Vu le recours présenté par le ministre de la Santé, ledit mémoire enregistré au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 18 décembre 1975 et tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler un jugement du Tribunal administratif de Poitiers en date du 22 octobre 1975 prononçant l'annulation d'une décision implicite intervenue sur la demande à lui adressée le 25 novembre 1973 par l'Union départementale des sociétés mutualistes de la Charente-Maritime, en vue d'obtenir l'autorisation d'ouvrir une pharmacie mutualiste à Saintes ; ensemble rejeter la demande de l'Union. Vu le Code de la santé publique ; Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 ; le décret du 30 septembre 1953 ; Vu le Code général des impôts ; Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Sur l'intervention du conseil central de l'ordre des pharmaciens : Considérant que le conseil central de l'ordre des pharmaciens a intérêt à l'annulation du jugement attaqué ; qu'ainsi, son intervention est recevable ;
Sur le recours du ministre de la santé : Considérant qu'il appartient au ministre chargé des affaires sociales, compétent, en vertu de l'article 577 bis introduit dans le code de la santé publique par l'article 1er de l'ordonnance du 21 août 1967, pour autoriser l'ouverture, l'acquisition ou le transfert d'une pharmacie par une société mutualiste, d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances propres à chaque espèce, s'il est possible de satisfaire à la demande sans compromettre, par l'atteinte portée au fonctionnement normal des officines, l'approvisionnement en médicaments de l'ensemble de la population. Que c'est dès lors à tort que, pour annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre de la santé publique et de la sécurité sociale sur la demande présentée le 25 novembre 1973 par l'union départementale des sociétés mutualistes de la Charente Maritime et tendant à l'ouverture d'une pharmacie à Saintes, le tribunal administratif de Poitiers a jugé qu'en estimant "que l'éventualité de voir l'ouverture d'une pharmacie mutualiste mettre en difficulté certaines officines privées et, par là, de compromettre dans leur secteur une desserte satisfaisante de la population doit constituer dans chaque cas, pour l'administration, une préoccupation d'ordre général aussi importante que l'intérêt particulier des adhérents mutualistes", le ministre aurait fondé son refus sur un motif qui ne pouvait légalement le justifier ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par l'union départementale des sociétés mutualistes de la Charente Maritime devant le tribunal administratif de Poitiers. Considérant qu'en retenant, parmi les éléments de fait sur lesquels il a fondé son appréciation, le nombre et la répartition des officines pharmaceutiques et des pharmacies mutualistes qui fonctionnent dans le département de la Charente Maritime, le ministre de la santé publique et de la sécurité sociale n'a pas entendu faire application aux pharmacies mutualistes des règles relatives à la création des officines pharmaceutiques ; qu'ainsi, l'erreur de droit alléguée n'est pas établie ; que le ministre a pu, sans fonder sa décision sur un fait matériellement inexact, retenir, comme élément d'appréciation, l'existence de conventions passées entre certaines sociétés de secours mutuel et le syndicat des pharmaciens de la Charente Maritime, bien que ces conventions n'aient été signées que par une partie des sociétés mutualistes ; qu'enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'appréciation à laquelle s'est livré le ministre des besoins respectifs des membres des sociétés mutualistes et de l'ensemble de la population de Saintes et de sa région soit manifestement erronée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de la santé est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 22 octobre 1975, le tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision implicite de rejet de la demande présentée par l'union départementale des sociétés mutualistes de la Charente Maritime ;
Sur les sommes qui ont pu être versées à titre de dépens de 1ère instance : Considérant que le jugement du tribunal administratif de Poitiers a été rendu avant l'entrée en vigueur de la loi du 30 décembre 1977 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre les sommes qui ont pu être versées à titre de dépens de 1ère instance à la charge de l'union départementale des sociétés mutualistes de la Charente Maritime ;
DECIDE : Article 1er - L'intervention du conseil central de l'ordre des pharmaciens est admise.
Article 2 - Le jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 22 octobre 1975 est annulé.
Article 3 - La demande présentée par l'union départementale des sociétés mutualistes de la CHarente Maritime devant le tribunal administratif de Poitiers est rejetée.
Article 4 - Les sommes qui ont pu être versées à titre de dépens de 1ère instance sont mises à la charge de l'union départementale des sociétés mutualistes de la Charente Maritime.