétés d'économie mixte d'intérêt national et les sociétés filiales ne sont pas assujetties aux dispositions du premier alinéa, lorsque le capital de chacun des cocontractants est contrôlé directement ou indirectement par l'État ;
50. Considérant que le fait que l'État contrôle, directement ou indirectement, le capital de certaines sociétés d'économie mixte d'intérêt national et des sociétés filiales cocontractantes n'est pas de nature à placer celles-ci dans une situation justifiant une différence de traitement eu égard à l'objet de la loi ; qu'en outre, il ne résulte pas de la loi qu'un motif d'intérêt général soit de nature à faire échapper ces sociétés aux dispositions du premier alinéa du I de l'article 48 ; que par suite les dispositions du second alinéa du I de l'article 48 portent atteinte au principe d'égalité et que dès lors il y a lieu de les déclarer contraires à la Constitution ;
. En ce qui concerne l'article 49 :
51. Considérant que les députés auteurs de la première saisine font grief au deuxième alinéa du I de l'article 49 d'exclure du champ d'investigation de la mission interministérielle d'enquête sur les marchés publics et les conventions de délégation de service public, les établissements publics qui ont un caractère industriel et commercial ; qu'ils soutiennent que cette exclusion constitue une rupture du principe d'égalité par rapport aux autres personnes morales publiques et privées qui entrent dans le champ d'application de cette disposition ;
52. Considérant que ni la circonstance que les établissements publics industriels et commerciaux ne sont pas régis par le code des marchés publics, ni les distinctions présentement opérées par des directives communautaires entre secteurs d'activité selon leur ouverture à la concurrence, ni la nature des contrôles appliqués par ailleurs à ces établissements ne justifient la différence de traitement qui leur est faite au regard des objectifs qu'a entendu poursuivre le législateur en définissant le rôle et les fonctions de la mission interministérielle ; que dès lors les dispositions contestées restreignant le champ d'attributions de cette mission interministérielle aux établissements publics "autres que ceux qui ont le caractère industriel et commercial", sont contraires à la Constitution ;
. En ce qui concerne l'article 76-II :
53. Considérant que les sénateurs auteurs de la seconde saisine soutiennent que les dispositions de l'article 76-II de la loi tendant à subordonner toute prise de participation d'une société d'économie mixte locale dans le capital d'une société commerciale à un accord exprès de la ou des collectivités territoriales et de leurs groupements actionnaires disposant d'un siège au conseil d'administration, constitue à l'égard des autres collectivités et groupements détenant des participations une atteinte au principe d'égalité ;
54. Considérant qu'en vertu de l'article 8 de la loi du 7 juillet 1983 relative aux sociétés d'économie mixte locales, lorsque la représentation directe des collectivités territoriales ou de leurs groupements conduirait à dépasser un effectif maximum de 18 membres du conseil d'administration, ceux qui ne détiennent qu'une participation réduite sont réunis en une assemblée spéciale qui désigne un ou plusieurs représentants communs au conseil d'administration ; qu'ainsi les collectivités territoriales et leurs groupements ne sont pas placés dans la même situation au regard du fonctionnement des sociétés d'économie mixte locales suivant qu'ils disposent directement ou non d'un siège au conseil d'administration de ces sociétés ; que dès lors en exigeant dans un but d'efficacité et de rapidité pour les prises de participation dans les sociétés commerciales un accord exprès des seuls collectivités et groupements détenant en propre un siège au conseil d'administration des sociétés d'économie mixte locales, le législateur n'a pas méconnu le principe d'égalité ;
- SUR L'ARTICLE 83 :
55. Considérant que le I de cet article a pour objet de prolonger d'un mois à trois mois le délai dans lequel le juge administratif doit se prononcer sur les demandes de sursis à exécution dont il est saisi par le délégué du Gouvernement dans l'exercice du contrôle administratif qui incombe à ce dernier ; que le II donne à celles-ci pour effet, en matière d'urbanisme, de marchés et de conventions de délégations de services publics, la suspension automatique de l'exécution de l'acte contesté durant ce délai accru ;
56. Considérant qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine qui lui est réservé par l'article 34 de la Constitution, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions ; qu'ainsi, le fait que les dispositions nouvelles soient pour l'exercice du contrôle administratif des collectivités locales plus rigoureuses que les dispositions présentement en vigueur ne saurait par lui-même être constitutif d'une inconstitutionnalité, dès lors qu'elles n'aboutissent pas à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ;
57. Considérant qu'aux termes de l'article 72 de la Constitution les collectivités territoriales "s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi" ; que les dispositions du II ci-dessus analysées ont pour effet de permettre au représentant de l'État de provoquer à tout moment, jusqu'à ce que le juge administratif ait statué définitivement sur le recours en annulation, la suspension, pendant un délai de trois mois, des actes des collectivités locales dans des domaines importants relevant de leurs compétences en interrompant, le cas échéant, leur mise en oeuvre ; qu'elles privent ainsi de garanties suffisantes l'exercice de la libre administration des collectivités locales prévu par l'article 72 de la Constitution ; que dans la mesure où les dispositions du I ont été introduites par le législateur en vue de l'application du II, il y a lieu de déclarer l'article 83, dans son ensemble, contraire à la Constitution ;

Décide :
Article premier :
Ne sont pas conformes à la Constitution les dispositions suivantes de la loi relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques :
- le cinquième alinéa de l'article 1er ;
- l'article 5 ;
- dans le texte de l'article 40, la dernière phrase du b) ;
- dans le texte du b) de l'article 41, les mots : " ou à une société dont le capital est, directement ou indirectement, majoritairement détenu par la collectivité publique délégante ", et les mots : " ou de la société. Toutefois, lorsque la délégation a lieu au bénéfice d'une société d'économie mixte, les articles 40 et 42 sont applicables " ;
- dans le texte de l'article 48, l'alinéa 2 du I ;
- dans le texte de l'article 49, au deuxième alinéa du I, les mots : " autres que ceux qui ont le caractère industriel et commercial " ;
- l'article 53 ;
- l'article 54 ;
- l'article 83 ;
- l'article 86.

Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.


Synthèse
Numéro de décision : 92-316
Date de la décision : 20/01/1993
Loi relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques
Sens de l'arrêt : Non conformité partielle
Type d'affaire : Contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires, lois organiques, des traités, des règlements des Assemblées

Saisine

SAISINE SENATEURS:

Conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, les sénateurs soussignés ont l'honneur de déférer au Conseil constitutionnel l'ensemble de la loi relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, notamment pour les motifs suivants : I : Les articles 20, 21 et 22, en tant qu'ils attribuent obligatoirement à l'intermédiaire acheteur d'espace publicitaire le statut de mandataire de l'annonceur et qu'ils lui interdisent de percevoir quelque rémunération ou avantage que ce soit de la part du support, sont contraires à la Constitution.

