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06/08/2014 | FRANCE | N°2014-699

France | France, Conseil constitutionnel, 06 août 2014, 2014-699


Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi de finances rectificative pour 2014, le 24 juillet 2014, par MM. Christian JACOB, Yves ALBARELLO, Julien AUBERT, Olivier AUDIBERT-TROIN, Sylvain BERRIOS, Étienne BLANC, Mme Valérie BOYER, MM. Dominique BUSSEREAU, Jérôme CHARTIER, Luc CHATEL, Guillaume CHEVROLLIER, Alain CHRÉTIEN, Dino CINIERI, Mme Marie-Christine DALLOZ, MM. Lucien DEGAUCHY, Rémi DELATTE, Jean-Pierre DOOR, Mmes Marianne DUBOIS, Virginie DUBY-MULLER, MM. Daniel FASQUELLE, Georges FENECH,

Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FOULON, Claude de GANAY, S...

Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi de finances rectificative pour 2014, le 24 juillet 2014, par MM. Christian JACOB, Yves ALBARELLO, Julien AUBERT, Olivier AUDIBERT-TROIN, Sylvain BERRIOS, Étienne BLANC, Mme Valérie BOYER, MM. Dominique BUSSEREAU, Jérôme CHARTIER, Luc CHATEL, Guillaume CHEVROLLIER, Alain CHRÉTIEN, Dino CINIERI, Mme Marie-Christine DALLOZ, MM. Lucien DEGAUCHY, Rémi DELATTE, Jean-Pierre DOOR, Mmes Marianne DUBOIS, Virginie DUBY-MULLER, MM. Daniel FASQUELLE, Georges FENECH, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FOULON, Claude de GANAY, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Hervé GAYMARD, Mme Annie GENEVARD, MM. Guy GEOFFROY, Bernard GÉRARD, Alain GEST, Daniel GIBBES, Georges GINESTA, Claude GOASGUEN, Philippe GOSSELIN, Mmes Claude GREFF, Anne GROMMERCH, MM. Serge GROUARD, Jean-Claude GUIBAL, Patrick HETZEL, Denis JACQUAT, Christian KERT, Marc LAFFINEUR, Jean-François LAMOUR, Mme Isabelle LE CALLENNEC, MM. Marc LE FUR, Pierre LELLOUCHE, Jean LEONETTI, Pierre LEQUILLER, Céleste LETT, Mmes Geneviève LEVY, Véronique LOUWAGIE, MM. Hervé MARITON, Olivier MARLEIX, Philippe MEUNIER, Jean-Claude MIGNON, Yannick MOREAU, Pierre MOREL-A-L'HUISSIER, Mme Dominique NACHURY, M. Patrick OLLIER, Mme Valérie PÉCRESSE, MM. Bernard PERRUT, Edouard PHILIPPE, Jean-Frédéric POISSON, Didier QUENTIN, Frédéric REISS, Franck RIESTER, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Martial SADDIER, François SCELLIER, Jean-Marie SERMIER, Thierry SOLÈRE, Claude STURNI, Lionel TARDY, Jean-Charles TAUGOURDEAU, Jean-Marie TETART, Patrice VERCHÈRE, Philippe VITEL, Éric WOERTH, Mme Marie-Jo ZIMMERMANN, MM. Charles de COURSON, Jean-Christophe LAGARDE et Philippe VIGIER, députés.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001 ;

Vu le code de l'artisanat ;

Vu le code général des impôts ;

Vu la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 ;

Vu l'avis du Haut conseil des finances publiques n° 2014-03 du 5 juin 2014 relatif aux projets de lois de finances rectificative et de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 ;

Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 31 juillet 2014 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi de finances rectificative pour 2014 ; qu'ils en contestent la sincérité ; qu'ils mettent également en cause la conformité à la Constitution de son article 9 ;

- SUR LA SINCÉRITÉ DE LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE :

