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07/12/2000 | FRANCE | N°2000-435

France | France, Conseil constitutionnel, 07 décembre 2000, 2000-435


Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 16 novembre 2000, par MM. Jean ARTHUIS, Jean-Paul AMOUDRY, Philippe ARNAUD, Denis BADRÉ, Michel BÉCOT, Jean BERNADAUX, Maurice BLIN, Jean-Guy BRANGER, Jean-Pierre CANTEGRIT, Serge FRANCHIS, Yves FRÉVILLE, Francis GRIGNON, Pierre HÉRISSON, Rémi HERMENT, Daniel HOEFFEL, Jean-Jacques HYEST, Marcel LESBROS, Jean-Louis LORRAIN, Jacques MACHET, André MAMAN, René MARQUÈS, Michel MERCIER, Philippe NOGRIX, Michel SOUPLET, Xavier de VILLEPIN, Jean BERNARD, Roger BESSE, Dominique BRAYE, Mme Paulette BRISEPIERRE, MM. Michel CALDAGUÈS, Robert CALMÉJANE

, Gérard CÉSAR, Jean CHÉRIOUX, Gérard CORNU, Xavier DARCOS,...

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 16 novembre 2000, par MM. Jean ARTHUIS, Jean-Paul AMOUDRY, Philippe ARNAUD, Denis BADRÉ, Michel BÉCOT, Jean BERNADAUX, Maurice BLIN, Jean-Guy BRANGER, Jean-Pierre CANTEGRIT, Serge FRANCHIS, Yves FRÉVILLE, Francis GRIGNON, Pierre HÉRISSON, Rémi HERMENT, Daniel HOEFFEL, Jean-Jacques HYEST, Marcel LESBROS, Jean-Louis LORRAIN, Jacques MACHET, André MAMAN, René MARQUÈS, Michel MERCIER, Philippe NOGRIX, Michel SOUPLET, Xavier de VILLEPIN, Jean BERNARD, Roger BESSE, Dominique BRAYE, Mme Paulette BRISEPIERRE, MM. Michel CALDAGUÈS, Robert CALMÉJANE, Gérard CÉSAR, Jean CHÉRIOUX, Gérard CORNU, Xavier DARCOS, Jacques DELONG, Michel DOUBLET, Paul DUBRULE, Hilaire FLANDRE, Gaston FLOSSE, Bernard FOURNIER, Philippe FRANÇOIS, Alain GÉRARD, Alain GOURNAC, Georges GRUILLOT, Lucien LANIER, Edmond LAURET, Guy LEMAIRE, Philippe MARINI, Mme Lucette MICHAUX-CHEVRY, MM. Jean-Luc MIRAUX, Josselin de ROHAN, Michel RUFIN, Martial TAUGOURDEAU, Jean-Pierre VIAL, Serge VINÇON, Nicolas ABOUT, Mme Janine BARDOU, MM. Christian BONNET, James BORDAS, Jean BOYER, Jean-Claude CARLE, Jean CLOUET, Charles-Henri de COSSÉ BRISSAC, Jean DELANEAU, Jean-Paul ÉMORINE, Hubert FALCO, André FERRAND, René GARREC, Louis GRILLOT, Jean-François HUMBERT, Roland du LUART, Serge MATHIEU, Philippe NACHBAR, Michel PELCHAT, Guy POIRIEUX, Jean PUECH, Henri de RAINCOURT, Charles REVET, Henri REVOL, Louis-Ferdinand de ROCCA SERRA, Georges BERCHET, Fernand DEMILLY, Paul GIROD, Aymeri de MONTESQUIOU et Georges OTHILY, sénateurs, et par MM. Philippe DOUSTE-BLAZY, Pierre-Christophe BAGUET, Jacques BARROT, Jean-Louis BERNARD, Claude BIRRAUX, Emile BLESSIG, Mme Marie-Thérèse BOISSEAU, M. Bernard BOSSON, Mme Christine BOUTIN, MM. Loïc BOUVARD, Jean BRIANE, Yves BUR, Hervé de CHARRETTE, Jean-François CHOSSY, Charles de COURSON, Yves COUSSAIN, Marc-Philippe DAUBRESSE, Jean-Claude DECAGNY, Léonce DEPREZ, Renaud DONNEDIEU DE VABRE, Renaud DUTREIL, Alain FERRY, Jean-Pierre FOUCHER, Claude GAILLARD, Germain GENGENWIN, Hubert GRIMAULT, Pierre HÉRIOUX, Francis HILLMEYER, Mme Bernadette ISAAC-SIBILLE, MM. Henry JEAN-BAPTISTE, Jean-Jacques JÉGOU, Christian KERT, Edouard MANDRAIN, Jean LÉONETTI, François LÉOTARD, Roger LESTAS, Maurice BIGOT, François LOOS, Christian MARTIN, Pierre MÉHAIGNERIE, Pierre MENJUCQ, Pierre MICAUX, Hervé MORIN, Jean-Marie MORISSET, Arthur PAECHT, Dominique PAILLÉ, Henri PLAGNOL, Jean-Luc PRÉEL, Marc REYMANN, Gilles de ROBIEN, François ROCHEBLOINE, Rudy SALLES, André SANTINI, François SAUVADET, Pierre-André WILTZER, Jean-François MATTEI, François d'AUBERT, Dominique BUSSEREAU, Pierre CARDO, Pascal CLÉMENT, Bernard DEFLESSELLES, Laurent DOMINATI, Nicolas FORISSIER, François GOULARD, Claude GOASGUEN, Michel HERBILLON, Jean-Louis DEBRÉ, Jean-Claude ABRIOUX, Pierre AUBRY, Jean AUCLAIR, Philippe CHAULET, Alain COUSIN, Arthur DEHAINE, Patrick DELNATTE, Jean-Marie DEMANGE, Yves DENIAUD, Jean-Pierre DUPONT, Jean FALALA, Christian JACOB, Thierry MARIANI, Jacques MYARD, Pierre PETIT, Anicet TURINAY, députés, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi d'orientation pour l'outre-mer ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;

Vu l'ordonnance n° °59-2 du 2 janvier 1959 modifiée, portant loi organique relative aux lois de finances ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu les observations présentées par le Gouvernement, enregistrées le 24 novembre 2000 ;

Vu les observations en réplique présentées par les sénateurs auteurs de la requête, enregistrées le 4 décembre 2000 ;

Vu les observations en réplique présentées par les députés auteurs de la requête, enregistrées le 5 décembre 2000 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les députés et les sénateurs auteurs des saisines défèrent au Conseil constitutionnel la loi d'orientation pour l'outre-mer en arguant d'inconstitutionnalité les articles 1er, 42, 43 et 62 de celle-ci ;

- SUR L'ARTICLE 1ER :

2. Considérant que les deux premiers alinéas de l'article 1er de la loi se bornent à énoncer les priorités que le législateur entend mettre en oeuvre dans les départements d'outre-mer ;

3. Considérant qu'aux termes du troisième alinéa du même article : " La présente loi a également pour objet de poursuivre, avec les départements d'outre-mer et Saint-Pierre-et-Miquelon, la rénovation du pacte qui unit l'outre-mer à la République " ; qu'à ceux de son quatrième alinéa : " A ce titre, elle reconnaît à la Guadeloupe, à la Guyane, à la Martinique et à la Réunion la possibilité de disposer à l'avenir d'une organisation institutionnelle qui leur soit propre. Respectant l'attachement des Réunionnais à ce que l'organisation de leur île s'inscrive dans le droit commun, elle accorde aux assemblées locales des départements français d'Amérique la capacité de proposer des évolutions statutaires. Dans ce cadre, elle pose le principe de la consultation des populations sur les évolutions qui seraient envisagées " ;

4. Considérant que, selon les sénateurs requérants, ces dispositions auraient pour effet d'autoriser la création d'entités territoriales dotées d'une organisation particulière et violeraient en conséquence les articles 1er et 73 de la Constitution ; qu'ils relèvent par ailleurs " l'absence d'intelligibilité et de clarté des dispositions en cause au regard de celles de l'article 62 de la loi " ;

5. Considérant que, pour leur part, les députés requérants soutiennent que l'article 1er méconnaîtrait la compétence que l'article 34 de la Constitution réserve au législateur, dans la mesure où " les autorités nationales seront tenues, pour la consultation des populations des départements d'outre-mer, de se conformer au contenu des propositions qui seront faites par les assemblées locales " ; qu'ils allèguent, au surplus, que l'article critiqué, qui impose " au Gouvernement de présenter au Parlement un projet de loi organisant la consultation pour chaque proposition d'évolution statutaire présentée par les assemblées locales des départements d'outre-mer ", constituerait une injonction adressée au Gouvernement contraire à la Constitution ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la Constitution : " La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion... " ; qu'en vertu du premier alinéa de l'article 72 de la Constitution : " Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les territoires d'outre-mer. Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi " ; que le deuxième alinéa du même article dispose : " Ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi " ;

7. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 73 de la Constitution : " Le régime législatif et l'organisation administrative des départements d'outre-mer peuvent faire l'objet de mesures d'adaptation nécessitées par leur situation particulière " ;

8. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ces dispositions que les départements d'outre-mer et la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon sont des collectivités territoriales qui font partie intégrante de la République ; que, dès lors, la référence faite par le législateur au " pacte qui unit l'outre-mer à la République " est contraire à la Constitution ; qu'il y a lieu par suite de déclarer contraire à la Constitution le troisième alinéa de l'article 1er de la loi déférée ;

9. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des articles précités de la Constitution que le statut des départements d'outre-mer doit être le même que celui des départements métropolitains sous la seule réserve des mesures d'adaptation nécessitées par leur situation particulière ; que ces adaptations ne sauraient avoir pour effet de doter les départements d'outre-mer d'une " organisation particulière " au sens de l'article 74 de la Constitution, réservée aux seuls territoires d'outre-mer ;

10. Considérant, en conséquence, que la possibilité reconnue par la présente loi aux départements d'outre-mer " de disposer à l'avenir d'une organisation institutionnelle qui leur soit propre " ne peut être entendue que dans les limites fixées par l'article 73 de la Constitution ; que, sous cette réserve, la première phrase du quatrième alinéa de l'article 1er de la loi déférée est conforme à la Constitution ;

11. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions des deux dernières phrases de l'article 1er de la loi déférée, qui n'ont pas de portée normative propre, ne visent qu'à introduire les dispositions ultérieures de la loi, en particulier le titre VII de celle-ci, intitulé : " De la démocratie locale et de l'évolution des départements d'outre-mer " ; qu'en conséquence, l'indication selon laquelle est reconnue à certaines assemblées locales " la capacité de proposer des évolutions statutaires ", ainsi que la référence au " principe de la consultation des populations sur les évolutions qui seraient envisagées " doivent s'entendre dans les limites et dans les conditions fixées par les dispositions du titre VII précité ;

- SUR LES ARTICLES 42 ET 43 :

12. Considérant que le titre V de la loi, intitulé " De l'action internationale de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion dans leur environnement régional ", est composé des articles 42 et 43 ; que l'article 42 de la loi insère dans le code général des collectivités territoriales les articles L. 3441-2 à L. 3441-7 ; que l'article 43 introduit dans le même code les articles L. 4433-4-1 à L. 4433-4-8 ;

13. Considérant que ces dispositions confèrent aux conseils généraux des départements d'outre-mer et aux conseils régionaux de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane et de la Réunion, ainsi qu'à leurs présidents, des attributions nouvelles en matière de négociation et de signature d'accords entre la République française et les Etats, territoires ou organismes régionaux voisins ;

14. Considérant que, selon les sénateurs et les députés requérants, les articles 42 et 43 de la loi déférée seraient contraires aux articles 3, 52, 53 et 53-1 de la Constitution et porteraient atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ; qu'ils font valoir à cet égard que les articles L. 3441-3, L. 3441-4, L. 4433-4-2 et L. 4433-4-3 du code général des collectivités territoriales introduits par les articles 42 et 43 méconnaîtraient les compétences du Chef de l'Etat en matière de négociation et de ratification des traités, ainsi que celles du Gouvernement pour approuver et signer les accords en forme simplifiée ; que serait également méconnue la compétence du législateur en matière de ratification et d'approbation des accords internationaux ;

15. Considérant que l'article L. 3441-3 du code général des collectivités territoriales permet, en son premier alinéa, aux autorités de la République de délivrer pouvoir aux présidents des conseils généraux des départements d'outre-mer pour négocier et signer des accords dans les domaines de compétence de l'Etat avec un ou plusieurs Etats, territoires ou organismes régionaux voisins y compris ceux dépendant des institutions spécialisées des Nations unies ;

16. Considérant qu'il résulte du premier alinéa de l'article L. 4433-4-2 du code général des collectivités territoriales que les présidents des conseils régionaux de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane et de la Réunion peuvent se voir délivrer pouvoir dans les mêmes conditions ;

17. Considérant que le législateur a pu, sans porter atteinte ni à l'exercice de la souveraineté nationale ni aux prérogatives réservées à l'Etat par le troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution, autoriser les présidents des conseils généraux des départements d'outre-mer et des conseils régionaux de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane et de la Réunion à négocier et signer des accords dans les domaines de compétence de l'Etat, dès lors que, pour ce faire, le président du conseil général ou celui du conseil régional doit avoir expressément reçu des autorités de la République les pouvoirs appropriés et que ces accords demeurent soumis aux procédures prévues par les articles 52 et 53 de la Constitution ;

18. Considérant que, lorsqu'ils négocient ou signent les accords en cause, les présidents des conseils généraux ou des conseils régionaux agissent comme représentants de l'Etat et au nom de la République française ; qu'ils doivent, dans l'exécution de leur mandat, mettre en oeuvre les instructions qui leur sont données par les autorités de la République compétentes ; que ces mêmes autorités restent libres de délivrer pouvoir à d'autres plénipotentiaires ou de ne délivrer pouvoir aux présidents des conseils généraux ou régionaux que pour l'une seulement des phases de négociation et de signature ; qu'elles peuvent retirer à tout moment les pouvoirs ainsi confiés ;

19. Considérant que, dans ces conditions, les articles L. 3441-3 et L. 4433-4-2 du code général des collectivités territoriales sont conformes à la Constitution ;

20. Considérant qu'il résulte du premier alinéa de l'article L. 3441-4 et du premier alinéa de l'article L. 4433-4-3 du code général des collectivités territoriales que les conseils généraux des départements d'outre-mer et les conseils régionaux de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane et de la Réunion peuvent, respectivement dans les domaines de compétence du département et dans ceux de la région, demander aux autorités de la République d'autoriser leur président à négocier, dans le respect des engagements internationaux de la République, des accords avec des Etats, territoires ou organismes régionaux voisins ;

21. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de ces mêmes articles : " Lorsque cette autorisation est accordée, les autorités de la République sont, à leur demande, représentées à la négociation " ;

22. Considérant qu'en application de leur troisième alinéa, le projet d'accord est soumis, à l'issue de la négociation, à la délibération du conseil général ou du conseil régional " pour acceptation " ; que les autorités de la République peuvent ensuite donner, sous réserve du respect des engagements internationaux de celle-ci, pouvoir au président du conseil général ou à celui du conseil régional aux fins de signature de l'accord ;

23. Considérant, en premier lieu, que les autorités compétentes de la République ont un pouvoir discrétionnaire d'appréciation et de décision quant à la mise en oeuvre des articles L. 3441-4 et L. 4433-4-3 du code général des collectivités territoriales ; que les précisions ci-dessus énoncées sur la portée des articles L. 3441-3 et L. 4433-4-2 du même code sont applicables aux présentes dispositions ; qu'en particulier, lorsqu'ils négocient ou signent les accords, les présidents des conseils généraux et des conseils régionaux concernés agissent comme représentants de l'Etat ; qu'en outre, le deuxième alinéa des articles L. 3441-4 et L. 4433-4-3 doit être entendu comme reconnaissant aux autorités de la République la faculté de participer à la négociation à tout moment ;

24. Considérant, en second lieu, que la décision des autorités compétentes de la République de signer un accord international ne saurait être soumise à une quelconque autorisation préalable ; qu'en conséquence, la référence à l'" acceptation " du conseil général ou du conseil régional figurant aux troisièmes alinéas des articles L. 3441-4 et L. 4433-4-3 doit s'entendre comme ne visant qu'une consultation pour avis ; que, quel que soit le sens de la délibération desdits conseils, les autorités de la République conservent toute liberté pour donner pouvoir, aux fins de signature de l'accord, à la personne de leur choix, y compris aux présidents des conseils généraux ou régionaux intéressés ;

25. Considérant que, dans ces conditions et sous cette réserve, les articles L. 3441-4 et L. 4433-4-3 du code général des collectivités territoriales sont conformes à la Constitution ;

26. Considérant qu'en application du premier alinéa de l'article L. 3441-5 et du premier alinéa de l'article L. 4433-4-4 du code général des collectivités territoriales, les accords internationaux portant à la fois sur des domaines de compétence de l'Etat et sur des domaines de compétence des départements ou des régions d'outre-mer sont, quand il n'est pas fait application du premier alinéa de l'article L. 3441-3 ou du premier alinéa de l'article L. 4433-4-2, négociés et signés par les autorités de la République ; qu'en outre, le président du conseil général ou celui du conseil régional "à sa demande,... participe au sein de la délégation française, à la négociation de ces accords et à leur signature " ;

27. Considérant qu'en prévoyant que les présidents des conseils généraux des départements et des conseils régionaux d'outre-mer participeraient à leur demande à la signature d'accords signés directement par les autorités de la République, le législateur a méconnu les exigences constitutionnelles ; qu'en effet, la signature des accords visés aux articles L. 3441-5 et L. 4433-4-4 est une attribution propre des autorités compétentes de la République, à laquelle les présidents des assemblées délibérantes des collectivités territoriales concernées ne sauraient prendre part à leur seule initiative ;

28. Considérant, par suite, qu'à la dernière phrase des premiers alinéas des articles L. 3441-5 et L. 4433-4-4 du code général des collectivités territoriales, les mots : " et à leur signature " doivent être déclarés contraires à la Constitution ;

- SUR L'ARTICLE 62 :

29. Considérant que l'article 62 de la loi déférée complète la cinquième partie du code général des collectivités territoriales par un livre IX relatif au " congrès des élus départementaux et régionaux " ; qu'il introduit dans ce code les articles L. 5911-1 à L. 5916-1 ;

30. Considérant que selon les députés et les sénateurs requérants, l'article 62 de la loi déférée serait contraire aux articles 72 et 73 de la Constitution ; que les sénateurs font valoir à cet égard que le congrès des élus départementaux et régionaux serait " une troisième assemblée délibérante permanente et non élue, ce en contradiction avec le principe de libre administration des collectivités locales posé par l'article 72 de la Constitution " ; que, selon les requérants, l'obligation pour les conseils généraux et régionaux de délibérer sur les propositions du congrès méconnaîtrait cette même disposition ;

31. Considérant que les auteurs des saisines estiment par ailleurs que l'article 62 instaure un " dispositif d'évolution de certains départements d'outre-mer qui va au-delà des mesures d'adaptation autorisées par la Constitution pour tenir compte de leur situation particulière " ;

32. Considérant, en outre, que selon les sénateurs requérants, " la consultation prévue à l'article 62 ne saurait regarder que les territoires d'outre-mer auxquels la Constitution reconnaît exclusivement le droit à la libre détermination " ; que serait par suite violé le deuxième alinéa du Préambule de la Constitution ;

33. Considérant, enfin, que les députés auteurs de l'une des requêtes soutiennent que l'article 62 comporterait une injonction au Gouvernement contraire à la Constitution ;

. En ce qui concerne les griefs allégués à l'encontre des dispositions relatives au congrès des élus départementaux et régionaux :

34. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 5911-1 du code général des collectivités territoriales : " Dans les régions d'outre-mer qui comprennent un seul département, il est créé un congrès des élus départementaux et régionaux composé des conseillers généraux et des conseillers régionaux " ; que, par suite, le congrès des élus départementaux et régionaux pourra être créé, en l'état de la législation, dans l'ensemble des régions d'outre-mer, nonobstant l'indication qui figure à l'article 1er de la loi sur " l'attachement des Réunionnais à ce que l'organisation de leur île s'inscrive dans le droit commun " ;