L'article 20 impose aux intermédiaires qui achètent de l'espace publicitaire pour un annonceur le statut de mandataire de cet annonceur.

Ce même article et l'article 21 interdisent à l'intermédiaire acheteur d'espace de recevoir une rémunération ou un avantage quelconque de la part du vendeur d'espace. Ce principe n'est pas remis en cause par le fait qu'en cours d'examen à l'Assemblée nationale, l'article 20 a été modifié pour spécifier que les rabais ou avantages tarifaires accordés par le vendeur pouvaient être conservés, en tout ou partie, par l'intermédiaire si une stipulation expresse du contrat de mandat l'a prévu.

L'article 22 interdit également au prestataire qui fournit des services de conseil en plan média ou de préconisation de support d'espace publicitaire de recevoir une rémunération ou un avantage quelconque de la part du vendeur d'espace.

Par cet ensemble de dispositions, la loi porte atteinte à la liberté du commerce qui est un des éléments constitutifs de la liberté d'entreprendre, principe dont la valeur constitutionnelle a été reconnue par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982 sur la loi de nationalisation.

En effet, en attribuant obligatoirement le statut de mandataire de l'annonceur à l'intermédiaire qui achète l'espace publicitaire et en interdisant aux intermédiaires de recevoir toute rémunération de la part du vendeur d'espace, la loi nie l'existence des services rendus aux supports d'espace par les intermédiaires. Centrales et agences rendent pourtant nombre de services aux supports, par exemple :

: la recommandation de l'utilisation de tel support n'est pas totalement dictée par les besoins de communication de l'annonceur.

Une marge de choix existe sans qu'il soit nui le moins du monde aux intérêts de l'annonceur ;

: les intermédiaires évitent aux médias de mettre en place les équipes commerciales qui seraient nécessaires en cas de contact direct avec les annonceurs ;

: ils facilitent la gestion des supports en regroupant les ordres de nombreux annonceurs ;

: ils garantissent aux supports le paiement de l'espace acheté même si l'annonceur est défaillant.

La loi paraît en outre supposer que les intérêts des annonceurs et des supports d'espace ne peuvent être que contradictoires. Notre droit n'interdit pourtant pas d'être mandataire de deux mandants, il n'interdit pas plus d'effectuer des prestations de services pour deux acteurs économiques distincts.

La présente loi contrevient à l'ensemble de ces principes, d'une part, parce qu'elle interdit aux différents acteurs du marché publicitaire de définir librement leurs positions respectives, d'autre part, parce qu'elle remet en cause la libre négociation contradictoire de la rémunération des agences et des centrales d'achat d'espace et parce qu'enfin, ces dispositions constituent des restrictions à la liberté du commerce et donc à la liberté d'entreprendre.

Les auteurs de la saisine n'ignorent pas que le législateur peut apporter certaines limites à ce principe de valeur constitutionnelle qui se déduit de l'article IV de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et qui constitue l'indispensable corollaire du droit de propriété. Mais encore faut-il que ces restrictions ne soient pas arbitraires ou abusives, car, ainsi que l'a décidé le Conseil constitutionnel (décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982 sur la loi de nationalisation), " la liberté qui, aux termes de l'article IV de la Déclaration, consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui, ne saurait elle-même être préservée si des restrictions arbitraires ou abusives étaient apportées à la liberté d'entreprendre ".

Or, en l'espèce, les restrictions que comporte la loi déférée paraissent précisément tout à la fois arbitraires et abusives :

: arbitraires, parce que le secteur de la publicité ne constitue pas un vecteur particulier de corruption et que, dans bien d'autres secteurs, des intermédiaires perçoivent une rémunération en amont et en aval ;

: abusives, parce que, si la loi a pour but d'introduire simplement plus de transparence dans les relations entre les différents protagonistes de ce secteur, il n'est pas nécessaire d'imposer un statut unique de mandataire de l'annonceur pour l'intermédiaire et de lui interdire toute autre rémunération que celle versée par son mandant. Il suffit en effet de permettre la communication à l'annonceur de toutes les factures d'achat d'espace et des barèmes de prix appliqués par le support. Au regard de l'objectif affiché, ce dispositif constitue donc une limitation parfaitement excessive à une liberté constitutionnelle.

Arbitraires et abusives, ces restrictions apportées à la liberté d'entreprendre sont donc, en l'espèce, manifestement de nature à remettre en cause cette liberté même.

En outre, la décision n° 89-254 DC du 4 juillet 1989 du Conseil constitutionnel sur la loi modifiant la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités d'application des privatisations précise : " il est loisible au législateur " d'apporter à la liberté d'entreprendre " des limitations exigées par l'intérêt général à la condition que celles-ci n'aient pas pour conséquence d'en dénaturer la portée ".

L'intérêt général : auquel doivent certes concourir la transparence de la vie économique et la prévention de la corruption - n'exige pas pour autant d'imposer aux acheteurs d'espaces publicitaires un statut de mandataire, ni de leur interdire de percevoir une rémunération de la part des supports.

Quand bien même l'intérêt général l'exigerait-il, les restrictions qui figurent dans la loi déférée et qui viennent d'être analysées par les auteurs de la saisine, en dénaturent la portée. En effet, elles ne déterminent pas une réglementation dans le cadre de laquelle s'exercerait la liberté : elles déterminent une réglementation qui supprime la liberté.

Il convient d'ailleurs de rappeler que, aux termes de l'article V de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, " la loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société ". La rémunération des intermédiaires par les médias n'entre pas dans cette catégorie d'actions. Quand bien même son interdiction ne constituerait pas une restriction arbitraire et abusive de la liberté d'entreprendre, elle n'en constituerait pas moins une violation de l'article V susmentionné.

Pour tous ces motifs, les articles 20, 21 et 22 ne sont pas conformes à la Constitution. En outre, les articles 24, 25 et 26, qui se réfèrent à l'article 20, en sont indissociables.

II. : La dernière phrase du premier alinéa de l'article 40, en tant qu'elle interdit à une collectivité locale délégante de fixer, pour une délégation de service public, une durée supérieure à la durée normale d'amortissement des installations mises en uvre, est contraire à la Constitution

L'article 40 pose un certain nombre de règles applicables aux conventions de délégation de service public, et notamment à celles passées par les collectivités territoriales.

