La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/07/1983 | FRANCE | N°20809

France | France, Conseil d'État, 8/7/9 ssr, 29 juillet 1983, 20809


Requête de M. X..., tendant à :
1° l'annulation d'un jugement du 5 juillet 1979 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des impositions complémentaires aux taxes sur le chiffre d'affaires auxquelles il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 1966 au 31 août 1970 ;
2° la décharge des compléments d'impositions contestés ; .
Vu le code général des impôts ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; la loi du 30 décembre 1977 ;
Considérant que M. X..., négociant en gros de garnitur

es de freins et de disques d'embrayage, demande la décharge de la totalité des s...

Requête de M. X..., tendant à :
1° l'annulation d'un jugement du 5 juillet 1979 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des impositions complémentaires aux taxes sur le chiffre d'affaires auxquelles il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 1966 au 31 août 1970 ;
2° la décharge des compléments d'impositions contestés ; .
Vu le code général des impôts ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; la loi du 30 décembre 1977 ;
Considérant que M. X..., négociant en gros de garnitures de freins et de disques d'embrayage, demande la décharge de la totalité des suppléments de taxe sur les prestations de services, de taxe locale et de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti, au titre de la période du 1er janvier 1966 au 31 décembre 1967 et des suppléments de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 1968 au 31 août 1970, soit d'une somme de 443 144 F, ainsi que de la totalité des pénalités afférentes, à l'ensemble des rehaussements établis par l'administration et s'élevant à 872 148,51 F ;
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué : Cons. que devant le tribunal administratif M. X... a soulevé, à l'appui de ses prétentions relatives au bien fondé des impositions en litige, un moyen tiré de l'autorité de la chose jugée par le juge pénal ; que le tribunal administratif a omis de répondre à ce moyen ; que, dès lors, le jugement attaqué doit être annulé comme insuffisamment motivé ;
Cons. que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X... ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le ministre :
Sur l'imposition des achats regardés comme ayant été réalisés sans facture : Cons. qu'il ressort clairement de l'article 189 du traité instituant la Communauté économique européenne en date du 25 mars 1957 que, si les directives du conseil lient les Etats-membres " quant au résultat à atteindre " et si, pour atteindre les résultats qu'elles définissent, les autorités nationales sont tenues d'adapter la législation des Etats-membres aux directives qui leur sont destinées, ces autorités restent seules compétentes pour décider des moyens propres à permettre aux directives de produire effet en droit interne ; qu'ainsi la directive du 11 avril 1967 est, en tout état de cause, sans influence sur l'application au contribuable de dispositions législatives antérieures, notamment sur celle de l'article 1786 du code général des impôts ;
Cons. qu'aux termes de cet article 1786 : " Pour l'application des sanctions prévues en cas de manoeuvres frauduleuses, tout achat pour lequel il n'est pas représenté de facture régulière et conforme à la nature, à la quantité et à la valeur des marchandises cédées est réputé avoir été effectué en fraude des taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées, quelle que soit la qualité du vendeur au regard desdites taxes. En pareil cas, l'acheteur est, soit personnellement, soit solidairement avec le vendeur si celui-ci est connu, tenu de payer lesdites taxes sur le montant de cet achat, ainsi que la pénalité exigible " ; qu'il résulte de ces dispositions que, quelles que soient les règles applicables en matière de charge de la preuve en ce qui concerne les autres chefs de litige, il incombe à l'administration de prouver la réalité des achats imputés à un contribuable dès lors que ceux-ci sont réputés constituer des manoeuvres frauduleuses ;
En ce qui concerne les achats comptabilisés : Cons. qu'il résulte de l'instruction qu'à l'occasion de la vérification de la comptabilité de l'entreprise de M.
X...
, le vérificateur a constaté qu'au cours de la période d'imposition, des sommes comptabilisées parmi les achats correspondaient à l'acquisition de titres anonymes pour un montant total de 720 000 F ; qu'il a estimé que ces titres avaient été utilisés pour payer des achats réels de marchandises pour lesquels le contribuable n'avait pas représenté de factures ; que M. X... a été, en conséquence, assujetti aux taxes sur le chiffre d'affaires sur le montant de ces achats par application de l'article 1786 précité pour un montant de 140 200 F de droits en principal, assortis de pénalités de 200 % pour manoeuvres frauduleuses ;
Cons. qu'il résulte des constatations du juge pénal, énoncées dans un arrêté de la cour d'appel de Paris en date du 26 octobre 1976, que l'intéressé a reconnu au cours de la vérification avoir réalisé des achats sans facture payés par la remise de bons au porteur ; que le contribuable a aussi reconnu avoir réalisé des achats sans facture jusqu'en 1969 dans sa réponse à la notification de redressements ; que ces aveux sont corroborés par les circonstances que les sommes litigieuses ont été inscrites parmi les achats de l'entreprise et que le volume des ventes comptabilisées correspondait à celui des achats et des variations de stocks comptabilisés ; qu'ainsi l'administration établit que M. X... a procédé, à concurrence des sommes susmentionnées, à des achats réels de marchandises pour lesquels il n'a pas représenté de factures ; que les conclusions tendant à la décharge des droits et pénalités correspondants doivent donc être rejetées sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre auxdites conclusions ;
En ce qui concerne les achats réputés réalisés par la remise de titres au porteur acquis par le débit du compte bancaire personnel de M. X... : Cons. qu'il résulte de l'instruction qu'à l'occasion de la vérification de la comptabilité de l'entreprise de M.
X...
, le vérificateur a constaté qu'au cours de la période d'imposition en litige, des titres au porteur ont été acquis par le débit du compte bancaire personnel de M. X... et que les sommes inscrites au crédit de ce compte provenaient en partie des virements du compte bancaire de l'entreprise, dans les écritures de laquelle elles ont été dissimulées sous la rubrique " règlements-fournisseurs " ; que les titres ainsi acquis, et non échus, n'ayant pu être présentés par le contribuable, l'administration les a regardés comme ayant été utilisés pour le règlement d'achats sans factures ; que M. X... a, en conséquence, été assujetti, en application des dispositions précitées de l'article 1786 du code, aux taxes sur le chiffre d'affaires grevant ces achats supposés ;
Cons. toutefois que la méthode susdécrite de reconstitution des bases d'imposition de M. X... présente trop d'incertitudes pour être admise, dès lors que l'administration n'apporte aucun élément de nature à apporter la preuve, qui lui incombe ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que l'intéressé a réellement procédé à des achats sans facture selon le mode de financement susindiqué ; que la circonstance que le requérant a, lors de la notification des redressements contestés, déclaré avoir " spontanément cessé la réalisation d'achats sans facture depuis 1969 " ne suffit ni à apporter la preuve du bien-fondé du principe des redressements en litige, ni à en justifier le montant, eu égard au fait que cet aveu, conçu en termes généraux, ne se rapporte pas à l'objet même de la contestation qui ne porte que sur une fraction de ces redressements ; qu'ainsi cet aveu ne peut pas être regardé comme déterminant au regard de l'établissement des bases d'imposition dont il s'agit ;
Sur l'imposition des recettes afférentes aux ventes de marchandises réputées achetées sans facture : Cons. qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que la comptabilité de M. X... présentait de graves irrégularités et ne pouvait donc pas être regardée comme probante ; que le contribuable était donc en situation de voir son chiffre d'affaires rectifié d'office ; que, par suite, il lui appartient de manière générale d'apporter la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues ;
Cons. que M. X... fait valoir, sans être contredit, que, pour établir l'existence des recettes contestées, l'administration s'est bornée, à partir de la constatation qu'elle a faite que des titres anonymes avaient été achetés par le requérant par le débit de son compte personnel, à en déduire que ces mêmes titres avaient servi à l'acquisition de marchandises revendues sans facture par l'entreprise Etablissements Cibax ; que la méthode d'évaluation ainsi retenue par le service présente un caractère purement hypothétique et ne permet pas au juge de l'impôt d'admettre la réalité des opérations d'achat et, par suite, celle des opérations de revente ayant servi de base au redressement litigieux ;
Cons. qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... est seulement fondé à demander la réduction des suppléments de taxes sur le chiffre d'affaires auxquels il a été assujetti au titre de la période comprise entre le 1er janvier 1966 et le 31 août 1970 à concurrence d'une somme de 295 149 F de droits et des pénalités y afférentes ;
annulation du jugement, réduction des droits supplémentaires de 295 149 F, rejet du surplus des conclusions .N
1 Cf. 33.476, 25 janv. 1965 ; 38.503, 10 mai 1965, p. 267 ; 65.986, 13 juill. 1966 ; 70.721, 3 mai 1968, p. 277.