35. Considérant que le livre IX inséré dans le code général des collectivités territoriales a pour objet de déterminer des règles de procédure permettant de faciliter, en matière d'évolution institutionnelle ou de modification des compétences, les échanges de vues entre élus départementaux et régionaux ; qu'à cette fin, les dispositions introduites dans le code général des collectivités territoriales précisent les modalités selon lesquelles se réunissent les élus départementaux et régionaux ;

36. Considérant qu'en application de l'article L. 5913-1, le congrès des élus départementaux et régionaux est convoqué et présidé alternativement par le président du conseil général et le président du conseil régional ; qu'il résulte du premier alinéa de l'article L. 5912-1 que le congrès n'a pas l'initiative de l'ordre du jour de ses séances ; qu'en effet, il " se réunit à la demande du conseil général ou du conseil régional, sur un ordre du jour déterminé par délibération prise à la majorité des suffrages exprimés des membres de l'assemblée " ; que les propositions sur lesquelles le congrès délibère en application de l'article L. 5915-1, c'est-à-dire les propositions d'évolution institutionnelle, celles relatives à de nouveaux transferts de compétences de l'Etat vers le département et la région concernés, ainsi que celles portant sur la modification de la répartition des compétences entre ces collectivités locales, émanent exclusivement du conseil général ou du conseil régional ;

37. Considérant, en outre, que les propositions du congrès des élus départementaux et régionaux sont, conformément à l'article L. 5915-2, transmises tant au conseil général qu'au conseil régional qui, en application de l'article L. 5915-3, délibèrent sur ces propositions ; que les propositions du congrès et les délibérations des assemblées locales sont transmises au Premier ministre ;

38. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la création du congrès des élus départementaux et régionaux, qui ne conduit pas à la mise en place d'un conseil élu par lequel s'administrerait une collectivité territoriale de la République, ne porte pas atteinte au régime propre aux départements et aux régions d'outre-mer ; que le législateur n'a pas davantage méconnu les dispositions constitutionnelles qui consacrent la libre administration de ces collectivités territoriales ;

39. Considérant, par ailleurs, que la procédure organisée par l'article 62 de la loi déférée vise à permettre aux élus départementaux et régionaux de présenter au Premier ministre de simples propositions portant, ainsi qu'il a été dit, sur l'évolution institutionnelle des départements d'outre-mer et sur la modification des compétences des collectivités concernées ; qu'elle n'outrepasse pas les mesures d'adaptation nécessitées par la situation particulière des départements d'outre-mer et ne méconnaît donc pas les dispositions de l'article 73 de la Constitution ;

40. Considérant, toutefois, que le troisième alinéa de l'article L. 5915-3 dispose que le Premier ministre accuse réception dans les quinze jours des délibérations adoptées par le conseil général et le conseil régional qui lui sont transmises par le président de l'assemblée concernée ; que le même alinéa précise que le Premier ministre " fixe le délai dans lequel il apportera une réponse " ;

41. Considérant que la Constitution attribue au Gouvernement, d'une part, et au Parlement, d'autre part, des compétences qui leur sont propres ; que le législateur ne saurait, sans excéder la limite de ses pouvoirs, enjoindre au Premier ministre de donner une réponse aux propositions de modifications législatives émanant d'organes délibérants de collectivités territoriales, ce même si le Premier ministre fixe le délai dans lequel il fournira ladite réponse ; qu'en conséquence, le troisième alinéa de l'article L. 5915-3 du code général des collectivités territoriales doit être déclaré contraire à la Constitution ;

. En ce qui concerne les griefs allégués à l'encontre des dispositions prévoyant la consultation des populations :

42. Considérant qu'aux termes de l'article L. 5916-1 du code général des collectivités territoriales : " Le Gouvernement peut, notamment au vu des propositions mentionnées à l'article L. 5915-1 et des délibérations adoptées dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 5915-3, déposer un projet de loi organisant une consultation pour recueillir l'avis de la population du département concerné sur les matières mentionnées à l'article L. 5915-1 " ;

43. Considérant que, pour la mise en oeuvre des dispositions du deuxième alinéa du Préambule de la Constitution de 1958, les autorités compétentes de la République sont, dans le cadre de la Constitution, habilitées à consulter les populations d'outre-mer intéressées notamment sur l'évolution statutaire de leur collectivité à l'intérieur de la République ;

44. Considérant, toutefois, que, dans cette éventualité, ces autorités sont libres de définir l'objet de cette consultation ; que le projet de loi organisant la consultation devra satisfaire à la double exigence constitutionnelle de clarté et de loyauté ; qu'enfin, le législateur ne saurait être lié, en vertu de l'article 72 de la Constitution, par le résultat de la consultation ; que, sous ces réserves, l'article L. 5916-1 du code général des collectivités territoriales n'est pas contraire à la Constitution ;

- SUR L'ARTICLE 3 :

45. Considérant que le deuxième alinéa du II de l'article 3 de la loi déférée permet l'allègement des charges sociales des marins-pêcheurs propriétaires embarqués ayant subi un préjudice matériel découlant d'une houle cyclonique lorsque l'état de catastrophe naturelle est reconnu sur le territoire d'un département d'outre-mer ou sur une portion de ce territoire ;

46. Considérant que ces dispositions prévoient " une exonération égale à 100 % des cotisations d'allocations familiales, d'assurance maladie et d'assurance vieillesse des employeurs et travailleurs indépendants pendant les six mois suivant la catastrophe naturelle " pour les marins-pêcheurs " qui sont à jour de leur paiement de rôle d'équipage " ; qu'elles ne prévoient en revanche qu'un report de trois mois pour le paiement des arriérés de cotisations et contributions des employeurs et travailleurs indépendants " pour ceux qui ne sont pas à jour de paiement de leur rôle d'équipage " ;

47. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi ;

48. Considérant qu'au regard de l'objet de la loi, qui est de favoriser le rétablissement rapide des capacités de production après un cyclone, les marins-pêcheurs embarqués, qu'ils aient ou non acquitté leur rôle d'équipage, sont dans la même situation ; qu'en traitant les intéressés de façon différente, les uns ayant droit à une exonération de cotisations sociales pendant six mois, les autres bénéficiant d'un simple report de trois mois pour le paiement de leurs arriérés de cotisations, le législateur a méconnu le principe d'égalité ;

49. Considérant, par suite, qu'au deuxième alinéa du II de l'article 3 de la loi déférée les mots : " soit d'un report de trois mois pour le paiement des arriérés de cotisations et contributions visées ci-dessus pour ceux qui ne sont pas à jour de paiement de leur rôle d'équipage, soit " ainsi que les mots : " , pour ceux qui sont à jour de leur paiement de rôle d'équipage " doivent être déclarés contraires à la Constitution ;

- SUR L'ARTICLE 9 :

50. Considérant que l'article 9 de la loi dispose : " Le Gouvernement transmet chaque année au Parlement, à l'appui de la loi de finances, un rapport sur les conditions de fixation des taux bancaires dans les départements d'outre-mer et sur les raisons de leur écart par rapport aux taux pratiqués en métropole " ;

51. Considérant que, si, aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée : " Les dispositions législatives destinées à organiser l'information et le contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques... sont contenues dans les lois de finances ", un rapport relatif au mode de fixation des taux bancaires dans les départements d'outre-mer n'a pas pour but d'organiser l'information et le contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ; qu'ainsi, l'article 9 de la loi tend à annexer au projet de loi de finances de l'année un document étranger à l'objet des lois de finances ; qu'il y a lieu, par suite, de déclarer non conformes à la Constitution les mots : " , à l'appui de la loi de finances, " ;

- SUR L'ARTICLE 14 :

52. Considérant que l'article 14 de la loi substitue à la rédaction actuelle de l'article L. 720-4 du code de commerce la rédaction suivante : " Dans les départements d'outre-mer, sauf dérogation motivée de la Commission nationale d'équipement commercial, l'autorisation demandée ne peut être accordée, que celle-ci concerne l'ensemble du projet ou une partie seulement, lorsqu'elle a pour conséquence de porter au-delà d'un seuil de 25 %, sur l'ensemble du territoire du département ou d'un pays de ce département ou d'une agglomération au sens des articles 25 et 26 de la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, ou d'augmenter, si elle est supérieure à ce seuil au-delà duquel la demande est automatiquement rejetée, qu'il s'agisse d'un ou de plusieurs transferts, changements d'activité, extensions, ou toute opération de concentration, la surface totale des grandes et moyennes surfaces de détail dans lesquelles sont mis en vente des produits alimentaires, ou la part de son chiffre d'affaires annuel hors taxes incluant toutes les ventes au détail sur place, par correspondance ou par tout autre moyen de communication, et appartenant :

" - soit à une même enseigne ;

" - soit à une même société, ou une de ses filiales, ou une société dans laquelle l'un des associés du groupe possède une fraction du capital comprise entre 10 % et 50 %, ou une société contrôlée par cette même société au sens de l'article L. 233-3 ;

" - soit contrôlée directement ou indirectement par au moins un associé du groupe exerçant sur elle une influence au sens de l'article L. 233-16, ou ayant un dirigeant de droit ou de fait commun. " ;

53. Considérant que les limitations ainsi apportées par l'article 14 à la liberté d'entreprendre ne sont pas énoncées de façon claire et précise ; qu'il y a lieu par suite de déclarer cet article contraire à l'article 34 de la Constitution ;

- SUR L'ARTICLE 19 :

54. Considérant qu'il résulte de la première phrase de l'article 19 de la loi déférée, que dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Guyane, par dérogation notamment à la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs, les conventions et autorisations relatives aux services réguliers de transport public routier de personnes peuvent voir se poursuivre leurs effets pour une durée ne pouvant excéder dix-huit mois après la promulgation de la loi déférée, si l'autorité organisatrice de transport compétente le décide ; qu'aux termes des deuxième et troisième phrases de l'article 19 : " Dans ce délai, une loi définira un nouveau dispositif d'organisation des transports publics terrestres de personnes, portant en particulier sur les modalités d'attribution des lignes, les financements et la gestion de ce service public. Cette loi précisera également les conditions dans lesquelles s'effectuera le passage du dispositif actuel à ce nouveau dispositif " ;