L'une de ces règles est la limitation dans leur durée des conventions de délégation de service public. Il est précisé que la durée est déterminée par la collectivité en fonction des prestations demandées au délégataire. Mais la dernière phrase du premier alinéa de l'article 40 restreint considérablement cette liberté d'appréciation de la collectivité délégante, dans le cas où les installations sont à la charge du délégataire. Enfin, il est alors prévu que " la convention de délégation () ne peut dépasser la durée normale d'amortissement des installations mises en uvre ".

Cette dernière limitation constitue une atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales.

Aux termes du deuxième alinéa de l'article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales " s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi ".

Les auteurs de la saisine admettent parfaitement que le législateur puisse réglementer l'exercice de ce droit à condition toutefois que la réglementation édictée ne porte pas atteinte substantiellement à cette liberté et qu'elle poursuive un objectif de valeur constitutionnelle.

Or il est tout d'abord moins que certain qu'une telle valeur puisse être reconnue à l'objectif de transparence ici poursuivi. Et, quand bien même cet objectif aurait une valeur constitutionnelle, l'interdiction de fixer une durée de délégation supérieure à la durée normale d'amortissement des installations mises en uvre constitue une grave atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales.

En effet, la liberté de déterminer la durée de tels contrats est, pour une collectivité locale, un élément essentiel de son droit à s'administrer librement : la durée de la convention est au c ur de l'équilibre contractuel et elle conditionne la politique tarifaire de la collectivité délégante. En effet, la fixation d'une durée de délégation plus ou moins longue a une incidence directe sur les tarifs qui seront imposés aux usagers du service public.

Sans porter atteinte au principe de libre administration, le législateur peut bien prévoir que les délégations de service public des collectivités locales doivent être limitées en durée. En revanche, il doit laisser aux collectivités locales la possibilité d'apprécier la durée à retenir en fonction d'un certain nombre de critères. A cet égard, l'interdiction de fixation d'une durée supérieure à la durée normale d'amortissement des installations constitue une restriction injustifiée au principe de libre administration, car elle conditionne des éléments fondamentaux de la convention de délégation.

Pour ce motif, la dernière phrase du premier alinéa de l'article 40 est contraire à la Constitution.

III. : Les articles 53 et 54 ont été adoptés selon une procédure non conforme à la Constitution, en tant qu'ils prévoient des dispositions insérées dans la loi en violation des conditions d'exercice du droit d'amendement

Plusieurs dispositions ont été introduites par le Gouvernement par voie d'amendements au projet de loi. Or, ainsi que l'a décidé le Conseil constitutionnel (décision n° 86-225 DC du 23 janvier 1987 sur la loi portant diverses mesures d'ordre social), " les adjonctions ou modifications ainsi apportées au texte en cours de discussion ne sauraient, sans méconnaître les articles 39, alinéa 1er, et 44, alinéa 1er, de la Constitution, ni être sans lien avec ce dernier, ni dépasser, par leur objet et leur portée, les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement ".

Certaines des dispositions introduites par amendements du Gouvernement se situent certes hors du cadre du texte mais leur portée reste limitée et s'inscrit donc dans le cadre de l'exercice du droit d'amendement. Tel est le cas de l'article 86 qui, en cas de contestation par le préfet ou le sous-préfet de l'inscription d'un électeur sur les listes électorales, impose à ce dernier d'établir à quel titre son inscription doit être maintenue.

Certaines autres dispositions introduites par amendements du Gouvernement constituent des ensembles législatifs d'une ampleur certaine mais se situent parfaitement dans le cadre du projet de loi.

Tel est le cas des articles 72 et 73 relatifs au blanchiment des capitaux provenant de l'activité d'organisations criminelles : ils ne sont pas sans lien avec la prévention de la corruption, qui constitue un des objectifs du projet de loi affichés dans son intitulé.

En revanche, les auteurs de la saisine estiment que certaines dispositions introduites par amendements du Gouvernement sont sans lien avec le texte et excèdent, par leur importance, les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement telles qu'elles ont été définies par le Conseil constitutionnel. Il s'agit des dispositions insérées dans le projet de loi en articles additionnels 53 et 54 et ces dispositions paraissent provenir d'un projet de loi en cours d'élaboration consacré aux marchands de biens.

L'article 53 dispose que toute résiliation d'un bail ou d'un droit d'occupation en cours de validité doit être accompagnée d'une offre de relogement sous forme de proposition de bail.

L'article 54 soumet à permis de démolir les travaux et les faits rendant les logements impropres à leur usage notamment pour des raisons d'hygiène, de salubrité ou de sécurité.

L'insertion de telles dispositions dans le projet de loi a été justifiée par le Gouvernement par le fait que l'article 52 dudit projet contenait déjà une disposition relative aux pratiques des marchands de biens. Cet article 52 interdit les cessions de promesses de vente à titre onéreux par les professionnels de l'immobilier. A ce titre, il correspond à l'objectif général de transparence de la loi.

Sa présence dans le projet de loi initial ne saurait pour autant justifier l'adjonction de dispositions qui ne relèvent ni de la prévention de la corruption ni de la transparence de la vie économique et des procédures publiques et qui apportent d'importantes modifications au régime de protection des occupants de locaux à usage d'habitation.

Ces dispositions ne pouvaient donc être introduites dans le projet de loi par voie d'amendements, sans que soit méconnue la distinction établie entre les projets de loi visés à l'article 39 de la Constitution et les amendements prévus par l'article 44, alinéa 1er.

Les articles 53 et 54 ont donc été adoptés selon une procédure non conforme à la Constitution.

IV. : Le paragraphe II de l'article 76 est contraire à la Constitution, en tant qu'il ne requiert que l'accord de certaines collectivités locales actionnaires pour une prise de participation d'une société d'économie mixte locale dans le capital d'une société commerciale

Le paragraphe II de l'article 76 dispose que " toute prise de participation d'une société d'économie mixte locale dans le capital d'une société commerciale fait préalablement l'objet d'un accord exprès de la ou des collectivités territoriales et de leurs groupements actionnaires disposant d'un siège au conseil d'administration ". Ce texte est destiné à renforcer le contrôle des collectivités territoriales et de leurs groupements actionnaires sur les sociétés d'économie mixte locales.

Toutefois, il n'est pas imposé, pour les prises de participation susvisées, l'accord préalable de toutes les collectivités territoriales actionnaires et de tous leurs groupements actionnaires, mais uniquement de ceux qui disposent d'un siège au conseil d'administration.

