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13/07/2012 | FRANCE | N°2012-264

France | France, Conseil constitutionnel, 13 juillet 2012, 2012-264


Le Conseil constitutionnel a été saisi le 23 mai 2012 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 648 du 23 mai 2012), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Saïd K., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 21 2 du code civil, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2003 1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, et de l'article 26-4 du même

code, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2006-911 du 24 juillet ...

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 23 mai 2012 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 648 du 23 mai 2012), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Saïd K., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 21 2 du code civil, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2003 1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, et de l'article 26-4 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code civil ;

Vu la loi n° 98-170 du 16 mars 1998 relative à la nationalité ;

Vu la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité ;

Vu la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration ;

Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2012-227 QPC du 30 mars 2012 ;

Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Vu les observations produites pour le requérant par Me Thomas Haas, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 14 juin 2012 ;

Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 14 juin 2012 ;

Vu les pièces produites et jointes au dossier ;

Me Haas, pour le requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 10 juillet 2012 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 21-2 du code civil, dans sa rédaction résultant de la loi du 26 novembre 2003 susvisée : « L'étranger ou apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de deux ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux et que le conjoint français ait conservé sa nationalité. Le conjoint doit en outre justifier d'une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française.

« Le délai de communauté de vie est porté à trois ans lorsque l'étranger, au moment de sa déclaration, ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue pendant au moins un an en France à compter du mariage ;

« La déclaration est faite dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants. Par dérogation aux dispositions de l'article 26-1, elle est enregistrée par le ministre chargé des naturalisations » ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 26-4 du code civil, dans sa rédaction résultant de la loi du 24 juillet 2006 susvisée : « À défaut de refus d'enregistrement dans les délais légaux, copie de la déclaration est remise au déclarant revêtue de la mention de l'enregistrement.

« Dans le délai de deux ans suivant la date à laquelle il a été effectué, l'enregistrement peut être contesté par le ministère public si les conditions légales ne sont pas satisfaites.

« L'enregistrement peut encore être contesté par le ministère public en cas de mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans à compter de leur découverte. La cessation de la communauté de vie entre les époux dans les douze mois suivant l'enregistrement de la déclaration prévue à l'article 21-2 constitue une présomption de fraude » ;

3. Considérant que, selon le requérant, si le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution l'article 21-2 du code civil, dans sa rédaction résultant de la loi du 16 mars 1998 susvisée, ainsi que l'article 26 4 du même code, dans sa rédaction identique à celle qui fait l'objet de la présente question prioritaire de constitutionnalité, la modification des conditions d'acquisition de la nationalité par mariage opérée par la loi du 26 novembre 2003 susvisée a conféré aux dispositions contestées une portée qui méconnaît le droit au respect de la vie privée et familiale des époux ;

- SUR L'ARTICLE 21-2 DU CODE CIVIL :

4. Considérant que l'article 21-1 du code civil dispose : « Le mariage n'exerce de plein droit aucun effet sur la nationalité » ; que, toutefois, l'article 21-2 fixe les conditions dans lesquelles le conjoint étranger d'une personne de nationalité française peut acquérir la nationalité par une déclaration ; que, par sa décision du 30 mars 2012 susvisée, le Conseil constitutionnel a jugé que l'article 21-2 du code civil, dans sa rédaction résultant de la loi du 16 mars 1998, est conforme à la Constitution ; que la présente question prioritaire de constitutionnalité porte sur cet article tel que modifié par l'article 65 de la loi du 26 novembre 2003 ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression » ; que la liberté proclamée par cet article implique le respect de la vie privée ; que cette liberté ne restreint pas la compétence que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution pour fixer les règles concernant la nationalité dès lors que, dans l'exercice de cette compétence, il ne prive pas de garanties légales des exigences constitutionnelles ;

