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03/02/1984 | FRANCE | N°38320

France | France, Conseil d'État, 7/8/9 ssr, 03 février 1984, 38320


Requête de Mme X... tendant à :
1° l'annulation du jugement du 28 octobre 1981, du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie, au titre des années 1971 à 1976, ainsi que des cotisations supplémentaires de majoration exceptionnelle afférentes aux années 1973 et 1975 ;
2° la décharge des impositions contestées ;
Vu le code général des impôts ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; la loi du 30 décembre 1977 ; l'article 93-II

de la loi n° 83-1179 du 29 décembre 1983 portant loi de finances pour 1984 ;...

Requête de Mme X... tendant à :
1° l'annulation du jugement du 28 octobre 1981, du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie, au titre des années 1971 à 1976, ainsi que des cotisations supplémentaires de majoration exceptionnelle afférentes aux années 1973 et 1975 ;
2° la décharge des impositions contestées ;
Vu le code général des impôts ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; la loi du 30 décembre 1977 ; l'article 93-II de la loi n° 83-1179 du 29 décembre 1983 portant loi de finances pour 1984 ;
Considérant que Mme X... a souscrit, le 26 décembre 1967, dans le cadre des dispositions de l'article 8 modifié de la loi du 29 novembre 1965, un engagement d'épargne à long terme pour une durée de cinq ans, puis a renouvelé cet engagement le 31 décembre 1971, pour une durée d'un an, et le 20 décembre 1972, pour une nouvelle durée de cinq ans ; que les produits des placements en valeurs mobilières effectués en vertu de ces engagements, ainsi que le crédit d'impôt et l'avoir fiscal restitués par l'administration, ont été regardés par Mme X... comme exonérés de l'impôt sur le revenu ; que l'administration a réintégré dans les bases d'imposition, au titre de chacune des années 1971 à 1976, les sommes qui en avaient été exclues ; que Mme X..., si elle demande devant le Conseil d'Etat la décharge des impositions qu'elle a contestées devant le tribunal administratif, ne fait, en réalité, appel du jugement rendu que dans la mesure où le tribunal a refusé de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et, au titre de 1973 et 1975, de majoration exceptionnelle, qui résultent de la réintégration des sommes dont s'agit dans ses bases d'imposition au titre des années 1971 à 1976 ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition : Cons. qu'aux termes de l'article 1649 quinquies A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux notifications faites jusqu'au 31 décembre 1977 : " ... 2. L'administration fait connaître au redevable la nature et les motifs du redressement envisagé ... " ; qu'aux termes du même article, dans sa rédaction applicable aux notifications postérieures au 31 décembre 1977 : " ... 2. Les notifications de redressement doivent être motivées de manière à mettre le contribuable en état de pouvoir formuler ses observations ou faire connaître son acceptation ... " ;
Cons. qu'il résulte de l'examen des pièces du dossier que les notifications qui ont été adressées à Mme X... les 19 décembre 1975, 7 décembre 1976, 29 novembre 1977 et 30 novembre 1978 précisaient la nature et les motifs des redressements envisagés ; qu'elles mettaient le contribuable en mesure de présenter utilement ses observations ; qu'ainsi, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les notifications de redressements qui sont à l'origine des impositions qu'elle conteste ont été faites en méconnaissance des prescriptions susrappelées du 2 de l'article 1649 quinquies A du code général des impôts, dans ses rédactions successives ;
Sur la prescription : Cons., qu'aux termes de l'article 1966 du code général des impôts : " 1. Les omissions totales ou partielles constatées dans l'un quelconque des impôts ou taxes désignées au livre 1er ... ainsi que les erreurs commises dans l'établissement des impositions ou dans le calcul des cotisations peuvent être réparées jusqu'à l'expiration de la quatrième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due " ; qu'aux termes de l'article 1975 du même code, dans la rédaction en vigueur au moment où ont été faites les notifications ci-dessus mentionnées : " Les prescriptions sont interrompues par des notifications de redressements, ... " ;
Cons. que, lorsque l'administration estime que les avantages fiscaux dont sont assortis les engagements d'épargne à long terme prévus à l'article 8 de la loi du 29 novembre 1965, repris à l'article 163 bis A du code général des impôts, ont été irrégulièrement obtenus par un contribuable, elle est en droit, sous le contrôle du juge de l'impôt, de réparer les insuffisances d'imposition qui en résultent pour chacune des années d'imposition au titre desquelles le contribuable a bénéficié des dispositions dont il s'agit, sous réserve que ces années ne soient pas couvertes par la prescription au moment où elle notifie les redressements qu'elle envisage de ce chef ; que la circonstance que l'engagement d'épargne à long terme a été souscrit au cours d'une année sur laquelle l'administration ne peut plus exercer son droit de reprise ne peut avoir pour effet de priver l'administration du droit de rechercher si cet engagement était de ceux auxquels le législateur a attaché les avantages fiscaux institués par les dispositions susrappelées, mais a seulement pour conséquence de faire obstacle à l'établissement du complément d'impôt afférent à ladite année ;
Cons. que les impositions litigieuses ont été comprises dans des rôles mis en recouvrement le 31 juillet 1979 ; qu'à cette date, compte tenu de l'effet interruptif de la prescription qui s'attache aux notifications de redressements des 19 décembre 1975, 7 décembre 1976, 29 novembre 1977 et 30 novembre 1978, l'administration était en droit d'exercer son droit de reprise, dans la limite des redressements portés sur ces notifications, tant au titre de l'année 1971 qu'au titre des années ultérieures ; qu'il suit de là que, sous réserve de ce qui va être dit en ce qui concerne l'année 1971, Mme X... n'est pas fondée à soutenir que les impositions qu'elle conteste ont été établies en méconnaissance des règles qui gouvernent la prescription de l'action de l'administration ;
