Requête de la S.A.R.L. Barlocher-France-Production tendant à :
1° l'annulation du jugement du 24 octobre 1978 du tribunal administratif de Strasbourg rejetant sa demande tendant, d'une part, à l'annulation d'une décision du ministre de l'équipement en date du 24 février 1975 refusant d'approuver la vente intervenue entre elle et le port autonome de Strasbourg d'un terrain ainsi qu'à l'annulation du refus implicite opposé à son recours gracieux du 20 mars 1975, et d'autre part à la condamnation solidaire de l'Etat et du port autonome à lui verser une indemnité de 28 000 000 F en réparation du préjudice subi du fait de ce refus ;
2° l'annulation desdites décisions ;
3° la condamnation de l'Etat et du port autonome de Strasbourg conjointement et solidairement à lui verser la somme de 28 000 000 F avec les intérêts ;
Vu la loi du 26 avril 1924 ; le décret du 27 septembre 1925 ; le décret du 24 juillet 1939 ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; la loi du 30 décembre 1977 ;
En ce qui concerne la légalité de la décision du 24 février 1975 par laquelle le ministre de l'environnement a refusé d'approuver le contrat de vente d'un terrain conclu entre le port autonome de Strasbourg et la société requérante : Considérant, en premier lieu, que le refus du ministre de l'environnement d'approuver le contrat de vente d'un terrain appartenant au port autonome de Strasbourg, conclu entre le port et la société Barlocher-France, a été motivé par le souci d'éviter pour le port des difficultés financières importantes créées par le refus des communes avoisinantes, en raison de leur opposition à l'implantation de la société, de participer au financement d'équipements rendus nécessaires par cette implantation ; qu'un tel motif, dont l'inexactitude matérielle n'est pas établie, et dont il ne ressort pas du dossier qu'il reposerait sur une erreur manifeste d'appréciation, était de nature à justifier de la part de l'autorité de tutelle le refus d'approbation attaqué ;
Cons., en second lieu, que l'autorisation d'ouverture d'un établissement classé, l'octroi d'un permis de construire et l'approbation du contrat de vente litigieux interviennent en vertu de législations distinctes et suivant des procédures indépendantes et sont des actes sans connexité les uns avec les autres ; qu'ainsi la circonstance que la société ait obtenu l'autorisation d'ouvrir son établissement et le permis de construire les installations ne lui donnait aucun droit à l'approbation du contrat de vente des terrains d'implantation ;
Cons., en troisième lieu, que, comme il a été dit ci-dessus, le ministre a fait légalement usage de ses pouvoirs de tutelle pour refuser d'approuver le contrat ; que dans ces conditions, la circonstance que ce refus ait eu pour conséquence de rendre sans effet l'autorisation d'ouverture et le permis de construire antérieurement délivrés n'est pas de nature à l'entacher du vice de détournement de procédure ;
Cons. enfin que si la société soutient que le refus du ministre a été motivé en fait par les pressions des municipalités voisines, opposées à l'implantation de l'établissement, cette opposition étant, comme il a été dit ci-dessus, la source des difficultés financières que risquait de subir le port autonome et sur lesquelles le ministre a fondé son refus, le moyen tiré d'un détournement de pouvoir est dépourvu de tout fondement ;
Cons. qu'il résulte de ce qui précède, que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée est entachée d'illégalité ;
En ce qui concerne les conclusions à fins d'indemnité :
Sur les conclusions dirigées contre l'Etat : Cons., d'une part, qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que la société n'est pas fondée à se prévaloir, à l'appui de sa demande d'indemnité, d'une prétendue illégalité de la décision de refus d'approbation ;
Cons., d'autre part, que si la société soutient que les services de l'Etat l'auraient fautivement encouragée à s'installer dans la zone considérée par la délivrance d'une autorisation d'ouverture d'établissement classé, la promesse de primes de développement régional et l'octroi d'un permis de construire, et l'aurait ainsi amenée à exposer des frais inutiles, ces décisions n'ont été accompagnées d'aucun engagement relatif à l'approbation de la vente des terrains d'implantation, et ne pouvaient être regardées comme préjugeant cette approbation ; qu'il est d'ailleurs constant qu'elles sont intervenues avant même la date de signature du contrat de vente de ces terrains ; qu'ainsi la société n'est pas fondée à se prévaloir d'incitations suivies de prétendus revirements, ou de promesses non tenues, pour réclamer une indemnité ;
Cons. enfin que si la responsabilité de la puissance publique peut se trouver engagée, même sans faute, sur le fondement du principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques, au cas où une mesure légalement prise a pour effet d'entraîner au détriment d'une personne physique ou morale un préjudice spécial et d'une certaine gravité, il n'en est pas ainsi en l'espèce alors qu'en raison des termes formels du contrat conclu entre la société et le port autonome, qui avait été passé " sous la condition suspensive de son approbation par le ministère de l'équipement ... ", la société ne pouvait ignorer l'aléa que comportait nécessairement la passation d'un tel contrat ; qu'elle devait normalement envisager l'éventualité où, pour des motifs légitimes, comme celui qui a été retenu, l'approbation sollicitée lui serait refusée ; qu'ayant ainsi assumé ce risque en toute connaissance de cause, elle ne saurait utilement soutenir que l'Etat doit supporter les conséquences onéreuses résultant pour elle du refus d'approbation du contrat ;
Sur les conclusions dirigées contre le port autonome de Strasbourg : Cons. qu'en admettant même que, comme le prétend la société, le port autonome l'aurait assurée que l'approbation de l'Etat serait accordée sans difficulté, ladite société aurait commis une imprudence de nature à engager sa seule responsabilité en se fondant sur les affirmations d'une autorité autre que celle qui devait prendre la décision litigieuse ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le port autonome, la société n'est pas fondée à soutenir que le port aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
Cons. que de tout ce qui précède, la société Barlocher-France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les conclusions de sa demande ;
rejet .N
1 Cf. Ass., Société manufacture des machines du Haut-Rhin, 29 juin 1962, p. 432.