2. Considérant que les requérants soutiennent que la loi de finances rectificative pour 2014 est insincère compte tenu de l'avis du Haut conseil des finances publiques ; qu'ils font également valoir que les modifications apportées à l'article liminaire lors de son examen en première lecture à l'Assemblée nationale ont eu pour effet de fausser les hypothèses macroéconomiques sur lesquelles reposaient les articles de la loi, de sorte que la sincérité des débats qui se sont déroulés au Sénat en première lecture a été affectée ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 32 de la loi organique du 1er août 2001 susvisée : « Les lois de finances présentent de façon sincère l'ensemble des ressources et des charges de l'Etat. Leur sincérité s'apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler » ; qu'il en résulte que la sincérité de la loi de finances rectificative se caractérise par l'absence d'intention de fausser les grandes lignes de l'équilibre qu'elle détermine ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort ni de l'avis du Haut conseil des finances publiques ni des autres éléments soumis au Conseil constitutionnel que les hypothèses économiques pour l'année 2014 sur lesquelles est fondée la loi déférée soient entachées d'une intention de fausser les grandes lignes de son équilibre ;

5. Considérant, en second lieu, que les modifications apportées à l'article liminaire lors de la première lecture à l'Assemblée nationale n'ont pas eu pour effet d'empêcher les sénateurs de connaître et d'apprécier les hypothèses macroéconomiques sur lesquelles est fondée la loi déférée ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les griefs tirés du défaut de sincérité de la loi de finances rectificative pour 2014 doivent être écartés ;

- SUR L'ARTICLE 9 :

7. Considérant que l'article 1601 du code général des impôts est relatif à la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises ; que cette taxe comprend trois composantes : un droit fixe par ressortissant, un droit additionnel à la cotisation foncière des entreprises et un droit additionnel par ressortissant ; que le deuxième alinéa de l'article 1601 prévoit que le produit de cette taxe, qui est due par les chefs d'entreprises individuelles ou les sociétés soumis à l'obligation de s'inscrire au répertoire des métiers, est affecté aux chambres de métiers et de l'artisanat dans la limite d'un plafond individuel, lequel est fixé par référence à un plafond global prévu au paragraphe I de l'article 46 de la loi du 28 décembre 2011 susvisée ; que le troisième alinéa de l'article 1601 prévoit que le plafond individuel susmentionné s'obtient « au prorata des émissions perçues » par les chambres de métiers et de l'artisanat figurant dans les rôles généraux de l'année précédant l'année de référence ;

8. Considérant, d'une part, que le paragraphe II de l'article 9 institue, à l'article 5-8 du code de l'artisanat, un fonds de financement et d'accompagnement du réseau des chambres de métiers et de l'artisanat ; que ce fonds est destiné à leur fournir une ressource collective pour la mise en oeuvre d'opérations de mutualisation et de restructuration obligatoires ou décidées par l'assemblée générale de l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat, qui en assure la gestion ;

9. Considérant, d'autre part, que le paragraphe I de l'article 9 prévoit que le plafond d'affectation du produit de la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises se décompose en deux sous-plafonds s'appliquant, pour le premier, à la somme des produits des deux premières composantes de cette taxe et, pour le second, au produit de sa troisième composante ; que ces deux sous-plafonds sont calculés en fonction de l'importance respective des composantes de la taxe ; que, pour l'application du premier sous-plafond, un prélèvement est opéré au profit du budget général de l'État sur le fonds de financement et d'accompagnement susmentionné ; que ce prélèvement correspond à la différence entre le montant du premier sous-plafond et la somme des ressources fiscales perçues par les chambres de métiers et de l'artisanat bénéficiaires des deux premières composantes de la taxe ; que le fonds de financement et d'accompagnement est alimenté, en 2014, par un prélèvement opéré sur les chambres de métiers et de l'artisanat dont le fonds de roulement constaté à la fin de l'année 2012, hors réserves affectées à des investissements votés et formellement validés par la tutelle, est supérieur à quatre mois de charges ; que ce prélèvement correspond, pour les chambres intéressées, à 50 % de la partie de leur fonds de roulement excédant quatre mois de charges, hors réserves affectées ;

10. Considérant que, selon les requérants, les dispositions de l'article 9 méconnaissent les dispositions du cinquième alinéa de l'article 34 de la Constitution et le principe de non-rétroactivité de la loi fiscale ;

