REQUETE de la société anonyme des Etablissements Petitjean et autres, tendant à l'annulation pour excès de pouvoir d'un arrêté du Ministre de l'agriculture du 25 mai 1962, relatif à l'organisation du marché des tomates de conserves pour la campagne 1962 ;
Vu la loi n° 60-808 du 5 août 1960 ; le décret n° 53-933 du 30 septembre 1953 ; le décret n° 59-281 du 4 février 1939, modifié par le décret n° 61-867 du 5 août 1961 ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; le Code général des impôts ;
Sur l'intervention de la société coopérative intercommunale de transformation et de conservation des produits agricoles dite "les planteurs réunis de la Durance" :
Considérant que la société coopérative intercommunale de transformation et de conservation des produits agricoles dite "les planteurs réunis de la Durance" a intérêt à l'annulation de l'arrêté attaqué ; qu'ainsi son intervention est recevable ;
Sur le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait dépourvu de base légale :
Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 5 août 1960, "la politique agricole ... a pour objet : ..." 2° d'améliorer ... les prix agricoles à la production par une action sur les conditions de commercialisation et de transformation des produits" ; que l'article 32 de la même loi dispose que : "le ministre de l'Agriculture établira, en accord avec les professions intéressées - production, industrie, commerce - des contrats "types par produit", dont l'objet est de garantir, d'une part, aux producteurs-vendeurs, l'enlèvement de leur marchandise et son payement au prix de campagne et, d'autre part, de garantir aux acheteurs l'approvisionnement de leurs entreprises ; que ces dispositions législatives autorisent le ministre de l'Agriculture à fixer, par des contrats-types établis en accord avec les professions intéressées, des régies fixant notamment les rapports entre les producteurs et les industries transformatrices en vue de réaliser les objectifs définis par la loi et s'appliquent, par conséquent, aussi bien à l'industrie de transformation des produits agricoles qu'aux agriculteurs ;
Considérant que par l'arrêté attaqué, en date du 25 mai 1962, le ministre de l'Agriculture a homologué un contrat-type de culture et un accord interprofessionnel établis entre les représentants des producteurs et des industriels conserveurs de tomates et concernant des livraisons de tomates aux conserveries, au cours de la campagne 1962 ; que ce contrat-type se borne à préciser la qualité des produits à livrer, les conditions de réception des tomates, le prix et les modalités de payement des produits, les conditions d'indemnisation des parties en cas d'inexécution des obligations résultant du contrat et les cas de force majeure dispensant de toute indemnisation, les normalités de contrôle et le règlement des contestations ; que si l'accord interprofessionnel, également homologué par l'arrêté attaqué, contient des clauses concernant tant la perception de taxes parafiscales que les quantités de tomates pour lesquelles les conserveurs pourront souscrire des contrats de culture, l'arrêté attaqué subordonne l'entrée en vigueur des clauses concernant les taxes parafiscales à la création de ces taxes par décret ; que d'autre part, les clauses du même accord relatives à la production des usines ont seulement pour objet de fixer les limites d'application du régime des contrats de culture, les conserveurs pouvant traiter des quantités supérieures de tomates, hors contrat, qui seront soumises aux conditions du marché et seront frappées de taxes parafiscales après l'institution desdites taxes ; que le contrat-type et les clauses de l'accord interprofessionnel, homologuées par l'arrêté du 25 mai 1962 ont pour objet, comme le prévoit l'article 32 susrappelé de la loi du 5 août 1960, d'assurer l'enlèvement des marchandises produites et leur payement au prix de campagne et l'approvisionnement des usines de conserves de tomates ; que, dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêté attaqué serait dépourvu de base légale ;
Sur le moyen tiré de ce que l'accord interprofessionnel homologué par l'arrêté attaqué aurait été conclu dans des conditions irrégulières :
Considérant que le troisième alinéa de l'article 11 des statuts de la fédération nationale des syndicats de conserveurs de produits agricoles prévoit que les présidents des groupes professionnels réunissent ceux-ci "aussi souvent qu'ils le jugent utile" ; qu'il résulte clairement de cette stipulation que la réunion des groupes professionnels n'a, en aucun cas, un caractère obligatoire ; que, par suite, l'accord interprofessionnel en date du 18 mai 1962, homologué par l'arrêté attaqué, a pu valablement être signé au nom de la fédération susmentionnée sans que le "groupe tomates" ait été retenu au préalable pour en délibérer ;
