Recours du ministre de l'Intérieur, tendant à l'annulation d'un jugement du 26 juillet 1966 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du Préfet de police du 15 juillet 1963 refusant de restituer au sieur X... les exemplaires de son ouvrage "Haute Cour" saisis par mesure administrative en vertu de l'arrêté préfectoral du 20 décembre 1962, ensemble au rejet de la demande d'annulation de cette décision présentée par le sieur X... au Tribunal administratif ;
Vu le Code de procédure pénale, article 30 ; l'arrêté des Consuls du 12 messidor an VIII la loi du 29 juillet 1881 ; les lois du 3 avril 1955 et du 7 août 1955 ; l'ordonnance du 15 avril 1960 ; l'ordonnance du 13 juillet 1962 ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; le Code général des impôts ;
CONSIDERANT que, par décision attaquée en date du 15 juillet 1963, le Préfet de police a refusé de restituer au sieur X... les exemplaires de l'ouvrage "Haute Cour" dont il avait ordonné la saisie le 20 décembre 1962, en vertu des pouvoirs qu'il tenait de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence, modifié par l'article 1ER de l'ordonnance du 15 avril 1960 et de l'article 1er de l'ordonnance du 13 juillet 1962 ;
Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article 14, 1er alinéa, de la loi du 3 avril 1955 précitée : "les mesures prises en application de la présente loi cessent d'avoir effet en même temps que prend fin l'état d'urgence ..." ; qu'en vertu de l'article 1er de l'ordonnance du 13 juillet 1962, l'état d'urgence n'est demeuré en vigueur que jusqu'au 31 mai 1963 ; qu'il suit de là que la mesure de saisie ordonnée par le Préfet de police le 20 décembre 1962 et qui ne constituait pas une confiscation des exemplaires de l'ouvrage susmentionné, devait prendre fin le 31 mai 1963 ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aucune disposition de la loi du 29 juillet 1881 ne conférait au Préfet de police, agissant en qualité d'autorité administrative, le pouvoir de refuser la levée de la saisie dont s'agit, alors même que ce refus était motivé par l'information pénale qui avait été ouverte contre le sieur X..., le 30 décembre 1962 ;
Considérant, en troisième lieu, que la décision attaquée n'a pas pour objet de permettre de constater un crime ou un délit contre la sûreté de l'Etat, mais d'empêcher la diffusion de l'ouvrage qui avait fait l'objet de la saisie administrative prononcée le 20 décembre 1962 ; qu'ainsi, en tout état de cause, les dispositions de l'article 30 du Code de procédure pénale ne pouvaient trouver application en l'espèce; que la légalité de la décision précitée devant être appréciée au 15 juillet 1963, date à laquelle elle a été prise, la condamnation pour offenses publiques au Président de la République, prononcée contre le sieur X... le 20 décembre 1963 par le Tribunal de grande instance de la Seine et confirmée par la Cour d'appel de Paris, ne saurait donner une base légale à la décision dont s'agit, alors même que la saisie et la destruction de ceux des exemplaires de l'ouvrage "Haute Cour" qui seraient mis en vente, distributs ou exposés aux regards du public a été prononcée par le Tribunal susmentionné en application des dispositions de l'article 61 de la loi précitée du 29 juillet 1881 ;
Considérant enfin que, s'il appartient, à Paris, au Préfet de police de prendre les mesures nécessaires pour assurer le maintien du bon ordre et la sûreté publique, ces attributions ne comportent pas le pouvoir de pratiquer, par voie de mesures préventives, la saisie d'un ouvrage sans qu'il soit justifié que cette saisie ait été indispensable pour assurer le maintien ou le rétablissement de l'ordre public; qu'il ne résulte pas des pièces du dossier qu'à la date du 15 juillet 1963, la diffusion de L'ouvrage en cause ait créé pour l'ordre public une menace d'une gravité suffisante pour que le Préfet de police ait pu légalement prendre la mesure attaquée ;
Considérant que tout ce qui précède, il résulte que le ministre de l'Intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du Préfet de police en date du 15 juillet 1963 ; ... Rejet ; dépens mis à la charge de l'Etat .