55. Considérant qu'il ressort des travaux parlementaires que ces dernières dispositions font obligation au Gouvernement de déposer, dans un délai de dix-huit mois, un projet de loi ; qu'une telle injonction ne trouve de base juridique ni dans l'article 34 ni dans aucune autre disposition de la Constitution et porte atteinte au droit d'initiative des lois conféré par son article 39 au Premier ministre ; que les deuxième et troisième phrases de l'article 19 de la loi, qui sont détachables de la phrase qui précède, doivent par suite être déclarées contraires à la Constitution ;

- SUR LES ARTICLES 24 ET 69 :

56. Considérant que l'article 24 de la loi déférée, qui abroge les dispositions du code du travail relatives au salaire minimum de croissance dans les départements d'outre-mer, et son article 69, qui institue à Saint-Pierre-et-Miquelon une commission territoriale d'insertion, sont issus d'amendements adoptés après la réunion de la commission mixte paritaire ;

57. Considérant qu'il ressort de l'économie de l'article 45 de la Constitution que des adjonctions ne sauraient, en principe, être apportées au texte soumis à la délibération des assemblées après la réunion de la commission mixte paritaire ; qu'en effet, s'il en était ainsi, des mesures nouvelles, résultant de telles adjonctions, pourraient être adoptées sans avoir fait l'objet d'un examen lors des lectures antérieures à la réunion de la commission mixte paritaire et, en cas de désaccord entre les assemblées, sans être soumises à la procédure de conciliation confiée par l'article 45 de la Constitution à cette commission ; qu'en conséquence, les seuls amendements susceptibles d'être adoptés après la réunion de la commission mixte paritaire doivent être soit en relation directe avec une disposition restant en discussion, soit dictés par la nécessité de respecter la Constitution, d'assurer une coordination avec d'autres textes en cours d'examen au Parlement ou de corriger une erreur matérielle ; que, par suite, à ce stade de la discussion parlementaire, doivent être regardés comme adoptés selon une procédure irrégulière les amendements qui ne remplissent pas l'une ou l'autre de ces conditions ;

58. Considérant que les amendements dont procèdent les articles 24 et 69 étaient sans relation directe avec aucune des dispositions restant en discussion ; que leur adoption n'était pas davantage justifiée par la nécessité de respecter la Constitution, d'assurer une coordination avec d'autres textes en cours d'examen au Parlement ou de corriger une erreur matérielle ; que, par suite, les articles 24 et 69 ont été adoptés au terme d'une procédure irrégulière ; qu'ils doivent être dès lors déclarés contraires à la Constitution ;

- SUR L'ARTICLE 44 :

59. Considérant que le I de l'article 44 de la loi déférée insère dans le code général des collectivités territoriales les articles L. 3444-1 à L. 3444-5 relatifs notamment à la consultation obligatoire, pour certains textes, des conseils généraux des départements d'outre-mer et des conseils régionaux des régions d'outre-mer ;

60. Considérant qu'en application du premier alinéa de l'article L. 3444-2, les conseils généraux des départements d'outre-mer peuvent présenter des propositions de modification des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur ; qu'aux termes du troisième alinéa du même article : " Le Premier ministre accuse réception dans les quinze jours et fixe le délai dans lequel il apportera une réponse au fond " ;

61. Considérant, ainsi qu'il a été dit précédemment, que la Constitution attribue au Gouvernement, d'une part, et au Parlement, d'autre part, des compétences qui leur sont propres ; que le législateur ne saurait, sans excéder la limite de ses pouvoirs, enjoindre au Premier ministre de donner une réponse aux propositions émanant d'organes délibérants de collectivités territoriales, ce même si le Premier ministre fixe le délai dans lequel il fournira ladite réponse ; qu'en conséquence, le troisième alinéa de l'article L. 3444-2 du code général des collectivités territoriales doit être déclaré contraire à la Constitution ;

62. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune autre question de conformité à la Constitution ;

Décide :

Article premier :

Sont déclarées contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi d'orientation pour l'outre-mer :

1) le troisième alinéa de l'article 1er ;

2) au deuxième alinéa du II de l'article 3, les mots : " soit d'un report de trois mois pour le paiement des arriérés de cotisations et contributions visées ci-dessus pour ceux qui ne sont pas à jour de paiement de leur rôle d'équipage, soit ", ainsi que les mots : " , pour ceux qui sont à jour de leur paiement de rôle d'équipage " ;

3) à l'article 9, les mots : " , à l'appui de la loi de finances, " ;

4) l'article 14 ;

5) les deuxième et troisième phrases de l'article 19 ;

6) l'article 24 ;

7) aux premiers alinéas des articles L. 3441-5 et L. 4433-4-4 du code général des collectivités territoriales introduits dans ce code par les articles 42 et 43, les mots : " et à leur signature " ;

8) le troisième alinéa de l'article L. 3444-2 du code général des collectivités territoriales introduit dans ce code par l'article 44 ;

9) le troisième alinéa de l'article L. 5915-3 du code général des collectivités territoriales introduit dans ce code par l'article 62 ;

10) l'article 69.

Article 2 :

Sous les réserves énoncées dans la présente décision, les autres dispositions des articles 1er, 42, 43 et 62 de la loi d'orientation pour l'outre-mer sont déclarées conformes à la Constitution.

Article 3 :

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 décembre 2000, où siégeaient : MM. Yves GUÉNA, Président, Georges ABADIE, Michel AMELLER, Jean-Claude COLLIARD, Alain LANCELOT, Mme Noëlle LENOIR, M. Pierre MAZEAUD et Mmes Monique PELLETIER et Simone VEIL.


Loi d'orientation pour l'outre-mer
Sens de l'arrêt : Non conformité partielle
Type d'affaire : Contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires, lois organiques, des traités, des règlements des Assemblées

Saisine

La loi d'orientation pour l'outre-mer, adoptée le 15 novembre 2000 par l'Assemblée nationale, a été élaborée à la suite de plus de deux ans de travail au cours desquels le Gouvernement a mené une concertation très large. Après le rapport de Mme Eliane MOSSE, en février 1999, sur les perspectives de développement économique dans les départements d'outre-mer et celui de M. FRAGONARD de juillet 1999, relatif à l'amélioration de la situation de l'emploi outre-mer, qui ont contribué à l'élaboration des propositions en matière économique et sociale, c'est le rapport de MM. Claude LISE, sénateur de la Martinique, et Michel TAMAYA, député de La Réunion, remis au Premier ministre en septembre 1999, qui a inspiré au Gouvernement la plupart des dispositions qui concernent le volet institutionnel. De fait, la loi poursuit un double objectif : d'une part, prendre les mesures requises pour créer de l'activité et de l'emploi, pour lutter contre le chômage et les exclusions et pour améliorer l'égalité sociale ; d'autre part, améliorer les moyens d'action des départements d'outre-mer et donner à ceux qui le souhaitent des perspectives d'évolution au sein de la République. Ce texte a été déféré au Conseil constitutionnel par plus de soixante sénateurs et par plus de soixante députés qui en contestent les articles 1er, 42, 43 et 62. A l'appui de ces recours, leurs auteurs font valoir plusieurs moyens qui appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.

I - Sur l'article 1er A) Comme le font généralement les lois d'orientation, celle-ci commence par un article liminaire qui en présente les objectifs généraux et énonce un certain nombre de principes. Il s'agit, en particulier, de la possibilité, pour les assemblées locales des départements, de proposer des évolutions statutaires qui leur seraient propres, et qui pourraient donner lieu à consultation des populations concernées. Pour contester ces dispositions, les requérants font valoir qu'elles ne constituent pas un aménagement limité des compétences des collectivités concernées, mais aboutissent à opérer une différenciation excessive de celles-ci par rapport aux collectivités métropolitaines. Ce faisant, le législateur confèrerait à ces départements et régions d'outre-mer une organisation particulière, en méconnaissance des articles 1er et 73 de la Constitution. Les députés, auteurs du second recours, soutiennent que l'article 1er méconnaît la compétence du législateur qui ne saurait être lié par les résultats de la consultation dont cet article énonce la possibilité. Les saisissants mettent en outre en cause l'absence d'intelligibilité et de clarté de ces dispositions, qui seraient en contradiction avec celles de l'article 62 de la loi, quant à la possibilité de consulter pour avis les habitants des quatre départements d'outre-mer. B) Cette argumentation est inopérante. Elle résulte en effet d'une interprétation inexacte de cet article qui se borne à annoncer, dès le début du texte, des dispositions que l'on retrouvera dans les sept titres de la loi. Les deux premiers alinéas font ainsi clairement référence aux réponses que les titres Ier à III de la loi entendent apporter, sur un plan économique et social, aux difficultés structurelles des départements d'outre-mer. Quant aux deux autres alinéas, ils annoncent le volet institutionnel contenu dans les autres titres du texte. Ils ne fixent, par eux-mêmes, aucune règle susceptible de faire l'objet d'un contrôle de constitutionnalité. En particulier, le dernier alinéa fait seulement référence aux dispositions de l'article 62, sur lequel les observations du Gouvernement seront présentées plus loin. Il n'exprime, ni n'implique, contrairement à ce qui est soutenu, aucune injonction au Gouvernement. Il ne postule pas davantage que les propositions qui émaneraient des assemblées locales pourraient contraindre le législateur dans son pouvoir d'appréciation. Il convient enfin de souligner qu'il n'existe aucune contradiction entre l'article 1er et l'article 62 : l'article 1er rappelle l'attachement des Réunionnais à ce que l'organisation institutionnelle de leur île continue à s'inscrire dans le droit commun tout en annonçant la possibilité, précisée à l'article 62, pour les départements qui le souhaitent, et notamment les départements français d'Amérique, de formuler en congrès des propositions d'évolution. Et si l'article 1er pose le principe de la consultation des populations concernées par une telle évolution, l'article 62 n'exclut une telle consultation dans aucun département d'outre-mer.

