La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/12/2004 | FRANCE | N°2004-3380

France | France, Conseil constitutionnel, 02 décembre 2004, 2004-3380


LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la requête présentée par M. Pierre ASTOR, demeurant à Retournac (Haute-Loire), enregistrée le 7 juillet 2004 à la préfecture du département de la Haute-Loire et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 27 juin et 4 juillet 2004 dans la 1ère circonscription du département de la Haute-Loire pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;
Vu les observations du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, enregistrées le 9 septembre 2004 au secrét

ariat général du Conseil constitutionnel ;
Vu les nouveaux mémoires présentés par M. ...

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la requête présentée par M. Pierre ASTOR, demeurant à Retournac (Haute-Loire), enregistrée le 7 juillet 2004 à la préfecture du département de la Haute-Loire et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 27 juin et 4 juillet 2004 dans la 1ère circonscription du département de la Haute-Loire pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;
Vu les observations du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, enregistrées le 9 septembre 2004 au secrétariat général du Conseil constitutionnel ;
Vu les nouveaux mémoires présentés par M. ASTOR, enregistrés comme ci-dessus les 20 septembre, 15 novembre et 22 novembre 2004 ;
Vu la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, en date du 28 octobre 2004, approuvant le compte de campagne de M. Laurent WAUQUIEZ ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu la Constitution, notamment son article 59 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code électoral ;
Vu le décret n° 78-21 du 9 janvier 1978 modifié fixant les conditions de participation à la campagne radiodiffusée et télévisée pour les élections législatives des partis et groupements définis au paragraphe III de l'article L. 167-1 du code électoral ;
Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
Le rapporteur ayant été entendu ;