Il convient en effet de rappeler que toute collectivité territoriale ou groupement actionnaire a, en principe, par application du premier alinéa de l'article 8 de la loi du 7 juillet 1983, droit au moins à un représentant au conseil d'administration ou au conseil de surveillance, que les sièges sont attribués en proportion du capital détenu respectivement par chaque collectivité ou groupement (deuxième alinéa du même article 8) mais que, lorsque la représentation directe des collectivités ou groupements ayant une participation réduite au capital ne peut : en raison de leur grand nombre : être assurée au sein du conseil d'administration et de surveillance (même après gonflement de son effectif jusqu'à dix-huit membres), les collectivités et groupements non représentés directement sont réunis en assemblée spéciale et un siège au moins leur est réservé.

En ne requérant que l'accord des assemblées des collectivités et groupements bénéficiant d'une représentation directe au conseil d'administration ou de surveillance, le paragraphe II de l'article 76 tend certes à éviter qu'une seule collectivité ne détenant qu'une part minime du capital puisse faire obstacle à la prise de participation envisagée. Mais il crée ainsi une rupture d'égalité entre les collectivités et groupements actionnaires : alors que tous ont une représentation (même si, pour certains, il s'agit d'un représentant commun), seuls certains auraient à se prononcer sur les prises de participation de la société d'économie mixte locale dans le capital d'une société commerciale.

Pour ce motif, le paragraphe II de l'article 76 est contraire à la Constitution.

SAISINE DEPUTES :

En application du deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, les députés soussignés défèrent la loi relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques adoptée définitivement par l'Assemblée nationale le 19 décembre 1992 afin qu'il plaise au Conseil constitutionnel de déclarer non conformes à la constitution les articles 1er à 6, 9, 11 et 13, 19 à 229, les articles 32, 38, 40, 49, 53 et 54, 72 et 73 et l'article 86, pour les motifs ci-après développés.

I : Moyens de procédure

Plusieurs moyens de procédure peuvent être soulevés à l'encontre des conditions d'adoption des articles 11 (8 ter ancien), 53 (39 bis ancien) et 54 (39 ter ancien), 72 et 73 de la loi déférée.

1. Les dispositions à l'origine de l'article 11 ont été introduites par voie d'amendement venant en seconde délibération en nouvelle lecture, alors même qu'elles n'ont été ni examinées ni rapportées par la commission saisie au fond, non plus que présentées ni examinées en première délibération. Elles contreviennent à l'article 45 de la Constitution et paraissent devoir être censurées par le conseil.

2. Les dispositions à l'origine des articles 53, 54, 72 et 73 sont dépourvues de tout lien avec la loi déférée. Elles ne se situent manifestement pas dans le cadre du texte en discussion et sont étrangères à son objet.

Ces articles qui modifient très amplement le code de l'urbanisme et la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 relative à la protection des occupants de locaux à usage d'habitation sont dénués de tout rapport avec l'objet du projet de loi et paraissent devoir être censurés ; de même que les dispositions des articles 72 et 73 relatives au blanchiment des capitaux provenant de l'activité d'organisations criminelles et modifiant la loi du 12 juillet 1990 relative à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment des capitaux provenant du trafic des stupéfiants.

Aucune de ces dispositions n'a trait à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques.

Conformément à ses décisions précédentes en la matière (n° 90-277 DC du 25 juillet 1990 cons 23 et 24 et n° 90-287 DC du 16 janvier 1991), il est demandé au conseil d'annuler les dispositions susvisées.

3. Les dispositions des articles 53, 54, 72 et 73 excèdent en outre, manifestement à raison tant de leur ampleur que de leur portée, les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement, et méconnaissent les articles 39 et 44, alinéa 1, de la Constitution.

Les dispositions à l'origine de l'article 53 ayant trait aux conditions de résiliation des baux ou droits d'occupation et introduisant des conditions nouvelles, modifiant, à peine de nullité, les conventions entre bailleurs et locataires ; ainsi que celles à l'origine de l'article 54, composé de sept paragraphes et modifiant plusieurs articles du code de l'urbanisme ayant trait au relogement des locataires, au permis de démolir et aux sanctions afférentes, outrepassent tant par leur objet que par leur ampleur et leur portée les limites reconnues à l'exercice du droit d'amendement (n° 86-225 DC, 23 janvier 1987 et n° 86-221 DC du 29 décembre 1986).

Il plaira pour ces motifs à votre Haute Assemblée de les annuler.

II. : Moyens de fond

1. Sur les articles 1er à 6 instituant un service central de prévention de la corruption : méconnaissance du principe de la séparation des pouvoirs, de la garantie des droits et de la liberté individuelle ainsi que du droit de propriété :

Les articles 1er à 6 de la loi déférée instituent un service central de prévention de la corruption, placé auprès du ministre de la justice, chargé de centraliser les informations nécessaires à la détection et à la prévention des faits de corruption active ou passive, du trafic d'influence commis par des personnes exerçant une fonction publique ou par des particuliers, de concussion, de prise illégale d'intérêts ou d'atteinte à la liberté et à l'égalité des candidats dans les marchés publics.

Le service prête son concours sur leur demande aux autorités judiciaires saisies de faits de cette nature, et donne sur leur demande aux autorités administratives des avis sur les mesures susceptibles d'être prises pour prévenir de tels faits.

Le service dispose en outre de pouvoirs étendus pour se faire communiquer par toute personne tout document, quel qu'en soit le support, nécessaire à l'accomplissement de sa mission, ainsi que pour entendre toute personne susceptible de lui fournir les informations nécessaires à l'accomplissement de sa mission.

L'organisation et le fonctionnement du service, ainsi que la généralité et l'imprécision de ses compétences, sont de nature à encourir plusieurs reproches d'inconstitutionnalité :

a) Sur la nature du service, il ne peut être en aucun cas soutenu qu'il s'agit d'une juridiction ou d'un organisme relevant de la police judiciaire.

En effet, bien que le service soit " placé auprès du ministre de la justice " (art 1er de la loi déférée), qu'il " prête son concours sur leur demande aux autorités judiciaires ", qu'il soit " dirigé par un magistrat de l'ordre judiciaire " (même référence), qu'il soit susceptible de saisir le procureur de la République (art 2), et qu'il communique aux parquets et aux juridictions d'instruction les informations qui leur sont nécessaires (art 4), l'organisme ainsi créé constitue incontestablement un service administratif.

Ceci a d'ailleurs été confirmé par le garde des sceaux au cours de la première lecture du texte à l'Assemblée nationale, et le projet de loi désignait au surplus le service, dans le texte initial, sous l'appellation de " service interministériel de lutte contre la corruption ", ce qui ne laisse aucun doute sur sa qualification réelle.

b) Sur les attributions du service, la rédaction de l'article 5 de la loi déférée autorise une interprétation extrêmement large de ses propres compétences par l'organisme ainsi créé le droit de communication des documents est le plus étendu possible, le service étant juge de l'opportunité de la demande, laquelle peut porter sur tous les documents dont la communication est " nécessaire à l'accomplissement de sa mission ".

