Recours du ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale tendant :
1° à l'annulation du jugement du 22 juin 1982, par lequel le tribunal administratif de Paris a sursis à statuer sur les requêtes formées par M. et Mme X... contre deux décisions rejetant leurs demandes de naturalisation jusqu'à ce que le ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale ait fait connaître les motifs de fait et de droit de ces deux décisions ;
2° au rejet des demandes présentées par M. et Mme X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu le code des tribunaux administratifs ; le code de la nationalité française ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; la loi du 30 décembre 1977 ;
Considérant que, saisi par M. et Mme X... des deux demandes tendant à l'annulation des décisions du 28 avril 1980, par lesquelles le ministre du travail et de la participation a rejeté leurs demandes de naturalisation, le tribunal administratif de Paris a, par un jugement avant dire droit du 22 juin 1982, invité le ministre à lui faire connaître les motifs de fait et de droit pour lesquels il a rejeté ces demandes ;
Cons. que, si l'article 110 du code de la nationalité française prévoit que " la décision qui prononce le rejet d'une demande de naturalisation, de réintégration par décret ou d'autorisation de perdre la nationalité française n'exprime pas les motifs ", cette règle de forme ne fait pas obstacle au pouvoir du juge administratif d'exiger de l'administration qu'elle fasse connaître les raisons de fait et de droit sur lesquelles sont fondées de telles décisions afin de vérifier si elles ne sont pas entachées d'erreur de droit ou de fait, d'erreur manifeste d'appréciation ou de détournement de pouvoir ; que, dès lors, le tribunal administratif de Paris, était fondé à inviter le ministre du travail et de la participation à faire connaître les raisons de fait et de droit qui ont motivé les décisions contestées ;
Cons., il est vrai que, devant le Conseil d'Etat, le ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale affirme que certaines informations contenues dans les dossiers de M. et Mme X... sont couvertes par un secret garanti par la loi ; que, toutefois, si, dans le cas où il se trouve placé devant un refus de communication fondé sur le secret, qu'il ne lui appartient pas de discuter, le juge est tenu de ne statuer qu'au vu des seules pièces du dossier dont il est saisi, rien ne s'oppose à ce que, dans la mesure où ces renseignements lui paraissent indispensables pour former sa conviction sur les points en litige, il prenne toutes mesures de nature à lui procurer, par les voies de droit, tous éclaircissements nécessaires, même sur la nature des pièces écartées et sur les raisons de leur exclusion ; qu'il a ainsi la faculté, s'il y échet, de convier l'autorité responsable à lui fournir, à cet égard, toutes indications susceptibles de lui permettre, sans porter aucune atteinte, directe ou indirecte aux secrets garantis par la loi, de se prononcer en pleine connaissance de cause ; qu'il lui appartient, dans le cas où un refus serait opposé à une telle demande, de joindre cet élément de décision, en vue du jugement à rendre, à l'ensemble des données fournies par le dossier ;
Cons. qu'il résulte de ce qui précède que le ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris, a excédé les pouvoirs dont il dispose en vue de l'instruction des affaires dont il est saisi ;
rejet .N
1 Rappr. Ass., Secrétaire d'Etat à la guerre c/ Coulon, 11 mars 1955, p. 149 ; Houhou, 2 oct. 1963, p. 468.