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28/01/1976 | FRANCE | N°77909

France | France, Conseil d'État, 9 / 7 ssr, 28 janvier 1976, 77909


Vu le recours du ministre de l'economie et des finances enregistre au secretariat du contentieux du conseil d'etat, le 16 mai 1969, et tendant a ce qu'il plaise au conseil annuler un jugement, en date du 10 janvier 1969 par lequel le tribunal administratif de bordeaux a accorde a la societe a responsabilite limitee " ... dont le siege est a ... la decharge des impositions auxquelles elle avait ete assujettie au titre de l'impot sur les societes pour les annees 1954 a 1960 et 1962, ainsi qu'au titre de la contribution extraordinaire de 2. pour l'annee 1958 sur les resultats de 1957, et du prele

vement temporaire sur les supplements de benefi...

Vu le recours du ministre de l'economie et des finances enregistre au secretariat du contentieux du conseil d'etat, le 16 mai 1969, et tendant a ce qu'il plaise au conseil annuler un jugement, en date du 10 janvier 1969 par lequel le tribunal administratif de bordeaux a accorde a la societe a responsabilite limitee " ... dont le siege est a ... la decharge des impositions auxquelles elle avait ete assujettie au titre de l'impot sur les societes pour les annees 1954 a 1960 et 1962, ainsi qu'au titre de la contribution extraordinaire de 2. pour l'annee 1958 sur les resultats de 1957, et du prelevement temporaire sur les supplements de benefices, au titre de l'annee 1957 sur les resultats de 1956 ;
Vu le code general des impots ; Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le decret du 30 septembre 1953 ;
Considerant que, statuant sur des demandes de la societe a responsabilite limitee ... relatives a l'impot sur les societes auquel elle a ete assujettie au titre des annees 1955, 1956, 1957, 1958, 1959, 1960 et 1962, au prelevement temporaire sur les excedents de benefices auquel elle a ete assujettie au titre de l'annee 1957 et a la contribution extraordinaire pour 1958 sur les resultats de 1957 dont les bases procedent de celles de l'impot sur les societes, le tribunal administratif de bordeaux a rendu le jugement attaque, apres une expertise qui a porte sur les resultats des exercices clos en 1954, 1955, 1956, 1957 et 1958 ; que cette expertise avait ete ordonnee par un jugement avant-dire droit en date du 30 janvier 1963, devenu definitif, qui a mis la preuve a la charge du contribuable ;
Considerant que le jugement attaque dispose qu'il est accorde a la societe ... le degrevement des impositions correspondant aux redressements frais financiers et frais centraux, depreciation sur stocks et porte sur actions ... ;elle est renvoyee devant l'administration pour qu'il soit procede a la liquidation de ce degrevement", que"le surplus de la reclamation est rejete" et que les frais d'expertise "sont mis proportionnellement a la charge de l'administration et de la societe ... ";que ce dispositif, qui ne fixe pas le montant des impositions legalement dues, ne peut etre regarde comme fixant du moins les bases de ces impositions des lors qu'il n'est pas parfaitement eclaire par les motifs enonces par le tribunal administratif, lesquels admettent notamment le bien-fonde de certains redressements relatifs a des "frais financiers et frais centraux";que des lors le ministre de l'economie et des finances est fonde a demander l'annulation en la forme du jugement attaque ;
Mais considerant que l'affaire est en etat ; qu'il y a lieu d'evoquer et de statuer immediatement sur les demandes susmentionnees de la societe ... ;
Considerant, d'une part, qu'en vertu des dispositions de l'article 209 du code general des impots dans sa redaction applicable au cours de la periode litigieuse, le deficit subi, pendant un exercice, est regarde comme une charge de l'exercice suivant et deduit du benefice realise pendant cet exercice ; si le benefice n'est pas suffisant pour que la deduction puisse etre integralement operee, l'excedent du deficit est reporte successivement sur les exercices suivants jusqu'au cinquieme exercice qui suit l'exercice deficitaire ; qu'en vertu de l'article 1966-1 du meme code, les erreurs commises dans l'etablissement des impositions peuvent etre reparees jusqu'a l'expiration de la quatrieme annee suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due ;
Considerant d'autre part que, lorsque l'administration, dans l'exercice de son pouvoir de verification et de redressement des declarations, constate que la methode comptable suivie par le contribuable, notamment pour la repartition des charges entre les differents exercices, est critiquable, il lui appartient de rectifier les resultats par application d'une methode convenable; que toutefois elle ne saurait limiter les corrections ainsi apportees aux ecritures du contribuable a certaines d'entre elles, ou a certains exercices, alors qu'il est etabli que la meme erreur se trouve dans d'autres inscriptions comptables, et degager ainsi un benefice sans existence reelle. que la circonstance que les ecritures comptables, lorsqu'elles ne sont pas entachees de simples erreurs materielles, sont opposables aux contribuables parce qu'elles expriment des decisions prises, a tort ou a raison, par l'exploitant de l'entreprise, n'est pas de nature, sauf le cas de manoeuvre frauduleuse, a faire obstacle a ce que l'exploitant critique a son tour la methode de redressement incomplete et par suite erronee suivie par l'administration et demande notamment l'inscription a leur exercice d'imputation correcte des charges reintegrees dans les resultats des exercices auxquels elles ont ete initialement et incorrectement imputees, pour obtenir la rectification des ecritures des exercices posterieurs par l'imputation de reports deficitaires rectifies ;
Considerant toutefois que la regle qui vient d'etre enoncee ne peut permettre la rectification des resultats d'un exercice prescrit sauf dans le cas ou ceux-ci ont ete deficitaires et ou le contribuable, ayant impute le deficit sur les benefices imposables d'un exercice ulterieur non prescrit, a ainsi mis l'administr ation a meme de verifier, nonobstant la prescription, l'existence et le montant reel dudit deficit ;
Sur la rectification du deficit constate a l'expiration de l'exercice 1952-1955 et sur son report a l'exercice suivant : Considerant qu'en renoncant a l'imputation du deficit de l'exercice 1952-1953 sur le benefice qu'elle a constate a la cloture de l'exercice 1957-1958, la societe a exclu de la possibilite de verification ouverte a l'administration l'existence et le montant de ce deficit ; qu'elle ne saurait, des lors, demander ladite imputation a l'occasion du present litige ;