Dans une espèce similaire votre Haute Assemblée a jugé, à propos du droit de visite des agents des établissements publics de diffusion, que l'absence de précision entraînait une atteinte à des droits et des libertés constitutionnellement garantis qu'il appartenait à la loi de sauvegarder (n° 85-198 DC du 13 décembre 1985).

S'agissant d'autre part des " investigations à caractère technique " visées à l'avant-dernier alinéa de l'article 1er, il est reconnu au service central de lutte contre la corruption un droit exorbitant de coercition et de saisie. Ainsi, il n'est pas en effet donné de récépissé et, même si le secret professionnel est rappelé par la loi, il n'est pas prévu de restitution des pièces saisies en cas de clôture de la procédure.

Une semblable absence de garanties peut de même être relevée à propos des auditions auxquelles procédera le service, qui pourront avoir lieu sans qu'il puisse être fait appel à un conseil, ni qu'il soit établi de procès-verbal contradictoire, en totale méconnaissance des droits de la défense.

L'imprécision des dispositions qui viennent d'être rappelées autorise une interprétation très étendue des pouvoirs du service, sans que le juge judiciaire ou administratif ne puisse intervenir pour veiller au respect des droits de la défense.

En effet, il est hasardeux d'opérer un parallèle avec le service institué par la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990 relative à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment des capitaux provenant du trafic des stupéfiants, parallèle qui a été établi au cours des débats pour argumenter en faveur du projet de loi en cause.

Si le service créé par la loi du 12 juillet 1990, couramment dénommé " TRACFIN ", est bien un service administratif comme le service de prévention de la corruption, et s'il dispose de compétences similaires, il faut relever que l'article 6 de la loi qui l'institue prévoit l'intervention du président du tribunal de grande instance de Paris, pour proroger le délai d'examen d'un document par le service TRACFIN.

Aucune disposition de cette nature n'est prévue dans le cas du service central de prévention de la corruption.

Au surplus, il convient d'indiquer que la loi déférée crée un déséquilibre entre, d'une part, l'insuffisance des garanties dont peuvent bénéficier les personnes auditionnées ou auxquelles un document est demandé et, d'autre part, les sanctions que ces personnes peuvent se voir appliquer en cas de refus, l'article 5 de la loi prévoyant une peine de 50 000 F d'amende.

c) Plusieurs dispositions d'ordre constitutionnel sont méconnues par les articles 1er à 6 :

En premier lieu, le principe de la séparation des pouvoirs affirmé à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, ainsi que la garantie des droits protégée par le même article, et la liberté individuelle, sont violés par les dispositions ci-dessus évoquées.

Le service central de prévention de la corruption présente une nature administrative, en dépit de certains éléments pouvant rappeler l'institution judiciaire ; il dispose de pouvoirs étendus comparables à ceux de la police judiciaire, alors que ses membres n'ont pas la qualification d'officier ou d'agent de police judiciaire ; il est juge de sa propre compétence, sans qu'intervienne un juge pour encadrer celle-ci.

Dans une situation voisine, le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions de l'article L 40 du code des postes et télécommunications, dans sa décision n° 90-281 DC du 27 décembre 1990, en relevant qu'il incombe au législateur " notamment de préserver l'exercice des droits de la défense, de veiller au respect du droit de propriété et de placer sous le contrôle de l'autorité judiciaire, conformément à l'article 66 de la Constitution, toute mesure affectant, au sens dudit article, la liberté individuelle ".

Dans le cas présent, si des peines de prison ne sont pas prévues, il est manifeste que les attributions du service en cause excèdent les pouvoirs habituellement reconnus à un organisme administratif, lequel n'a pas la qualité d'autorité administrative indépendante.

Un deuxième principe d'ordre constitutionnel est par ailleurs méconnu par la loi déférée : en précisant que doit être communiqué " tout document, quel qu'en soit le support ", l'article 5 est incompatible avec l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en ce qu'il affirme que " la propriété (est) un droit inviolable et sacré ". Il n'est pas interdit de penser en effet que le service pourra se faire communiquer des documents bancaires ou comptables, des pièces de correspondance privée, des actes notariés, des logiciels d'informatique, des archives personnelles. Il peut s'agir d'éléments originaux, dont la conservation n'est pas précisée par la loi qui ne prévoit aucun droit de restitution. Il est soutenu que de telles dispositions excèdent les besoins du service et contredisent le droit de propriété.

2. Sur les dispositions relatives au financement des campagnes électorales et des partis politiques.

a) Sur la commission des partis politiques : incompétence négative :

A l'article 11 (8 ter A ancien), outre le moyen de procédure précédemment soulevé, il y a lieu de relever que le législateur est resté en deçà de sa compétence.

En renvoyant à un décret en Conseil d'Etat les modalités d'application de cet article, à savoir la composition, le fonctionnement et les attributions de la commission des partis politiques qu'il a situé au-dessus de la Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques puisqu'elle procède à l'audition de celle-ci, il apparaît que le législateur méconnaît l'étendue de la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution et renvoie au pouvoir réglementaire le soin de déterminer l'étendue des pouvoirs de la commission qu'il a créée (n° 86-217 DC, 18 septembre 1986, cons. 35 et 36).

b) Sur la publicité des dons des personnes morales aux partis politiques : restriction à la libre expression des partis et rupture d'égalité :

Il est soutenu que l'obligation de publicité des dons consentis par les personnes morales aux partis politiques et aux candidats instituée respectivement par les articles 13 et 9 de la loi déférée contrevient à l'article 4 de la Constitution qui dispose que : " les partis se forment et exercent leur activité librement ".

En établissant une obligation de publicité pour les donateurs et les montants des dons, la loi déférée porte atteinte au libre choix des citoyens, à la liberté d'opinion et restreint ainsi la libre expression des courants d'idées et d'opinions, fondement de la démocratie constitutionnellement garantie (n° 89-271 DC du 11 janvier 1990).

Il apparaît en outre qu'en l'espèce une telle disposition est porteuse d'une rupture d'égalité dans le traitement des dons consentis par des personnes morales à des partis politiques ou à des candidats, en raison même de la date à laquelle ces dons ont été effectués.

3. Sur les dispositions des chapitres Ier et II du titre II relatives à la transparence des activités économiques : méconnaissance de la liberté d'entreprendre et de la liberté de communiquer.