11. Considérant que les requérants font valoir que le prélèvement opéré au profit du budget général de l'État sur les fonds de roulement des chambres de métiers et de l'artisanat intéressées via le fonds de financement et d'accompagnement créé à l'article 5-8 du code de l'artisanat a le caractère d'une imposition de toute nature ; qu'ils soutiennent qu'en retenant la notion de « fonds de roulement excédentaire » comme assiette dudit prélèvement, en définissant cette assiette de manière imprécise, en subordonnant sa détermination à la réalisation de calculs complexes et en confiant à l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat le soin de déterminer le montant de cette imposition, le législateur a méconnu les dispositions du cinquième alinéa de l'article 34 de la Constitution ;

12. Considérant que, selon les requérants, en prévoyant que le montant du prélèvement opéré sur les ressources des chambres de métiers et de l'artisanat en 2014 pour abonder le fonds de financement et d'accompagnement repose sur des données comptables de l'année 2012, le législateur aurait méconnu les exigences de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

13. Considérant que le prélèvement opéré sur les fonds de roulement des chambres de métiers et de l'artisanat intéressées via le fonds de financement et d'accompagnement susmentionné est destiné à assurer le reversement au budget général de l'État d'une fraction du produit de la taxe additionnelle sur la cotisation foncière des entreprises qui est affectée aux chambres de métiers et de l'artisanat ; que ce prélèvement n'a pas le caractère d'une imposition de toute nature ; que, par suite, les griefs tirés de la méconnaissance des dispositions du cinquième alinéa de l'article 34 de la Constitution et du principe de non rétroactivité de la loi fiscale sont inopérants ; que, dès lors, les dispositions de l'article 9 doivent être déclarées conformes à la Constitution ;

14. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune question de constitutionnalité,

D É C I D E :

Article 1er.- L'article 9 de la loi de finances rectificative pour 2014 est conforme à la Constitution.

Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 6 août 2014, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Valéry GISCARD d'ESTAING, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.


Synthèse
Numéro de décision : 2014-699
Date de la décision : 06/08/2014
Loi de finances rectificative pour 2014
Sens de l'arrêt : Conformité
Type d'affaire : Contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires, lois organiques, des traités, des règlements des Assemblées

Saisine

Le Conseil constitutionnel a été saisi par plus de soixante députés d'un recours dirigé contre la loi de finances rectificative pour 2014.

Ce recours appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.

***

I/ SUR LA SINCERITE DE LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE

A/ Les députés requérants soutiennent que la loi de finances rectificative pour 2104 serait insincère. Ils font notamment valoir que la modification de l'article liminaire lors de l'examen en première lecture à l'Assemblée nationale a conduit les sénateurs en première lecture puis les députés en nouvelle lecture à se prononcer sur un projet de loi insincère.

B/ Le Conseil constitutionnel ne pourra qu'écarter ce grief.

1/ Le Conseil constitutionnel a jugé que la sincérité de la loi de financement de la sécurité sociale de l'année se caractérise par l'absence d'intention de fausser les grandes lignes de l'équilibre qu'elle détermine (décision n°2013-682 DC du 19 décembre 2013, cons. 3). Les mêmes exigences s'appliquent aux lois de finances rectificatives.

Contrairement à ce que soutiennent les députés requérants, l'avis du Haut Conseil des finances publiques du 5 juin 2014 relatif aux projets de lois de finances rectificative et de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 montre que les prévisions de croissance et de solde structurel sur lesquelles sont fondées ces deux lois ne peuvent être regardées comme entachées d'une intention de fausser les grandes lignes de l'équilibre.

Si le Haut Conseil a constaté que les aléas baissiers qui affectent la prévision de croissance de 1% en 2014 se sont accrus depuis la présentation du programme de stabilité, cette hypothèse de croissance ayant alors été jugée réaliste par le Haut Conseil, il a également indiqué que la prévision de croissance du Gouvernement ne pouvait être jugée comme étant hors d'atteinte.

