Vu la décision en date du 8 juillet 1960 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au Contentieux a sursis à statuer sur les conclusions de la Société indochinoise d'électricité contenues dans les requêtes n°s 34.785 et 34.787 d'une part, et sur les requêtes n° 34.786, 36.353 et 36.353 de la même société d'autre part, tendant à la résiliation des contrats de concession conclus avec le gouvernement général de l'Indochine et les villes de Hanoï et de Haiphong et au paiement d'indemnités de résiliation, jusqu'à ce que le ministre des Affaires étrangères se soit prononcé sur la question de savoir si l'échange de lettres franco-vietnamien du 8 mars 1949 ou tout autre accord ratifié ou approuvé et publié en France, peut être interprété comme transférant soit à l'Etat français, soit à un Etat issu de l'ancien gouvernement général de l'Indochine, les droits et obligations dudit gouvernement général et des villes de Hanoï et de Haïphong pris en qualité de concédant des services publics dont la Société indochinoise d'électricité avait la charge ;
Vu l'échange de lettres franco-vietnamien du 8 mars 1949 ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Sur les conclusions tendant à ce que le Conseil d'Etat prononce la résiliation du contrat de concession de distribution d'eau de la ville d'Haïphong dont la société requérante était titulaire et condamne l'Etat français à lui verser une indemnité de résiliation à ce titre.
CONSIDERANT qu'à la suite de la décision susvisée du Conseil d'Etat statuant au contentieux en date du 8 juillet 1960, le ministre des Affaires étrangères, par des observations en date du 11 septembre 1962, enregistrées au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 14 septembre 1962, et se référant à ses précédentes observations en date du 7 décembre 1961, enregistrées comme ci-dessus le 24 janvier 1962, présentées à l'occasion du litige opposant l'Etat à la Compagnie des eaux de Hanoï, a fait connaître que l'échange de lettres franco-vietnamien du 8 mars 1949, seule convention applicable en l'espèce, doit être interprété comme transférant à l'Etat du Vietnam les droits et obligations de la ville de Haïphong, prise en qualité de concédant du service public dont la Société indochinoise d'électricité avait la charge ;
Considérant que l'interprétation ainsi donnée, dépourvue de toute ambiguïté, s'impose à la juridiction administrative, laquelle ne peut qu'en tirer les conséquences juridiques ;
Considérant qu'il résulte de ladite interprétation que le Ministre chargé des relations avec les Etats associés, dépourvu de qualité pour statuer sur la réclamation dont il avait été saisi le 27 septembre 1954 par la Société indochinoise d'électricité et qui tendait à ce que ledit ministre prononce la résiliation du contrat de concession passé avec la ville d'Haïphong pour la distribution de l'eau dans ladite ville, ne pouvait que rejeter ladite réclamation et, d'autre part, que l'Etat français, étranger aux rapports contractuels dont se prévalait la société requérante, ne pouvait être tenu de verser à cette dernière une indemnité de résiliation ; qu'ainsi les conclusions susmentionnées ne sauraient être accueillies ;
Sur les conclusions tendant à ce que le Conseil d'Etat prononce la résiliation des contrats de concession de distribution d'électricité des villes de Hanoï et Haïphong dont la société requérante était titulaire et condamne l'Etat à lui verser des indemnités de résiliation à ce titre :
Considérant qu'il résulte également des observations du ministre des Affaires étrangères ci-dessus analysées que, si l'échange de lettres franco-vietnamien du 8 mars 1949 a fait perdre aux villes d'Hanoï et de Haïphong leur statut d'enclaves françaises, ces dernières "n'ont pas pour autant perdu leur personnalité "juridique" et notamment "leur caractère de collectivité concédante" ; qu'il s'ensuit que l'Etat français était, le 27 septembre 1954, lorsque la société requérante a demandé la résiliation de ses contrats de concession, étranger aux rapports liant ladite société concessionnaire à l'autorité concédante ; que, dès lors, l'Etat français n'avait pas qualité pour statuer sur les demandes de résiliation dont il avait été saisi par la Société indochinoise d'électricité et qu'il ne pouvait davantage être tenu de verser à cette dernière une indemnité de résiliation ;
Sur les conclusions tendant à ce que le Conseil d'Etat prononce la résiliation des contrats de concession de l'électrification générale du Tonkin et de la distribution d'énergie électrique dans la zone suburbaine d'Hanoï :
Considérant qu'en refusant de faire droit à la demande de résiliation des contrats susvisés dont l'avait saisi la société requérante, le ministre chargé des relations avec les Etats associés doit être regardé non comme ayant agi en sa qualité d'autorité concédante, mais comme ayant exercé ses prérogatives de puissance publique en vue d'assurer le maintien par le gouvernement français, conformément à l'engagement qu'il avait pris envers la République démocratique du Vietnam le 21 juillet 1954 à Genève, des installations nécessaires au fonctionnement des services publics industriels dans les régions évacuées par les troupes ; que la société requérante n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que la responsabilité de l'Etat français se trouve engagée à son égard sur le terrain contractuel ; que ce refus, qui met en cause les rapports de l'Etat français avec un Etat étranger ne saurait davantage engager la responsabilité de l'Etat français sur le terrain de la rupture du principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques ; ... Rejet avec dépens .