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02/09/1983 | FRANCE | N°51182;51853

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 02 septembre 1983, 51182 et 51853


Requête n° 51.182 de M. A... et autres tendant :
1° à l'annulation du jugement du 2 juin 1983 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé leur élection en qualité de conseillers municipaux de la commune de Sarcelles lors des opérations électorales du 6 mars 1983, suspendu nonobstant appel leur mandat, et décidé que lors de l'élection consécutive à l'annulation, la présidence des bureaux de vote de la commune de Sarcelles ainsi que celle du bureau centralisateur serait assurée par des personnes désignées par le président du tribunal de grande instance de

Pontoise ;
2° au rejet de la protestation de M. B... devant le trib...

Requête n° 51.182 de M. A... et autres tendant :
1° à l'annulation du jugement du 2 juin 1983 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé leur élection en qualité de conseillers municipaux de la commune de Sarcelles lors des opérations électorales du 6 mars 1983, suspendu nonobstant appel leur mandat, et décidé que lors de l'élection consécutive à l'annulation, la présidence des bureaux de vote de la commune de Sarcelles ainsi que celle du bureau centralisateur serait assurée par des personnes désignées par le président du tribunal de grande instance de Pontoise ;
2° au rejet de la protestation de M. B... devant le tribunal administratif de Versailles et à la validation de leur élection ;
3° au sursis à exécution du jugement ordonnant la suspension du mandat des élus ;
Requête n° 51.853 de M. B... tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du tribunal administratif de Versailles du 2 juin 1983 refusant de faire droit aux conclusions principales de sa protestation qui tendaient à la proclamation des 34 premiers candidats de sa liste " Espoir pour Sarcelles " et des 11 premiers candidats de la liste " Union pour continuer Sarcelles " ;
2° proclame les 34 premiers candidats de la liste " Espoir pour Sarcelles " et les 11 premiers candidats de la liste " Union pour continuer Sarcelles " élus conseillers municipaux au premier tour de scrutin ;
3° communique le dossier au procureur de la République par application de l'article L. 117-1 du code électoral ;
Vu le code électoral ; le code des tribunaux administratifs ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; la loi du 30 décembre 1977 ;
Considérant ... jonction ; . .
Sur l'intervention de Mmes et MM. Roger C..., Jean-Claude D..., André E..., Francine Y..., Julien F..., Gabrielle de G..., Maurice Z..., Jean-Pierre I..., Bernard H... et Patrice X... dans l'affaire n° 51.182 : Cons. que les personnes susnommées ont reçu communication de la requête n° 51.182 ; qu'ainsi le mémoire présenté pour elles constitue non pas une intervention, mais des observations en réponse à cette communication ;
Sur l'intervention de Mmes et MM. Roger C..., Jean-Claude D..., André E..., Francine Y..., Julien F..., Gabrielle de G..., Maurice Z..., Jean-Pierre I..., Bernard H... et Patrice X... au soutien de la requête n° 51.853 ; Cons., d'une part, que les personnes susnommées sont intervenues en première instance ; que, d'autre part, elles ont qualité pour faire appel du jugement attaqué ; que, dès lors, leur prétendue intervention devant le Conseil d'Etat ne peut être regardée que comme un appel ; que cet appel, ayant été enregistré plus d'un mois après la notification qui leur a été faite du jugement attaqué, est tardif et, par suite, irrecevable ;
Sur les conclusions des requêtes relatives aux résultats du scrutin : Cons. qu'il n'est pas contesté qu'avant de proclamer les résultats du premier tour, le bureau centralisateur, qui était présidé par M. A..., maire sortant, a, méconnaissant délibérément les dispositions de l'article R. 69 du code électoral aux termes duquel " les résultats arrêtés par chaque bureau et les pièces annexes ne peuvent en aucun cas être modifiés ", apporté aux résultats inscrits au procès-verbal du 14e bureau de vote des modifications consistant à retrancher 70 voix aux suffrages obtenus par la liste " Espoir pour Sarcelles " conduite par M. B... et à les ajouter aux suffrages recueillis par la liste " Union pour continuer Sarcelles " conduite par M. A... ; que ces modifications ont conduit à attribuer 8 899 voix et 34 élus à la liste " Union pour continuer Sarcelles ", contre 8 863 voix et 11 élus à la liste adverse ;
Cons. que, si M. A... et autres allèguent, pour justifier cette rectification irrégulière, que celle-ci a eu pour objet de corriger une erreur commise par le 14e bureau et d'inscrire au procès-verbal des chiffres conformes à ceux qui figuraient sur les feuilles de pointage des quatre tables de dépouillement de ce bureau, il résulte notamment de l'instruction que les feuilles de pointage des tables 1 et 3, dont les résultats auraient été décomptés de façon erronée par le 14e bureau, ne présentent pas un caractère d'authenticité incontestable et que les représentants de la liste " Espoir pour Sarcelles " ont été empêchés, au cours des opérations de centralisation des résultats qui s'effectuaient dans la salle des mariages de l'Hôtel de Ville, d'exercer leur droit de contrôle et en particulier n'ont pas pu vérifier le bien-fondé de la rectification ci-dessus mentionnée des résultats du 14e bureau, à laquelle s'est livré, sans en donner aucune justification ni explication, le bureau centralisateur ; qu'au surplus, celui-ci n'a pas jugé utile de faire constater l'erreur qu'il prétendait corriger par le président de la commission de contrôle des élections de la ville de Sarcelles constituée en application des dispositions de l'article L. 85-1 du code électoral ;
