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28/06/1967 | FRANCE | N°57906

France | France, Conseil d'État, 28 juin 1967, 57906


REQUETE de la société des transports en commun de la région d'Hanoï, tendant à l'annulation d'un jugement du 19 février 1962 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en annulation de la décision implicite de rejet du ministre des Affaires étrangères sur la réclamation qu'elle lui avait adressée le 21 août 1957 en vue d'obtenir le versement d'une indemnité de 975.767,404 anciens francs ;
Vu les accords franco-vietnamiens du 8 mars 1949, approuvés par la loi du 2 février 1950 et publiés au Journal officiel de la République française du 23 février

1953 ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 19...

REQUETE de la société des transports en commun de la région d'Hanoï, tendant à l'annulation d'un jugement du 19 février 1962 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en annulation de la décision implicite de rejet du ministre des Affaires étrangères sur la réclamation qu'elle lui avait adressée le 21 août 1957 en vue d'obtenir le versement d'une indemnité de 975.767,404 anciens francs ;
Vu les accords franco-vietnamiens du 8 mars 1949, approuvés par la loi du 2 février 1950 et publiés au Journal officiel de la République française du 23 février 1953 ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;

CONSIDERANT que la Société des transports en commun de la région d'Hanoï, concessionnaire du service public des transports en commun de la ville et de la banlieue d'Hanoï, jusqu'en 1980, en vertu d'un contrat de concession passé avec la ville d'Hanoï et le protectorat de Tonkin, qui a fait l'objet d'un avenant signé le 17 novembre 1952 avec le maire d'Hanoï, a signé, le 31 mai 1955, avec le Comité administratif de la ville d'Hanoï, un protocole d'accord aux termes duquel elle a renoncé à poursuivre son exploitation jusqu'à la date prévue au contrat et a cédé à la ville d'Hanoï toutes ses installations, matériel, équipement, approvisionnements et locaux, moyennant le versement par la ville, pendant une durée de 25 ans, d'une annuité de douze millions de francs ; que la société demande la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 9.757.674,04 F en réparation du préjudice résultant pour elle tant de ce qu'elle a été amenée, sur ordre du Gouvernement français, à prolonger son exploitation au-delà du moment où il eût été possible de la céder dans des conditions économiques satisfaisantes, que du fait de la perte pure et simple de son droit à exploiter jusqu'en 1980 ; que l'action en responsabilité présentée par la société est fondée, d'une part, sur ce que par une lettre en date du - 28 septembre 1954, le ministre chargé des relations avec les Etats associés l'aurait contrainte à poursuivre son activité au-delà de la date fixée par les accords de Genève du 20 juillet 1954 pour l'évacuation par les troupes françaises de la zone d'Hanoï, d'autre part, sur la circonstance que les représentants de la délégation française auprès de la République démocratique du Vietnam l'ont incitée à signer avec la ville d'Hanoï le protocole du 31 mai 1955 susanalysé ;

Considérant que les préjudices invoqués par la société requérante résultent en fait de ce que le protocole d'accord signé par elle avec la ville d'Hanoï autorité concédante le 31 mai 1955 lui a accordé une indemnité de rachat qu'elle estime insuffisante ;
Considérant d'une part, qu'en précisant à la société des transports en commun de la région d'Hanoï dans la lettre précitée en date du 26 septembre 1954, qu'elle devait continuer à faire fonctionner le service public dont elle avait la charge et que toute interruption du service risquerait d'entraîner une mesure de déchéance, le ministre chargé des relations avec les Etats associés s'est borné à rappeler à la société les obligations incombant aux concessionnaires de services publics et n'a, dès lors, commis aucune faute ; que si, dans la même lettre, le ministre assurait la société que le gouvernement interviendrait en toute occasion pour assurer la sécurité du personnel de nationalité française qui serait amené à rester à Hanoï et assumerait la charge de la réparation des sévices dont ce personnel pourrait être victime, il résulte de l'instruction que les promesses ainsi faites à la société ont été tenues ; que si la Société des transports en commun de la région d'Hanoï invoque en outre la circonstance que les représentants du Gouvernement français ne lui auraient apporté tout le soutien escompté lorsqu'elle a négocié le protocole d'accord précité avec la ville d'Hanoï, l'accomplissement de la mission de protection des biens des citoyens français qui incombe aux services diplomatiques et consulaires à l'étranger était, dans les circonstances de temps et de lieu où est survenu le dommage dont se prévaut la société, inséparable de l'exercice des pouvoirs du Gouvernement français dans les relations internationales et met directement en cause les rapports de la France et d'un Etat étranger ; qu'elle n'est, dés lors, pas davantage susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat français sur le fondement de la faute ;

Considérant, d'autre part, que la lettre en date du 28 septembre 1954 invoquée parla société requérante doit être regardée comme constituant de la part de l'Etat français non un comportement... d'autorité concédante, mais l'exercice de prérogatives de puissance publique en vue d'assurer le maintien par le Gouvernement français, conformément à l'engagement qu'il avait pris envers la République démocratique du Vietnam le 21 juillet 1954 à Genève, des installations nécessaires au fonctionnement des services publics industriels dans les régions évacuées par les troupes ; que la société requérante n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que la responsabilité de l'Etat français se trouve engagée à son égard sur le terrain du quasi-contrat ;
Considérant, enfin, que le dommage invoqué par la Société des transports en commun de la légion d'Hanoï est imputable aux agissements d'une collectivité publique vietnamienne ; qu'il n'est, dès lors, pas susceptible d'ouvrir un droit à réparation de la société à l'encontre de l'Etat français sur le fondement du risque ;
Considérant, que de tout ce qui précède, il résulte que la société des transports en commun de la région d'Hanoï n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;... Rejet avec dépens .


