Requête de la société Smanor et autre tendant à ce que le Conseil d'Etat annule l'article 2 du décret n° 82-184 du 22 février 1982 modifiant le décret n° 63-695 du 10 juillet 1963 portant application de la loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes en ce qui concerne les laits fermentés et le yaourt du yoghourt ;
Vu la loi du 1er août 1905 ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; la loi du 30 décembre 1977 ;
Considérant ... jonction ; . .
Sur l'intervention du syndicat national des fabricants de produits laitiers frais : Cons. que le syndicat national des fabricants de produits laitiers frais a intérêt au maintien du décret attaqué ; qu'ainsi son intervention est recevable ;
Sur la légalité des dispositions attaquées du décret du 22 février 1982 : Cons. qu'en vertu de l'article 11 de la loi du 1er août 1905 modifiée dans sa rédaction résultant de l'article 14 de la loi du 10 janvier 1978 sur la protection et l'information des consommateurs de produits et services " Il sera statué par des règlements d'administration publique sur les mesures à prendre pour assurer l'exécution de la présente loi, notamment en ce qui concerne : ... 2° ... la définition, la composition et la dénomination des marchandises de toute nature, les traitements licites dont elles peuvent être l'objet, les caractéristiques qui la rendent impropres à la consommation " ; que l'appréciation à laquelle se livre le gouvernement, sur le fondement de la loi précitée, pour réglementer la dénomination des marchandises peut être discutée devant le juge de la légalité par des moyens tirés tant d'une erreur manifeste viciant cette appréciation que de l'inexactitude matérielle des faits sur lesquels elle est fondée ;
Cons. que le décret attaqué, dans celles de ses dispositions que contestent les requérants, dispose, d'une part, que " la dénomination yaourt ou yogourt est réservée au lait fermenté frais, obtenu selon les usages loyaux et constants par le développement des seules bactéries lactiques thermophiles spécifiques dites lactobacillus bulgaricus et streptococcus thermophilus qui doivent être ensemencées simultanément et se trouver vivantes dans le produit mis en vente à raison d'au moins 100 millions de bactéries par gramme ", et, d'autre part, que " le yaourt ou yogourt ne doit faire l'objet après coagulation du lait d'aucun traitement autre que la réfrigération et éventuellement le brassage " ; que ces dispositions ont pour objet et pour effet d'interdire la vente en France sous la dénomination " yaourt " ou " yogourt " des yaourts surgelés ; que, à l'appui de leur requête, la société Smanor et le syndicat national des fabricants de produits surgelés et congelés soutiennent que les yaourts surgelés présentent les mêmes caractéristiques que les yaourts n'ayant pas subi de surgélation et que, notamment, sur le plan biologique, les bactéries lactiques se trouvent vivantes dans le produit mis en vente ; que si l'administration soutient qu'il existe entre les yaourts frais et les yaourts surgelés des différences telles qu'elles justifient l'interdiction faite à ces derniers d'être vendus sous l'appellation yaourts, l'état de l'instruction ne permet pas au Conseil d'Etat de se prononcer sur le moyen de la requête tiré de ce que les dispositions précitées du décret attaqué reposeraient sur des motifs entachés d'inexactitude matérielle ou d'erreur manifeste d'appréciation ; qu'il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, d'ordonner avant-dire-droit une expertise aux fins de déterminer si et, dans l'affirmative, dans quelle mesure, les yaourts, qui ont subi une congélation rapide dans les conditions fixées par le décret n° 64-949 du 9 septembre 1964 portant application de la loi du 1er août 1905 en ce qui concerne les produits surgelés diffèrent, du point de vue de leurs caractéristiques nutritionnelles, organoleptiques, chimiques et, plus particulièrement, biologiques des yaourts vendus frais ;
intervention admise ; expertise en vue de déterminer si et, dans l'affirmative, dans quelle mesure les yaourts qui ont subi une congélation rapide dans les conditions ci-dessus mentionnées diffèrent, du point de vue de leurs caractéristiques nutritionnelles, organoleptiques, chimiques et, plus particulièrement, biologiques des yaourts vendus frais .N
1 Cf. S. S.A. " Pierre X... ", 19 nov. 1971, p. 691.
2 Cf. Institut national des appellation d'origine des vins et eaux de vie I.N.A.O. c/ Roussot, 2 mars 1979, p. 90.