Synthèse
Formation : 8/7/9 ssr
Numéro d'arrêt : 20809
Date de la décision : 29/07/1983
Sens de l'arrêt : Annulation totale réduction rejet surplus
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

- RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - AMENDES - PENALITES - MAJORATION - Application de l'article 1786 du C - G - I - [T - V - A - relative à des achats sans facture].

19-01-04, 19-06-02-02-04 Il résulte des dispositions de l'article 1786 du C.G.I. - relatif à l'application des sanctions prévues en cas de manoeuvres frauduleuses et qui rend l'acheteur personnellement et solidairement redevable avec le vendeur si celui-ci est connu de la taxe afférente aux achats sans facture ou appuyés de factures irrégulières et de la pénalité exigible - qu'il incombe à l'administration de prouver la réalité des achats imputés à un contribuable, dès lors que ceux-ci sont réputés constituer des manoeuvres frauduleuses, quelles que soient les règles de preuve applicables en ce qui concerne d'autres chefs de litige [en l'espèce sa comptabilité étant entachée de graves irrégularités, le contribuable était en situation de voir son chiffre d'affaires rectifié d'office] [1].

- RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILES - T - V - A - LIQUIDATION DE LA TAXE - CIRCUITS DE FRAUDE - Règles de preuve.


Références :

CEE DIRECTIVE du 11 avril 1967
CGI 1786
TRAITE du 25 mars 1957 Rome art. 189

1.

Cf. 33476, 1965-01-25 ;

38503, 1965-05-10, p. 267 ;

65986, 1966-07-13 ;

70721 1968-05-03, p. 277


Publications
Proposition de citation : CE, 29 jui. 1983, n° 20809
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Lasry
Rapporteur ?: M. de Guillenchmidt
Rapporteur public ?: M. Bissara

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1983:20809.19830729
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award