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22/11/1985 | FRANCE | N°41424;41254

France | France, Conseil d'État, 4 / 1 ssr, 22 novembre 1985, 41424 et 41254


Requête de la compagnie d'assurances The Yorkshire Insurance Company Limited tendant à :
1° l'annulation du jugement du 2 février 1982 par lequel, le tribunal administratif de Paris a rejeté la requête de la compagnie d'assurance Gresham Fire and Accident Insurance Society Limited tendant à voir l'Etat déclaré responsable des 3/5e des conséquences dommageables de l'incendie du C.E.S. Pailleron survenu le 6 février 1973, et à ce que l'Etat soit condamné de ce fait à lui rembourser la somme de 1 115 367,37 F ;
2° la condamnation de l'Etat au paiement de ladite somme, ave

c intérêts de droit à compter du 18 mars 1980 et capitalisation des ...

Requête de la compagnie d'assurances The Yorkshire Insurance Company Limited tendant à :
1° l'annulation du jugement du 2 février 1982 par lequel, le tribunal administratif de Paris a rejeté la requête de la compagnie d'assurance Gresham Fire and Accident Insurance Society Limited tendant à voir l'Etat déclaré responsable des 3/5e des conséquences dommageables de l'incendie du C.E.S. Pailleron survenu le 6 février 1973, et à ce que l'Etat soit condamné de ce fait à lui rembourser la somme de 1 115 367,37 F ;
2° la condamnation de l'Etat au paiement de ladite somme, avec intérêts de droit à compter du 18 mars 1980 et capitalisation des intérêts le 7 avril 1982, à la compagnie d'assurance requérante, venue aux droits de la compagnie Gresham Fire and Accident Society Limited ;
Requête de la S.A. d'assurances Via Assurances I.A.R.D. Nord et Le Monde, tendant à :
1° l'annulation du jugement du 2 février 1982 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté la requête de la compagnie d'assurances Le Monde tendant à voir l'Etat déclaré responsable des 3/5e des conséquences dommageables de l'incendie du C.E.S. Pailleron survenu le 6 février 1973, et à ce que l'Etat soit condamné de ce fait à lui rembourser la somme de 1 115 367,37 F ;
2° la condamnation de l'Etat au paiement de ladite somme, avec intérêts de droits à compter du 18 mars 1980 et capitalisation des intérêts le 1er avril 1982, à la compagnie d'assurance requérante, venue aux droits de la compagnie Le Monde ;
Vu le décret n° 62-1409 du 27 novembre 1962 ; le code des tribunaux administratifs ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; la loi du 30 décembre 1977 ;
Considérant ... jonction ; . .
Cons. que les compagnies d'assurances Le Monde et Gresham Fire and Accident Insurance Company Limited ont, en tant qu'assureur des parents, déclarés civilement responsables, des deux mineurs condamnés par la juridiction judiciaire pour l'incendie volontaire du collège d'enseignement secondaire Pailleron à Paris survenu le 6 février 1973, été tenues de verser aux parties civiles des indemnités se montant pour chacune d'elles à 1 858 945,70 F ; que, la compagnie d'assurance The Yorkshire Insurance Company Limited, venue aux droits de la compagnie Gresham Fire and Accident Insurance Company Limited, et la société anonyme Via Assurance I.A.R.D. Nord et Le Monde, subrogées dans les droits des victimes dans la limite des droits de leurs assurés demandent que l'Etat soit condamné à leur verser à chacune une indemnité égale aux 3/5e des sommes versées, soit 1 115 367,37 F, en invoquant les fautes commises par l'Etat dont trois agents ont été, de même que l'architecte et l'entrepreneur, déclarés coupables de délits d'homicides et blessures involontaires ;
Cons. qu'il résulte de l'instruction que le collège d'enseignement secondaire Pailleron n'était pas conforme aux normes de sécurité et que les contrôles nécessaires pour déceler cette anomalie n'ont pas été normalement réalisés ; que le procédé de construction retenu pour ledit collège a été agréé par le ministre de l'éducation nationale en dépit des défauts qu'il comportait ; que l'exécution même de la construction, l'Etat ayant la qualité de maître d'ouvrage délégué en vertu d'une convention en date du 26 mars 1969 passée entre la ville de Paris et l'Etat en application du décret susvisé du 27 novembre 1962, a été déficiente ; que ces circonstances, qui résultent de négligences et d'imprudences graves des services administratifs responsables, sont constitutives de fautes ; que les défauts qui ont par suite entaché la construction du bâtiment ont facilité la propagation et le développement anormalement rapides de l'incendie et ont rendu impossible notamment l'évacuation en temps utile de la plupart des victimes ; que les fautes relevées doivent dès lors être regardées comme ayant directement concouru au préjudice et sont de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
