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20/12/1967 | FRANCE | N°64387

France | France, Conseil d'État, 9 ss, 20 décembre 1967, 64387


REQUETE de la Société X..., tendant à l'annulation d'un jugement du 26 mai 1964 par lequel le Tribunal administratif de ... a rejeté sa demande en décharge : 1° de l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des années 1956 et 1958 ; 2° du prélèvement temporaire sur les suppléments de bénéfice établi au titre de l'année 1957 ;
Vu le Code général des impôts ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;

Sur la réintégration dans les bases d'imposition de créances réputées acquises au cours des exercices vérifiés

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Considérant qu'il résulte de l'instruction que la Société X..., qui exploite un éta...

REQUETE de la Société X..., tendant à l'annulation d'un jugement du 26 mai 1964 par lequel le Tribunal administratif de ... a rejeté sa demande en décharge : 1° de l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des années 1956 et 1958 ; 2° du prélèvement temporaire sur les suppléments de bénéfice établi au titre de l'année 1957 ;
Vu le Code général des impôts ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;

Sur la réintégration dans les bases d'imposition de créances réputées acquises au cours des exercices vérifiés :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la Société X..., qui exploite un établissement de couverture, plomberie, chauffage central et installations sanitaires, a été l'objet en 1960 d'une vérification de comptabilité à la suite de laquelle ont été réintégrées dans les bénéfices sociaux des exercices 1956, 1958 et 1957 des créances s'élevant respectivement à 500.000 anciens francs, 1.500.000 anciens francs et 45.582.310 anciens francs, afférentes à des travaux exécutés au cours des exercices ci-dessus mentionnés et non comptabilisées à la clôture de ceux-ci ; que la société soutient que les travaux dont s'agit, pour une part, n'étaient pas terminés à la clôture des exercices de référence, pour une autre part étaient des travaux d'entretien dont le prix ne peut être fixé que plusieurs mois après leur achèvement et que, par suite, les créances correspondantes ne pouvaient être regardées comme acquises à la clôture des exercices en cause, mais qu'il résulte des pièces du dossier que les redressements litigieux ont été opérés et leur imputation sur les exercices en cause effectuée conformément aux indications des factures établies par la Société d'après des mémoires définitifs mentionnant expressément, dans chaque cas, la date ou la période d'exécution des travaux et que lesdits redressements n'ont porté que sur des travaux effectivement achevés, dont le prix était déterminé à la clôture des exercices susmentionnés ; qu'il n'y avait pas lieu de déduire du montant des créances dont s'agit un pourcentage de bénéfice, mais seulement, ainsi qu'il a été fait, le montant de la taxe sur la valeur ajoutée; qu'il suit de là, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que la société n'est pas fondée à contester le montant global des réintégrations opérées, non plus que sa répartition entre les exercices en cause ;
Mais considérant que, lorsque l'administration, dans l'exercice de son pouvoir de vérification et de redressement des déclarations, constate que la méthode comptable suivie par le contribuable pour la détermination de ses résultats d'activité est critiquable, il lui appartient de rectifier ces résultats par application d'une méthode convenable et qu'elle ne saurait limiter les corrections ainsi apportées aux écritures, de l'assujetti à certaines d'entre elles alors qu'il est établi que la même anomalie se retrouve dans d'autres ; que la circonstance que les écritures comptables, lorsqu'elles ne sont pas entachées de simples erreurs matérielles sont opposables au contribuable, ne fait pas obstacle à ce que celui-ci, critique à son tour la méthode de redressement, incomplète et par suite inexacte, suivie par l'administration ;

Considérant qu'en l'espèce il n'est pas contesté que la société, qui a inexactement déterminé les exercices comptables auxquels les créances susmentionnées devaient être rattachées, a, par application du même procédé, inclus dans les résultats de chacun des exercices vérifiés des créances qui auraient dû être comptabilisées au titre d'un exercice antérieur ; qu'il résulte de ce qui précède que l'administration est en droit de réintégrer dans les résultats des exercices vérifiés le montant des créances qui doivent leur être respectivement rattaché, mais qu'elle est tenue corrélativement de déduire des bases d'imposition les créances comptabilisées à tort sur lesdits exercices ; qu'à la vérité certaines de ces créances se trouvent ainsi reportées sur des exercices dont les résultats ne peuvent plus en raison de la prescription, donner lieu à l'émission d'un rôle, mais que cette circonstance n'est pas de nature à faire obstacle à l'application de la règle ci-dessus rappelée ;