Cons. qu'il résulte de ce qui précède que les irrégularités commises lors du recensement général des votes ont été de nature à altérer les résultats du scrutin ; que, toutefois, le nombre de suffrages recueillis respectivement par la liste conduite par M. A... et par la liste conduite par M. B... ne peut pas être déterminé avec certitude au vu du dossier soumis à la juridiction administrative ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'instruction complémentaire, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Versailles a prononcé l'annulation des opérations électorales et a rejeté les conclusions de M. B... tendant à ce que soient proclamés élus les 34 premiers candidats de sa liste ;
Sur les conclusions de la requête de M. A... et autres tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement qui a ordonné la suspension du mandat des candidats proclamés élus : Cons. qu'aux termes de l'article L. 250-1 du code électoral : " Le tribunal administratif peut, en cas d'annulation d'une élection pour manoeuvres dans l'établissement de la liste électorale ou irrégularité dans le déroulement du scrutin, décider, nonobstant appel, la suspension du mandat de celui ou de ceux dont l'élection a été annulée. En ce cas, le Conseil d'Etat rend sa décision dans les trois mois de l'enregistrement du recours. A défaut de décision définitive dans ce délai, il est mis fin à la suspension Dans les cas non visés aux alinéas précédents, le Conseil d'Etat rend sa décision dans les six mois qui suivent l'enregistrement du recours " ;
Cons. que la loi n° 1329 du 31 décembre 1975 ne subordonne l'entrée en vigueur de son article 9, qui a introduit dans le code électoral les dispositions de l'article L. 250-1 précité, à aucune mesure d'application et ne comporte aucun renvoi à une disposition législative ultérieure ; que, d'autre part, eu égard aux dispositions de l'article L. 121-5 du code des communes selon lesquelles " lorsqu'un conseil municipal ne peut être constitué, une délégation spéciale en remplit les fonctions ", l'application des dispositions de l'article L. 250-1 du code électoral n'est pas manifestement impossible, même en l'absence de dispositions législatives particulières organisant la gestion provisoire de la commune, lorsque les mandats des conseillers municipaux sont, comme en l'espèce, suspendus ; que, par suite, lesdites dispositions sont entrées en vigueur dès la publication au Journal officiel de la loi du 31 décembre 1975 ;
Cons. qu'il résulte des dispositions de l'article L. 250-1, éclairées par les travaux préparatoires, que le législateur a entendu permettre aux tribunaux administratifs de prononcer la suspension dans tous les cas où des irrégularités dans les opérations électorales ont été de nature à affecter les résultats du scrutin ; que, par suite, le tribunal administratif de Versailles a pu faire application de ces dispositions en se fondant sur les irrégularités qui ont entaché les opérations de centralisation et de recensement général des votes ;
Cons., enfin, qu'eu égard tant à la nature et à la gravité des irrégularités relevées qu'à leur caractère délibéré, c'est à bon droit que les premiers juges ont suspendu les mandats des candidats proclamés élus ;
Sur les conclusions subsidiaires de la requête de M. A... et autres, dirigées contre l'article 3 du jugement qui fait application des dispositions de l'article L. 118-1 du code électoral : Cons. que, dans les circonstances où elles se sont produites, les irrégularités ci-dessus exposées ont constitué des fraudes ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Versailles a décidé, en application des dispositions de l'article L. 118-1 du code électoral, que la présidence des bureaux de vote et celle du bureau centralisateur serait assurée par des personnes désignées par le président du tribunal de grande instance de Pontoise, lors de l'élection partielle consécutive à l'annulation que le tribunal a prononcée ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 117-1 du code électoral : Cons. qu'aux termes de l'article L. 117-1 du code électoral : " Lorsque la juridiction administrative a retenu, dans sa décision définitive, des faits de fraude électorale, elle communique le dossier au procureur de la République compétent " ;
Cons. que les circonstances relatées ci-dessus révèlent à la jurisprudence administrative, en l'état de l'instruction menée par elle, l'existence de faits de fraude électorale ; qu'il y a lieu, par conséquent, de communiquer le dossier au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Pontoise, ainsi que le prescrit l'article L. 117-1 précité du code électoral et ainsi d'ailleurs que le demande M. B... dans sa requête n° 51.853 ;
rejet de la requête n° 51.182 et de l'appel de M. C... et autres ; rejet du surplus des conclusions de la requête n° 51.853 ; transmission du dossier au procureur de la République près le T.G.I. de Pontoise .N
1 Cf. 8 févr. 1980, Elections cantonales de Vincennes-Fontenay Nord , p. 72.