SUR LES GRIEFS RELATIFS AU COMPTE DE CAMPAGNE DE M. WAUQUIEZ :
1. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral : « Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués » ; qu'aux termes de l'article L. 52-12 du même code : « Chaque candidat... soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors celles de la campagne officielle, par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4. Sont réputées faites pour son compte les dépenses exposées directement au profit du candidat et avec l'accord de celui-ci, par des personnes physiques qui lui apportent leur soutien, ainsi que par les partis et groupements politiques qui ont été créés en vue de lui apporter leur soutien ou qui lui apportent leur soutien. Le candidat estime et inclut, en recettes et en dépenses, les avantages directs ou indirects, les prestations de services et dons en nature dont il a bénéficié... » ;
2. Considérant que, par la décision susvisée du 28 octobre 2004, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a approuvé le compte de campagne de M. WAUQUIEZ arrêté à un montant de 57 517 euros ; que ce montant n'excède pas le plafond des dépenses électorales tel qu'il résulte de l'article L. 52-11 du code électoral et qui s'élève pour la circonscription à 61 347 euros ;
3. Considérant, en premier lieu, que le coût de la diffusion le 24 juin 2004 d'un reportage par la station régionale de la chaîne de télévision France 3, de la publication par le quotidien « L'Eveil » dans son édition du 25 juin 2004 d'un article relatant la campagne électorale des candidats, du compte rendu par la presse locale de plusieurs manifestations sportives, culturelles ou professionnelles auxquelles participait le candidat élu, ou de la distribution du premier numéro de la brochure éditée par le comité départemental du tourisme dont le président est le suppléant de M. WAUQUIEZ ne peut être regardé, en l'espèce, comme constituant une dépense exposée directement au profit de M. WAUQUIEZ, avec son accord et en vue de son élection ; que, dès lors, les sommes correspondantes n'avaient pas à figurer dans son compte de campagne ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que, si M. ASTOR allègue que certaines dépenses auraient été omises, il lui incombe d'apporter tous éléments établissant la réalité d'une telle omission, dès lors que celle-ci n'a pas été relevée par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et qu'elle ne résulte pas de l'instruction ;
5. Considérant, d'une part, que la circonstance que le député sortant aurait disposé de la copie de la liste électorale sur support informatique de la totalité des communes comprises dans la circonscription et d'une base de données comprenant le nom de tous les élus aux conseils municipaux de ces communes n'établit pas, par elle-même, que M. WAUQUIEZ aurait fait usage de la totalité de ces données ; qu'il ressort des pièces justificatives produites par le candidat élu qu'il a acquitté des dépenses pour obtenir de telles données auprès de certaines communes ; que le requérant n'établit pas, par les arguments qu'il invoque et les seuls éléments qu'il produit, que ces dépenses auraient été sous-évaluées ou que certaines dépenses à ce titre auraient été omises ;
6. Considérant, d'autre part, que, contrairement à ce qui est soutenu, M. WAUQUIEZ a intégré dans son compte le coût de la lettre de soutien adressée par le député sortant aux électeurs et aux élus de la circonscription ;
7. Considérant, en outre, qu'il ne résulte ni de l'instruction, ni des éléments fournis par le requérant, que des dépenses de papeterie ou d'impression de cartons d'invitation à des réunions électorales ou des frais de réception auraient été omises ou que M. WAUQUIEZ aurait bénéficié, dans diverses communes, d'autres locaux que ceux pour la disposition desquels des dépenses ont été portées au compte de campagne ;
8. Considérant qu'il n'est pas davantage établi que le candidat élu ait bénéficié, pour sa campagne électorale, de la ligne téléphonique utilisée pour les besoins de ses permanences par le député sortant, par ailleurs président du conseil général ; que, dès lors, ni le coût de cette ligne, ni le montant de la rémunération de l'agent du département répondant aux appels téléphoniques à ce numéro, n'avaient à figurer parmi les dépenses du compte ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que d'autres dépenses téléphoniques auraient été omises ;
9. Considérant, en outre, qu'il n'est pas établi qu'en retenant à hauteur de 55 % et non de 100 % le montant des rémunérations des anciens collaborateurs du député sortant à raison de leur participation à sa campagne électorale, M. WAUQUIEZ aurait insuffisamment pris en compte les dépenses exposées à ce titre ;
10. Considérant, en troisième lieu, que le coût de l'affichette apposée sur les emplacements prévus à l'article L. 51 du code électoral et de l'insertion dans la presse de l'article mentionnant l'adresse du site internet créé par M. WAUQUIEZ n'a pas été intégré au compte de campagne alors qu'il s'agit dedépenses exposées directement à son profit et avec son accord, au sens de l'article L. 52-12 du code électoral ; que, toutefois, alors que le montant des dépenses déclarées par l'intéressé est inférieur de 3 830 euros au plafond des dépenses électorales déterminé conformément aux dispositions de l'article L. 52-11 du code électoral, il ne résulte pas de l'instruction que cette réintégration entraînerait un dépassement de ce plafond ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. ASTOR n'est pas fondé à demander que le compte de campagne soit rejeté et que M. WAUQUIEZ soit déclaré inéligible ;
