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12/07/1996 | FRANCE | N°95-2058

France | France, Conseil constitutionnel, 12 juillet 1996, 95-2058


Le Conseil constitutionnel,

Vu la requête no 95-2058 présentée par M. François Alfonsi, demeurant à Ajaccio (Corse-du-Sud), déposée auprès de la préfecture de la Corse-du-Sud le 20 septembre 1995, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 22 septembre 1995, et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé le 10 septembre 1995 dans le département de la Corse-du-Sud pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;
Vu les observations présentées par le ministre de l'intérieur enregistrées comme

ci-dessus le 25 octobre 1995 ;
Vu le mémoire en défense présenté par M. José Rossi, d...

Le Conseil constitutionnel,

Vu la requête no 95-2058 présentée par M. François Alfonsi, demeurant à Ajaccio (Corse-du-Sud), déposée auprès de la préfecture de la Corse-du-Sud le 20 septembre 1995, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 22 septembre 1995, et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé le 10 septembre 1995 dans le département de la Corse-du-Sud pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;
Vu les observations présentées par le ministre de l'intérieur enregistrées comme ci-dessus le 25 octobre 1995 ;
Vu le mémoire en défense présenté par M. José Rossi, député, enregistré comme ci-dessus le 9 novembre 1995 ;
Vu le mémoire en réplique présenté par M. Alfonsi, enregistré comme ci-dessus le 13 décembre 1995 ;
Vu la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, enregistrée comme ci-dessus le 10 janvier 1996, approuvant le compte de campagne de M. Rossi ;
Vu la décision de la section chargée de l'instruction en date du 6 février 1996 ;
Vu l'ensemble des pièces produites dans le cadre de l'instruction complémentaire ;
Vu les nouvelles observations présentées par M. Rossi, enregistrées comme ci-dessus le 31 mai 1996 ;
Vu les nouvelles observations présentées par M. Alfonsi, enregistrées comme ci-dessus le 21 juin ;
Vu la Constitution, notamment son article 59 ;
Vu l'ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code électoral ;
Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant qu'au premier tour de scrutin qui s'est déroulé le 10 septembre 1995 dans la 1re circonscription de la Corse-du-Sud, M. Rossi a été proclamé élu avec 9 525 suffrages sur 37 900 électeurs inscrits et 16 701 suffrages exprimés ;
Sur le grief relatif aux listes d'émargement :
2. Considérant que si M. Alfonsi soutient que la liste d'émargement utilisée, lors du scrutin, dans la commune de San Andréa d'Orcino n'aurait pas été certifiée conforme par le maire, ne comporterait pas le nombre des émargements et n'aurait été signée ni par le président du bureau de vote ni par le secrétaire de ce bureau en violation des articles L. 62-1 et R. 62 du code électoral, il ne résulte pas de l'instruction que les omissions invoquées, qui revêtent dans les circonstances de l'espèce un caractère purement matériel, aient été de nature à altérer la sincérité du scrutin, dès lors, d'une part, que le procès-verbal du bureau de vote, qui comporte le total des émargements, a été signé par le président de ce bureau et, d'autre part, que nul ne conteste que la liste d'émargement litigieuse ait été conforme à la liste électorale ;
Sur les griefs relatifs à l'émargement des listes électorales :
3. Considérant que M. Alfonsi fait valoir que dans divers bureaux de vote des communes d'Ajaccio, Cargèse, Bastelicaccia, Guagno, Peri, Cuttoli, Afa, Pastricciola et Lopigna, les émargements de plusieurs électeurs ont été matérialisés par de simples croix contrairement aux dispositions de l'article L. 62-1 du code électoral et qu'il soutient, en outre, que dans des bureaux de votes des communes d'Alata, Ajaccio, Cargèse, Ucciani, Partinello, Arbori, Balogna, Appietto, Tavaco, Salice, Valle di Mezzana, Bocognano, Bastelicaccia, Rosazia, Carbuccia, Orto, Letia, figurent des signatures identiques en marge des votes d'électeurs différents ;
4. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 62-1 du code électoral : "Le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l'encre en face de son nom sur la liste d'émargement " et qu'aux termes des dispositions de l'article L. 64 du même code : "Tout électeur atteint d'infirmité certaine et le mettant dans l'impossibilité de mettre son bulletin dans l'enveloppe et de glisser celle-ci dans l'urne, ou de faire fonctionner la machine à voter est autorisé à se faire assister d'un électeur de son choix.
"Lorsqu'un électeur se trouve dans l'impossibilité de signer, l'émargement prévu par le troisième alinéa de l'article L. 62-1 est apposé par un électeur de son choix qui fait suivre sa signature de la mention suivante : "L'électeur ne peut signer lui-même" " ;
5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions destinées à assurer la sincérité des opérations électorales que seule la signature personnelle, à l'encre, d'un électeur est de nature à apporter la preuve de sa participation au scrutin, sauf cas d'impossibilité pour cause d'infirmité, dûment reportée sur la liste d'émargement ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment de l'examen des listes d'émargement des bureaux de votes concernés que la participation au scrutin de quinze électeurs a été constatée par une simple croix ;
7. Considérant, en revanche, qu'il n'est pas établi par l'instruction que les mêmes électeurs aient voté à plusieurs reprises en contradiction avec les dispositions précitées du code électoral ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que quinze suffrages doivent être tenus pour irrégulièrement exprimés sans que la production, a posteriori et dans le cadre de l'instruction, d'attestations destinées, pour certains d'entre eux, à démontrer la participation effective des électeurs au scrutin ait une influence à cet égard.