Les articles 18 à 29 de la loi déférée prévoient un certain nombre de restrictions à la liberté des contrats, du commerce et de l'industrie, notamment en ce qui concerne le secteur de la publicité.

Les rapports contractuels entre les annonceurs, les agences de publicité et les supports d'information sont en effet considérablement encadrés par ces articles, lesquels restreignent la liberté dont disposent les parties de prévoir les clauses de leur choix dans les conventions qu'elles concluent entre elles.

C'est ainsi que l'article 20 de la loi en cause interdit certaines clauses et ne prévoit qu'une seule modalité pour l'achat d'espace publicitaire, le contrat de mandat. De même, les articles 20, 21 et 22 limitent considérablement la liberté des cocontractants de choisir le mode de rémunération qui aurait leur préférence.

Le respect de ces dispositions est assuré par des sanctions très lourdes figurant à l'article 25, lequel prévoit notamment une amende de 2 000 000 F ainsi qu'une peine d'exclusion des marchés publics.

La combinaison de ces différentes dispositions est de nature à porter gravement atteinte à la liberté d'entreprendre constitutionnellement protégée, que votre Haute Assemblée a consacrée avec éclat dans sa décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982, en ces termes : " considérant que () la liberté, qui, aux termes de l'article 4 de la Déclaration, consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui, ne saurait elle-même être préservée si des restrictions arbitraires ou abusives étaient apportées à la liberté d'entreprendre ". Il peut être également soutenu que la gravité des sanctions prévues à l'article 25 présente une absence de proportionnalité en regard des principes et objectifs que la loi veut défendre.

Pareille argumentation peut être étendue à l'évidence aux sanctions qui peuvent être appliquées aux vendeurs d'espaces publicitaires, qui peuvent être des organes de presse, la lourdeur des peines prévues à l'article 25 pouvant, à l'extrême, porter gravement atteinte à l'équilibre économique d'un journal ou d'une station de radio ou de télévision.

Sur ce point, comme sur les restrictions apportées au contenu des contrats de vente d'espaces publicitaires, il peut être soutenu que les articles en cause méconnaissent la liberté de la presse et de communication des opinions, protégée par l'article 11 de la déclaration des droits.

4. Sur les dispositions de l'article 32 prévoyant la composition des commissions départementales d'urbanisme commercial.

Les paragraphes I et II de l'article 32 prévoient, au sein des commissions départementales d'urbanisme commercial, la présence de seulement deux représentants des professions commerciales, industrielles ou artisanales.

La législation en vigueur prévoyant que les recours contre les décisions de ces organismes sont formés par trois membres de la commission, la disposition en cause est de nature à entraver le droit de recours dont disposent les représentants des professions intéressées, méconnaissant ainsi les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, au rang desquels il convient de placer le principe du double degré de juridiction.

5. Sur les dispositions relatives aux délégations de service public.

L'article 38 institue une procédure de publicité des conditions d'octroi des délégations de service public des personnes morales de droit public.

Une telle disposition est constitutive d'une rupture d'égalité devant les charges publiques affirmée par l'article 13 de la déclaration des droits.

Si les marchés et concessions ont été ouverts à la concurrence par les dispositions de la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991, certains secteurs en sont demeurés, conformément à la législation communautaire, expressément exclus.

Il apparaît à cet égard que l'application de l'article 38 conduirait à une ouverture unilatérale qui ferait peser sur les entreprises françaises opérant dans les secteurs dits exclus en France les conditions d'une mise en concurrence sans réciprocité dans les autres Etats de la Communauté européenne. Celles-ci se trouveraient en conséquence victimes, par ce fait, d'une rupture caractérisée d'égalité.

Cet article paraît donc pour ce motif devoir être censuré.

Sur l'article 40 relatif à la limitation dans le temps des délégations de service public, il est soutenu que sont méconnus, d'une part, le principe de la libre administration des collectivités territoriales, garanti par l'article 72 de la Constitution, et, d'autre part, la liberté d'entreprendre, ainsi qu'en conséquence le principe de continuité du service public.

L'article 40 de la loi en cause établit le principe de la limitation de la durée des conventions de délégations de service public.

Le même article n'autorise de prolongation de ces conventions que de façon très limitative, en ne permettant qu'une prolongation d'un an pour des motifs d'intérêt général ou une prolongation qui ne peut excéder le tiers de la durée initialement prévue lorsque le délégataire est contraint de réaliser certains travaux pour la bonne exécution du service public.

Sauf à faire application des dispositions qui viennent d'être rappelées, la durée de la convention ne peut dépasser la durée normale d'amortissement des installations mises en uvre, lorsque celles-ci sont à la charge du délégataire. La limitation très stricte qui résulte du principe posé dans le premier alinéa de l'article entrave considérablement la liberté d'action des collectivités locales, lesquelles ne sont plus libres de choisir la durée qui leur convient et, en conséquence, ne peuvent plus appliquer les tarifs qui ont leur préférence puisqu'il est établi que ceux-ci varient notamment en fonction de la durée de la convention.

Pareille argumentation peut être développée au sujet des dérogations introduites au deuxième alinéa de l'article examiné qui restreignent étroitement les possibilités dont dispose la collectivité délégante pour prolonger la convention. Particulièrement la limitation, soit à un an, soit au tiers de la durée initiale du délai pendant lequel la convention peut être prolongée porte atteinte à la liberté contractuelle des collectivités territoriales, et, par là même, entre en conflit avec le principe de la libre administration établi à l'article 72 de la Constitution. Ces remarques valent en ce qui concerne les entreprises qui contractent avec les collectivités : la liberté contractuelle du délégataire est restreinte dans les mêmes proportions que celles du délégant, ce qui l'empêche d'établir des prévisions pour ses investissements et ses tarifs, toutes restrictions qui sont de nature à porter atteinte au principe de la liberté d'entreprendre rappelé par votre assemblée dans sa décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982.

Sur l'article 41 établissant des dérogations aux règles régissant les délégations de service public : violation du principe d'égalité.

L'article 41 de la loi déférée établit une dérogation au profit des entreprises exerçant un monopole institué par la loi, d'une part, et des services confiés à un établissement public ou à une société dont le capital est, directement ou indirectement, majoritairement détenu par la collectivité délégante, d'autre part, les dispositions du chapitre IV du titre II de la loi, relatives aux délégations de service public, ne sont ainsi pas applicables aux entreprises et services qui viennent d'être rappelés.

Il est donc soutenu que cette exclusion porte atteinte au principe d'égalité devant la loi tel qu'il résulte de la déclaration des droits et d'une jurisprudence désormais établie par votre Haute Assemblée.