Sur le moyen tiré de la violation du statut de la coopération :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 du décret du 4 février 1959, modifié par l'article 1er du décret dudit 5 août 1961, l'adhésion à la coopérative entraîne pour le sociétaire : 1° l'engagement d'utiliser les services de la coopérative soit pour la totalité soit pour une partie des opérations pouvant être effectuées par son intermédiaire ; les statuts de chaque coopérative fixent la nature, la durée et les modalités de cet engagement ainsi que les sanctions applicables en cas d'inexécution ; que l'engagement, pour le sociétaire, d'utiliser les services d'une coopérative pour la totalité des opérations pouvant être effectuées par son intermédiaire implique nécessairement, à défaut de clause contraire des statuts, l'obligation réciproque pour la coopérative de traiter la totalité des produits qui lui sont remis ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les clauses de l'accord interprofessionnel homologué par l'arrêté attaqué concernant la production des usines ont seulement pour objet de fixer les limites d'application du régime des contrats de culture, les conserveurs pouvant traiter des quantités supérieures de tomates, hors contrat, dans les conditions du marché et sous réserve, le cas échéant, de l'application de taxes parafiscales à créer par décret ; qu'il suit de là que le régime contractuel homologué par l'arrêté attaqué n'interdit nullement aux sociétés coopératives de tenir leurs engagements envers leurs sociétaires en ce qui concerne les quantités de tomates à traiter, mais se borne à soumettre lesdites sociétés aux mêmes règles que les autres entreprises de même nature en ce qui concerne le prix des produits traités ; que, dès lors, un tel régime ne porte pas atteinte au statut de la coopération ;
Sur les moyens tirés de ce que les articles 2 et 3 de l'arrêté attaqué comporteraient une délégation illégale de prérogatives de puissance publique, porteraient atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie et méconnaîtraient le décret du 30 septembre 1953 :
Considérant d'une part, que le rôle, d'ailleurs purement technique, confié à la société nationale interprofessionnelle de la tomate par l'arrêté attaqué, ne comporte aucune attribution qui ne puisse être donnée, dans l'intérêt général, à une entreprise privée pour concourir à l'application de mesures prévues par le législateur ; que les renseignements et documents que les entreprises productrices sont tenues de fournir à cette société sont nécessaires à l'exécution des dispositions de l'arrêté attaqué et qu'ainsi cet arrêté n'a porté aucune atteinte illégale à la liberté du commerce et de l'industrie ;
Considérant, d'autre part, que si la société des établissements Petitjean soutient que la société nationale interprofessionnelle de la tomate ne pouvait coopérer à certains types d'interventions déterminées par le décret susvisé du 30 septembre 1953, elle n'apporte à l'appui de ce moyen aucune précision permettant d'en apprécier la portée ; que ce moyen doit, par suite, être écarté ;
Sur le moyen tiré de ce que les prix garantis d'achat des tomates prévus par l'article 3 de l'accord interprofessionnel homologué par l'arrêté attaqué porteraient préjudice aux conserveurs multiplicateurs-grainiers :
Considérant que, pour critiquer le prix d'achat des diverses variétés de tomates figurant à l'article 3 de l'accord interprofessionnel, les requérants n'invoquent la violation d'aucune disposition législative ou réglementaire ou la méconnaissance d'aucun principe général du droit, mais se bornent, en réalité, à contester l'opportunité des prix retenus par les auteurs de l'accord et approuvés par le ministre de l'Agriculture ; qu'il n'appartient pas au Conseil d'Etat, saisi d'un recours pour excès de pouvoir, de contrôler cette opportunité ;
Sur le moyen tiré de la portée rétroactive de l'article 11 de l'accord interprofessionnel homologué par l'arrêté attaqué :
Considérant que l'article 11 de l'accord interprofessionnel en date du 18 mai 1962 stipule que "les clauses du contrat-type homologué et du présent accord interprofessionnel s'appliquent aux engagements déjà intervenus entre producteurs et conserveurs pour la campagne 1962" ; qu'une telle disposition, qui a pour but de faire échec à l'exécution des conventions antérieurement conclues entre les producteurs et les conserveurs pour la campagne 1962, a un caractère rétroactif et ne pouvait donc être valablement homologuée par le ministre de l'Agriculture ; qu'en revanche, aucune autre clause des documents contractuels homologués n'a un caractère rétroactif ; qu'il suit de là que si les requérants sont fondés à demander l'annulation de l'arrêté attaqué, en tant qu'il homologue l'article 11 de l'accord interprofessionnel du 18 mai 1962, le moyen susvisé ne saurait entraîner l'annulation dudit arrêté dans son ensemble ;
Sur le moyen tiré du détournement de pouvoir :
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ... Intervention de la Société coopérative dite "les planteurs réunis de la Durance admise ; annulation de l'arrêté du ministre de l'Agriculture, en tant qu'il homologue l'article 11 de l'accord interprofessionnel du 18 mai 1962 relatif à la campagne 1962 des conserves de tomates ; rejet du surplus ; dépens mis à la charge de l'Etat .