- SUR LES GRIEFS RELATIFS A LA CAMPAGNE ÉLECTORALE ET AU DÉROULEMENT DU SCRUTIN :
12. Considérant, en premier lieu, que, pour regrettable qu'elle soit, l'apposition, sur les emplacements prévus à l'article L. 51 du code électoral et après le jeudi précédant le premier tour de scrutin, d'affiches faisant état du soutien au candidat élu du député sortant, dont il était d'ailleurs le suppléant, et de la « majorité départementale » n'a pas, en l'espèce, constitué une manoeuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin ;
13. Considérant, en deuxième lieu, que M. ASTOR n'apporte pas d'éléments de nature à établir que des affiches au nom du candidat élu et de son suppléant auraient été apposées sur les panneaux réservés aux élections européennes ;
14. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions de l'article L. 167-1 du code électoral relatives à l'utilisation par les partis et les groupements des antennes du service public de radiodiffusion et de télévision ne concernent que la campagne en vue des élections législatives générales et sont sans application pour une élection législative partielle ; que, dès lors, M. ASTOR ne peut utilement soutenir que la commission prévue par le décret du 9 janvier 1978 pris pour l'application de ces dispositions n'a pas été instituée ; que, par ailleurs, si le requérant soutient qu'un reportage diffusé le 24 juin 2004 par la station régionale de la chaîne de télévision France 3 révèle une inégalité de traitement entre les candidats présents au premier tour, il ne résulte pas de l'instruction que cette diffusion puisse être regardée comme ayant constitué un traitement discriminatoire de nature à l'avoir privé de la possibilité de se présenter au second tour et, par suite, à avoir faussé les résultats du scrutin ;
15. Considérant, en quatrième lieu, que la presse écrite est libre de rendre compte, comme elle l'entend, d'une campagne électorale ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'article publié par le quotidien « L'Eveil », dans son édition du 25 juin 2004, a relaté la campagne de plusieurs candidats et mentionnait, notamment, la tenue d'une réunion publique par le requérant ; que, si la presse locale a rendu compte de plusieurs manifestations sportives, culturelles ou professionnelles auxquelles participait le candidat élu, cette circonstance ne caractérise pas par elle-même un abus de propagande en faveur de ce candidat ; qu'enfin, il n'est établi ni que seul le site internet créé par M. WAUQUIEZ aurait bénéficié d'une annonce dans le quotidien précité, ni que les autres candidats n'auraient pu obtenir, pour leurs propres sites, la diffusion d'une telle information ;
16. Considérant, en cinquième lieu, qu'eu égard au contenu du premier numéro daté d'avril 2004 de la revue éditée par le comité départemental du tourisme et à l'écart des voix entre les candidats, la distribution au mois de juin 2004 de ce numéro, à supposer même qu'elle ait été tardive, n'a pu altérer la sincérité du scrutin ;
17. Considérant, en sixième lieu, que l'envoi aux électeurs et aux élus de la circonscription par le député sortant d'une lettre en date du 10 mai 2004 de soutien à la candidature de M. WAUQUIEZ n'a pas eu, en l'espèce, eu égard à son contenu, le caractère d'une pression de nature à avoir modifié les résultats du premier tour de l'élection ;
18. Considérant, en septième lieu, que, si le requérant soutient qu'il ne pouvait être répondu au tract distribué dans la commune de Puy-en-Velay la veille du second tour de scrutin, il résulte de l'instruction que ce tract ne contenait aucun élément excédant les limites de la polémique électorale et qu'il n'apportait aucun élément nouveau dans le débat électoral ; que, par suite, et à la supposer établie, sa distribution, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 165 du code électoral, n'a pas eu d'influence sur le résultat de l'élection ;
19. Considérant, enfin, qu'aucune disposition législative ou réglementaire applicable à l'élection des députés ne s'oppose à ce qu'un candidat mentionne sur la profession de foi et sur ses bulletins de vote le soutien de la « majorité départementale » ;
20. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de procéder aux mesures d'instruction demandées par le requérant, que la requête de M. ASTOR doit être rejetée,

Décide :

Article premier.- La requête de M. Pierre ASTOR est rejetée.
Article 2.- La présente décision sera notifiée au président de l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 2 décembre 2004, où siégeaient : M. Pierre MAZEAUD, Président, MM. Jean-Claude COLLIARD et Olivier DUTHEILLET de LAMOTHE, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Pierre JOXE et Jean-Louis PEZANT, Mme Dominique SCHNAPPER, M. Pierre STEINMETZ et Mme Simone VEIL.


A.N., Haute-Loire (1ère circ.)
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Élections à l'Assemblée nationale

Références :

AN du 02 décembre 2004 sur le site internet du Conseil constitutionnel
AN du 02 décembre 2004 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : Élection à l'Assemblée nationale (type)


Publications
Proposition de citation: Cons. Const., décision n°2004-3380 AN du 02 décembre 2004

RTFTélécharger au format RTF
Origine de la décision
Date de la décision : 02/12/2004
Date de l'import : 02/11/2017

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro de décision : 2004-3380
Numéro NOR : CONSTEXT000017664790 ?
Numéro NOR : CSCX0407826S ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.constitutionnel;an;2004-12-02;2004.3380 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award