Il convient de relever que cette prévision de croissance de 1% est très proche de celle du consensus des instituts de prévision économique au moment du dépôt du projet de loi, et identique à la prévision la plus rapprochée du Fonds monétaire international (avril) et de la Commission européenne (mai). Dans l'attente des estimations de l'INSEE pour les chiffres du deuxième trimestre, elle pouvait donc légitimement être retenue pour la loi de finances rectificative pour 2014 et la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014.

Par ailleurs, si le Haut Conseil a estimé qu'il existait un risque que le déficit structurel pour 2014 soit supérieur à la prévision de 2,3%, il a aussi relevé que la loi de finances rectificative pour 2014 et la loi de financement rectificative de la sécurité sociale reposaient sur des hypothèses de finances publiques plus réalistes.

Les hypothèses retenues par la loi de finances rectificative ne peuvent donc être regardées comme étant insincères.

2/ Les modalités d'adoption de l'article liminaire n'ont pas porté atteinte à l'impératif de sincérité qui s'attache à l'examen des lois des finances.

Comme l'a jugé le Conseil constitutionnel, l'article liminaire des projets de loi de finances de l'année, des projets de loi de finances rectificative et des projets de loi de financement rectificative de la sécurité sociale a pour objet d'améliorer l'information du Parlement (décision n°2012-658 DC, cons. 24 et 25).

Comme il a été indiqué, l'article liminaire du projet de loi de finances rectificative, soumis à l'avis du Haut Conseil des finances publiques, présentait une prévision sincère du solde structurel et du solde effectif de l'ensemble des administrations publiques.

Si les prévisions de solde structurel et de solde conjoncturel ont été modifiées en première lecture à l'Assemblée nationale dans le cadre de l'exercice par les députés de leur droit d'amendement, les parlementaires disposaient des prévisions présentées par le Gouvernement dans le projet de loi de finances rectificative.

Le Gouvernement a non seulement expliqué en détail en quoi l'amendement adopté portant modification de l'article liminaire était fondé sur des éléments de calcul erronés mais a également indiqué, tant à la fin du débat de première lecture à l'Assemblée nationale qu'au moment de l'ouverture du débat au Sénat, sa volonté de revenir à la version initiale de l'article liminaire. Un amendement en ce sens a d'ailleurs été adopté au Sénat, tant en commission qu'en séance publique même si l'ensemble du texte a finalement été rejeté.

La circonstance que l'article liminaire ait été, pendant une période du débat parlementaire, divergent de celui présenté initialement par le Gouvernement, et non conforme aux hypothèses ayant présidé à la construction du projet de loi, ne peut être regardée comme ayant méconnu l'exigence de sincérité qui s'attache à l'examen des lois de finances.

L'impératif de sincérité qui s'attache à l'examen des lois de finances n'a donc pas été méconnu.

Dans ces conditions, les griefs soulevés par les auteurs des saisines ne pourront qu'être écartés.

II/ SUR L'ARTICLE 9

A/ L'article 9 de la loi déférée modifie le mécanisme de plafonnement et d'affectation du produit de la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises perçue au profit des chambres régionales de métiers et de l'artisanat ou des chambres de métiers et de l'artisanat de région et de l'assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat prévu par l'article 1601 du code général des impôts. Le produit de cette taxe additionnelle, composée de trois fractions distinctes, est actuellement affecté à chacun des bénéficiaires dans la limite d'un plafond individuel fixé par référence au plafond fixé par l'article 46 de la loi de finances pour 2012. La mesure proposée prévoit de créer un fonds de financement et d'accompagnement du réseau des chambres de métiers et de l'artisanat géré par l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat. Le législateur a prévu, pour l'année 2014, d'alimenter ce fonds par un prélèvement sur les chambres de métiers et de l'artisanat. Il a également prévu qu'un prélèvement pourrait être opéré sur ce fonds au profit du budget général pour l'application d'un sous-plafond portant sur les deux premières fractions de la taxe additionnelle.

Les députés auteurs de la saisine estiment que le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence en ne fixant pas de manière précise l'assiette du prélèvement opéré en 2014 au profit du fonds et en confiant à l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat la détermination du montant global annuel de la dotation au-delà de l'année 2014.

B/ Le Gouvernement n'est pas de cet avis.