Sur les resultats de l'exercice 1953-1954 : Considerant qu'il resulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise qu'il y a lieu de rectifier les ecritures de l'exercice 1953-1954 en en rehaussant les resultats par la reintegration d'une part, d'une somme de 970.365 anciens francs correspondant a une omission de stocks que la societe ne conteste pas, d'autre part d'une somme de 2.062.037 anciens francs, representant la depreciation alleguee du stock cede a la societe des ... de ... dont la societe n'apporte pas la preuve et enfin de la somme de 31.315 anciens francs representant des agios qui ont ete payes a la b.n.c.i. au titre de l'exercice precedent ainsi que l'admet la societe et qui ont donc ete a tort compris dans les charges de l'exercice 1953-1954 ;
Considerant qu'il y a lieu en outre, conformement aux conclusions du recours incident de la societe ... d'ajouter aux charges du meme exercice la fraction de la redevance dite ... due au titre de cet exercice, imputee a tort a l'exercice suivant, et s'elevant a la somme de 3.00 0 anciens francs ; que de meme doit etre ajoutee aux charges de cet exercice une somme de 56.817 anciens francs representant la regularisation de ventes a credit ;
Considerant qu'a l'inverse la rectification des resultats de l'exercice 1953-1954 doit exclure des charges une somme de 572.258 anciens francs representant des interets verses a la compagnie ... dont il n'est pas conteste qu'ils doivent etre imputes a l'exercice suivant et qu'ils n'ont pas ete reintegres par le verificateur, contrairement a ce qu'ont admis les premiers juges ; Considerant qu'il resulte de ce qui precede que les ecritures rectifiees de l'exercice 1953-1954 font apparaitre un deficit reportable de 342.730 anciens francs ;
Sur les resultats de l'exercice 1954-1955 : Considerant qu'il resulte de ce qui precede que doivent etre reintegrees dans les resultats de l'exercice 1954-1955 la somme de 572.258 anciens francs correspondant aux interets verses a la compagnie ... , ainsi que celle de 3.000 anciens francs correspondant a la redevance ... et celle de 56.817 anciens francs representant la regularisation des ventes a credit susmentionnees, lesquelles devaient etre imputees a l'exercice precedent ; qu'a l'inverse, le rappel de salaires du sieur ... a ete regulierement compris par la societe dans les charges de cet exercice au cours duquel il a ete mis a la disposition de son beneficiaire; qu'il resulte de l'ensemble de ces rectifications que l'exercice 1954-1955 s'est solde par un deficit reportable de 296.630 anciens francs ;
Sur les resultats de l'exercice 1955-1956 : Considerant qu'il est constant que la redevance ... et la redevance ... ont ete regulierement imputees aux charges de l'exercice 1955-1956; qu'il resulte en revanche de l'instruction que la commission d'achat versee aux ... de bordeaux est imputable a l'exercice 1953-1954 et doit etre exclue des frais financiers de l'exercice 1955-1956 ; qu'il resulte de ce qui precede que le deficit de cet exercice s'eleve a 167.829 anciens francs ;
Sur les resultats des exercices 1956-1957 et 1957-1958 : Considerant qu'il n'est pas conteste que les exercices dont s'agit ont ete clos par des resultats beneficiaires s'elevant respectivement a 48.480 anciens francs et a 384.905 anciens francs soit un total de 433.385 anciens francs lesquels ont eu pour effet d'eteindre le deficit reportable constate en 1953-1954 et une fraction du deficit de l'exercice 1954-1955, dont demeurait reportable une somme de 67.387 anciens francs ;
Sur les resultats de l'exercice 1958-1959 : Considerant qu'il n'est pas conteste qu'un deficit de 2.561.985 anciens francs a ete constate a la cloture de l'exercice 1958-1959, s'ajoutant au reliquat reportable du deficit de l'exercice 1954-1955 susmentionne et du deficit reportable de l'exercice 1955-1956 s'elevant a 167.829 anciens francs ; qu'il en resulte un report deficitaire total de 2.797.201 anciens francs ;
Sur les resultats de l'exercice 1959-1960 : Considerant qu'il n'est pas conteste que les resultats de l'exercice 1959-1960 ont ete beneficiaires pour un montant de 13.403,64 francs ; que ce benefice a ete entierement compense par les pertes reportables constatees a la cloture des exercices 1954-1955, 1955-1956, 1956-1957, et par une partie des pertes enregistrees en 1958-1959, laissant subsister un reliquat de perte reportable de 14.568,37 francs issu de l'exercice 1958-1959 ;
Sur les resultats de l'exercice 1960-1961 : Considerant qu'il resulte de l'instruc tion qu'a la cloture de l'exercice 1960-1961, la societe ... a declare un resultat nul, lequel n'est pas conteste ; qu'ainsi le deficit reportable demeurait a ce moment de 14.568,37 f;
Sur les resultats de l'exercice 1961-1962 : Considerant qu'il n'est pas conteste que l'exercice 1961-1962 s'est clos par un resultat beneficiaire de 11.460,00 f, inferieur au deficit reportable, et a laisse par suite subsister un reliquat reportable s'elevant a 4.047,63 f ; Considerant qu'il resulte de l'ensemble de ce qui precede que la societe requerante est fondee a demander la decharge des impositions contestees ; que par suite les frais de l'expertise ordonnee par les premiers juges doivent etre mis a la charge de l'etat ;
Decide : Article 1er .- le jugement susvise du tribunal administratif de bordeaux en date du 10 janvier 1969 est annule. Article 2 .- il est accorde decharge a la societe a responsabilite limitee ... des impositions auxquelles elle a ete assujettie au titre de l'impot sur les societes pour les annees 1954, 1955, 1956, 1957, 1958 et 1962, de la contribution extraordinaire de 2% au titre de l'annee 1958 et du prelevement temporaire sur les excedents de benefices au titre de l'annee 1957. Article 3 .-le surplus des conclusions du recours susvise du ministre de l'economie et des finances et du recours incident de la societe ... est rejete.
Article 4 .- les frais de l'expertise ordonnee par le tribunal administratif de bordeaux par le jugement du 30 janvier 1963 sont mis a la charge de l'etat. Article 5 .- les frais de timbre exposes par la societe ... ,tant en premiere instance qu'en appel, et s'elevant a la somme de 97,50 f lui seront rembourses. Article 6 .- expedition de la presente decision sera transmise au ministre de l'economie et des finances.