Il - Sur les articles 42 et 43 A) Les articles 42 et 43 entendent favoriser la participation des élus de ces départements à l'action internationale de ceux-ci dans leur environnement régional. L'article 42 précise, au nouvel article L. 3441-3 du code général des collectivités territoriales (CGCT), les conditions dans lesquelles les autorités de la République peuvent délivrer pouvoir au président du conseil général pour négocier et signer des accords avec un ou plusieurs Etats ou territoires situés dans l'environnement immédiat des départements d'outre-mer. Cette possibilité concerne également les organismes multilatéraux compétents dans ces zones, dépendant de l'ONU ou non. Le nouvel article L. 4433-4-2, inséré dans le même code par l'article 43, fait de même pour le président du conseil régional. Selon les auteurs des recours, ces dispositions méconnaîtraient l'article 52 de la Constitution qui confie au Président de la République le soin de négocier et ratifier les traités et au Gouvernement la compétence pour approuver ou signer les accords en forme simplifiée. La possibilité ainsi ouverte aux présidents des deux assemblées locales serait également de nature à porter atteinte à la sauvegarde des intérêts nationaux, aux prérogatives constitutionnelles de l'Etat et aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale. Elle contredirait aussi la disposition de la loi du 6 février 1992 qui interdit aux collectivités territoriales de passer des conventions avec des Etats. En outre, les sénateurs requérants soutiennent que les deux articles visés sont contraires aux articles 53 de la Constitution, en ce qu'ils ne réserveraient pas la compétence du législateur, et 53-1 réservant à la République la conclusion des accords déterminant les demandes d'asile. Enfin les députés, auteurs du second recours, estiment que les dispositions des nouveaux articles L 3441-4 et L 4433-4-3 relatives à l'intervention du conseil général et du conseil régional méconnaissent l'article 52 de la Constitution. B) Cette argumentation repose sur une interprétation inexacte, tant des dispositions critiquées que de celles de la Constitution. A titre liminaire, le Gouvernement entend rappeler que l'action internationale des collectivités territoriales de la République a été progressivement reconnue, en parfaite cohérence avec le principe de libre administration énoncé par l'article 72 de la Constitution. Alors que l'article 65 de la loi du 2 mars 1982 autorisait simplement ces collectivités à entretenir des contacts avec des collectivités décentralisées étrangères, avec l'approbation du gouvernement, cette conception limitée de la coopération décentralisée a été rénovée en profondeur par la loi d'orientation du 6 février 1992, relative à l'administration territoriale de la République. Il résulte de cette loi, dont les dispositions sont aujourd'hui reprises dans le code général des collectivités territoriales, que ces collectivités peuvent conclure des conventions avec d'autres collectivités locales, dans les limites de leurs compétences et du respect des engagements internationaux de la France. L'article L 1112-5, issu de l'article 133-2 de la loi de 1992, précise cependant qu'aucune " convention, de quelque nature que ce soit, ne peut être passée entre une collectivité territoriale... et un Etat étranger ". S'agissant des départements et régions d'outre-mer, les textes en vigueur prévoient tout au plus un mécanisme d'association purement consultatif : l'article L 4433-4 dispose que les conseils régionaux des départements d'outre-mer " peuvent être saisis pour avis de tous projets d'accords concernant la coopération régionale en matière économique, sociale, technique, scientifique, culturelle, de sécurité civile ou d'environnement " avec leurs voisins ; de même, l'article L 4433-15 dispose-t-il que les conseils régionaux des départements d'outre-mer sont saisis " pour avis de tout projet d'accord international portant sur l'exploration, l'exploitation, la conservation ou la gestion des ressources naturelles, biologiques ou non biologiques, dans la zone économique exclusive de la République au large des côtes de la région concernée ". Ces dispositions revêtent une importance particulière dans les départements d'outre-mer. En effet, dans les relations qu'ils entretiennent avec leur proche environnement, les départements français d'Amérique, comme la Réunion, devraient pouvoir valoriser les avantages relatifs que leur procure leur niveau de développement, tant en matière économique que sociale et éducative. Pourtant, même si ces relations sont en constant développement, le bilan reste mitigé : pour ne prendre que l'exemple des échanges extérieurs des DOM, les petites et grandes Antilles ne représentent que 8,8 % des exportations de la Guadeloupe et 2,6 % pour la Martinique. Le Brésil et le Surinam ne représentent que 5,6 % des exportations de la Guyane ; les Etats de la Communauté de l'Océan indien attirent 8,7 % des exportations réunionnaises. Cela s'explique notamment par le fait que les dispositions issues de la loi du 6 février 1992 ne sont clairement plus adaptées aux réalités des départements d'outre-mer. En effet, les territoires qui sont proches des départements d'outremer ne sont pas, pour la plupart, des collectivités territoriales composantes d'une collectivité étatique, avec lesquelles pourraient se nouer une coopération décentralisée en application des dispositions actuellement en vigueur. Il s'agit d'Etats, personnes de droit public international exerçant une souveraineté sur leur territoire. Limiter les actions de coopération régionale aux relations entre collectivités locales revient, en pratique, à priver les départements français d'outre-mer d'interlocuteurs compétents sur les sujets d'intérêt commun, qui sont fort nombreux dans ces zones : tourisme, prévention des catastrophes naturelles, santé, culture... Ainsi, pour la Guadeloupe ou la Martinique, il serait plus efficace d'autoriser ces départements à coopérer avec les Etats qui leur sont proches, comme Sainte-Lucie ou la Dominique. C'est dans cet esprit que le Gouvernement a proposé que la loi d'orientation pour l'outre-mer donne de nouvelles possibilités d'action aux collectivités territoriales des départements d'outre-mer et notamment, s'agissant des conseils régionaux, la faculté de devenir membre associé d'un organisme international. Et c'est ce que font les articles 42 et 43, qui n'encourent aucune des critiques qui leur sont adressées. 1) En premier lieu, ces dispositions n'ont ni pour objet, ni pour effet de faire échec à l'application des articles 52 et 53 de la Constitution, auxquels seront naturellement soumis les accords ainsi conclus, sans que la loi ait eu à le rappeler. Ces accords seront passés au nom de l'Etat, dans le cadre des pouvoirs que les autorités nationales auront, le cas échéant, délivrés au président du conseil général ou à celui du conseil régional. Comme tout plénipotentiaire, ces derniers seront munis d'un mandat, d'instructions, et devront rendre compte. Il convient à cet égard de souligner que les articles 42 et 43 n'impliquent pour l'Etat aucune obligation de désigner le président du conseil général et celui du conseil régional pour négocier et signer des accords en son nom. Dans l'hypothèse où il choisit de ne pas faire usage de cette faculté, le Gouvernement a d'ailleurs la possibilité d'associer au sein de la délégation française le président du conseil général ou du conseil régional, comme le précisent les articles L. 3441-3 et L. 4433-4-2. En outre, si, au-delà de la simple négociation, les dispositions contestées autorisent le pouvoir exécutif à confier au président du conseil général ou au président du conseil régional le soin de signer des accords, il s'agit nécessairement de missions ad hoc, révocables à tout instant, et non d'une délégation permanente permettant à ces élus d'engager l'Etat sur des sujets de sa compétence. Au demeurant, le Conseil constitutionnel a déjà admis la conformité à la Constitution de telles dispositions. Il résulte en effet de la décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996, rendue à propos de dispositions similaires incluses dans la loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française, que " le législateur a pu, sans porter atteinte ni à l'exercice de la souveraineté, ni aux prérogatives réservées à l'Etat par l'article 72 alinéa 3 de la Constitution, autoriser le président du gouvernement de la Polynésie française à négocier et signer des accords dans les domaines de compétence du territoire, dès lors que pour ce faire le président du gouvernement doit avoir expressément reçu des autorités de la République les pouvoirs appropriés et que ces accords demeurent soumis aux procédures prévues par les articles 52 et 53 de la Constitution ". N'étant en rien fondée sur l'organisation particulière dont les territoires d'outre-mer bénéficient en vertu de l'article 74 de la Constitution, la solution ainsi dégagée est nécessairement transposable au cas, qui est celui des articles 42 et 43, où de tels pouvoirs sont attribués à des présidents de conseil régional ou général dans les DOM. 2) En deuxième lieu, c'est en vain que l'article 53-1 est invoqué par le recours des sénateurs : il résulte des termes mêmes de cet article qu'il ne concerne que certains accords que la République souhaite conclure avec les Etats européens, alors que la loi d'orientation s'applique exclusivement aux Etats ou organismes régionaux de l'aire géographique des départements d'outre-mer concernés. 3) En troisième lieu, le moyen tiré de l'article L 1112-5 du code général des collectivités territoriales qui interdit aux collectivités territoriales de passer des conventions avec des Etats étrangers est, en tout état de cause, inopérant : en admettant même que cet article exprime un principe constitutionnel, les accords visés par les articles 42 et 43 de la loi déférée, ne sont pas passés au nom de la région ou du département mais au nom de l'Etat, et ne relèvent donc pas de la coopération décentralisée dont l'article L 1112-5 encadre l'exercice. 4) Enfin les nouveaux articles L. 3441-4 et L. 4433-4-3, n'encourent pas davantage les autres reproches que leur adresse le recours des députés. Ces dispositions prévoient que les autorités de la République peuvent autoriser ces collectivités d'outre-mer à négocier, dans leurs domaine de compétence, des accords avec un ou plusieurs Etats, territoires ou organismes régionaux, dans le respect des engagements internationaux de la France. Cette possibilité est enserrée dans une procédure très stricte : la négociation par le président du conseil général ou du conseil régional est soumise à une autorisation préalable tout comme, le cas échant, la signature de l'accord. De plus, les autorités de la République sont, à leur demande, représentées à la négociation. Quant à l'intervention du conseil général ou du conseil régional " pour acceptation " de l'accord, avant sa signature, elle est inhérente à la logique de ce mécanisme : s'agissant d'accords intéressant la compétence du département ou de la région, l'initiative sera en principe venue de l'un ou de l'autre. Il est donc cohérent de les inviter à faire connaître s'ils approuvent ou non le résultat de la négociation. Cependant, quelle que soit la position prise par l'organe délibérant de la collectivité, l'Etat demeurera libre de donner la suite qu'il jugera bonne au projet d'accord et de désigner qui il entend pour le signer.

