Requête de la société d'études d'un grand hôtel international à Paris tendant :
1° à l'annulation du jugement du 22 mai 1980 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 15 936 665 F avec les intérêts légaux à compter du 7 avril 1971, et les intérêts des intérêts, en réparation du préjudice résultant du refus de l'Etat d'exécuter le jugement du 18 juin 1974 du tribunal administratif de Paris annulant le refus d'accorder à la société requérate le permis de construire un hôtel international sur l'emplacement de l'ancienne gare d'Orsay :
2° à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 15 936 665 F, avec intérêts légaux à compter du 7 avril 1971 et capitalisation des intérêts ;
Vu le code de l'urbanisme ; le code des tribunaux administratifs ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; la loi du 30 décembre 1977 ;
Considérant que, par un arrêté du 26 février 1971, le ministre de l'équipement et du logement a refusé à la société d'études d'un grand hôtel international à Paris S.E.G.H.I.P. le permis de construire un ensemble hôtelier sur l'emplacement de la gare d'Orsay ; que cet arrêté a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Paris en date du 18 juin 1974, qui est devenu définitif ; que, par trois arrêtés du 21 février 1975, le ministre de l'équipement a rapporté l'arrêté du préfet de Paris en date du 4 décembre 1969 portant dérogation au règlement d'urbanisme de Paris pour la réalisation du projet susmentionné, ainsi que l'accord préalable délivré à la société S.E.G.H.I.P. le 9 décembre 1969, et a refusé à nouveau le permis de construire sollicité ; que, le 25 mars 1975, la société S.E.G.H.I.P. a demandé au ministre de l'équipement le versement d'une indemnité de 15 936 665 F en réparation des préjudices qu'elle aurait subis du fait des agissements de l'administration ; que cette demande a été implicitement rejetée ;
Sur la responsabilité : Cons., en premier lieu, que si, dans son jugement, devenu définitif, du 18 juin 1974, le tribunal administratif de Paris, après avoir annulé la décision de refus du permis de construire du 26 février 1971, a, pour fixer l'indemnité due à la société S.E.G.H.I.P., estimé qu'il n'était pas établi que le permis ne puisse, " pour des raisons matérielles ou juridiques ", être délivré à la société, ce jugement ouvre à ladite société la possibilité de voir réexaminer ses droits à indemnité en cas de nouveau refus du permis de construire, mais ne comporte, et ne saurait d'ailleurs comporter, aucune appréciation revêtue de l'autorité de la chose jugée, de la légalité de la décision du 21 février 1975 refusant le permis de construire ;
Cons., en deuxième lieu, qu'à la date du 4 décembre 1969 à laquelle elle a été consentie à la société S.E.G.H.I.P., la dérogation aux dispositions du plan d'urbanisme de Paris concernant l'ensemble hôtelier qu'elle projetait ne pouvait être légalement accordée, en vertu des dispositions de l'article 3-3° du décret n° 69-429 du 10 mai 1969, qu'après consultation du comité d'aménagement de la région parisienne, dont, en l'absence de l'habilitation prévue à l'article 4 du même décret, la consultation de la conférence permanente du permis de construire ne pouvait tenir lieu ; que l'arrêté de dérogation du 4 décembre 1969, pris sur le seul avis de ce dernier organisme, est ainsi intervenu selon une procédure irrégulière et que, par voie de conséquence, l'arrêté ministériel du 9 décembre 1969 délivrant à la société un accord préalable sur la base de la dérogation consentie était également irrégulier ; que, par suite, le ministre de l'équipement a pu légalement rapporter ces deux arrêtés qui n'étaient pas devenus définitifs et que, dans ces conditions, la société S.E.G.H.I.P. ne peut se prévaloir, à l'encontre de l'arrêté du 21 février 1975 lui refusant le permis de construire, des droits qu'elle estime tenir de l'accord préalable qui lui avait été accordé le 9 décembre 1969 ; qu'il est constant que les prescriptions du plan d'urbanisme de Paris relatives à la hauteur des immeubles et au coefficient d'utilisation du sol, auxquelles l'arrêté du 4 décembre 1969 permettait de déroger ne sont pas respectées par le projet présenté par la S.E.G.H.I.P. ; que, par suite, le ministre de l'équipement était tenu de rejeter, ainsi qu'il a fait par son arrêté du 21 février 1975, la nouvelle demande de permis de construire présentée par la société S.E.G.H.I.P. à la suite du jugement susmentionné du 18 juin 1974 du tribunal administratif de Paris ; qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du 21 février 1975 lui refusant le permis de construire est entaché d'illégalité ;
Cons. toutefois que, comme il vient d'être dit, les arrêtés du 4 décembre 1969 portant dérogation au règlement d'urbanisme de Paris et du 9 décembre 1969 délivrant un accord préalable à la société S.E.G.H.I.P. étaient entachés d'illégalité ; que la société requérante, qui était recevable à invoquer après l'expiration des délais du recours contentieux la faute résultant de cette illégalité, qui ne reposait pas sur une cause juridique distincte des fautes invoquées dans le délai, est fondée à soutenir que l'illégalité des arrêtés dont s'agit est de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
Sur le préjudice : Cons. que la société S.E.G.H.I.P. a droit au remboursement des sommes qu'elle a exposées inutilement en vue de la réalisation du projet entre le 9 décembre 1969, date de la délivrance de l'accord préalable, et le 21 février 1975, date du retrait de cette décision, et qui peuvent être regardées comme la conséquence directe de l'accord préalable irrégulièrement délivré, sous déduction des indemnités qu'elle a déjà reçues de l'Etat à ce titre, à la suite notamment du jugement du 18 juin 1974 ;
Cons. que les sommes mentionnées ci-dessus consistent dans le remboursement des frais d'études et de gestion exposés pour le projet, déduction faite des frais engagés antérieurement à la délivrance de l'accord préalable ; qu'elle a droit également au remboursement des frais financiers afférents aux dépenses d'études de gestion ainsi retenues ; que, l'état du dossier ne permettant pas de déterminer le montant des préjudices subis à ces divers titres, il y a lieu, avant de statuer sur la demande d'indemnité de la société S.E.G.H.I.P., d'ordonner une expertise sur ce point ;
Cons. que la société n'est par contre pas fondée à demander réparation du préjudice éventuel qui serait résulté de la perte des bénéfices attendus de l'opération projetée ; que sa demande doit sur ce point être rejetée ;
annulation du jugement ; responsabilité de l'Etat engagée pour les préjudices subis par la société à raison de l'illégalité de l'arrêté du ministre de l'équipement et du logement du 9 décembre 1969 lui délivrant un accord préalable pour la construction d'un ensemble hôtelier sur l'emplacement de la gare d'Orsay ; expertise ; rejet du surplus des conclusions de la requête .N
1 Cf. Ministre de l'environnement et du cadre de vie c/ S.C.I. Italie-Vandrezanne, 17 juin 1983, n° 27.694.