Synthèse
Formation : 9 / 7 ssr
Numéro d'arrêt : 77909
Date de la décision : 28/01/1976
Sens de l'arrêt : Annulation totale réduction
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

- RJ1 - RJ2 - RJ3 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - REDRESSEMENT - Divers - Correction symétrique.

19-01-03-02, 19-01-03-04, 19-04-02-01-03-01-02, 19-04-02-01-04-10, 19-04-02-01-06-01-01 La règle de la correction symétrique [1] a normalement pour limite l'intangibilité de la valeur de l'actif net inscrite au bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit [2]. Mais dans le cas où le contribuable a imputé le déficit d'un exercice prescrit sur les bénéfices imposables d'un exercice non prescrit, l'administration peut vérifier l'existence et le montant réel du déficit [3]. A l'inverse, si le contribuable renonce à imputer un tel déficit, il interdit ce faisant à l'administration d'en vérifier l'existence et le montant réel. La décision de gestion qu'il prend lui est alors opposable.

- RJ1 - RJ2 - RJ3 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - PRESCRIPTION - Portée de la prescription - Pouvoirs de l'administration après l'expiration du délai - Report de déficits d'exercices prescrits.

- RJ1 - RJ2 - RJ3 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - B - I - C - EVALUATION DE L'ACTIF - THEORIE DU BILAN - DECISION DE GESTION ET ERREUR COMPTABLE - Décision de gestion - Décision de ne pas reporter un déficit.

- RJ1 - RJ2 - RJ3 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - B - I - C - DETERMINATION DU BENEFICE NET - REPORT DEFICITAIRE - Conséquence de la décision de reporter ou de ne pas reporter un déficit.

- RJ1 - RJ2 - RJ3 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - B - I - C - ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - BENEFICE REEL - REDRESSEMENTS - Méthode de calcul de la base d'imposition - Correction symétrique.


Références :

CGI 209 [1962] CGI 1966-1

1. CONF. Conseil d'Etat 1967-12-20 n. 64387 Recueil Lebon P. 515. 2. CONF. Conseil d'Etat 1973-10-31 n. 88207 Recueil Lebon P. 609. 3. CONF. Conseil d'Etat 1967-12-20 n. 70225 Recueil Lebon P. 514


Publications
Proposition de citation : CE, 28 jan. 1976, n° 77909
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. RAIN
Rapporteur ?: M. FOURRE
Rapporteur public ?: M. LOBRY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1976:77909.19760128
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