6. Considérant que, comme le Conseil constitutionnel l'a jugé dans sa décision du 30 mars 2012, ni le respect de la vie privée ni aucune autre exigence constitutionnelle n'impose que le conjoint d'une personne de nationalité française puisse acquérir la nationalité française à ce titre ; que, par suite, en fixant à deux ans la durée de mariage sans cessation de la communauté de vie nécessaire pour que le conjoint d'un Français puisse obtenir la nationalité française à raison du mariage, en instituant un délai de trois ans lorsque l'étranger ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue pendant au moins un an en France à compter du mariage, en supprimant la dérogation à ces conditions de délai prévue en cas de naissance d'un enfant, en précisant le contenu de l'obligation de vie commune au sens de l'article 215 du code civil et en exigeant que le conjoint étranger justifie d'une connaissance suffisante de la langue française, l'article 21-2 du code civil, dans sa rédaction résultant de la loi du 26 novembre 2003, qui n'empêche pas l'étranger de vivre dans les liens du mariage avec un ressortissant français et de constituer avec lui une famille, ne porte, par lui-même, atteinte ni au droit au respect de la vie privée ni au droit de mener une vie familiale normale ;

7. Considérant que l'article 21-2 du code civil ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'il doit être déclaré conforme à la Constitution ;

- SUR L'ARTICLE 26-4 DU CODE CIVIL :

8. Considérant que l'article 26-4 du code civil oblige l'administration à constater l'enregistrement de la déclaration aux fins d'acquisition de la nationalité française si elle ne la refuse pas dans un certain délai ; qu'il permet au ministère public de contester cette déclaration dans le délai de deux ans à compter de l'enregistrement ou, en cas de mensonge ou de fraude, à compter de leur découverte ; que ce même article institue une présomption de fraude en cas de cessation de la communauté de vie entre les époux dans les douze mois suivant l'enregistrement de la déclaration ;

9. Considérant que, dans sa décision précitée du 30 mars 2012, le Conseil constitutionnel a jugé cet article conforme à la Constitution, sous une réserve formulée au considérant 14 de cette décision ; que, si la loi du 26 novembre 2003 a porté de un an à, selon les cas, deux ou trois ans la durée de vie commune nécessaire pour que le conjoint d'une personne de nationalité française acquière la nationalité française par déclaration, la nouvelle rédaction ainsi conférée à l'article 21 2 du code civil n'a d'incidence ni sur l'obligation faite à l'administration, à défaut de refus d'enregistrement dans les délais légaux, de constater l'acquisition de la nationalité, ni sur les délais dans lesquels le ministère public peut contester la légalité de cet enregistrement, ni enfin sur la période de douze mois suivant la déclaration pendant laquelle la cessation de la vie commune constitue une présomption de fraude affectant la validité de la déclaration ; qu'en conséquence, ces modifications de l'article 21-2 du code civil résultant de la loi du 26 novembre 2003 ne sont pas de nature à modifier l'appréciation de la conformité de l'article 26-4 du même code aux droits et libertés que la Constitution garantit ; que, par suite, sous la même réserve, l'article 26-4 du code civil doit être déclaré conforme à la Constitution,

D É C I D E :

Article 1er.- L'article 21-2 du code civil, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2003-1119 du 20 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité est conforme à la Constitution.

Article 2.- Sous la réserve rappelée au considérant 9, l'article 26-4 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, est conforme à la Constitution.

Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 juillet 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Rendu public le 13 juillet 2012.


Synthèse
Numéro de décision : 2012-264
Date de la décision : 13/07/2012
M. Saïd K. [Conditions de contestation par le procureur de la République de l'acquisition de la nationalité par mariage II]
Sens de l'arrêt : Conformité - réserve
Type d'affaire : Question prioritaire de constitutionnalité

Références :

QPC du 13 juillet 2012 sur le site internet du Conseil constitutionnel
QPC du 13 juillet 2012 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : Disposition législative (type)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°2012-264 QPC du 13 juillet 2012
Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:2012:2012.264.QPC
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