Cons. qu'eu égard à la gravité de la faute des enfants qui ont allumé l'incendie, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en déclarant l'Etat responsable de 1/5e des conséquences dommageables de l'accident ; que, par suite, les requérantes sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a déchargé l'Etat de toute responsabilité ; que ledit jugement doit dès lors être annulé et l'Etat condamné à réparer le 1/5e du préjudice indemnisable subi par les requérantes ;
Cons. que n'est pas contestée la première évaluation des préjudices résultant du sinistre soit 3 717 891,40 F, d'ailleurs retenue par les juridictions judiciaires, et en vertu de laquelle chacune des compagnies d'assurances requérantes a versé aux parties civiles des indemnités se montant à 1 858 945,70 F, correspondant à la moitié du préjudice ainsi déterminé ;
Cons. toutefois que, devant le Conseil d'Etat, la compagnie d'assurance The York- shire Insurance Company Limited soutient avoir dû, outre l'indemnité de 1 858 945,70 F dont elle a justifié en première instance, verser des sommes dont le total se monte à 278 484,65 F et qui correspondent à des rentes servies à certaines des victimes ; que les frais dont s'agit ont été exposés par la requérante avant même que le tribunal administratif ait statué et que la demande tendant à voir pris en compte lesdits frais dans le calcul de l'indemnité qui lui est due doit dès lors être déclarée irrecevable comme présentée pour la première fois en appel ;
Cons. que la S.A. Via Assurances I.A.R.D. Nord et Le Monde a présenté la même demande qui doit être rejetée pour les mêmes motifs ; qu'en outre elle justifie de frais exposés postérieurement au jugement du tribunal administratif, à concurrence de 52 609,03 F, correspondant aux rentes servies à certaines victimes à la suite du sinistre ; que cette dernière demande est recevable ;
Cons. qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de condamner l'Etat à payer une indemnité de 371 789,15 F à la Yorkshire Insurance Company Limited et une indemnité de 382 310,95 F à la société anonyme Via Assurances I.A.R.D. Nord et Le Monde ;
Sur les intérêts : Cons. que chacune des requérantes a droit aux intérêts calculés sur 371 789,15 F à compter du 18 mars 1980 date à laquelle les requérantes ont adressé au ministre de l'éducation nationale une première demande récursoire ; qu'en outre la somme de 10 521,06 F due à la société anonyme Via Assurances I.A.R.D. Nord et Le Monde à la suite de sa demande complémentaire du 13 février 1984, porte intérêt à compter de cette dernière date ;
Sur les intérêts des intérêts : Cons. que la capitalisation des intérêts a été demandée par la compagnie Yorkshire Insurance Company Limited le 7 avril 1982 et par la société anonyme Via Assurance I.A.R.D. Nord et Le Monde les 1er avril 1982 et 25 janvier 1984 ; qu'à ces dates, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces demandes ;
annulation du jugement, condamnation de l'Etat à verser à la compagnie d'assurance The Yorkshire Insurance Company Limited une indemnité de 371 789,15 F, avec intérêt au taux légal à compter du 18 mars 1980, avec capitalisation des intérêts échus les 7 avril 1982 et 25 janvier 1984 à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts, et à verser à la société anonyme Via Assurances I.A.R.D. Nord et Le Monde : 1° Une indemnité de 371 789 15 F avec intérêt au taux légal à compter du 18 mars 1980, avec capitalisation des intérêts échus les 1er avril 1982 et 25 janvier 1984 à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts et une indemnité de 10 521,06 F, avec intérêt au taux légal à compter du 13 février 1984, rejet du surplus des conclusions des requêtes .N
1 Rappr. Section, S.A.R.L. Cinq-Sept, 7 mars 1980, p. 129 ; Assurance mutuelle universitaire, 10 oct. 1980, p. 360.