Synthèse
Formation : 1 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 51182;51853
Date de la décision : 02/09/1983
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - APPLICATION DANS LE TEMPS - ENTREE EN VIGUEUR - ENTREE EN VIGUEUR IMMEDIATE - Article L - 250-1 du code électoral [art - 9 de la loi du 31 décembre 1975] - Possibilité pour le tribunal administratif de suspendre le mandat de conseillers municipaux dont l'élection est annulée.

28-04-05 Bureau centralisateur, présidé par le maire sortant, ayant, en méconnaissance délibérée des dispositions de l'article R.69 du code électoral, apporté aux résultats inscrits au procès-verbal d'un bureau de vote des modifications consistant à retrancher 70 voix aux suffrages obtenus par une liste et à les ajouter aux suffrages recueillis par la liste conduite par le maire sortant. Si ce dernier allègue, pour justifier cette rectification irrégulière, que celle-ci a eu pour objet de corriger une erreur commise par le bureau de vote et d'inscrire au procès-verbal des chiffres conformes à ceux qui figuraient sur les feuilles de pointage des tables de dépouillement de ce bureau, ces feuilles de pointage ne présentent pas un caractère d'authenticité incontestable et les représentants de la liste opposée à celle du maire sortant ont été empêchés, au cours des opérations de centralisation des résultats, d'exercer leur droit de contrôle et en particulier n'ont pu vérifier le bien-fondé de la rectification à laquelle s'est livré, sans en donner aucune justification ni explication, le bureau centralisateur. Dans ces conditions, les irrégularités commises lors du recensement général des votes ont été de nature à altérer les résultats du scrutin et doivent entraîner l'annulation des opérations électorales.

ELECTIONS - ELECTIONS MUNICIPALES - OPERATIONS ELECTORALES - Recensement général des votes - Modification par le bureau centralisateur des résultats inscrits au procès-verbal d'un bureau de vote - Annulation des élections compte tenu des circonstances dans lesquelles a été faite cette modification.

28-08-05[1] Lorsqu'une irrégularité de nature à altérer les résultats du scrutin a été commise mais que le nombre de suffrages recueillis par chacune des deux listes en présence ne peut être déterminé avec certitude au vu du dossier soumis à la juridiction administrative, il y a lieu pour celle-ci d'annuler les opérations électorales, sans proclamer élus, aux lieu et place des candidats d'une liste déclarés élus par le bureau, des candidats de l'autre liste.

ELECTIONS - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - INCIDENTS - Non-lieu - Absence - Conclusions dirigées contre la suspension - par un tribunal administratif - du mandat de conseillers municipaux dont l'élection a été annulée [sol - impl - ].