Sur la réintégration du montant des abattements opérés sur les ventes et les comptes-clients débiteurs :
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en vue, notamment, de couvrir les risques d'insolvabilité ou de recouvrement tardif, la société, antérieurement à la vérification, opérait de manière habituelle, d'une part un abattement sur le montant des créances facturées en cours d'année, d'autre part un abattement sur le montant du compte-clients débiteur en clôture d'exercice ; que lesdits abattements étaient effectués suivant une évaluation de caractère forfaitaire sans justification précise; que la société qui avait la faculté, à condition de justifier pour chacune des créances douteuses, de la réalité du risque couru, de constituer une provision conformément aux dispositions des articles 39-5° et 54 du Code général des impôts, n'était pas en droit d'opérer, dans les conditions sus-indiquées, les déductions litigieuses ; qu'il suit de là qu'à concurrence des sommes retenues à ce titre par l'administration, les abattements dont s'agit doivent être réintégrés dans les bases d'imposition de chacun des exercices en cause avant qu'il soit procédé aux rectifications d'écritures prévues ci-dessus en ce qui concerne le premier point de la requête ; qu'en outre, la société, en inscrivant à l'actif du bilan d'ouverture de 1956, premier exercice vérifié, d'une part, les débits ressortants du bilan de clôture de 1955 après déduction des abattements pratiqués à tort au cours de ce dernier exercice, d'autre part, le montant desdits abattements, a comptabilisé exactement sur ce point le montant de ses créances au début de l'année 1956; que, dès lors, nonobstant le fait que les abattements réalisés sur les créances rattachées à l'exercice 1956 doivent être réintégrés, comme il est dit ci-dessus, la société n'est pas fondée à demander la rectification du bilan d'ouverture dudit exercice en tant que celui-ci comporte, à l'actif, le report du montant des abattements effectivement déduits des résultats de 1955 ;
Sur la réintégration d'une partie des frais de déplacement et de représentation alloués au gérant de la société ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'en tant qu'il concerne la consultation de la Commission départementale des impôts directs, l'article 84 de la loi du 28 décembre 1959 touche au mode d'établissement de l'impôt et qu'ainsi il n'est pas au nombre des dispositions visées à l'article 104, alinéa 1er de ladite loi, dont l'entrée en vigueur est fixée au 15 septembre 1960 ; qu'il ne peut dès lors, s'appliquer aux impositions établies au titre des années 1956, 1957 et 1958, quelle que soit la date de leur mise en recouvrement; qu'il suit de là qu'en ce qui concerne la consultation de la Commission départementale des impôts directs, les dispositions applicables en l'espèce sont celles de l'article 55 du Code général des impôts dans sa rédaction antérieure à la loi précitée du 28 décembre 1959 ; qu'il résulte de ces dispositions que l'administration avait la faculté, malgré la demande expresse du contribuable, de ne pas soumettre le litige à l'appréciation de la Commission départementale et qu'il lui incombait seulement, en pareil cas, de justifier le redressement apporté à la déclaration ; que, par suite, la société ne saurait se fonder sur ce que l'avis de ladite commission ne lui a pas été notifié pour demander décharge de ses impositions comme irrégulièrement établies ;
Au fond :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société a déduit des bases d'imposition, au titre des frais de déplacement et de représentation alloués à son gérant, des sommes s'élevant pour 1956 à 2.026.575 anciens francs, dont 296.575 anciens francs de frais remboursés et 1.730.000 anciens francs d'allocations forfaitaires, pour 1957, à 1.883.260 anciens francs, dont 153.260 anciens francs de frais remboursés et 1.730.000 anciens francs d'allocations forfaitaires, pour 1958, à 3.045.000 anciens francs, dont 165 000 anciens francs de frais remboursés et 2.880.000 anciens francs d'allocations forfaitaires ; que l'administration a réintégré dans les bénéfices imposables, d'une part, pour les trois exercices en cause, la totalité des frais remboursés, d'autre part, les allocations forfaitaires à concurrence de 530.000 anciens francs pour chacun des exercices 1956 et 1957 et 1.380.000 anciens francs pour l'exercice 1958 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 39-3° du Code général des impôts les allocations forfaitaires qu'une société attribue à ses dirigeants ou aux cadres de son entreprise pour frais de représentation et de déplacement sont exclues de ses charges déductibles pour l'assiette de l'impôt, lorsque parmi ces charges figurent déjà les frais habituels de cette nature remboursés aux intéressés ; que le ministre est recevable à demander au Conseil d'Etat le maintien des impositions dans la mesure où il serait justifié par les dispositions précitées, bien que ces dernières n'aient pas été correctement appliquées lors de l'assiette desdites impositions mais qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'en l'espèce les allocations forfaitaires versées par la société à son gérant aient eu le même objet que les frais habituels , ayant fait l'objet d'un remboursement ; que l'administration n'est donc pas fondée à se prévaloir des dispositions précitées dé l'article 39-30 du Code général des impôts ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, de rechercher si le caractère exagéré, tant des frais remboursés que des allocations forfaitaires, est ou non établi ;
Considérant que l'administration ne conteste ni la réalité, ni le montant des frais remboursés ; que ceux-ci doivent, en conséquence, être rétablis parmi les charges déductibles de l'entreprise pour l'intégralité de leur montant ; qu'en ce qui concerne les allocations forfaitaires, il résulte, au contraire, de l'ensemble des pièces du dossier et, notamment, des éléments de comparaison et des précisions fournies sur le fonctionnement de l'entreprise et les activités du gérant, que le caractère exagéré desdites allocations doit être regardé comme établi pour la part de leur montant qui excède 1.200.000 anciens francs pour chacun des exercices 1956 et 1957, et 1.500.000 anciens francs pour l'exercice 1958 ; qu'il suit de là, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, qu'au titre de l'ensemble des frais de déplacement et de représentation alloués à son gérant, la société doit être admise à déduire la somme de 1.496.575 anciens francs pour 1956, de 1.353.260 anciens francs pour 1957 et de 1.665.000 anciens francs pour 1958 ;