Sur les griefs relatifs aux procurations :
9. Considérant que pour critiquer la régularité de 192 des votes exprimés par procuration dans les bureaux de vote des communes d'Ajaccio, Soccia, Renno, Coggia, Lopigna, Evisa, Vero, Afa, Bocognano, Piana, Tavera, Sari d'Orcino, Marignana, Salice, Ota, Balogna, Guagno, Vico, Alata, Carbuccia, Peri, Rezza, Pastricciola, Cannelle, Casaglione et Calcatoggio, M. Alfonsi fait valoir que des irrégularités ont été commises lors de l'établissement des procurations correspondantes et soutient que certaines d'entre elles auraient été établies au domicile des électeurs mandants sans qu'une demande écrite, assortie d'un certificat médical justifiant de leur impossibilité à se déplacer, ait été préalablement formée auprès de l'autorité compétente pour les délivrer et que d'autres auraient été délivrées sans qu'aient été produits les justificatifs exigés ;
10. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R. 72 du code électoral "... Les officiers de police judiciaire compétents pour établir les procurations ou leurs délégués se déplacent à la demande des personnes qui, en raison de maladies ou d'infirmités graves, ne peuvent manifestement comparaître devant eux. " et qu'aux termes des dispositions de l'article R. 73 du code électoral :
"La procuration est établie sans frais.
"Les intéressés doivent justifier de leur identité et fournir à l'appui de leur demande une attestation ou, le cas échéant, des justifications ;
"... Les attestations, justifications, demandes et certificats prévus au présent article sont conservés par les autorités mentionnées au premier alinéa de l'article R. 72 pendant une durée de six mois après l'expiration du délai de validité de la procuration. " ;
11. Considérant, d'une part, que faute de disposer, malgré les demandes formulées dans le cadre de l'instruction, des pièces sur le fondement desquelles ont été délivrées trois des procurations contestées, le Conseil constitutionnel n'est pas en mesure d'en apprécier la validité et par conséquent de s'assurer de la régularité des votes émis sur leur fondement ; qu'il y a lieu, en conséquence, de tenir les suffrages correspondants pour irréguliers ; qu'il en va de même de six autres procurations pour lesquelles l'autorité compétente soit a détruit les pièces justificatives, soit n'a pas conservé copie de ces pièces au moment de la délivrance de la procuration, contrairement aux dispositions de l'article R. 73 du code électoral ;
12. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'examen de l'ensemble des pièces sur le fondement desquelles ont été délivrées les autres procurations litigieuses, lesquelles ont été communiquées au Conseil constitutionnel dans le cadre de l'instruction, que quatre d'entre elles ont été délivrées sans que soit apportée devant l'autorité compétente l'une des pièces justificatives exigées en vertu des articles L. 71 et R. 73 du code électoral ; que seize d'entre elles ont été délivrées au domicile des électeurs mandants sans qu'ils en aient formé, préalablement, la demande par écrit, en méconnaissance de ces dispositions ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que quarante-quatre des suffrages exprimés lors du premier tour de scrutin à l'issue duquel M. Rossi a été proclamé élu l'ont été irrégulièrement ; qu'il y a donc lieu pour apprécier l'influence de ces irrégularités sur les résultats du scrutin, de retrancher quarante-quatre suffrages tant du nombre des suffrages exprimés que du nombre de voix obtenues par M. Rossi ;
14. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 126 du code électoral :
"Nul n'est élu au premier tour de scrutin s'il n'a réuni :
"1o La majorité absolue des suffrages exprimés ;
"2o Un nombre de suffrages égal au quart du nombre des électeurs inscrits ; "
15. Considérant qu'il convient donc d'apprécier la portée des griefs articulés par M. Alfonsi à l'encontre des opérations électorales ayant conduit à l'élection de M. Rossi au regard de l'écart de voix séparant le total des suffrages recueillis par M. Rossi non seulement de la majorité absolue des suffrages exprimés, mais aussi, s'agissant d'une élection acquise au premier tour, du quart des électeurs inscrits ;
16. Considérant qu'après soustraction des suffrages litigieux, le nombre de voix obtenues par M. Rossi, soit 9 481, demeure supérieur, d'une part, à la majorité absolue des suffrages exprimés et, d'autre part, au quart du nombre des électeurs inscrits établi à 9 475 voix ;
17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation des opérations électorales dans la première circonscription de la Corse-du-Sud,

Décide :
Article premier :
La requête de M. François Alfonsi est rejetée.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée à l'Assemblée nationale, à M. Alfonsi et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 juillet 1996, où siégeaient : MM. Etienne Dailly, doyen d'âge, Maurice FAURE, Georges ABADIE, Jean CABANNES, Michel AMELLER, Jacques ROBERT, Alain LANCELOT et Mme Noëlle LENOIR.
Pour le président :
E. Dailly


A.N., Corse-du-Sud (1ère circ.)
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Élections à l'Assemblée nationale

Références :

AN du 12 juillet 1996 sur le site internet du Conseil constitutionnel
AN du 12 juillet 1996 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : Élection à l'Assemblée nationale (type)


Publications
Proposition de citation: Cons. Const., décision n°95-2058 AN du 12 juillet 1996

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Origine de la décision
Date de la décision : 12/07/1996
Date de l'import : 02/11/2017

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro de décision : 95-2058
Numéro NOR : CONSTEXT000017666384 ?
Numéro NOR : CSCX9601604S ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.constitutionnel;an;1996-07-12;95.2058 ?
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