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10/06/1983 | FRANCE | N°27391

France | France, Conseil d'État, 7 / 9 ssr, 10 juin 1983, 27391


Requête de M. X... tendant à :
1° l'annulation du jugement du 24 juin 1980 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à la décharge de l'impôt sur le revenu et de la majoration exceptionnelle auxquels il a été assujetti au titre de l'année 1973 ;
2° la décharge des impositions contestées ;
Vu le code général des impôts ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; la loi du 30 décembre 1977 ;
Considérant que, par acte notarié du 6 juillet 1973, la société anonyme Y... a vendu à M. X..., actionnaire et ancien pré

sident-directeur général de la société, pour la somme de 400 000 F, un appartement...

Requête de M. X... tendant à :
1° l'annulation du jugement du 24 juin 1980 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à la décharge de l'impôt sur le revenu et de la majoration exceptionnelle auxquels il a été assujetti au titre de l'année 1973 ;
2° la décharge des impositions contestées ;
Vu le code général des impôts ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; la loi du 30 décembre 1977 ;
Considérant que, par acte notarié du 6 juillet 1973, la société anonyme Y... a vendu à M. X..., actionnaire et ancien président-directeur général de la société, pour la somme de 400 000 F, un appartement dont elle était propriétaire et qu'il occupait à Paris ; que l'administration, après avoir fixé à 1 200 000 F le prix servant de base aux droits de mutation, a estimé que l'insuffisance ainsi révélée constituait un bénéfice distribué par la société à M. X... et a rehaussé à due concurrence les bases de l'impôt sur le revenu dû par l'intéressé au titre de l'année 1973 ;
Sur la procédure d'imposition : Cons., d'une part, qu'il résulte des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient M. X..., le redressement litigieux, noti- fié au contribuable par lettre du 31 juillet 1975, comportait une motivation suffi- sante ;
Cons., d'autre part, que, si M. X... fait valoir qu'il n'a accepté le chiffre de 1 200 000 F comme base de calcul des droits de mutation qu'en contrepartie des assurances qui lui auraient été données par le service que son acceptation mettrait fin à toute procédure fiscale fondée sur le même fait générateur, cette circonstance, à la supposer établie, ne pouvait pas faire obstacle à ce que l'administration engageât une procédure de redressement pour asseoir un supplément d'impôt sur le revenu ;
Sur le principe de l'imposition au regard du code général des impôts : Cons. qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : ... c Les rémunérations et avantages occultes " ; que constitue un avantage occulte au sens de ces dispositions le fait pour une société anonyme de vendre à un actionnaire à un prix minoré un bien figurant jusque-là à l'actif social ; qu'en pareil cas, l'administration est en droit d'imposer entre les mains du bénéficiaire de cet avantage, comme revenu distribué, le montant de la différence entre le prix consenti et le prix auquel la transaction aurait été conclue si elle avait été négociée dans des conditions normales ;
Cons. que, M. X... n'ayant pas accepté le redressement qui lui a été notifié, il appartient à l'administration d'apporter la preuve de la minoration du prix de vente à M. X... de l'appartement susmentionné ;
Cons. qu'il résulte de l'instruction qu'eu égard à la situation et aux caractéristiques de l'immeuble dont il s'agit, le prix de 400 000 F, alors même qu'il aurait été fixé à dire d'expert, doit être regardé comme inférieur à la valeur vénale réelle de l'immeuble à la date à laquelle la cession est intervenue ; que le prix de 1 200 000 F retenu par le service est appuyé d'éléments de comparaison dont le contribuable ne critique pas la pertinence ; que, dans ces conditions, l'administration apporte la preuve d'une minoration, à hauteur de la différence entre ces deux chiffres, du prix de vente de l'appartement ; que, par voie de conséquence, cette différence a été réintégrée à bon droit, sous réserve des stipulations de la convention internationale qu'invoque M. X..., dans les bases d'imposition de celui-ci au titre de l'année 1973 ;
Sur l'application de la Convention fiscale franco-italienne : Cons. que le contribuable se prévaut, pour faire obstacle à l'imposition litigieuse, des stipulations des articles 3 et 8 de la convention conclue le 29 octobre 1958 entre la France et l'Italie tendant à éviter les doubles impositions, modifiée par l'avenant et le protocole du 6 décembre 1965, dont les ratifications ont été autorisées respectivement par l'ordonnance du 23 décembre 1958 et la loi du 26 décembre 1966 et publiées au journal officiel du 14 mars 1968 ;
Cons. qu'aux termes de l'article 3, paragraphe 2, de la convention : " a le domicile fiscal d'une personne physique est au lieu où elle a son foyer permanent d'habitation ", cette expression désignant le centre des intérêts vitaux c'est-à-dire le lieu avec lequel les relations personnelles sont les plus étroites. Lorsqu'il n'est pas possible de déterminer le domicile d'après l'alinéa qui précède, la personne physique est réputée posséder son domicile dans celui des deux Etats où elle séjourne principalement. En cas de séjour d'égale durée dans les deux Etats, elle est réputée avoir son domicile dans celui des deux Etats dont elle a la nationalité ... ;
Cons. qu'il résulte de l'instruction que M. X..., qui s'était retiré en Italie après avoir cessé, depuis 1971, d'exercer les fonctions de président-directeur général de la société Y..., avait en 1973 dans ce pays le centre de ses intérêts vitaux ; que, par suite, quelle ait été la durée de ses séjours en France au cours de cette même année, et sans que puisse y faire obstacle la double circonstance qu'il a perçu en France des revenus comme conseiller technique de la même société et a disposé d'un appartement en France, son domicile fiscal, au sens de la convention, se trouvait en Italie ;
Cons. qu'aux termes de l'article 8 de cette même convention, dans la rédaction que lui a donné l'article 2 de l'avenant du 6 septembre 1965, " 1. Les dividendes payés par une société qui est domiciliée dans un des Etats contractants à une pesonne domiciliée dans l'autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat ... 3. Le terme " dividendes " employé dans le présent article désigne les revenus provenant d'actions, actions ou bons de jouissance, parts de mine, parts de fondateur ou autres parts bénéficiaires à l'exception des créances ainsi que les revenus d'autres parts sociales assimilés aux revenus d'actions par la législation fiscale de l'Etat où la société distributrice à son domicile " ; que l'article 14 stipule que " Les tantièmes, jetons de présence et autres allocations attribuées aux membres du conseil d'admi- nistration ou de surveillance de sociétés par actions ou sociétés coopératives ou aux gérants de sociétés à responsabilité limitée ne sont imposables que dans celui des deux Etats où est domiciliée la société qui les verse " ;
Cons. qu'il résulte clairement des dispositions précitées qu'au nombre des revenus qui y sont limitativement énumérés ne figurent pas les rémunérations et avantages occultes réputés distribués par application de l'article 111 précité du code général des impôts ; que les revenus de cette nature, n'étant visés par aucun autre article de la convention, relèvent en conséquence de l'article 19 aux termes duquel : " Les impôts prélevés sur tous les autres revenus que ceux visés aux articles précédents ne sont perçus que dans l'Etat où le bénéficiaire a son domicile " ; que cette dernière sti- pulation a pour effet d'attribuer à l'Italie la perception de l'impôt qui peut être assis sur le revenu constitué par l'avantage occulte ci-dessus mentionné ;
Cons., toutefois, que l'administration, pour faire obstacle à la décharge de l'imposition qui résulte de ce qui vient d'être dit, oppose les stipulations de l'article 20 de la même convention aux termes duquel : " Dans les cas où, conformément aux dispositions de la présente convention, un revenu doit être exempté de la part de l'un des deux Etats, l'exemption sera accordée si et dans la mesure où ce revenu est imposable dans l'autre Etat " ;
Cons. qu'il ressort clairement de cette stipulation que, dans le cas où la convention a pour effet de faire échapper à l'impôt français un revenu qui serait normalement passible de cet impôt, le revenu dont il s'agit ne peut bénéficier de l'exemption découlant de la convention que s'il est imposable en Italie ;
Cons. que, l'état de la procédure ne permettant pas au Conseil d'Etat de savoir si l'avantage occulte accordé à M. X... en 1973 est imposable en Italie au sens de l'article 20 de la convention, il y a lieu, avant de statuer sur ce point, d'ordonner un supplément d'instruction afin de recueillir tous éléments, notamment un document émanant le cas échéant de l'autorité fiscale italienne énonçant sa position sur ce point, de nature à déterminer si et, le cas échéant, dans quelle mesure l'avantage occulte dont a bénéficié M. X... en 1973 et qui serait, en l'absence de convention fiscale, normalement passible en France du complément d'impôt litigieux, est imposable en Italie ;

