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23/09/2011 | FRANCE | N°2011-170

France | France, Conseil constitutionnel, 23 septembre 2011, 2011-170


Le Conseil constitutionnel a été saisi le 30 juin 2011 par la Cour de cassation (deuxième chambre civile, arrêt du 30 juin 2011, n° 1473) d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Odile B., épouse P., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 643-5 du code de la sécurité sociale.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code de la sécurité sociale ; >
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionn...

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 30 juin 2011 par la Cour de cassation (deuxième chambre civile, arrêt du 30 juin 2011, n° 1473) d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Odile B., épouse P., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 643-5 du code de la sécurité sociale.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Vu les observations produites pour la requérante par la SCP Yves Richard, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 20 juillet 2011 ;

Vu les observations produites pour la Caisse Autonome de Retraite des médecins de France par Maître Dominique Foussard, enregistrées le 22 juillet 2011 ;

Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 22 juillet 2011 ;

Vu les pièces produites et jointes au dossier ;

Me Richard pour la requérante, Me Foussard en représentation de la Caisse Autonome de Retraite des médecins de France et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 13 septembre 2011 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 643-5 du code de la sécurité sociale : « L'inaptitude au travail s'apprécie en déterminant si, à la date de la demande ou à une date postérieure, le requérant, compte tenu de son âge, de son état de santé, de ses capacités physiques et mentales, de ses aptitudes ou de sa formation professionnelle, n'est plus en mesure d'exercer ou de participer en qualité de conjoint collaborateur à une activité professionnelle » ;

2. Considérant que, selon la requérante, en conditionnant, pour les membres des professions libérales, l'ouverture des droits à la retraite pour inaptitude au travail au constat d'une inaptitude totale alors que, pour les salariés et assimilés ainsi que les membres des professions artisanales, industrielles et commerciales, ce droit est ouvert dès lors que l'inaptitude atteint un taux fixé par décret, ces dispositions méconnaissent le principe de solidarité et le principe d'égalité devant la loi ;

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes du onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, confirmé par celui de la Constitution du 4 octobre 1958, la Nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence » ;

4. Considérant que l'exigence constitutionnelle résultant des dispositions précitées implique la mise en oeuvre d'une politique de solidarité nationale en faveur des travailleurs retraités ; qu'il appartient au législateur, pour satisfaire à cette exigence, de choisir les modalités concrètes qui lui paraissent appropriées ; qu'en particulier, il lui est à tout moment loisible, statuant dans le domaine qui lui est réservé par l'article 34 de la Constitution, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions ; qu'il ne lui est pas moins loisible d'adopter, pour la réalisation ou la conciliation d'objectifs de nature constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité et qui peuvent comporter la modification ou la suppression de dispositions qu'il estime excessives ou inutiles ; que, cependant, l'exercice de ce pouvoir ne saurait aboutir à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ;

5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;

6. Considérant, en premier lieu, qu'en instaurant un régime de retraite anticipée pour les professionnels libéraux reconnus inaptes au travail, le législateur a mis en œuvre, sans les méconnaître, les exigences constitutionnelles précitées du onzième alinéa du Préambule de 1946 ;

7. Considérant, en second lieu, que les professionnels libéraux bénéficient d'un régime autonome de retraite ; que l'article L. 643-5 du code de la sécurité sociale, applicable à ce régime, retient une définition de l'inaptitude au travail analogue à celle figurant à l'article L. 351-7 du même code, applicable au régime général d'assurance vieillesse ; que le fait que, contrairement à cet article L. 351-7, les dispositions contestées ne renvoient pas à un décret en Conseil d'État le soin de fixer le taux de l'inaptitude ne crée pas, en lui-même, une différence de traitement contraire au principe d'égalité devant la loi ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 6 de la Déclaration de 1789 doit être écarté ;

8. Considérant que l'article L. 643-5 du code de la sécurité sociale n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,

DÉCIDE :

Article 1er.- L'article L. 643-5 du code de la sécurité sociale est conforme à la Constitution.

Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 septembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Rendu public le 23 septembre 2011.


Synthèse
Numéro de décision : 2011-170
Date de la décision : 23/09/2011
Mme Odile B. épouse P. [Inaptitude au travail et principe d'égalité]
Sens de l'arrêt : Conformité
Type d'affaire : Question prioritaire de constitutionnalité

Références :

QPC du 23 septembre 2011 sur le site internet du Conseil constitutionnel
QPC du 23 septembre 2011 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : Disposition législative (type)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°2011-170 QPC du 23 septembre 2011
Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:2011:2011.170.QPC
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