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10/06/1983 | FRANCE | N°37161

France | France, Conseil d'État, 3 / 5 ssr, 10 juin 1983, 37161


Requête de Mme X... tendant à :
1° l'annulation du jugement du 8 juillet 1981 du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande tendant à ce que le sanatorium de Bodiffé à Plemet Côtes-du-Nord soit condamné à lui verser la somme de 71 005,20 F correspondant aux allocations pour perte d'emploi et aux allocations supplémentaires d'attente auxquelles elle a droit à la suite de son licenciement et une somme de 5 000 F à titre de dommages-intérêts ;
2° la condamnation du sanatorium de Bodiffé à lui verser ces sommes ;
Vu le code du travail ; le décret du 14 av

ril 1975 ; le code civil ; le code des tribunaux administratifs ; le décre...

Requête de Mme X... tendant à :
1° l'annulation du jugement du 8 juillet 1981 du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande tendant à ce que le sanatorium de Bodiffé à Plemet Côtes-du-Nord soit condamné à lui verser la somme de 71 005,20 F correspondant aux allocations pour perte d'emploi et aux allocations supplémentaires d'attente auxquelles elle a droit à la suite de son licenciement et une somme de 5 000 F à titre de dommages-intérêts ;
2° la condamnation du sanatorium de Bodiffé à lui verser ces sommes ;
Vu le code du travail ; le décret du 14 avril 1975 ; le code civil ; le code des tribunaux administratifs ; le décret du 11 janvier 1965 ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; la loi du 30 décembre 1977 ;
Sur la régularité du jugement attaqué : Considérant que les mémoires de Mme X..., enregistrés au greffe du tribunal administratif les 13 février et 11 juin 1981, ne contenaient ni conclusions ni moyens nouveaux ; que, dès lors, le tribunal administratif les a suffisamment analysés en mentionnant, dans les visas de son jugement, qu'il s'agissait de " mémoires confirmatifs " ;
Sur la recevabilité de la demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Rennes : Cons. qu'aux termes de l'article 1er du décret du 11 janvier 1965 : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction administrative ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les 2 mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. Le silence gardé pendant plus de 4 mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut décision de rejet. Les intéressés disposent, pour se pourvoir contre cette décision implicite, d'un délai de 2 mois à compter du jour de l'expiration de la période de 4 mois susmentionnée ... Toutefois l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de 2 mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet ; 1° En matière de plein contentieux ... " ;
Cons. que, par lettre du 6 septembre 1978, Mme X... a, après une échange de correspondances avec le directeur du sanatorium de Bodiffé, adressé à celui-ci un recours gracieux tendant à ce que lui soient versées les allocations pour perte d'emploi et les allocations supplémentaires d'attente auxquelles elle prétendait avoir droit en raison de son licenciement, prononcé à compter du 1er juin 1978 ; que, par lettre du 12 septembre 1978, le directeur du sanatorium a répondu qu'il attendait divers renseignements complémentaires pour procéder au versement de ces allocations ; qu'ainsi, par cette lettre, le directeur n'a pas rejeté la demande du 6 septembre 1978 et s'est borné à lui apporter une simple réponse d'attente, qui ne comportait aucune décision susceptible de lier le contentieux ; que, si le silence gardé pendant plus de 4 mois sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet qui a lié le contentieux, cette décision implicite de rejet n'a pu faire courir le délai dont Mme X... disposait pour demander, par la voie du recours de plein contentieux, la condamnation du sanatorium à lui payer les allocations qu'elle sollicitait ; que, dès lors, le sanatorium de Bodiffé n'est pas fondé à soutenir que la demande, présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Rennes, était tardive et, par suite, irrecevable ;
Sur les conclusions relatives à l'allocation pour perte d'emploi : Cons. qu'aux termes de l'article L. 351-18 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date à laquelle Mme X... a cessé ses fonctions : " ... les agents civils non fonctionnaires de l'Etat et de ses établissements publics, administratifs, ainsi que les agents non titulaires des collectivités locales et des autres établissements publics administratifs, ont droit, en cas de licenciement et à condition d'avoir été employés de manière permanente, à une allocation dont les conditions d'attribution et de calcul ... sont déterminées par décret en Conseil d'Etat ... " ; que, selon l'article R. 351-39 du même code " ... sont regardés comme ayant été employés de manière permanente, au sens et pour l'application du 1er alinéa de l'article 351-18, les agents mentionnés audit alinéa qui ont été recrutés depuis au moins trois mois à la date de leur licenciement par un des organismes ou collectivités énumérés à l'article L. 351-18 ... soit par un engagement comportant une clause de tacite reconduction qui a pris effet sans qu'il y ait eu interruption de service, soit par un engagement d'une durée au moins égale à un an " ;
Cons. qu'il ressort des pièces du dossier que la requérante était employée depuis plus de trois ans par le sanatorium de Bodiffé à Plemet Côtes-du-Nord , en tant que médecin, en vertu d'un contrat comportant une clause annuelle de tacite reconduction, lorsque le directeur de cet établissement lui a fait connaître, par lettre du 25 février 1978, que son engagement ne serait pas renouvelé à compter du 1er juin 1978 ; qu'ainsi, Mme X... doit être regardée comme ayant été employée à titre permanent et comme ayant fait l'objet d'un licenciement ouvrant droit à l'allocation pour perte d'emploi instituée par les dispositions précitées de l'article L. 351-18 du code du travail ; qu'elle est, par suite, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a refusé de condamner le sanatorium de Bodiffé à lui payer les sommes qu'elle demande au titre de cette allocation et dont le montant, non contesté, s'élève à 54 043,69 F ;
Sur les conclusions relatives à l'allocation supplémentaire d'attente : Cons. qu'aux termes de l'article 2 du décret du 14 avril 1975 relatif à l'allocation supplémentaire d'attente, peut prétendre à cette allocation : " le bénéficiaire de l'allocation pour perte d'emploi satisfaisant aux conditions suivantes : a avoir été licencié à la suite d'une modification dans l'organisation du service, dans les conditions du fonctionnement de celui-ci ou dans les effectifs qu'il utilise, sauf si ce licenciement a été prononcé pour un motif disciplinaire ou pour insuffisance professionnelle, ou parce que l'intéressé ne remplit plus les conditions requises pour l'exercice de la fonction ... b avoir été recruté, depuis au moins un an à la date du licenciement ... par un engagement comportant une clause de tacite reconduction ... " ;
Cons. qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme X... ait été licenciée à la suite d'une modification dans l'organisation du sanatorium, ni dans les conditions du fonctionnement de celui-ci, ni dans les effectifs qu'il utilisait ; qu'ainsi, Mme X... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a, par le jugement attaqué, rejeté ses conclusions tendant à obtenir le bénéfice de l'allocation supplémentaire d'attente ;
Sur les intérêts : Cons. que Mme X... a demandé, pour la première fois, le paiement de l'allocation pour perte d'emploi, le 5 juin 1978 ; que, dès lors, elle a droit aux intérêts au taux légal de la somme sus-indiquée de 54 043,65 F, à compter de la date de réception de cette demande par le sanatorium de Bodiffé en ce qui concerne les allocations journalières échues avant cette date, et à compter de leurs échéances successives en ce qui concerne les allocations échues après cette date ;
Sur les intérêts des intérêts : Cons. que la capitalisation des intérêts a été demandée le 20 septembre 1982 ; qu'à cette date il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les dommages-intérêts compensatoires : Cons. qu'en s'abstenant de verser à Mme X... l'allocation pour perte d'emploi, alors que son directeur avait, par une lettre du 8 juin 1978, reconnu qu'elle y avait droit et que Mme X... avait fourni, dès le 20 septembre 1978, les justifications qui lui avaient été demandées par la lettre susmentionnée du 12 septembre 1978, le sanatorium de Bodiffé a fait preuve de mauvais vouloir ; que le retard dans le paiement de ces allocations à caractère alimentaire a causé à Mme X..., eu égard à sa situation de famille, un préjudice distinct de celui qui est réparé par l'attribution des intérêts moratoires ; que la requérante est, dès lors, fondée à demander des dommages-intérêts compensatoires ; qu'il sera fait juste évaluation du préjudice qu'elle a subi en condamnant le sanatorium de Bodiffé à lui payer à ce titre une indemnité de 5 000 F ; ... annulation du jugement et de la décision implicite de rejet, condamnation du Sanatorium à payer 54 043,65 F à Mme X..., ainsi que les allocations journalières échues après la date de réception de la demande de la requérante avec capitalisation des intérêts, versement d'une indemnité de 5 000 F avec intérêts à la même .N
1 Rappr. Ville de La Flèche c/ Mme Y..., 37.337 et 37.622, du même jour.


Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-03,RJ1 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - AGENTS CONTRACTUELS ET TEMPORAIRES - FIN DU CONTRAT -Contrat comportant une clause annuelle de tacite reconduction - Non-renouvellement - Caractère de licenciement - Conséquences [1].

36-12-03 Médecin employé depuis plus de trois ans par un sanatorium, en vertu d'un contrat comportant une clause annuelle de tacite reconduction. Le directeur de l'établissement lui a fait connaître, par lettre du 25 février 1978, que son engagement ne serait pas renouvelé à compter du 1er juin 1978. Par suite, l'intéressé doit être regardé comme ayant été employé à titre permanent et comme ayant fait l'objet d'un licenciement ouvrant droit à l'allocation pour perte d'emploi instituée par les dispositions de l'article L.351-18 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date à laquelle le médecin a cessé ses fonctions [1].


Références :

Code civil 1154
Code du travail L351-18
Code du travail R351-39
Décret 65-29 du 11 janvier 1965 art. 1
Décret 75-246 du 14 avril 1975 art. 2

1. RAPPR. Ville de La Flèche c/ Mme Ronceray, n°s 37337 et 37622, du même jour


Publications
Proposition de citation: CE, 10 jui. 1983, n° 37161
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. de Bresson
Rapporteur ?: M. Labarre
Rapporteur public ?: M. Labetoulle

Origine de la décision
Formation : 3 / 5 ssr
Date de la décision : 10/06/1983
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 37161
Numéro NOR : CETATEXT000007706770 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1983-06-10;37161 ?
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