supplément d'instruction .N
1 Cf. Cass., 28 avr. 1836 et 6 févr. 1843 et C.E. Dame Bratianu, 21 juill. 1972, p. 588 ; Association laïque des établissements de l'office universitaire et culturel français pour l'Algérie, 19 juin 1981.


Synthèse
Formation : 7 / 9 ssr
Numéro d'arrêt : 27391
Date de la décision : 10/06/1983
Sens de l'arrêt : Avant dire droit supplement d'instruction
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - TEXTES FISCAUX - CONVENTIONS INTERNATIONALES - Convention franco-italienne.

19-01-01-05 Les rémunérations et avantages occultes réputés distribués par application de l'article 111 du C.G.I. relèvent, pour l'application de la convention franco-italienne en date du 29 octobre 1958, de l'article 19 qui les rend imposables dans l'Etat où le bénéficiaire a son domicile. En l'espèce le contribuable est domicilié en Italie. Toutefois, l'article 20 de la convention dispose que dans les cas où un revenu doit être exempté par l'un des Etats, en l'espèce la France, l'exemption est accordée si et dans la mesure où le revenu est imposable dans l'autre Etat, c'est-à-dire l'Italie. Supplément d'instruction pour permettre au Conseil d'Etat de trancher cette question de fait.

- RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - PROCEDURE CONTENTIEUSE - QUESTIONS COMMUNES - POUVOIRS DU JUGE FISCAL - Convention internationale - Notion de revenu imposable dans l'Etat contractant - Question de fait.

19-02-01-02 La question de savoir si pour l'application d'une convention internationale un revenu est imposable dans l'Etat contractant de la France, est une question de fait [sol. impl.] [1].


Références :

CGI 111
Convention du 29 octobre 1958 France Italie art. 3, par. 2, art. 8, art. 14, art. 19, art. 20
LOI 66-966 du 26 décembre 1966
Ordonnance du 23 décembre 1958
Protocole du 06 décembre 1965 France Italie

1.

Cf. Cassation 1836-04-28 et 1843-02-06 et Conseil d'Etat Dame Bratianu, 1972-07-21, p. 588 ;

Association laïque des établissements de l'office universitaire et culturel français pour l'Algérie, 1981-06-19


Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 1983, n° 27391
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Lasry
Rapporteur ?: M. André
Rapporteur public ?: M. Bissara

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1983:27391.19830610
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