Vu la requête présentée par le sieur X... ladite requête enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 25 avril 1977 et tendant à l'annulation d'un jugement en date du 2 mars 1977 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires auxquelles il a été assujetti au titre des années 1968, 1969, 1970 et 1971 dans les rôles de la ville. Vu le Code général des impôts ; Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; Vu la loi du 30 décembre 1977.
En ce qui concerne les conclusions principales relatives aux impositions établies au titre des années 1968, 1969, 1970 et 1971 : Considérant que les sociétés Y... ont résilié en 1968 les baux qu'elles avaient précédemment consentis à leurs locataires et leur ont versé à cette occasion des indemnités d'éviction ; que le sieur X... porteur de parts desdites sociétés civiles immobilières, a déduit de ses revenus fonciers de ladite année la part correspondant à ses droits dans lesdites sociétés des indemnités d'éviction ainsi versées ; que l'administration a réintégré dans les revenus imposables les sommes ainsi déduites.
Sur le bien-fondé du rehaussement litigieux : Considérant qu'aux termes de l'article 13-1 du code général des impôts : "le ... revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut ... sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu" ; que l'article 28 du même code dispose que : "Le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net foncier comprennent : 1 Pour les propriétés urbaines : a les dépenses de réparation et d'entretien, les frais de gérance et de rémunération des gardes et concierges ..., b les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation ... , c les impositions ... , perçues à raison desdites propriétés ..., d les intérêts des dettes contractées pour la conservation, l'acquisition, la construction, la réparation ou l'amélioration des propriétés ; e une déduction forfaitaire ... représentant les frais de gestion, l'assurance et l'amortissement ... ". Considérant que, d'une part, l'indemnité d'éviction versée, en cas de non-renouvellement du bail, au locataire commerçant en application de la législation relative aux baux commerciaux n'entre pas dans les charges de la propriété énumérées aux a , b , c , et d , de l'article 31-1 précité ; que, d'autre part, pour déterminer si une telle indemnité trouve sa contre-partie dans un accroissement du capital immobilier du bailleur ou doit être regardée comme une dépense effectuée par lui en vue de l'acquisition ou de la conservation du revenu au sens de l'article 13 également précité du code général des impôts, ou si ladite indemnité entre, le cas échéant, dans l'une et l'autre de ces catégories selon des proportions à fixer, il y a lieu de tenir compte des circonstances de l'espèce.
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à compter de 1968, et au cours des années 1969, 1970 et 1971, les sociétés Y... propriétaires d'un groupe d'immeubles anciens dont le sieur X... détenait des parts, ont payé des indemnités d'éviction à leurs locataires ; que ces paiements étaient motivés par leur décision de passer avec un nouveau preneur, un bail à construction en vue du remplacement des immeubles dont s'agit par des constructions nouvelles destinées à revenir aux bailleurs à l'expiration du contrat, qui a été conclu en 1971 ; que, nonobstant la circonstance que la démolition desdits immeubles a été accomplie par le preneur pour le compte des bailleurs, l'ensemble de l'opération doit être regardée, de la part de ces derniers, comme ayant pour objet de dégager, au bénéfice du preneur, un terrain nu à bâtir, les deux parties se répartissant selon les termes de leurs conventions les profits de ladite opération qui apparaît ainsi comme ayant créé, pour les bailleurs, une situation nouvelle entièrement distincte de la situation antérieure. Qu'il s'ensuit que les indemnités d'éviction ne doivent pas être regardées comme devant permettre la continuation sous une autre forme de l'exploitation des immeubles dont les sociétés civiles immobilières susmentionnées étaient propriétaires, mais comme la contre-partie d'un accroissement certain de leur patrimoine immobilier ; que c'est dès lors par une exacte application de l'article 13-1 précité du code général des impôts que l'administration a estimé que le sieur X... n'était pas fondé à déduire du revenu foncier encaissé par lui la part correspondant à ses droits des indemnités versées à leurs locataires par les sociétés civiles immobilières.
