La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/07/1984 | FRANCE | N°21733

France | France, Conseil d'État, Assemblee, 11 juillet 1984, 21733


Requête de M. X..., tendant à :
l'annulation de la décision du 3 octobre 1979, de la section disciplinaire du conseil national de l'ordre des médecins confirmant la décision du conseil régional de l'ordre des médecins de Paris du 5 avril 1979 le suspendant du droit d'exercer la médecine pour une durée de six mois ;
Vu le code de la santé publique ; le décret du 4 mars 1959 ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; la loi du 30 décembre 1977 ;
Sur les moyens tirés de l'illégalité de l'article 8 du décret du 4 mars 1959 en vertu duquel

la décision attaquée a été prise : Considérant que la Constitution du 4 o...

Requête de M. X..., tendant à :
l'annulation de la décision du 3 octobre 1979, de la section disciplinaire du conseil national de l'ordre des médecins confirmant la décision du conseil régional de l'ordre des médecins de Paris du 5 avril 1979 le suspendant du droit d'exercer la médecine pour une durée de six mois ;
Vu le code de la santé publique ; le décret du 4 mars 1959 ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; la loi du 30 décembre 1977 ;
Sur les moyens tirés de l'illégalité de l'article 8 du décret du 4 mars 1959 en vertu duquel la décision attaquée a été prise : Considérant que la Constitution du 4 octobre 1958 dispose dans son article 37 que : " les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire. Les textes de forme législative intervenus en ces matières peuvent être modifiés par décret pris après avis du Conseil d'Etat " ; qu'en vertu de l'article 34 " la loi fixe les règles concernant ... les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques " ; que si au nombre de ces libertés publiques figure le libre accès à l'exercice par les citoyens d'une activité professionnelle n'ayant fait l'objet d'aucune limitation légale, il résulte des dispositions des articles L. 372-4° et L. 412 du code de la santé publique que l'exercice de la profession médicale est subordonné à une inscription au tableau de l'ordre des médecins et qu'aux termes de l'article L. 382 du même code " l'ordre des médecins veille au maintien des principes de moralité, de probité et de dévouement indispensables à l'exercice de la médecine et à l'observation par tous ses membres des devoirs professionnels " ; que compte tenu des limitations qui ont été ainsi apportées par la loi à l'exercice de la profession médicale les dispositions de l'article L. 460 du code la santé publique, qui permettaient au conseil régional de l'ordre " dans les cas d'infirmité ou d'état pathologique rendant dangereux l'exercice de la profession " de prononcer, après expertise médicale, la suspension temporaire du droit d'exercer, ne pouvaient être regardées comme ayant édicté une mesure relevant du domaine de la loi par application des dispositions précitées de l'article 34 de la Constitution ; que, par suite, en substituant à l'article L. 460 du code de la santé publique, par l'article 8 du décret en Conseil d'Etat du 4 mars 1959, des dispositions réglementaires qui confèrent à nouveau au conseil régional le pouvoir de suspension temporaire précédemment prévu à l'article L. 460 et se bornent à en modifier certaines modalités d'exercice, le gouvernement n'a fait qu'user dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques, des pouvoirs qu'il tient de l'article 37 de la Constitution ;
Cons, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les dispositions attaquées ont été prises en vue de préserver la santé et la sécurité publiques ; que, dès lors, la circonstance que des mesures de même nature n'auraient pas été prises pour d'autres professions, est sans influence sur leur légalité ; que, par suite, M. X... n'est pas fondé à se prévaloir d'une prétendue atteinte au principe d'égalité devant la loi ;
Cons. que, si les dispositions réglementaires substituées par le décret du 4 mars 1959 à l'article L. 460 du code de la santé publique prévoient que l'expertise, à laquelle le conseil régional ou la section disciplinaire du conseil national peuvent subordonner la reprise de son activité professionnelle par le médecin suspendu, est effectuée à la diligence du conseil départemental et ne permettent pas au médecin, en cas de carence de ce conseil, de faire procéder lui-même à cette expertise, elles ne font pas obstacle à ce qu'en pareil cas, l'intéressé puisse défendre ses droits en exerçant les recours administratifs et contentieux de droit commun ; qu'ainsi M. X... n'est pas fondé à soutenir que le décret du 4 mars 1959 méconnaît les droits de la défense ;
Cons. enfin que la procédure de suspension organisée par le décret du 4 mars 1959 n'a pas un caractère juridictionnel ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation de la règle de double degré de juridiction est en tout état de cause inopérant ;
Sur les moyens tirés d'irrégularités de la procédure à l'issue de laquelle la décision attaquée a été prise : Cons. que la circonstance que le conseil régional de Paris de l'ordre des médecins, pour suspendre M. X... du droit d'exercer la médecine pour une durée de six mois, se serait borné à entériner les termes du rapport d'expertise, est sans influence sur la légalité de la décision attaquée, par laquelle la section disciplinaire du conseil national a confirmé cette suspension ;
Cons. que si, aux termes des dispositions de l'article 8 du décret du 4 mars 1959, le rapport au vu duquel la suspension peut être prononcée " est établi par trois médecins experts désignés l'un par l'intéressé ou sa famille, l'autre par le conseil départemental et le troisième par les deux autres ", l'ordre dans lequel sont désignés les deux premiers experts est sans influence sur la régularité de l'expertise ; qu'il ne ressort des pièces du dossier ni que M. X... n'ait pas pu choisir librement l'expert qu'il a désigné, ni que l'expert désigné par le conseil départemental aurait manqué à l'obligation d'impartialité à laquelle il était tenu ; que la circonstance que la date de l'examen de M. X... mentionnée dans le rapport serait erronée est sans influence sur la régularité de l'expertise ; qu'il n'est pas établi que celle-ci aurait été effectuée après l'expiration du délai de deux mois prévu par l'article 8 du décret du 4 mars 1959 lequel, au surplus, n'est pas imparti à peine de nullité ; que la section disciplinaire n'était pas tenue d'ordonner la nouvelle expertise demandée par M. X... ;
Cons. que les décisions de la section disciplinaire du conseil national de l'ordre des médecins statuant en matière de suspension temporaire du droit d'exercer la médecine, dans le cas d'infirmité ou d'état pathologique, n'ont pas le caractère de décisions juridictionnelles ; que, par suite, la section disciplinaire, n'étant pas tenue, de respecter les règles de procédure qui s'imposent aux seules juridictions administratives, n'a commis aucune irrégularité en s'abstenant de répondre aux arguments présentés devant elle par M. X... por sa défense ;
Cons. qu'aucune disposition ayant force de loi ou règlement n'oblige la section disciplinaire statuant en matière de suspension temporaire à rendre ses décisions en séance publique ;
Cons. que la circonstance que la procédure de suspension temporaire ait été engagée à la suite des explications données par M. X... sur des faits qui auraient pu donner lieu à des poursuites disciplinaires n'est pas de nature à faire regarder la décision de suspension prise à l'encontre de l'intéressé en raison de son état pathologique comme entachée d'un détournement de procédure ;
Sur le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 8 du décret du 4 mars 1959 : Cons. qu'il ressort des pièces versées au dossier et notamment du rapport des experts que M. X... était atteint d'un état pathologique de nature à justifier légalement une mesure de suspension temporaire du droit d'exercer la médecine par application des dispositions de l'article 8 du décret du 4 mars 1959 ; que la circonstance que la décision attaquée se borne à mentionner que l'état de M. X... était incompatible avec l'exercice normal de la profession médicale sans préciser qu'il rendait cet exercice dangereux est sans influence sur la légalité de cette décision ;
Cons. que, de tout ce qui précède, il résulte que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision de la section disciplinaire du conseil national de l'ordre des médecins, en date du 3 octobre 1979 ;
rejet .N
1 Rappr. Section, de Laboulaye, 28 oct. 1960, p. 570.