1/ En premier lieu, l'assiette du prélèvement opéré en 2014 sur les chambres des métiers et de l'artisanat de région, les chambres de métiers et de l'artisanat départemental, les chambres de métiers et de l'artisanat de Mayotte pour alimenter le fonds est défini de manière précise.

La loi déférée prévoit que ce prélèvement est fixé à 50% de la partie du fonds de roulement excédant quatre mois de charges. La loi définit de manière précise le fonds de roulement concerné comme la différence entre les ressources stables (capitaux propres, provisions, dettes d'emprunt) et les emplois durables (actif immobilisé). Elle définit également les charges prises en compte pour calculer la partie du fonds de roulement excédant quatre mois de charges comme les charges décaissables non exceptionnelles (charges d'exploitation moins provisions pour dépréciation, moins dotations aux amortissements et plus les charges financières).

Contrairement à ce que soutiennent les députés requérants, les éléments pris en compte pour déterminer l'assiette du prélèvement pour 2014 ne peuvent être regardés comme excessivement complexes. Ils correspondent à des notions comptables usuelles pour les établissements publics et appartiennent au référentiel comptable du réseau des chambres de métier et de l'artisanat fixé par un arrêté du 20 décembre 2012.

De même, on ne saurait reprocher au législateur de fonder ce prélèvement sur les données comptables de l'exercice 2012, cet exercice étant le dernier exercice comptable disponible et validé par la tutelle. Au demeurant, l'article 9 prévoit expressément que les investissements votés et validés par la tutelle seront pris en compte dans le calcul du prélèvement pour éviter un prélèvement sur une chambre des métiers et de l'artisanat qui, depuis la clôture de l'exercice 2012, aurait puisé dans son fonds de roulement pour financer des investissements.

Le Gouvernement estime donc que le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence en fixant les caractéristiques du prélèvement pour 2014.

2/ Le législateur a souhaité qu'au-delà de l'année 2014, l'Assemblée permanente des chambres des métiers et de l'artisanat fixe le montant global de la dotation du fonds de péréquation, qui pourra subir un prélèvement en fin d'exercice au profit du budget général par application d'un sous-plafond comprenant la taxe fixe et la taxe additionnelle mentionnées aux a) et au b) de l'article 1601. Le fonds sera alimenté par une contribution obligatoire de chaque établissement du réseau des chambres des métiers et de l'artisanat.

La loi déférée a donc précisément défini le système d'alimentation du fonds après 2014, selon une logique de contribution sectorielle, ainsi que le nouveau mécanisme de plafonnement.

***

Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement est d'avis que les griefs articulés dans la saisine ne sont pas de nature à conduire à la censure de la loi déférée.

Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter le recours dont il est saisi.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les conseillers,

Les députés soussignés ont l'honneur, en application des dispositions de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de déférer au Conseil Constitutionnel l'ensemble de la loi de finances rectificative pour 2014, telle qu'elle a été adoptée par le Parlement le 23 juillet 2014.

Les députés auteurs de la présente saisine estiment que la loi déférée porte atteinte à plusieurs principes et libertés constitutionnels.

A l'appui de cette saisine, sont développés les griefs suivants.

***

1) En premier lieu, les requérants souhaitent attirer l'attention du Conseil sur le caractère insincère de la loi de finances rectificative pour 2014.

En effet, considérant que «le Conseil constitutionnel est chargé de contrôler la conformité à la Constitution des lois de programmation relatives aux orientations pluriannuelles des finances publiques, des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale; que saisi dans le cadre de l'article 61 de la Constitution, il doit notamment s'assurer de la sincérité de ces lois ; qu'il aura à exercer ce contrôle en prenant en compte l'avis des institutions indépendantes préalablement mises en place »(1), les auteurs de la présente saisine soulignent la clarté de la jurisprudence du Conseil.