En effet, s'il peut être avancé que des considérations tirées de l'intérêt général peuvent justifier que soient traitées différemment des activités qui ne se trouvent pas placées dans la même situation, il est paradoxal d'opposer aux principes de transparence dont on peut soutenir qu'il constitue un objectif de rang constitutionnel, des considérations tirées d'un monopole organisé par la loi ou de la propriété exercé par la collectivité délégante à l'égard du délégataire.

Le Conseil constitutionnel a ainsi estimé, comme indiqué précédemment, que le respect de l'égalité " ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit " (n° 89-254 DC du 4 juillet 1989).

A l'article 49, l'exclusion des Etablissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) du champ d'application de l'article est également constitutive d'une rupture d'égalité. Cette rupture d'égalité est double :

: d'une part, par rapport aux établissements publics administratifs exploitant un service public industriel et commercial, et d'autre part, par rapport aux autres personnes morales qui ne sont pas placées dans une situation différente au regard de la transparence et de la concurrence que les établissements publics à caractère industriel et commercial.

Selon une jurisprudence solidement établie, le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ou à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit clairement en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit.

Or il apparaît en l'espèce que cette dérogation au profit des établissements publics à caractère industriel et commercial est totalement en contradiction avec l'objet même de la loi qui vise à renforcer la transparence des marchés publics et qu'elle est au surplus contraire à l'intérêt général.

6. Sur l'article 86 établissant l'article L 26 du code électoral : atteinte au droit de vote.

Le nouvel article L 26 du code électoral résultant de l'article 86 énonce que :

" Dans le cas où le préfet ou le sous-préfet conteste le motif retenu par la commission administrative à l'appui de l'inscription d'un électeur, il appartient à ce dernier, pour permettre au juge d'apprécier les justifications produites, d'établir à quel titre il estime que son inscription doit être maintenue. " En renversant la charge de la preuve en matière de contestation d'une inscription sur les listes électorales, qu'il appartient au plaignant de rapporter, dans la rédaction actuelle du code électoral (art L 25), la disposition de la loi déférée méconnaît les droits civiques et limite, par ses conséquences, le droit de vote affirmé par l'article 3 de la Constitution.

Au surplus, l'article déféré ne présente aucun lien avec la loi examinée et doit pour ces motifs être écarté par votre Haute Assemblée comme constituant un cavalier législatif.

Par ces motifs et par tous autres qu'il plaira au conseil de soulever d'office, les députés soussignés demandent au Conseil constitutionnel de déclarer les dispositions de la loi susvisées non conformes à la Constitution.

SAISINE DEPUTES : MEMOIRE COMPLEMENTAIRE :

En complément des premières observations formulées en soutien de la saisine portant sur la loi relative à la prévention de la corruption, les arguments et moyens de fond articulés au soutien de la critique des articles 18 à 29 peuvent être confortés et développés ainsi qu'il suit : I : Sur la liberté d'entreprendre

La liberté d'entreprendre a été consacrée comme liberté constitutionnelle par dix décisions du Conseil constitutionnel (82-141 DC du 27 juillet 1982 ; 82-150 DC du 30 décembre 1982 ; 84-172 DC du 26 juin 1984 ; 84-181 DC des 10 et 11 octobre 1984 ; 85-200 DC du 16 janvier 1986 ; 89-254 DC du 4 juillet 1989 ; 89-268 DC du 29 décembre 1989 ; 89-209 DC du 22 janvier 1990 ; 90-283 DC du 8 janvier 1991) à partir de la décision fondamentale du 16 janvier 1982 relative à la loi de nationalisation, qui en a fait un droit fondamental de la première génération (à la différence des constitutions italienne et espagnole, par exemple, qui ont proclamé cette liberté dans le cadre des droits économiques et sociaux).

De ce qui constitue une véritable jurisprudence, on peut déduire que, certes, comme tous les droits fondamentaux, la liberté d'entreprendre peut connaître certaines limitations mais que ces limitations ne doivent pas excéder ce qui est nécessaire à la réalisation du but poursuivi et que, d'autre part, elles ne doivent pas conduire à une dénaturation de ladite liberté.

A : L'atteinte au principe de proportionnalité

Le contrôle exercé par le Conseil constitutionnel l'amène à examiner " si des restrictions arbitraires ou abusives étaient apportées à la liberté d'entreprendre " (décision du 16 janvier 1982 concernant la loi de nationalisation 81-132 DC Rec. 18).

En procédant à cet examen, le conseil exerce un contrôle de la proportionnalité des restrictions introduites avec l'objectif poursuivi par la loi. Dans sa décision du 27 juillet 1982 sur la loi relative à la communication audiovisuelle : " Cette réglementation, qui répond dans des circonstances données à la sauvegarde de l'ordre public, ne doit pas excéder ce qui est nécessaire à garantir l'exercice d'une liberté " (82-141 DC Rec. 48).

Sachant que ce contrôle peut porter sur une catégorie déterminée de professionnels (par exemple, le contrôle de la liberté d'entreprendre des établissements financiers. : Décision 89-26 DC du 29 décembre 1989), il paraît certain que, pour la profession des négociants indépendants en achat d'espace publicitaire, les dispositions des articles 20 et 25 de la loi, en particulier, en ce qu'elles imposent à cette profession le passage par un contrat de mandat, limitent drastiquement les prestations de services possibles et leur rémunération normale, enfin sanctionnent lourdement les infractions à ces dispositions, constituent une incroyable restriction à la liberté du commerce et une pénalisation grave et discriminatoire des professionnels concernés, totalement hors de proportion avec l'objectif recherché.

On précisera plus loin (partie I-B) la gravité de l'atteinte à la liberté d'entreprendre, dans son principe même, que représente l'interdiction, jusqu'à présent jamais mise en uvre en France (si ce n'est lorsqu'il s'agit du corps humain ou de la vie privée), de l'activité d'achat pour revendre. On notera dès maintenant qu'une telle violation d'un droit fondamental ne peut qu'être disproportionnée par rapport au but poursuivi.

La pénalisation des professionnels concernés est particulièrement grave et discriminatoire. En effet, les centrales d'achat d'espace jouent un rôle déterminant en tant qu'intermédiaires spécialisés sur le marché de l'achat d'espace et représentent plusieurs milliers d'emplois en France. Elles vont se trouver brutalement confrontées à l'interdiction pure et simple de la fonction d'achat-revente avec conseil, qui était leur seule activité pour la majorité d'entre-elles, ce qui va entraîner immédiatement la faillite d'un certain nombre de ces professionnels et des licenciements massifs pour les autres. Il s'agit, en outre, d'une discrimination particulièrement inadmissible puisque les autres intermédiaires (principalement des agences de publicité traditionnelles) qui sont leurs concurrents sur le marché de l'achat d'espace, d'une part, exerçaient déjà sur ce marché sous la forme du mandat, désormais seule autorisée, d'autre part, avaient d'autres sources de revenus que le seul achat d'espace. La reconversion au système du mandat ou vers d'autres activités ne peut évidemment se faire en trois mois, et les clients ne vont pas attendre pour abandonner ceux qui ne sont pas mandataires aujourd'hui.