01-08-01-01, 28-08-05[211] D'une part, la loi n° 75-1329 du 31 décembre 1975 ne subordonne l'entrée en vigueur de son article 9, qui a introduit dans le code électoral les dispositions de l'article L.250-1, à aucune mesure d'application et ne comporte aucun renvoi à une disposition législative ultérieure. D'autre part, eu égard aux dispositions de l'article L.121-5 du code des communes selon lesquelles "lorsqu'un conseil municipal ne peut être constitué, une délégation spéciale en remplit les fonctions", l'application des dispositions de l'article L.250-1 du code électoral n'est pas manifestement impossible, même en l'absence de dispositions législatives particulières organisant la gestion provisoire de la commune, lorsque les mandats des conseillers municipaux sont suspendus par décision du tribunal administratif. Par suite, les dispositions de l'article L.250-1 du code électoral sont entrées en vigueur dès la publication au journal officiel de la loi du 31 décembre 1975.

ELECTIONS - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - POUVOIRS DU JUGE [1] Modification des résultats - Conditions - [2] Suspension par le tribunal administratif du mandat de conseillers municipaux dont l'élection est annulée - [21] Article L - 250-1 du code électoral - [211] Date d'entrée en vigueur - [212] Cas dans lesquels elle peut être ordonnée - [3] - RJ1 Décision de faire assurer la présidence des bureaux de vote par des personnes désignées par le président du tribunal de grande instance après annulation d'une élection pour fraude [1] - [4] Communication du dossier au procureur de la République dans le cas où sont révélés des faits de fraude électorale.

28-08-05[212] Il résulte des dispositions de l'article L.250-1 du code électoral, éclairées par les travaux préparatoires, que le législateur a entendu permettre aux tribunaux administratifs de prononcer la suspension dans tous les cas où des irrégularités dans les opérations électorales ont été de nature à affecter les résultats du scrutin. Un tribunal administratif a pu à bon droit suspendre les mandats des candidats proclamés élus, eu égard tant à la nature et à la gravité des irrégularités commises dans la centralisation et le recensement général des votes qu'à leur caractère délibéré.

PROCEDURE - INCIDENTS - NON-LIEU - ABSENCE - Conclusions dirigées contre la suspension - par un tribunal administratif - du mandat de conseillers municipaux dont l'élection est annulée [sol - impl - ].

28-08-03, 54-05-05-01 Tribunal administratif ayant, par l'article 1er de son jugement, annulé les opérations électorales et, par l'article 2 de ce jugement, ordonné, en application de l'article L.250-1 du code électoral, la suspension du mandat des candidats proclamés élus. Il y a lieu en appel pour le Conseil d'Etat, après avoir statué sur les conclusions dirigées contre l'article 1er du jugement, de statuer aussi sur les conclusions tendant à l'annulation de l'article 2, bien que sa décision, rendue dans les trois mois de l'enregistrement de l'appel, mette fin à la suspension [sol. impl.].

28-08-05[3] Dans les circonstances où elles se sont produites, les irrégularités commises lors de la centralisation et du recensement général des votes ont constitué des fraudes. Le tribunal administratif a pu, par suite, décider à bon droit, en application de l'article L.118-1 du code électoral, que la présidence des bureaux de vote et celle du bureau centralisateur serait assurée par des personnes désignées par le président du tribunal de grande instance lors de l'élection partielle consécutive à l'annulation que le tribunal a prononcée [1].

28-08-05[4] Les circonstances dans lesquelles ont été opérés la centralisaion et le recensement général des votes révélant à la juridiction administrative, en l'état de l'instruction menée par elle, l'existence de faits de fraude électorale, il y a lieu de communiquer le dossier au procureur de la République compétent, ainsi que le prescrit l'article L.117-1 du code électoral.


Références :

Code des communes L121-5
Code électoral L117-1
Code électoral L118-1
Code électoral L250-1
Code électoral L85-1
Code électoral R69
LOI 75-1329 du 31 décembre 1975 art. 9

1.

Cf. Elections cantonales de Vincennes-Fontenay

[Nord]

, 1980-02-08, p. 72


Publications
Proposition de citation : CE, 02 sep. 1983, n° 51182;51853
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Lasry
Rapporteur ?: M. de la Verpillière
Rapporteur public ?: M. Genevois

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1983:51182.19830902
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