Celle-ci a été complétée lors de l’examen de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, votre Conseil estimant que « la sincérité de la loi de programmation des .finances publiques devra s'apprécier notamment en prenant en compte l'avis du Haut Conseil des .finances publiques; qu'il en ira de même de l'appréciation de la sincérité des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale ». (2)

S'agissant des hypothèses macroéconomiques retenues par le Gouvernement, et en particulier sur la prévision de croissance, maintenue à +1,0% pour 2014, c'est-à-dire inchangée par rapport à celle présentée dans le programme de stabilité pour les années 2014 à 2017, le Haut Conseil des finances publiques note dans son avis n°HCFP-20 14-03 relatif aux projets de lois de finances rectificative et de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 que « les aléas baissiers qui affectent la prévision de croissance (. . .) se sont accrus depuis la présentation du programme de stabilité au mois d'avril». Estimant que « les effets positifs attendus des décisions de la Banque centrale européenne annoncée le 5 juin ne pourront se faire sentir que progressivement », il considère que «sans être hors d'atteinte, la prévision de croissance du Gouvernement pour 2014 paraît désormais élevée ».

S'agissant du solde structurel pour 2014 prévu dans la loi de finances rectificative, «le Haut Conseil constate qu'il s'écarte sensiblement (1,2 point de PIB) de la trajectoire définie dans la loi de programmation du 31 décembre 2012 (-2,3% du PIB contre -1,1 %) ». Il ajoute que « l'ajustement supplémentaire prévu par le Gouvernement dans le collectif (0,2 point de PIB) corrige peu l'écart à la trajectoire inscrite dans cette loi (1,5 point de PIB en 2013)». En conséquence, « tout en reposant désormais sur des hypothèses de .finances publiques plus réalistes qu'au stade du projet de loi de .finances, le déficit structurel pour 2014 risque néanmoins d'être supérieur à la prévision de 2,3 % du PIB ».

C'est pourquoi, la question de la sincérité des comptes est posée et les requérants souhaitent que le Conseil se prononce sur cette question.

Par ailleurs, les auteurs de la saisine souhaitent attirer l’attention du Conseil sur la régularité de la procédure législative au regard de l'adoption, lors de l'examen en première lecture à l'Assemblée nationale, d'un amendement à l'article liminaire (3) modifiant les objectifs de soldes structurel et conjoncturel malgré un avis défavorable du Gouvernement. Ainsi, l'ensemble des hypothèses macroéconomiques sur lesquelles reposaient les articles du texte se sont retrouvées caduques et ont entaché la sincérité des conditions générales de l’équilibre financier. Le Gouvernement n'ayant pas souhaité soumettre cet amendement à une deuxième délibération à l'issue de la première lecture, c'est donc un collectif basé sur des prévisions erronées avec un article liminaire modifié sur lequel se sont prononcés les sénateurs en première lecture, puis les députés en nouvelle lecture avant l'adoption d'un amendement reprenant la rédaction initiale.

II) En deuxième lieu, les requérants font valoir les motifs d'inconstitutionnalité de l'article 2 bis

L'article 2 bis est issu de l'adoption en première lecture à l'Assemblée nationale d'un amendement visant à modifier les règles les règles de plafonnement de la taxe additionnelle à la contribution foncière des entreprises affectée aux chambres de métiers et de l'artisanat.

Le dispositif de répartition homothétique du plafond à l'ensemble des chambres régionales de métiers et de l'artisanat est remplacé par un fonds ad hoc de péréquation destiné à tenir compte de la santé financière de chaque chambre. Le dispositif proposé prévoit d'appliquer le plafond global voté en loi de finances pour 2014 en le modulant pour chaque plafond individuel au lieu de l'appliquer au prorata prévu par l'article 1601 du code général des impôts.

L'article remplace ainsi le plafonnement proportionnel des ressources des chambres par un mécanisme de péréquation, dont l'adoption en l'état pose plusieurs difficultés pour lesquelles les requérants souhaitent attirer l’attention du Conseil.

Premièrement, le mécanisme de péréquation en recettes est fondé sur l’instauration d'un fonds qui serait abondé par un prélèvement obligatoire sur les fonds de roulement excédentaires des chambres de métiers et d'artisanat. Or, il convient de s'interroger sur la nature de ce prélèvement qui constitue un nouvel impôt auquel les chambres de métiers et d'artisanat sont assujetties. Il apparaît clairement que son assiette est imprécise et complexe.