Synthèse
Numéro d'arrêt : 57906
Date de la décision : 28/06/1967
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - DIFFERENTES CATEGORIES D'ACTES - ACTES DE GOUVERNEMENT - Protection diplomatique - Exercice de prérogatives de puissance publique en vue d'assurer le respect d'un engagement international.

01-01-03 Société titulaire d'un contrat passé avec la ville d'Hanoï et le protectorat du Tonkin lui octroyant la concession jusqu'en 1980 du service public des transports en commun de la ville et de la banlieue d'Hanoï, ayant signé le 31 mai 1955 avec le comité administratif de la ville un protocole aux termes duquel elle a renoncé à poursuivre son exploitation et cédé ses installations moyennant indemnité. Société estimant cette indemnité insuffisante et demandant réparation à l'Etat français. Absence de responsabilité de l'Etat sur le terrain de l'insuffisance de protection diplomatique, la mission de protection incombant aux autorités françaises étant en l'espèce inséparable de l'exercice des pouvoirs du gouvernement français dans la conduite des relations internationales. La responsabilité de l'Etat français n'est pas susceptible à être engagée sur le terrain du quasi-contrat, ladite lettre ne devant pas être regardée comme constituant de la part de l'Etat français un comportement d'autorité concédante, mais l'exercice de prérogatives de puissance publique, en vue d'assurer le respect des engagements pris dans le cade des accords de Genève.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXECUTION TECHNIQUE DU CONTRAT - ALEAS DU CONTRAT - Indochine - Concessionnaire français ayant renoncé à poursuivre son exploitation à la demande d'une collectivité publique vietnamienne - Absence de responsabilité de l'Etat français.

39-03-03, 46-04, 60-01 Société titulaire d'un contrat passé avec la ville d'Hanoï et le protectorat du Tonkin lui octroyant la concession jusqu'en 1980 du service public des transports en commun de la ville et de la banlieue d'Hanoï, ayant signé le 31 mai 1955 avec le comité administratif de la ville un protocole aux termes duquel elle a renoncé à poursuivre son exploitation et cédé ses installations moyennant indemnité. Société estimant cette indemnité insuffisante et demandant réparation à l'Etat français. En précisant à la société dans une lettre en date du 28 septembre 1954 qu'elle devait continuer à faire fonctionner le service dont elle avait la charge, le ministre chargé des relations avec les Etats associés, s'est borné à lui rappeler les obligations incombant aux concessionnaires de services publics et n'a commis aucune faute. La responsabilité de l'Etat français n'est pas davantage susceptible d'être engagée sur le terrain du quasi-contrat, ladite lettre ne devant pas être regardée comme constituant de la part de l'Etat français un comportement d'autorité concédante, mais l'exercice de prérogatives de puissance publique, en vue d'assurer le respect des engagements pris dans les accords de Genève. Absence de responsabilité de l'Etat sur le terrain de l'insuffisance de protection diplomatique, la mission de protection incombant aux autorités françaises était en l'espèce inséparable de l'exercice des pouvoirs du gouvernement français dans la conduite des relations internationales. Absence de responsabilité de l'Etat français sur le terrain du risque, le dommage invoqué étant imputable aux agissements d'une collectivité publique vietnamienne. Absence de responsabilité de l'Etat sur le terrain de l'insuffisance de protection diplomatique, la mission de protection incombant aux autorités françaises en l'espèce inséparable de l'exercice des pouvoirs du gouvernement français dans la conduite des relations internationales.

OUTRE-MER - LITIGES LIES AUX TRANSFERTS DE SOUVERAINETE - Concessionnaire français ayant renoncé à poursuivre son exploitation à la demande d'une collectivité publique vietnamienne - Indemnisation.

60-01-02 Société titulaire d'un contrat passé avec la ville d'Hanoï et le protectorat du Tonkin lui octroyant la concession jusqu'en 1980 du service public des transports en commun de la ville et de la banlieue d'Hanoï, ayant signé le 31 mai 1955 avec le Comité administratif de la ville un protocole aux termes duquel elle a renoncé à poursuivre son exploitation et cédé ses installations moyennant indemnité. Société estimant cette indemnité insuffisante et demandant réparation à l'Etat français. Absence de responsabilité de l'Etat sur le terrain de l'insuffisance de protection diplomatique, la mission de protection incombant aux autorités françaises était en l'espèce inséparable de l'exercice des pouvoirs du gouvernement français dans la conduite des relations internationales. Absence de responsabilité de l'Etat français sur le terrain du risque, le dommage invoqué étant imputable aux agissements d'une collectivité publique vietnamienne.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - Exercice de prérogatives de puissance publique en vue d'assurer le respect d'un engagement international.

60-01-02-02 Société titulaire d'un contrat passé avec la ville d'Hanoï et le protectorat du Tonkin lui octroyant la concession jusqu'en 1980 du service public des transports en commun de la ville et de la banlieue d'Hanoï, ayant signé le 31 mai 1955 avec le Comité administratif de la ville un protocole aux termes duquel elle a renoncé à poursuivre son exploitation et cédé ses installations moyennant indemnité. Société estimant cette indemnité insuffisante et demandant réparation à l'Etat français. En précisant à la société dans une lettre en date du 28 septembre 1954 qu'elle devait continuer à faire fonctionner le service dont elle avait la charge, le ministre chargé des relations avec les Etats associés, s'est borné à lui rappeler les obligations incombant aux concessionnaires de services publics et n'a commis aucune faute.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - Protection diplomatique.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - RESPONSABILITE POUR FAUTE - Rappel de ses obligations à un concessionnaire.


Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 1967, n° 57906
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Cadoux
Rapporteur public ?: M. Baudoin

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1967:57906.19670628
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