Considérant, en outre, que la circonstance que les sommes comptabilisées dans les écritures de la société à titre de frais de déplacement et de représentation du gérant ne sont pas appuyées de justifications suffisantes n'est pas, à elle seule, de nature à entraîner la réintégration dans les bénéfices imposables desdites allocations, celles-ci pouvant éventuellement constituer, non une répartition de bénéfices, mais un complément de rémunération ; qu'en l'espèce, la relative modicité des appointements du gérant n'est pas contestée et qu'il n'est pas allégué que le total des sommes versées à ce dernier, tant à titre d'appointements qu'à titre de remboursement de frais, était anormalement élevé, eu égard aux conditions de fonctionnement de l'entreprise et à la nature de l'activité exercée par ledit gérant ; que, dans ces conditions, la fraction excédentaire des allocations forfaitaires, non admise en déduction à ce titre, doit être déduite en tant que complément de rémunération du gérant de la société ;... Assujettissement de la société à l'impôt sur les sociétés au titre des années 1956 et 1958 et au prélèvement temporaire sur les suppléments de bénéfices au titre de l'année 1957, conformément aux dispositions ci-après : 10 le montant des abattements opérés par la société sur ventes et comptes clients débiteurs, sera réintégré dans les bénéfices imposables de chacun des exercices en cause, à concurrence de 34.032.157 anciens francs pour 1956, de 33.764.690 anciens francs pour 1957 et de 49.647.209 anciens francs pour 1958 ; Les résultats de chaque exercice, tels qu'ils s'établissent après réintégration dans les résultats déclarés par la société des sommes prévues au 1 ci-dessus, seront rectifiés - en diminution, par déduction des créances qui, eu égard à la date à laquelle elles ont été acquises, ont été comptabilisées à tort dans les écritures dudit exercice - en augmentation, par réintégration des créances régulièrement imputables sur cet exercice, comptabilisées à tort sui un exercice postérieur ; Il sont admises en déduction des bases d'imposition : - les sommes représentant les frais de déplacement et de représentation versées au gérant de la société et s'élevant pour 1956 à 1.496.575 anciens francs pour 1957 à 1.353.260 anciens francs pour 1958 à 1.665.000 anciens francs ; les sommes correspondant à un complément de rémunération du même gérant, s'élevant pour 1956 à 540.000 anciens francs, pour 1957 à 530.000 anciens francs, pour 1958 à 1.380.000 anciens francs ; décharge de la différence entre le montant des impositions qui lui ont été assignées et le montant des impositions calculées conformément à l'article 1er ci-dessus ; rejet du surplus ; réformation du jugement en ce sens ; remboursement des frais de timbre exposés tant en première instance qu'en appel .


Synthèse
Formation : 9 ss
Numéro d'arrêt : 64387
Date de la décision : 20/12/1967
Sens de l'arrêt : Réformation décharge partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

- CONTRIBUTIONS ET TAXES. - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES. - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES. - B.I.C. - DETERMINATION DU BENEFICE NET. - REMUNERATION DES DIRIGEANTS. - Allocations forfaitaires pour frais de déplacement et de représentation - Allocations excessives.


Références :

CGI 39-3
CGI 39-5
CGI 54
CGI 55
Loi 59-1472 du 28 décembre 1959 art. 84, art. 104

CONF. Conseil d'Etat 1966-06-15 n. 62140 Recueil Lebon p. 399 RAPPR. Conseil d'Etat 1967-12-20 n. 64386 RAPPR. Conseil d'Etat 1967-12-22 n. 63437 RAPPR. Conseil d'Etat 1967-12-22 n. 54187


Publications
Proposition de citation : CE, 20 déc. 1967, n° 64387
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Rapporteur M. Marcel
Rapporteur public ?: M. Mehl

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1967:64387.19671220
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