III - Sur l'article 62 A) L'article 62 de la loi déférée insère, au sein de la cinquième partie du code général des collectivités territoriales, un livre IX intitulé " Mesures d'adaptations particulières aux départements et aux régions d'outre-mer ". Il permet en particulier de réunir, dans les régions d'outre-mer qui comprennent un seul département, un congrès des élus départementaux et régionaux composé des conseillers généraux et des conseillers régionaux. Ce congrès peut être appelé à donner des avis sur toute proposition d'évolution institutionnelle ou relative à de nouveaux transferts de compétences de l'Etat vers les collectivités concernées. Il peut aussi débattre de modifications de la répartition des compétences entre ces collectivités locales. Enfin le nouvel article L. 5916-1, introduit dans le code général des collectivités territoriales par le même article 62, énonce la possibilité de consulter la population sur des évolutions institutionnelles, au vu notamment des propositions du congrès et des délibérations des conseils généraux et régionaux. Pour critiquer ces dispositions, les requérants font valoir qu'elles méconnaissent les articles 72 et 73 de la Constitution. Ils estiment que l'institution d'un congrès est contraire à un principe d'égalité entre les départements d'outre-mer et porte atteinte, au delà de ce que permet la notion d'adaptation, à l'unité du régime des départements. Ils font en outre valoir que ce congrès prend les traits d'une troisième assemblée délibérante permanente et non élue, en contradiction avec l'article 72 de la Constitution, lequel serait tout autant méconnu par la disposition prévoyant que les propositions du congrès sont obligatoirement discutées par le conseil général et le conseil régional. Les sénateurs, auteurs du premier recours, considèrent également qu'une consultation de la population sur une évolution institutionnelle ne pourrait concerner que les seuls territoires d'outre-mer auxquels l'alinéa 2 du préambule de la Constitution reconnaît le droit à la libre détermination. Enfin les députés, auteurs du second recours, estiment que l'article 62 comporte une injonction inconstitutionnelle au Gouvernement. B) Pour sa part, le Gouvernement considère que ces dispositions ne sont pas contraires à la Constitution. C'est, en effet, en conformité avec la jurisprudence constitutionnelle relative à l'outre-mer qu'a été élaboré le dispositif défini par l'article 62. A cet égard, le Gouvernement entend souligner que la mise en place d'un congrès est une simple mesure d'organisation qui n'est pas contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales ; qu'elle constitue une adaptation nécessaire au regard de la situation locale ; enfin que la consultation des populations concernées par l'évolution statutaire, prévue au terme de cette procédure, n'est pas non plus contraire à la Constitution. 1) Sur le premier point, il convient d'abord de rappeler que le congrès des élus départementaux et régionaux n'est ni une nouvelle collectivité territoriale, ni une structure permanente qui serait composée d'élus spécialement désignés et pourrait exercer des compétences propres. Le congrès n'est qu'une réunion des élus des deux assemblées, dont il constitue l'addition pure et simple. Les conseillers généraux et régionaux n'acquièrent pas une autre qualité en participant au congrès : pour cette raison, le nouvel article L 5911-1 prévoit qu'une même personne qui serait membre des deux assemblées locales disposerait formellement de deux voix. Cette articulation avec les deux assemblées locales se retrouve dans le chapitre V consacré au rôle du congrès : le congrès délibère " de toute proposition d'évolution institutionnelle, de toute proposition relative à de nouveaux transferts de compétences de l'Etat vers le département et la région concernés, ainsi que de toute modification de la répartition des compétences entre ces collectivités locales ". Le congrès est ainsi conçu comme le lieu de rencontre de deux légitimités. Il ne constitue en aucun cas une troisième assemblée qui viendrait exercer une sorte de tutelle sur les deux autres. Le nouvel article L 5912-1 du CGCT prévoit qu'il se réunit à la demande du conseil général ou du conseil régional, sur un ordre du jour déterminé à la majorité des suffrages exprimés par les membres de l'assemblée qui a demandé cette convocation. Il s'agit ainsi d'une faculté laissée à la libre appréciation des collectivités. On voit donc mal comment la mise en oeuvre des dispositions de l'article 62 pourrait entraver la libre administration des départements et régions d'outre-mer concernés, d'autant que les deux assemblées locales conservent toute leur compétence pour délibérer des propositions qui auront été évoquées dans le congrès. Ces délibérations du conseil général et du conseil régional seront transmises au Gouvernement. Ceci est destiné à lui permettre de recueillir l'avis de chaque assemblée, prise séparément, qui pourra ainsi faire valoir, si elle le juge bon, des positions que le congrès n'aurait pas retenues. Aussi la disposition prévoyant que le conseil général et le conseil régional délibèrent des propositions adoptées par le congrès doit-elle être regardée, contrairement à ce qui est soutenu, comme protectrice de la liberté de chaque assemblée locale. Quant au fait que la loi prévoit que le conseil général et le conseil régional délibèrent des propositions adoptées en congrès, on ne saurait -sauf à confondre les principes qui fondent la compétence du législateur et ceux qui en limitent l'exercice - soutenir qu'il porte une atteinte au principe de libre administration : il appartient bien au législateur de prendre de telles dispositions, dès lors qu'elles ne privent pas ce principe de toute portée (n° 83-167 DC du 19 janvier 1984 ; n° 92-316 DC du 20 janvier 1993). 2) En deuxième lieu, l'article 62 procède à une adaptation nécessaire au regard de la situation particulière de ces collectivités. Il est certes bien établi que l'article 72 de la Constitution place les départements d'outre-mer parmi les collectivités territoriales de la République et que le principe d'identité - ou d'assimilation - législative s'y applique. Toutefois, l'article 73 de la Constitution ouvre la possibilité de mesures d'adaptation, s'agissant du " régime législatif " et de " l'organisation administrative ", dès lors que ces mesures apparaissent " nécessitées par leur situation particulière ". La mise en place d'un congrès des élus départementaux et régionaux répond à ces conditions. A cet égard, il importe de rappeler le contexte dans lequel cette proposition a été élaborée. Dans les départements d'outre-mer, la coexistence sur le même territoire d'un département et d'une région constitue une difficulté entravant, par la multiplicité des interlocuteurs publics et par les imbrications de compétence, le développement économique et social de ces îles. Le rapport, évoqué plus haut, de MM. LISE et TAMAYA n'a pas proposé de mettre en oeuvre une révision constitutionnelle qui seule aurait permis, compte tenu de la jurisprudence, l'institution d'une assemblée unique. Le Gouvernement n'a pas non plus retenu cette option. Il a préféré mettre en place dans l'immédiat le mécanisme du congrès, conçu comme un dispositif qui permet de faciliter, en matière institutionnelle, les échanges entre les deux niveaux d'administrations à l'oeuvre dans le même ressort territorial. C'est pour cette raison que l'article 62 concerne les " régions qui comprennent un seul département ". Dans une région de droit commun comprenant plus d'un département, le congrès n'est pas nécessaire. MM. LISE et TAMAYA, en formulant une proposition dont le Gouvernement s'est inspiré et le Parlement, en votant l'article 62 de la loi d'orientation, ont souhaité donner, aux initiatives qui avaient pu être prises localement, un cadre législatif permettant de respecter les deux légitimités égales du conseil général et du conseil régional. Limité, comme il a été souligné plus haut, à ce qui était nécessaire, au sens de l'article 73 de la Constitution, pour institutionnaliser le dialogue entre les collectivités concernées par d'éventuelles évolutions statutaires, le congrès n'est ainsi en rien comparable à l'assemblée unique dont la création a été censurée par la décision n° 82-147 DC du 2 décembre 1982 dont se prévalent les requérants. Il demeure donc dans le cadre de l'article 73 de la Constitution. S'agissant enfin du " principe d'égalité entre les départements d'outre-mer " dont se prévaut la saisine des sénateurs, et quelle que puisse être sa portée exacte, la loi adoptée n'y porte, en tout état de cause, aucune atteinte. C'est, comme il a été dit, pour tenir compte des difficultés résultant de la coexistence de deux collectivités territoriales et de deux organes délibérants sur une même aire géographique que ce mécanisme de dialogue institutionnalisé a été conçu. Et il résulte des termes mêmes du nouvel article L 5911-1 qu'un congrès pourra être réuni dans chacun des départements d'outre-mer qui se trouve dans cette situation. 3) Enfin, la consultation des populations concernées par l'évolution statutaire, prévue par l'article 62 au terme de cette procédure, n'est pas non plus contraire à la Constitution. a) D'une part, la loi d'orientation pour l'outre-mer ne contient pas d'injonction au Gouvernement, au sens que la jurisprudence donne à cette notion. En effet, il est simplement prévu, en amont de l'éventuelle organisation d'une consultation, que le Premier ministre accuse réception des délibérations qu'il reçoit et qu'il fixe le délai dans lequel il apportera une réponse au fond. Il convient de remarquer que ces dispositions ne sont assorties d'aucune sanction. Certes, dans la décision, déjà citée, du 9 mai 1991, le Conseil constitutionnel a censuré une disposition par laquelle le législateur avait imposé au Premier ministre d'apporter, une réponse à une proposition de modification de la législation ou de la réglementation. Mais c'était, comme le souligne la décision, " dans un délai déterminé ". Or, en l'espèce, il faut relever que la loi ne prévoit rien de tel : c'est le Premier ministre lui-même qui fixe le délai dans lequel une réponse pourra être apportée. Un tel mécanisme figure d'ailleurs à l'article L. 4433-3 du code général des collectivités territoriales issu de la loi du 31 décembre 1982, concernant la transmission au Gouvernement des remarques et suggestions des conseils régionaux des régions d'outre-mer. De plus, si, dans sa décision n° 2000-428 DC du 4 mai 2000, le Conseil a également censuré une injonction, c'est au double motif qu'elle tendait à contraindre le Gouvernement à déposer un projet de loi dans un délai déterminé et qu'elle pouvait donner à penser qu'il était tenu de se conformer au contenu de l'accord soumis à consultation. Rien de tel en l'espèce, la disposition en cause ayant précisément pour objet de permettre au Gouvernement de prendre parti sur les propositions faites au niveau local, sans que celles-ci ne contraignent en aucune manière l'appréciation du pouvoir exécutif. Enfin, l'article 62 ne procède pas davantage à une injonction inconstitutionnelle en se bornant à prévoir ensuite que le Gouvernement pourra déposer un projet de loi en vue d'organiser une telle consultation, " notamment au vu des propositions " faites par le congrès ou par les conseils généraux ou régionaux. b) D'autre part, c'est à tort que le principe même de la consultation est contesté par la requête des sénateurs. On observera d'abord que celle-ci ne pourrait intervenir que dans la mesure où une loi ultérieure - qui pourra, le cas échéant, être soumise à au contrôle de constitutionnalité - en déciderait l'organisation, au vu d'un projet déterminé d'évolution statutaire sur lequel le Parlement jugerait utile de recueillir le sentiment des populations concernées. En tout état de cause, le Gouvernement entend souligner d'emblée qu'une telle consultation pour avis n'est pas contraire à la Constitution. En effet, aucune disposition de la Constitution, non plus qu'aucun principe constitutionnel, n'interdisent l'organisation d'une telle consultation et on peut considérer que le législateur reste bien dans les limites de ses attributions en organisant, dans un cadre législatif clair, la faculté pour le Gouvernement de consulter, pour avis et avec cette seule portée, les habitants d'un département ou d'une région concernés par une évolution statutaire. Il va de soi que ce type de consultation, dépourvue de tout effet juridique contraignant, ne saurait, pour cette raison, être rattaché ni à l'article 11 de la Constitution qui ne concerne que les référendums nationaux tendant à l'adoption de projets de loi, ni à son article 89 qui n'a trait qu'aux révisions constitutionnelles, ni au troisième alinéa de l'article 53 qui ne peut jouer que lorsque est en cause l'appartenance d'une collectivité à la République. Il est exact que devant le Conseil constitutionnel, saisi de la loi qui organisait une consultation à Mayotte, il était soutenu que celle-ci ne pouvait se réclamer d'aucun fondement constitutionnel. Sans prendre expressément parti sur la nécessité d'un tel fondement, la décision n° 2000-428 DC du 4 mai 2000 a relevé qu'une base constitutionnelle pouvait, pour cette collectivité, qui faisait en 1958 partie du territoire d'outre-mer des Comores, être trouvée dans le deuxième alinéa du Préambule de la Constitution de 1958 qui s'applique aux TOM. Mais contrairement à ce que suggère l'argumentation des sénateurs saisissants, aucun a contrario ne saurait être tiré de la décision du 4 mai 2000. Et à supposer qu'il faille, ici aussi, trouver un fondement constitutionnel à l'organisation d'une consultation pour avis comme celle que prévoit l'article 62 de la loi déférée, le Gouvernement considère qu'elle réside en tout état de cause, s'agissant au moins des départements et régions d'outre-mer, dans le Préambule de la Constitution de 1946, auquel renvoie celui de 1958. En effet, le seizième alinéa du Préambule de 1946 énonce que " la France forme avec les peuples d'outre-mer une Union fondée sur l'égalité des droits et des devoirs ...". Le dix-huitième alinéa ajoute que " fidèle à sa mission traditionnelle, la France entend conduire les peuples dont elle a pris la charge à la liberté de s'administrer eux-mêmes et de gérer démocratiquement leurs propres affaires ". S'il est vrai que l'article 60 de cette Constitution prévoyait que les départements d'outre-mer, tout comme d'ailleurs les territoires d'outre-mer, étaient parties intégrantes de la République, à la différence des territoires membres de l'Union, il est non moins clair que le Préambule, qui a toujours valeur constitutionnelle, entend inclure les DOM dans les " peuples d'outre-mer " dont la France a " pris la charge ", et auquel est reconnu le droit de s'administrer eux-mêmes. C'est ce que traduisait également de l'article 66 de cette Constitution, relatif à l'Assemblée de l'Union française, composée, d'une part, de représentants de la métropole et, d'autre part, de représentants des départements d'outre-mer, des territoires d'outre-mer et des Etats associés. Comme l'a relevé le professeur F. LUCHAIRE (in Le statut constitutionnel de la France d'outre-mer, Ed. Economica, 1992, p. 22) « Les départements d'outre-mer sont donc, d'après cette disposition, plus près des territoires d'outre-mer que de la métropole ». Cette relative assimilation des deux régimes se traduisait d'ailleurs par la possibilité, expressément reconnue par l'article 75 de cette Constitution, qu'un DOM devienne un TOM ou inversement, possibilité que l'actuelle Constitution ne semble pas exclure. C'est sans doute en fonction de telles considérations que la décision, déjà citée, du 9 mai 1991 souligne que la Constitution " distingue le peuple français des peuples d'outre-mer auxquels est reconnu le droit à la libre détermination ". De même peut-on relever que le Conseil constitutionnel a, dans sa décision précitée du 4 mai 2000, par un raisonnement a fortiori mis en parallèle le Préambule et l'article 53 alinéa 3 de la Constitution. Or, il est permis de penser que ce dernier texte pourrait, le cas échéant, s'appliquer aux « populations intéressées » des départements d'outre-mer. Au demeurant, dans la décision n° 75-59 DC du 30 décembre 1975 à propos de Mayotte, le Conseil a pris soin de spécifier que le terme « territoire », dans l'article 53, ne doit pas être compris comme visant nécessairement un territoire d'outre-mer, au sens de l'article 74. Il convient enfin de souligner que la décision précitée du 4 mai 2000 a jugé que les autorités compétentes de la République étaient habilitées à consulter les « populations d'outre-mer intéressées ». Ainsi l'article 62 de la loi d'orientation traduit-il le souci politique, exprimé dès l'article 1er, de tenir compte, avant d'envisager une réforme institutionnelle de ces collectivités, d'un consensus qui pourrait se dégager localement sur ses orientations fondamentales, les autorités de la République gardant leur pleine compétence, tant pour juger de l'opportunité des réformes que pour en déterminer le contenu.
Pour l'ensemble de ces motifs, le Gouvernement estime que le Conseil constitutionnel ne pourra que déclarer conformes à la Constitution les dispositions dont il est saisi.Les sénateurs soussignés demandent au Conseil constitutionnel de bien vouloir déclarer contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi d'orientation pour l'outre-mer, adoptée en dernière lecture par l'Assemblée nationale le 15 novembre 2000, et ce sur la base de l'argumentation qui suit : LES ARTICLES 1ER, 42, 43 ET 62 DE LA LOI DÉFÉRÉE DOTANT LES RÉGIONS ET DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER D'UNE ORGANISATION PARTICULIÈRE SONT CONTRAIRES A LA CONSTITUTION.