Cons., toutefois, que la notification du 19 décembre 1975, seule opérée, en ce qui concerne l'année 1971, dans le délai prévu par l'article 1966 du code général des impôts, indiquait un redressement de 272 034 F ; que, dès lors, Mme X... est fondée à soutenir que, bien que le redressement de 273 534 F sur la base duquel a été établie l'imposition contestée mise en recouvrement au titre de l'année 1971 ait été indiqué dans les notifications de redressement ultérieures, relatives aux années 1972 à 1976, la prescription était acquise en ce qui concerne la différence entre ces deux sommes, soit à concurrence de 1 500 F ;
Sur le bien-fondé des impositions : Cons. qu'aux termes de l'article 163 bis A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'espèce, telle qu'elle résulte de l'article 8 de la loi du 29 novembre 1965 et de l'article 10 de l'ordonnance du 17 août 1967 : " I. Les personnes physiques qui prennent des engagements d'épargne à long terme sont exonérées de l'impôt sur le revenu à raison des produits des placements en valeurs mobilières effectués en vertu de ces engagements. II. Le crédit d'impôt ou l'avoir fiscal attaché à ces produits est porté au crédit du compte d'épargne qui retrace les engagements pris. III. Le bénéfice des dispositions qui précèdent est subordonné aux conditions suivantes : a Les épargnants doivent s'engager à effectuer des versements réguliers pendant une période d'une durée minimale qui est fixée par arrêté du ministre de l'économie et des finances et qui ne peut être inférieure à cinq ans ; b Les versements et les produits capitalisés des placements doivent demeurer indisponibles pendant cette même période ; c Les versements effectués chaque année ne doivent pas excéder le quart de la moyenne des revenus d'après lesquels l'épargnant a été soumis à l'impôt sur le revenu au titre des trois années ayant précédé celle de l'engagement ... ; IV. Si le souscripteur ne tient pas ses engagements, les sommes qui ont été exonérées en vertu des dispositions qui précèdent sont ajoutées au revenu imposable de l'année au cours de laquelle les engagements ont cessé d'être respectés. Ces dispositions ne sont pas applicables en cas de force majeure, de décès ou d'invalidité totale du redevable. ; V. Un décret fixera les conditions d'application du présent article, et notamment les conditions dans lesquelles pourront être désignés les établissements autorisés à ouvrir des comptes d'épargne, ainsi que les obligations auxquelles ces établissements et les souscripteurs devront se conformer ... " ;
Cons., d'autre part, qu'aux termes de l'article 1649 quinquies B du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur à la date où les impositions litigieuses ont été établies : " Les actes dissimulant la portée véritable d'un contrat ou d'une convention sous l'apparence de stipulations ... déguisant soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ... ne sont pas opposables à l'administration, laquelle supporte la charge de la preuve du caractère réel de ces actes devant le juge de l'impôt lorsque, pour restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse, elle s'est abstenue de prendre l'avis du comité consultatif dont la composition est indiquée à l'article 1653-C ou lorsqu'elle a établi une taxation non conforme à l'avis de ce comité " ;
Cons. qu'il résulte de l'instruction que Mme X... a acquis, au cours des années 1967, 1968, 1969, 1970 et 1972 en exécution des engagements d'épargne à long terme ci-dessus mentionnés qu'elle avait souscrits, respectivement 50, 50, 110, 171 et 381 actions de la société anonyme Comptoir général pour l'équipement agricole et industriel COGEAI dont elle détenait avec ses enfants, la quasi-totalité des parts, et dont elle était le président-directeur général ; que ces actions, achetées à ses enfants dans le cadre de cessions réciproques entre les membres de la famille, ont été acquises à la même valeur nominale de 1 000 F, alors que le chiffre d'affaires de la société a très fortement augmenté de 1967 à 1972, que le produit de l'action est passé de 96 F en 1967 à 1 735 F en 1972, en raison, entre autres, de la distribution de la totalité des réserves sociales constituées avant la souscription de l'engagement ; que le prix de vente unitaire de cette action a été fixé à 7 100 F en 1973, lorsqu'une cession de titres a été effectuée à l'extérieur de la famille de la requérante ;
Cons. qu'en faisant état de l'ensemble de ces circonstances et constatations, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que l'engagement d'épargne à long terme souscrit par Mme X... avait pour objet, sous l'apparence de stipulations conformes aux dispositions de l'article 163 bis A du code général des impôts, de lui permettre, après cession et rachat à un prix anormalement bas d'actions assurant un produit élevé qu'elle détenait antérieurement, de transférer ces actions sous le régime prévu par cet article, et de bénéficier ainsi d'exonérations d'impôt n'entrant pas dans le champ d'application des mesures d'encouragement à l'épargne décidées par le législateur ; qu'il suit de là que l'administration, en application des dispositions précitées de l'article 1649 quinquies B du code général des impôts, était fondée à estimer, que Mme X... n'était pas en droit de se prévaloir des engagements d'épargne à long terme dont s'agit et à réintégrer, dans les revenus imposables de ce contribuable, les produits des actions souscrites par l'intéressée ainsi que l'avoir fiscal attaché aux produits exonérés ; qu'il suit de là que la requérante peut seulement prétendre, pour les motifs qui ont été exposés précédemment sur la prescription, à ce que la réintégration opérée au titre de l'année 1971 soit limitée à la somme de 272 034 F, correspondant au redressement notifié dans le délai de prescription ;
Cons. qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X... n'est fondée à demander la réformation du jugement attaqué qu'en tant que, par ledit jugement, le tribunal administratif de Paris a rejeté, en totalité, sa demande en décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1971 ; ... cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 1971 établie sur la base du redressement de 272 034 F ; décharge de la différence entre le montant des droits auxquels la requérante a été assujettie au titre de l'année 1971 et le montant de ceux résultant de l'article 1er ci-dessus ; réformation du jugement en ce sens et rejet du surplus .


