Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 10 juillet et 14 novembre 1980, présentés pour les époux X..., demeurant au Mas Sainte-Germaine, Chemin de Maillolès à Perpignan Pyrénées-Orientales et tendant à ce que le Conseil d'Etat : 1° annule le jugement du 20 avril 1980 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a limité à 20.000 F l'indemnité qu'il a condamné la société des autoroutes du Sud de la France et la société GRANGETTE-CHAMBON, appelée en garantie, à lui verser pour la réparation du préjudice subi à la suite de la réalisation des travaux de l'autoroute B9 ; 2° condamne lesdites sociétés à lui verser une indemnité de 734.935 F ; Vu la loi du 31 décembre 1957 ; Vu le code des tribunaux administratifs ; Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Sur la compétence de la juridiction administrative : Considérant qu'en vertu de la loi du 31 décembre 1957, et par dérogation à la loi des 16 et 24 août 1790, les tribunaux de l'ordre judiciaire sont seuls compétents pour statuer sur toute action en responsabilité tendant à la réparation des dommages de toute nature causés par un véhicule quelconque ; que cette disposition ne comporte aucune exception, notamment lorsque les dommages invoqués ont été causés par un véhicule participant à l'exécution d'un travail public ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les dommages subis par le verger appartenant aux époux X... lors des travaux de construction de l'autoroute B9 ont été causés en partie par les poussières soulevées par la circulation des engins de chantier ; que, par suite, les époux X... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier s'est reconnu incompétent pour statuer sur les conclusions à fin d'indemnité présentées par les époux X... pour la partie des dommages subis dus à la circulation des engins de chantier ;
Sur la responsabilité : Considérant, d'une part, qu'en attribuant à l'effet du vent sur les remblais en construction 50 % des dommages subis, du fait des poussières soulevées, par le verger des époux X..., le tribunal administratif a fait une exacte appréciation des circonstances de l'affaire ; que, par suite, les époux X... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, il a statué sur la moitié seulement des dommages subis par leur verger ;
Considérant, d'autre part, qu'ils n'établissent pas l'existence d'un lien de causalité entre les travaux publics litigieux et les dommages qu'auraient subis leurs essaims d'abeilles ;
Sur le préjudice : Considérant qu'en évaluant à 20.000 F, tous intérêts compris au jour de la décision, l'indemnité due aux époux X... pour les dommages subis par leur verger, le tribunal administratif de Montpellier a fait une appréciation insuffisante du préjudice subi ; que, dans les circonstances de l'affaire, celui-ci, compte tenu de la perte de nombreux arbres et de la privation pendant sept années de la récolte correspondante, doit être évalué à 100.000 F tous intérêts compris au jour de la présente décision ; qu'il y a lieu en outre d'allouer aux époux X... une indemnité de 20.000 F y compris tous intérêts au jour de la présente décision pour réparer le préjudice distinct né des diverses nuisances provoquées à leur habitation par la proximité de l'ouvrage ;
Sur le recours incident de la société GRANGETTE-CHAMBON : Considérant qu'aux termes de l'article V-5 du cahier des prescriptions spéciales applicables aux marchés de construction de l'autoroute B9 "... l'entrepreneur aura à sa charge les indemnités à régler éventuellement aux tiers du fait du trouble ou dommage dû à l'exécution des travaux " ; que cette disposition ne limitait pas la garantie par l'entrepreneur aux seuls dommages dus à la circulation des véhicules et engins de chantier ; que, contrairement à ce que soutient la société GRANGETTE-CHAMBON les dommages subis par les époux X... ne sont pas imputables à leur négligence ; que, par suite, cette société n'est pas fondée à demander à être déchargée de la garantie que le tribunal administratif l'a condamnée à assurer à la société des autoroutes du sud de la France ;
DECIDE : Article 1er - La société des autoroutes du sud de la France est condamnée à verser aux époux X... la somme de 120.000 F tous intérêts compris au jour de la présente décision. Article 2 - Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du jour de la présente décision. Article 3 - Le surplus des conclusions des époux X... et le recours incident de la société GRANGETTE-CHAMBON sont rejetés. Article 4 - Le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 20 avril 1980 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision. Article 5 - La présente décision sera notifiée aux époux X..., à la société des autoroutes du sud de la France, à la société GRANGETTE-CHAMBON et au ministre d'Etat, ministre des transports.