1 - L'article 1er de la loi déférée est contraire aux articles 1er et 73 de la Constitution. La loi en son article 1er énonce qu'elle « a pour objet de poursuivre, avec les départements d'outre mer et Saint-Pierre et Miquelon, la rénovation du pacte qui unit l'outre-mer à la République. A ce titre elle reconnaît à la Guadeloupe, à la Guyane, à la Martinique et à la Réunion la possibilité de disposer à l'avenir d'une organisation institutionnelle qui leur soit propre. Respectant l'attachement des Réunionnais à ce que l'organisation de leur île s'inscrive dans le droit commun, elle accorde aux assemblées locales des départements français d'Amérique la capacité de proposer des évolutions statutaires. Dans ce cadre elle pose le principe de la consultation des populations sur les évolutions qui seraient envisagées ». Ces dispositions constituent non un aménagement limité des compétences des régions et des départements d'outre-mer mais aboutissent à opérer une différenciation excessive de ceux-ci par rapport aux collectivités métropolitaines, à créer des entités territoriales, en autorisant leur organisation particulière, en contrariété avec toute jurisprudence, et en contradiction avec les articles 1er et 73 de la Constitution, nonobstant l'absence d'intelligibilité et de clarté de ces dispositions au regard de celles de l'article 62 de la loi qui autorisent la consultation pour avis des habitants des quatre départements d'outre-mer.

2 - Les articles 42 et 43 de la loi déférée sont contraires aux articles 3, 52, 53 et 53-1 de la Constitution et au principe de la souveraineté nationale. L'article 42 de la loi dispose notamment que « Dans les domaines de compétences de l'Etat, les autorités de la République peuvent délivrer pouvoir au Président du Conseil général des départements d'outre-mer pour négocier et signer des accords avec un ou plusieurs Etats ou territoires (...) ou avec des organismes régionaux ». Or cette disposition doit être regardée comme contraire à l'article 52 de la Constitution en ce qu'elle méconnaît la compétence du Chef de l'Etat en matière de négociation et de ratification des traités, nonobstant celle du Gouvernement pour approuver et signer les accords en forme simplifiée. Elle porte atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale telles que définies depuis votre décision du 9 avril 1992 (308 DC). Elle méconnaît en outre l'article 53 de la Constitution en ce qu'elle ne réserve pas la compétence du législateur, ainsi que l'article 53-1 de la Constitution Qui réserve à la République la conclusion des accords déterminant l'examen des demandes d'asile. De même, l'article 43 de la loi déférée, autorisant les conseils régionaux de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane et de la Réunion à adresser au Gouvernement des propositions en vue de la conclusion d'engagements internationaux, comme la faculté offerte aux autorités de la République de délivrer pouvoir au président de leur conseil régional respectif pour négocier et signer des accords internationaux doit être regardé comme contraire à la Constitution.