Synthèse
Formation : 7/8/9 ssr
Numéro d'arrêt : 38320
Date de la décision : 03/02/1984
Sens de l'arrêt : Réformation décharge
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - REDRESSEMENT - Notification - Article 1649 quinquies A [rédaction applicable aux notifications faites jusqu'au 31-12-1977].

19-01-03-02 Application de l'article 1649 quinquies A [rédaction applicable aux notifications faites jusqu'au 31 décembre 1977]. Les notifications adressées au contribuable précisaient la nature et les motifs des redressements envisagés, le mettant ainsi en mesure de présenter utilement ses observations : procédure régulière.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - ABUS DE DROIT - Abus de droit démontré par l'administration - en l'absence d'avis du comité consultatif.

19-01-03-04 L'administration est en droit de se prévaloir du caractère fictif d'un engagement d'épargne à long terme contracté au cours d'une année prescrite. Mais elle ne peut exercer son droit de reprise que sur les années non prescrites.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - PRESCRIPTION - Portée de la prescription - Ce que l'administration peut encore faire après l'expiration du délai.

19-01-03-03 Un contribuable acquiert de membres de sa famille, dans le cadre d'un engagement d'épargne à long terme, sous l'apparence de stipulations conformes aux dispositions de l'article 163 bis A du C.G.I., à un prix anormalement bas, des actions qu'il détenait antérieurement et assurant un produit élevé. Il transfère ensuite ces actions sous le régime prévu par l'article 163 bis A, entendant bénéficier ainsi d'exonérations d'impôt n'entrant pas dans le champ d'application des mesures d'encouragement à l'épargne décidées par le législateur. En faisant état de l'ensemble de ces circonstances et constatations, l'administration apporte la preuve qui lui incombe pour l'application de l'article 1649 quinquies B. Abus de droit. Réintégration justifiée.


Références :

CGI 163 bis A
CGI 1649 quinquies A 2 [1975]
CGI 1649 quinquies B [1975]
CGI 1966 1
CGI 1975
LOI 65-997 du 29 novembre 1965 art. 8
Ordonnance 67-694 du 17 août 1967


Publications
Proposition de citation : CE, 03 fév. 1984, n° 38320
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. de Bresson
Rapporteur ?: M. Roson
Rapporteur public ?: M. Bissara

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1984:38320.19840203
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