Synthèse
Formation : Assemblee
Numéro d'arrêt : 21733
Date de la décision : 11/07/1984
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

- RJ1 ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - COMPETENCE - LOI ET REGLEMENT - ARTICLES 34 ET 37 DE LA CONSTITUTION - MESURES RELEVANT DU DOMAINE DU REGLEMENT - Suspension temporaire du droit d'exercer la médecine en raison de l'état de santé du praticien.

01-02-01-03, 55-03-03, 61-01 Si au nombre des libertés publiques auxquelles se réfère l'article 34 de la Constitution figure le libre accès à l'exercice par les citoyens d'une activité professionnelle n'ayant fait l'objet d'aucune limitation légale, il résulte des dispositions des articles L.372-4 et L.412 du code de la santé publique que l'exercice de la profession médicale est subordonné à une inscription au tableau de l'ordre des médecins et qu'aux termes de l'article L.382 du même code "l'ordre des médecins veille au maintien des principes de moralité, de probité et de dévouement indispensables à l'exercice de la médecine et à l'observation par tous ses membres des devoirs professionnels". Compte tenu des limitations qui ont été ainsi apportées par la loi à l'exercice de la profession médicale, les dispositions de l'article L.460 du code de la santé publique, qui permettaient au conseil régional de l'ordre "dans les cas d'infirmité ou d'état pathologique rendant dangereux l'exercice de la profession" de prononcer, après expertise médicale, la suspension temporaire du droit d'exercer, ne pouvaient être regardées comme ayant édicté une mesure relevant du domaine de la loi par application des dispositions précitées de l'article 34 de la Constitution. Par suite, en substituant à l'article L.460 du code de la santé publique, par l'article 8 du décret en Conseil d'Etat du 4 mars 1959, des dispositions réglementaires qui confèrent à nouveau au conseil régional le pouvoir de suspension temporaire précédemment prévu à l'article L.460 et se bornent à en modifier certaines modalités d'exercice, le gouvernement n'a fait qu'user, dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques, des pouvoirs qu'il tient de l'article 37 de la Constitution [1].

- RJ1 PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - ACCES AUX PROFESSIONS - CONDITIONS D'EXERCICE DES PROFESSIONS - MEDECINS - Exercice de la profession - Suspension temporaire du droit d'exercer en raison de l'état de santé du praticien - Dispositions de l'article 8 du décret du 4 mars 1959 substituées aux dispositions de l'article L - 460 du code de la santé publique - Légalité.

55-03-03, 61-01 Ces dispositions ont été prises en vue de préserver la santé et la sécurité publique. Dès lors, la circonstance que des mesures de même nature n'auraient pas été prises pour d'autres professions, est sans influence sur leur légalité.

- RJ1 SANTE PUBLIQUE - POLICE ET REGLEMENTATION SANITAIRE - Suspension temporaire du droit d'exercer la médecine en raison de l'état de santé du praticien - Décret du 4 mars 1959 - Légalité.


Références :

Code de la santé publique L372-4, L412, L382, L460
Constitution du 04 octobre 1958 art. 34, art. 37
Décret 59-388 du 04 mars 1959 art. 8

1. RAPPR. Section, de Laboulaye, 1960-10-28, p. 570


Publications
Proposition de citation : CE, 11 jui. 1984, n° 21733
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Nicolay
Rapporteur ?: M. Schneider
Rapporteur public ?: M. Roux

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1984:21733.19840711
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award