3 - L'article 62 de la loi déférée est contraire à l'alinéa 2 du préambule de la Constitution et à ses articles 1er et 72. L'article 62 découlant de l'article 1er de la loi dispose notamment que « Dans les régions qui comprennent un seul département, il est créé un congrès des élus départementaux et régionaux composé des conseillers généraux et des conseillers régionaux ». L'institution d'un Congrès doit être considérée comme contraire au principe d'égalité entre les départements d'outre-mer en portant atteinte à l'unité du régime des départements tandis que cette disposition ne saurait se justifier par la situation particulière des régions monodépartementales. Par ailleurs, ce « Congrès » formé des élus départementaux et régionaux prend les traits d'une troisième assemblée délibérante permanente et non élue, ce en contradiction avec le principe de libre administration des collectivités locales posé par l'article 72 de la Constitution. Ses avis portent « sur toute proposition d'évolution institutionnelle, de toute proposition relative à de nouveaux transferts de compétences de l'Etat vers le département et la région concernés, ainsi que de toute modification de la répartition des compétences entre ces collectivités locales ». De même ces propositions sont de façon obligatoire, discutées par le conseil général et le conseil régional, ce en contradiction avec l'article 72 de la Constitution. Enfin, la consultation de la population prévue à l'article 62 décidée par le Gouvernement « au vu des propositions mentionnées à l'article L. 5915-1 et des délibérations adoptées dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 5915-3, déposer un projet de loi organisant une consultation pour recueillir l'avis de la population du département concerné sur les matières mentionnées à l'article L. 5915-1 » y compris, par conséquent, sur « l'évolution institutionnelle », ne saurait regarder que les territoires d'outre-mer auxquels la Constitution dans son article 1er reconnaît, et à eux seuls, le droit à la libre détermination. L'ensemble des dispositions précitées dépasse le cadre d'une simple adaptation du statut des départements d'outre-mer, mais s'apparentent à une « organisation particulière », réservée en vertu de l'article 74 de la Constitution aux seuls territoires d'outre-mer mentionnés au 2ème alinéa du préambule de la Constitution de 1958 et doivent être regardées comme contraires à la Constitution (147 DC).

En conséquence, sur la base des arguments présentés, les sénateurs requérants demandent que les articles 1er, 42, 43, 62 de la loi déférée soient déclarés contraires à la Constitution.Les députés soussignés ont l'honneur de déférer au Conseil constitutionnel la loi d'orientation pour l'outre-mer, définitivement adoptée par l'Assemblée nationale le 15 novembre 2000, afin qu'il plaise au Conseil de décider que cette loi n'est pas conforme à la Constitution pour les motifs développés ci-dessous.

Sur l'article 1er L'article 1er de la loi déférée " accorde aux assemblées locales des départements français d'Amérique la capacité de proposer des évolutions statutaires " après leur avoir reconnu " la possibilité de disposer à l'avenir d'une organisation institutionnelle qui leur soit propre ". " Dans ce cadre ", la loi " pose le principe de la consultation des populations sur les évolutions qui seraient envisagées ". A - Une méconnaissance de la compétence réservée au législateur Cette disposition donne clairement à penser que les autorités nationales seront tenues pour la consultation de se conformer au contenu des propositions. Ainsi, elle retire au Parlement l'exercice de compétences qui lui appartiennent en vertu de l'article 34 de la Constitution. En effet, il revient aux autorités de la République, et plus précisément au législateur, en vertu du deuxième aliéna du Préambule de la Constitution de 1958 et de l'article 72 de la même Constitution, de consulter les populations d'outre-mer intéressées sur l'évolution statutaire de leur collectivité territoriale à l'intérieur de la République. A ce sujet, le Conseil constitutionnel a précisé, dans sa décision 2000-428 DC du 4 mai 2000, que " les autorités compétentes sont (...) libres de définir l'objet de cette consultation ". Ainsi, l'article 1er de la loi méconnaît la compétence réservée au législateur, quand bien même ce dernier ne saurait être lié par le résultat de la consultation. B - Une injonction inconstitutionnelle au Gouvernement En posant le principe de la consultation des populations sur les évolutions envisagées, l'article 1er impose au Gouvernement de présenter au Parlement un projet de loi organisant la consultation pour chaque proposition d'évolution statutaire présentée par les assemblées locales des départements français d'Amérique. Cette disposition constitue donc une injonction au Gouvernement qui ne trouve de base juridique dans aucune disposition de la Constitution. Elle doit, par conséquent, être déclarée non conforme à la Constitution, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel (décisions 89-269 DC du 22 janvier 1990, 2000-428 DC du 4 mai 2000).

Sur les articles 42 et 43 L'article L.3441-3 du Code général des collectivités territoriales, tel qu'il résulte de l'article 42 de la loi déférée, prévoit notamment que dans " les domaines de compétence de l'Etat, les autorités de la République peuvent délivrer pouvoir au président du conseil général des départements d'outre-mer pour négocier et signer des accords avec un ou plusieurs Etats ou territoires (...) ou avec des organismes régionaux... ". L'article L.4433-4-2 du Code général des collectivités locales, issu de l'article 43 de la loi déférée, prévoit les mêmes dispositions au profit du président du conseil régional de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane et de La Réunion. Ces dispositions sont contraires à l'article 52 de la Constitution qui confie au seul Président de la République le pouvoir de " négocier et ratifier " les traités, le pouvoir de négociation englobant nécessairement ici la compétence pour signer. Elles méconnaissent également la compétence du Gouvernement pour approuver et signer les accords en forme simplifiée. La compétence pour conclure des engagements internationaux est une compétence étatique. Elle ne peut être exercée par d'autres autorités que les organes du pouvoir exécutif qui ont la charge de la conduite des relations internationales et de la " sauvegarde des intérêts nationaux " (82-137 DC du 25 février 1982, cons. 4). Le principe de libre administration des collectivités territoriales ne saurait autoriser qu'il soit porté atteinte aux prérogatives constitutionnelles de l'Etat. Par ailleurs, cette disposition entend contourner l'interdiction faite aux collectivités territoriales de passer des conventions avec des Etats étrangers en vertu de l'article L. 133-2 de la loi du 6 février 1992. Elle est ainsi de nature à porter atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel (94-358 DC du 26 janvier 1995, cons. n° 52). En outre, l'article L.3441-4 du CGCT, issu de l'article 42 de la loi soumet à autorisation du Conseil général la signature des engagements internationaux intervenus dans le domaine de compétence du département et négociés par le Président du Conseil général. L'article L.4433-4-3 du CGCT, issu de l'article 43 de la loi prévoit un dispositif similaire pour le Conseil régional. Ces deux dispositions méconnaissent également l'article 52 de la Constitution. Les articles 42 et 43 de la loi déférée doivent dès lors être déclaré non conforme à la Constitution.

Sur l'article 62 A - Une violation de l'article 73 de la Constitution Dans le cadre du titre VII de la loi relatif à la démocratie locale et à l'évolution des départements d'outre-mer , l'article 62 prévoit la création d'un congrès des membres du conseil général et du conseil régional ainsi que des députés et des sénateurs élus dans le département. Cette institution, dont la nature juridique est indéterminée, participe au fonctionnement du conseil général et plus précisément à la détermination de son ordre du jour. En effet, l'assemblée départementale doit délibérer sur les propositions émises par le congrès. Ce dispositif d'évolution de certains départements d'outre-mer va au-delà des mesures d'adaptation autorisées par la Constitution pour tenir compte de leur situation particulière (à l'instar de ce qui a été jugé dans la décision 82-147 DC du 2 décembre 1982). L'article 62 s'écarte substantiellement des règles de droit commun applicables au fonctionnement des conseils généraux et méconnaît en conséquence les prescriptions de l'article 73 de la Constitution. B - Une atteinte au principe de libre administration des collectivités locales L'article L.5915-3 du Code général des collectivités territoriales, tel qu'il résulte de l'article 62 de la loi déférée, dispose que " le conseil général et le conseil régional délibèrent sur les propositions du congrès ". Cette disposition est manifestement contraire au principe de libre administration des collectivités locales tel qu'il est consacré par l'article 72 de la Constitution. En effet, en obligeant les conseils du département et de la région concernés à délibérer sur les propositions du congrès, elle conditionne l'ordre du jour des assemblées délibérantes de ces collectivités et porte ainsi une atteinte à la libre administration des collectivités territoriales d'autant plus grave qu'elle a pour source une instance non élue qui se superpose aux organes délibérants existants. C - Une injonction inconstitutionnelle au Gouvernement L'article 62 (art. L. 5915-3 al. 2 et 3) prévoit que " les délibérations adoptées par le conseil général et le conseil régional sont transmises au Premier ministre par le président de l'assemblée concernée. Le Premier ministre en accuse réception dans les quinze jours et fixe le délai dans lequel il apportera une réponse ". Cette disposition constitue une injonction au Gouvernement et doit, à ce titre, être déclarée contraire à la Constitution, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. En effet, il a déjà été jugé que " le législateur ne saurait, sans excéder la limite de ses pouvoirs, enjoindre au Premier ministre de donner une réponse (...) à une proposition de modification de la législation ou de la réglementation, émanant de l'organe délibérant d'une collectivité territoriale " (décision 91-290 DC du 9 mai 1991, cons. 50). D - Méconnaissance des principes constitutionnels de clarté, de lisibilité et de cohérence interne de la loi. L'article 62 de la loi autorise la consultation pour avis des habitants des quatre départements d'outre-mer, ce qui est en contradiction avec l'article 1er, qui ne l'autorise que pour les départements d'amérique.

Pour l'ensemble de ces motifs, les députés soussignés demandent au Conseil constitutionnel de déclarer les articles 1er, 42, 43 et 62 de la loi d'orientation pour l'Outre-mer non conformes à la Constitution.


Références :

DC du 07 décembre 2000 sur le site internet du Conseil constitutionnel
DC du 07 décembre 2000 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : Loi d'orientation pour l'outre-mer (Nature : Loi ordinaire, Loi organique, Traité ou Réglement des Assemblées)


Publications
Proposition de citation: Cons. Const., décision n°2000-435 DC du 07 décembre 2000

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Origine de la décision
Date de la décision : 07/12/2000
Date de l'import : 23/03/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro de décision : 2000-435
Numéro NOR : CONSTEXT000017664407 ?
Numéro NOR : CSCL0004544S ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.constitutionnel;dc;2000-12-07;2000.435 ?
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