Sens de l'arrêt : Annulation totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - RESPONSABILITE POUR FAUTE - APPLICATION D'UN REGIME DE FAUTE SIMPLE - Enseignement - Sinistre dû à l'incendie volontaire d'un collège d'enseignement secondaire - Négligences et imprudences graves des services administratifs à l'occasion de la construction du collège - Faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

60-01-02-02-02 Collège d'enseignement secondaire non conforme aux normes de sécurité. Contrôles nécessaires pour décéler cette anomalie n'ayant pas été normalement réalisés. Procédé de construction retenu pour ledit collège ayant été agréé par le ministre de l'éducation nationale en dépit des défauts qu'il comportait. Exécution même de la construction, pour laquelle l'Etat avait la qualité de maître d'ouvrage délégué, ayant été déficiente. Ces circonstances, résultant de négligences et d'imprudences graves des services administratifs responsables, sont constitutives de fautes. Les défauts qui ont, par suite, entaché la construction du bâtiment ayant facilité la propagation et le développement anormalement rapides de l'incendie et ayant rendu impossible notamment l'évacuation en temps utile de la plupart des victimes, les fautes relevées doivent, dès lors, être regardées comme ayant directement concouru au préjudice et sont de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - PROBLEMES D'IMPUTABILITE - PERSONNES RESPONSABLES - COLLECTIVITE PUBLIQUE OU PERSONNE PRIVEE - Sinistre dû à l'incendie volontaire d'un collège d'enseignement secondaire provoqué par deux mineurs - Recours de l'assureur des parents déclarés civilement responsables contre l'Etat maître de l'ouvrage délégué.

60-05-03-02 Assureurs des parents, déclarés civilement responsables, des deux mineurs condamnés par la juridiction judiciaire pour l'incendie volontaire d'un collège d'enseignement secondaire, ayant été tenus de verser des indemnités aux parties civiles. Ces assureurs sont subrogés dans les droits des victimes dans la limite des droits de leurs assurés et peuvent demander que l'Etat soit condamné à leur verser une indemnité égale à une fraction des sommes versées, en invoquant les fautes commises par l'Etat.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - CAUSES EXONERATOIRES DE RESPONSABILITE - FAUTE DE LA VICTIME - Existence - Sinistre dû à l'incendie - allumé par des enfants - d'un collège d'enseignement secondaire.

60-03-02-01, 60-04-02-01 Incendie volontaire d'un collège d'enseignement secondaire provoqué par deux mineurs, dont les parents ont été déclarés civilement responsables du dommage par les tribunaux judiciaires. Recours de l'assureur des parents devant le juge administratif. Les défauts qui, par suite de négligences et d'imprudences graves des services administratifs responsables, avaient entaché la construction du bâtiment, ont facilité la propagation et le développement anormalement rapides de l'incendie et rendu impossible notamment l'évacuation en temps utile de la plupart des victimes. Les fautes relevées sont de nature à engager la responsabilité de l'Etat. Mais la gravité de la faute des enfants qui ont allumé l'incendie atténue cette responsabilité à concurrence des 4/5èmes.

- RJ1 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RECOURS OUVERTS AUX DEBITEURS DE L'INDEMNITE - AUX ASSUREURS DE LA VICTIME ET AUX CAISSES DE SECURITE SOCIALE - SUBROGATION - SUBROGATION DE L'ASSUREUR - Existence d'une subrogation - Assureurs des personnes condamnées par les tribunaux judiciaires à la suite des actions introduites par les victimes - Recours contre l'Etat co-auteur du dommage - Subrogation des assureurs dans les droits des victimes [1].


Références :

Décret 62-1409 du 27 novembre 1962

1.

Rappr. Section, S.A.R.L. Cinq-Sept, 1980-03-07, p. 129 ;

Assurance mutuelle universitaire, 1980-10-10, p. 360


Publications
Proposition de citation: CE, 22 nov. 1985, n° 41424;41254
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Coudurier
Rapporteur ?: M. Faugère
Rapporteur public ?: M. Daël

Origine de la décision
Formation : 4 / 1 ssr
Date de la décision : 22/11/1985
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 41424;41254
Numéro NOR : CETATEXT000007694038 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1985-11-22;41424 ?
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