D'une part, les grandeurs sur lesquelles sont assises cet impôt ne sont pas d'usage habituel. S'il est déjà très difficile de fonder un impôt sur le fonds de roulement, dont la notion n'est pas strictement définie dans la loi, il est impossible d'ajouter au calcul de l’assiette l’estimation des dépenses des chambres pour définir ce qu'est un fonds de roulement « excédentaire ». Ce raisonnement analytique ne peut juridiquement pas être transposé tel quel dans la loi.

D'autre part, au-delà de la nature des grandeurs à prendre en compte, la complexité des calculs à réaliser pour déterminer l'assiette de l'impôt le rendrait contraire aux principes fiscaux élémentaires qui visent à la simplicité pour éviter l’érosion de la base fiscale et le contentieux. Il est nécessaire d'éviter de créer un précédent de cet ordre.

Deuxièmement, l'article 2 bis veut fonder ce prélèvement, qui interviendrait au deuxième semestre 2014, sur des données comptables de fin d'exercice 2012, ce qui pose incontestablement un problème de forte rétroactivité fiscale.

Le Conseil constitutionnel reconnaît la possibilité au législateur d'adopter des dispositions fiscales à caractère rétroactif si ces mesures sont justifiées par un motif d'intérêt général et qu'elles «ne pri[vent] pas de garantie légale des exigences constitutionnelles » (4). Dans la décision n° 98-404 DC du 18 décembre 1998, le Conseil a exigé qu'un intérêt général «suffisant » soit présenté pour justifier la rétroactivité d'une loi fiscale, marquant ainsi un resserrement significatif de la jurisprudence constitutionnelle. Ainsi, pour apprécier la constitutionnalité d'une loi fiscale rétroactive, le Conseil apprécie la proportionnalité entre le motif d'intérêt général avancé et la sécurité des situations des contribuables.

C'est pourquoi, votre Conseil admet une «petite rétroactivité» au travers de mesures modifiant le régime fiscal concernant des opérations déjà réalisées mais qui n'ont pas encore été soumises à l'impôt, dès lors qu'il existe un lien de proportionnalité entre l'intensité de la rétroactivité et l'éminence du but poursuivi, et que cette rétroactivité ne porte pas atteinte au principe de sécurité juridique et de confiance légitime en remettant en cause des droits que les contribuables pouvaient, en application du droit positif, considérer comme acquis.

En l'espèce, les requérants font valoir qu'il ne s'agit pas, dans l'article 2 bis, d'une« petite rétroactivité» puisque l'impôt 2014 est fondé sur une assiette de 2012 sans que la justification par un motif d'intérêt général suffisant ne soit spécifié.

Enfin, l'article 2 bis précise que « le montant global annuel de la dotation et son affectation sont définis chaque année par l'assemblée générale de l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat ». Il s'agit donc de confier à l'assemblée générale de l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat (APCMA) le droit de fixer le montant d'une imposition de toute nature obligatoire.

C'est pourquoi, l'adoption de cet article relève de l'incompétence négative du législateur qui délègue à l'APCMA le soin de fixer et de répartir un impôt sur les chambres de son réseau sans que le taux ne soit précisément défini, avec une assiette complexe, sans modalités de recouvrement et sans même de renvoi au pouvoir réglementaire.

***

Souhaitant que ces questions soient tranchées en droit, les députés auteurs de la présente saisine demandent donc au Conseil constitutionnel de se prononcer sur ces points et tous ceux qu'il estimera pertinents eu égard à la fonction de contrôle de constitutionnalité de la loi que lui confère la Constitution.

1 Cons. Const. n° 2012-653 DC, 9 août 2012, cons. 27

2 Cons. Const. n° 2012-658 DC, 13 décembre 2012, cons. 52

3 Deuxième séance du lundi 23 juin 2014

4 Décision 86-223 DC du 29 décembre 1986, constamment confirmée depuis.


Références :

DC du 06 août 2014 sur le site internet du Conseil constitutionnel
DC du 06 août 2014 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : Loi de finances rectificative pour 2014 (Nature : Loi ordinaire, Loi organique, Traité ou Réglement des Assemblées)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°2014-699 DC du 06 août 2014
Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:2014:2014.699.DC
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