Ce résultat catastrophique est totalement hors de proportion avec l'objet poursuivi par la loi. S'il s'agit de rechercher la transparence tarifaire, la volonté de faire respecter la législation sur la tarification (objet des articles 31 et 33 de l'ordonnance de 1986 sur la concurrence, renforcés d'ailleurs par les articles 18 et 19 de la loi) devrait suffire. Il est en effet de notoriété publique que ces dispositions n'étaient pas respectées. Or ce non-respect n'a pas encore été sanctionné.

En outre, d'autres professions pratiquent des " remises hors facture " dont l'opacité a été reprochée (dans l'électroménager ou dans les pellicules photo, on retrouve la même " opacité ", cf rapport au Parlement sur les pratiques tarifaires entre les entreprises en France, BOCCRF du 12 janvier 1991, annexe I), sans que l'on songe à d'autres sanctions que celles de la loi existante.

S'il fallait aller plus loin dans la recherche de la transparence tarifaire, il était même loisible au législateur de durcir encore les règles relatives à la facturation, par exemple :

: préciser, pour la profession d'intermédiaire en achat d'espace, les types de remises devant figurer sur facture (barème d'écart, tarification par type de prestation habituelle, par exemple " prime time " et " day time " à la télévision, remises d'objectif) ;

: sanctionner plus sévèrement non seulement l'absence de contrat écrit de coopération commerciale énumérant les prestations fournies dans ce cadre (déjà objet de l'article 18 de la loi) mais aussi toute remise discriminatoire accordée ou obtenue sans contrepartie réelle et justifiée : actuellement, la sanction prévue par l'article 36 de l'ordonnance de 1986 sur la concurrence n'est que civile, elle pourrait devenir pénale.

Bref, il existe à l'évidence d'autres moyens de lutter contre un système de tarification opaque que la disparition pure et simple d'une activité économique. L'extraordinaire disproportion entre l'objectif poursuivi par la loi et la suppression de toute activité autre que mandataire, telle que résultant des dispositions incriminées de la loi, ne peut qu'encourir la sanction du Conseil constitutionnel.

B : Dans ses décisions 89-254 DC du 4 juillet 1989 et 90-283 DC du 8 janvier 1991, le Conseil constitutionnel précise qu'il est loisible au législateur d'apporter (à la liberté d'entreprendre) des limitations exigées par l'intérêt général " à la condition que celles-ci n'aient pas pour conséquence d'en dénaturer la portée "

Cette jurisprudence est parfaitement en accord avec les jurisprudences constitutionnelles européennes qui font de la préservation du " contenu essentiel " d'une liberté la limite extrême à ne pas dépasser par le législateur.

Or il est aisé de démontrer qu'en l'espèce le législateur a porté atteinte au " contenu essentiel " ou au " noyau " de la liberté d'entreprendre et qu'il a dénaturé la portée de cette liberté.

En effet, il a purement et simplement fait disparaître la profession d'acheteur d'espace publicitaire, activité consistant à acheter pour revendre, c'est-à-dire une atteinte fondamentale au droit du commerce. On rappellera que l'achat d'espace publicitaire est exercé de manière autonome depuis plus d'une dizaine d'années en France (voir description de cet achat pour revente par opposition au mandat en annexe II) ; cet exercice autonome a manifestement la préférence des annonceurs, clients des spécialistes de l'achat d'espace (annexe III : enquête Ipsos) ; cette autonomie de l'achat d'espace s'est d'ailleurs développée non seulement en Europe, mais ailleurs dans le monde (cf annexe IV : article de Time Magazine).

Le législateur a, par sa réglementation, condamné à l'asphyxie économique les entreprises se consacrant à cette activité et a, également, de ce fait, interdit à tout entrepreneur nouveau le choix d'une telle profession ou l'exercice d'une telle activité. En conséquence, il a supprimé la possibilité de bénéficier de la liberté d'entreprendre, ce qui est tout aussi condamnable, au regard de la Constitution, que de priver telle ou telle personne de la possibilité d'exercer le droit de propriété.

On imagine mal, de la même manière, que le législateur interdise, en matière de transactions immobilières, la profession de marchands de biens pour ne laisser subsister que celle d'agent immobilier.

L'agent immobilier peut être aussi marchand de biens. L'intermédiaire entre l'annonceur et le vendeur d'espace publicitaire peut être aussi acheteur d'espace publicitaire.

II. : Sur la liberté de contracter

L'article 20 de la loi porte également atteinte à la liberté de contracter de manière inconstitutionnelle dans la mesure où, ici également, il y a dénaturation de la portée de cette liberté par mise en cause de son " contenu essentiel ".

La liberté de contracter est indissociable de la liberté d'entreprendre : on ne conçoit pas en effet que celle-ci puisse s'exercer si n'est pas reconnue simultanément au profit de son bénéficiaire la possibilité de passer librement convention avec toute personne de son choix.

La liberté de contracter voit son contenu essentiel mis en cause de deux manières.

D'une part, en effet, le législateur fait obligation de recourir à un seul type de contrat, le mandat, alors que bien d'autres procédés contractuels sont concevables et ont été utilisés jusqu'ici.

D'autre part, l'article 20 de la loi contestée contraint l'acheteur d'espace publicitaire à ne contracter qu'avec un seul partenaire, l'annonceur, réduisant ainsi à néant la liberté de choix du cocontractant, qui est évidemment un élément fondamental de la liberté de contracter.

Ainsi donc, que reste-t-il de la liberté de contracter si l'entrepreneur ne peut ni choisir le type de contrat à utiliser ni son cocontractant ? Le contenu essentiel de la liberté de contracter est donc bien atteint, et l'inconstitutionnalité de l'article 20 est manifeste. On pourrait aussi ajouter que l'alinéa 2 de ce même article va encore plus loin en fixant même le contenu des stipulations du contrat.


Références :

DC du 20 janvier 1993 sur le site internet du Conseil constitutionnel
DC du 20 janvier 1993 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : Loi relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques (Nature : Loi ordinaire, Loi organique, Traité ou Réglement des Assemblées)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°92-316 DC du 20 janvier 1993
Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:1993:92.316.DC
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