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29/03/1946 | FRANCE | N°41916

France | France, Conseil d'État, Assemblee, 29 mars 1946, 41916


Vu la requête et le mémoire ampliatif présentés pour la Caisse départementale d'assurances sociales de Meurthe-et-Moselle, ladite requête et ledit mémoire enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 1er août 1934 et 2 janvier 1935, et tendant à ce qu'il plaise au conseil annuler une décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Ministre des Finances sur sa demande en indemnité de un million avec intérêts à 6 % à dater du 7 août 1933 ; Vu la loi du 24 juin 1851 ; Vu le décret du 31 mai 1862 ; Vu l'arrêté du 30 juin 1865 ;

Vu le décret du 24 octobre 1918 ; Vu la loi du 29 avril 1926 art...

Vu la requête et le mémoire ampliatif présentés pour la Caisse départementale d'assurances sociales de Meurthe-et-Moselle, ladite requête et ledit mémoire enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 1er août 1934 et 2 janvier 1935, et tendant à ce qu'il plaise au conseil annuler une décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Ministre des Finances sur sa demande en indemnité de un million avec intérêts à 6 % à dater du 7 août 1933 ; Vu la loi du 24 juin 1851 ; Vu le décret du 31 mai 1862 ; Vu l'arrêté du 30 juin 1865 ; Vu le décret du 24 octobre 1918 ; Vu la loi du 29 avril 1926 article 158 ; Vu la loi du 30 avril 1930 ; Vu la loi du 18 décembre 1940 et l'ordonnance du 31 juillet 1945 ;
Considérant que le préjudice dont la Caisse départementale d'assurances sociales de Meurthe-et-Moselle demande réparation à l'Etat résulte du non remboursement par la caisse du crédit municipal de Bayonne d'un bon à ordre qu'elle avait souscrit et qui paraissait émis pour assurer le fonctionnement de cet établissement public communal ; qu'il est constant que ce titre, dont la nullité n'est pas contestée, provient d'émissions frauduleuses réalisées par le sieur X... avec la complicité de l'appréciateur et du directeur-caissier du Crédit municipal ; que la caisse requérante soutient qu'elle est en droit de réclamer directement à l'Etat la réparation du préjudice subi, par les motifs, d'une part, que le ministre du Travail aurait favorisé le placement des bons dont s'agit, et, d'autre part, que les autorités de tutelle auraient gravement méconnu les obligations qui leur incombaient ;
Considérant que les lettres du ministre du Travail et du directeur général des assurances sociales, critiquées par la requérante, se bornaient à indiquer que les bons émis par des caisses de Crédit municipal étaient rangés par la loi au nombre des valeurs susceptibles de servir de placement aux caisses d'assurances sociales pour les fonds dont elles ont la gestion ; que, dès lors, elles ne sont pas de nature par elles-mêmes à justifier la demande d'indemnité formée par la caisse départementale d'assurances sociales de Meurthe-et-Moselle ;
Mais considérant que les agissements criminels du sieur X... et de ses complices n'ont été rendus possibles que par la faute lourde commise par le préfet des Basses-Pyrénées dans le choix du personnel dirigeant du Crédit municipal de Bayonne lors de sa création en 1931 et dans le maintien en fonctions de ce personnel, ainsi que par la négligence prolongée des différents services de l'Etat qui sont chargés du contrôle de ces établissements publics communaux et qui n'ont procédé que tardivement aux investigations de toute nature que l'ampleur anormale des opérations du Crédit municipal de Bayonne leur commandait de faire ; que la caisse requérante est fondée à soutenir que ces fautes sont de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
Considérant qu'il sera fait une exacte appréciation de la part de responsabilité incombant à ce dernier, compte tenu d'une part, de l'imprudence commise par la caisse requérante qui aurait dû montrer plus de circonspection dans l'acquisition du bon litigieux, ainsi que des conditions irrégulières dans lesquelles elle a décidé cette acquisition, d'autre part, des fautes commises par la ville de Bayonne, telles qu'elles ont été reconnues par une décision du conseil d'Etat en date de ce jour, en condamnant l'Etat à payer à la Caisse départementale d'assurances sociales de Meurthe-et-Moselle une indemnité correspondant au quart du montant du bon litigieux et s'élevant, par suite, à 250.000 francs ;
Sur les intérêts : Considérant que ladite somme doit porter intérêt à compter du 26 mars 1934, date de la réception de la demande d'indemnité par le ministre des Finances ;
Sur les intérêts des intérêts : Considérant que la caisse requérante a demandé la capitalisation des intérêts le 1er décembre 1937 ; qu'à cette date il était dû au moins une année d'intérêts ; qu'il y a donc lieu, par application de l'article 1154 du Code civil, de faire droit à ces conclusions ;
DECIDE : Article 1er : La décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre des Finances sur la demande d'indemnité de la caisse départementale d'assurances sociales de Meurthe-et-Moselle est annulée. Article 2 : L'Etat paiera à la Caisse départementale d'assurances sociales de Meurthe-et-Moselle une somme de 250.000 francs, qui portera intérêt au taux légal à compter du 26 mars 1934. Article 3 : Les intérêts seront capitalisés le 1er décembre 1937 pour produire eux-mêmes intérêt. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Les dépens sont mis à la charge de l'Etat. Article 6 : Expédition de la présente décision sera transmise au ministre des Finances.


Synthèse
Formation : Assemblee
Numéro d'arrêt : 41916
Date de la décision : 29/03/1946
Sens de l'arrêt : Annulation totale indemnisation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-07 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - EXERCICE DE LA TUTELLE - Emissions frauduleuses du crédit municipal de Bayonne - Responsabilités administratives engagées.

60-02-07 Le préjudice résultant du non-remboursement par la Caisse de crédit municipal de Bayonne des bons à ordre provenant des émissions frauduleuses réalisées par Stavisky avec la complicité de l'appréciateur et du directeur caissier de l'établissement engage la responsabilité de l'Etat parce que les agissements criminels de Stavisky et de ses complices n'ont été rendus possibles que par la faute lourde commise par le préfet dans le choix du personnel dirigeant du Crédit municipal de Bayonne lors de sa création en 1931 et dans le maintien en fonctions de ce personnel, ainsi que par la négligence prolongée des différents services de l'Etat qui sont chargés du contrôle de ces établissements publics communaux et qui n'ont procédé que tardivement aux investigations de toute nature que l'ampleur anormale des opérations du Crédit municipal de Bayonne leur commandait de faire. Il y a lieu toutefois, dans les affaires ici rapportées, de laisser une part de responsabilité - allant de 30 à 50 % selon les espèces - à la charge des souscripteurs non remboursés qui ont manqué de circonspection en acquérant les bons, eu égard spécialement, pour certains d'entre eux, aux moyens d'information dont ils disposaient, ou qui ont décidé cette acquisition dans des conditions irrégulières.


Références :

Code civil 1154


Publications
Proposition de citation : CE, 29 mar. 1946, n° 41916
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Cassin
Rapporteur ?: M. Desprès
Rapporteur public ?: M. Lefas

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1946:41916.19460329
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