Sur le moyen tiré de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts : Considérant qu'aux termes de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts : "Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différent sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration ...". Considérant que, si le Ministre des Finances et des Affaires économiques a admis, dans des réponses à des questions écrites émanant de membres du Parlement, qu'un propriétaire peut, dans certains cas, déduire de son revenu foncier, le montant de l'indemnité d'éviction versée par lui à son locataire commerçant, il a en même temps précisé qu'une telle déduction ne peut être effectuée que si l'indemnité a été versée soit pour permettre au propriétaire de reprendre la disposition des locaux loués, soit pour louer les mêmes locaux à un nouveau locataire commerçant. Considérant qu'il résulte des circonstances susrappelées que les sociétés Y... , dont est membre le sieur X... n'ont eu l'intention ni d'exploiter elles-mêmes ni de louer à l'un d'entre eux à titre précaire et révocable et pour une courte période, les locaux abandonnés par les locataires bénéficiaires des indemnités d'éviction, et ne se trouvent pas, par suite, dans une situation qui leur permette d'invoquer utilement l'interprétation administrative susrappelée ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'article 1649 quinquies E n'est pas fondé.
En ce qui concerne les conclusions subsidiaires relatives aux impositions du requérant pour l'année 1971 ; Sur l'omission de statuer par le Tribunal administratif sur lesdites conclusions : Considérant qu'il résulte des pièces versées au dossier que le tribunal administratif a omis de statuer sur les conclusions subsidiaires présentées par le sieur X... , relatives à ses impositions établies au titre de l'année 1971 ; que le jugement attaqué ne peut dès lors qu'être annulé en tant qu'il n'a pas statué sur lesdites conclusions. Considérant que l'affaire est en l'état, qu'il y a lieu d'évoquer pour être statué immédiatement sur ces conclusions.
Au fond : Considérant que le sieur X... a inclus dans ses revenus soumis à l'impôt au titre de l'année 1971 une somme représentative de sa quote-part du "droit d'entrée" dû aux deux sociétés Y... par la société titulaire du bail à construction consenti par lesdites sociétés sur leurs terrains libérés à la suite de l'éviction des précédents locataires que l'intéressé, qui n'a pas réellement perçu cette quote-part du fait que la société titulaire du bail à construction avait antérieurement réglé elle-même à certains locataires les indemnités d'éviction ou prêté aux sociétés Y... les sommes nécessaires au paiement d'autres indemnités, soutient que, dès lors que le montant du "droit d'entrée" a été affecté au règlement de ces indemnités d'éviction, il doit être soumis au même régime fiscal que celles-ci, et demande, par suite, que les sommes correspondantes soient déduites de son revenu imposable. Considérant, cependant, d'une part que la circonstance que le futur titulaire du bail à construction a consenti à prêter aux sociétés Y... , à titre d'avances sur un "droit d'entrée" les sommes nécessaires au règlement des indemnités d'éviction ne crée, entre ces opérations, aucun lien juridique de nature à entraîner des conséquences au regard de la loi fiscale ; d'autre part, qu'il résulte des circonstances de l'espèce que le "droit d'entrée" dont il s'agit ne peut être regardé, s'agissant de la location d'un terrain nu, sous la forme d'un bail à construction que comme un supplément de loyer payé par le titulaire dudit bail à construction ; que la part de ce "droit d'entrée" revenant au sieur X... devait dès lors être incluse dans son revenu de 1971.
En ce qui concerne les conclusions subsidiaires relatives aux impositions du requérant pour l'année 1972 : Considérant que ces conclusions présentées devant le Conseil d'Etat, alors que la réclamation au directeur ne concernait que les impositions relatives aux années 1968, 1969, 1970 et 1971, ne sont, en tout état de cause, pas recevables. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le sieur X... n'est pas fondé à prétendre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des impositions supplémentaires établies au titre des années 1968, 1969 et 1970, et qu'il n'est pas fondé davantage à demander la décharge de la cotisation supplémentaire à laquelle il a été assujetti pour l'année 1971.
Décide : ARTICLE 1ER - Le jugement susvisé du tribunal administratif est annulé en tant qu'il concerne l'imposition relative à l'année 1971.
ARTICLE 2 - Le surplus des conclusions de la requête, et les conclusions subsidiaires de la demande devant le tribunal administratif relatives à la réduction du rehaussement de l'impôt sur le revenu établi au titre de 1971, sont rejetés.